12 octobre 1984 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, devant les assemblées régionales d'Aquitaine, sur les orientations de la politique gouvernementale pour la région Aquitaine, à l'auditorium de Bordeaux-Lac, vendredi 12 octobre 1984.

Monsieur le président,
- Mesdames et messieurs,
- Décentralisation, élargissement, modernisation, tels sont les trois thèmes majeurs que j'ai relevés dans l'exposé de M. le président de la région Aquitaine `Philippe Madrelle`. Telles sont bien, sans doute, les grandes lignes de force autour desquelles s'organisent vos raisonnements et vos projets. J'essaierai d'y répondre et j'entrerai parfois dans les détails lorsque c'est nécessaire. Je ne ferai pas le tour exaustif des choses, les interrogations qui n'ont pas reçu réponse ce matin et qui sont contenues dans cet exposé, je m'efforcerai de leur donner suite en demandant au gouvernement, bien entendu, de prendre ses choix ses responsabilités.
- Vous m'avez, monsieur le président, interrogé sur les grands dossiers de l'Aquitaine pour lesquels, au nom des élus régionaux, vous attendez, et vous avez raison, une attitude claire de l'Etat.
- Il faut que je reste dans mon rôle. Il est de fixer les grandes orientations de la politique française, celle du gouvernement. Mais non plus ou non pas d'entrer dans trop de considérations, importantes, certes, au -plan régional et local, mais qui ne sont pas directement de ma compétence.
- C'est cet avenir que je souhaite éclairer ce matin, en commençant par le -cadre dans lequel il s'inscrit -je veux dire l'environnement futur de l'Aquitaine. Vous l'avez défini, monsieur le président et vous, mesdames et messieurs les élus régionaux, à travers le contrat de plan avec l'Etat et aussi à travers - vous l'avez rappelé - le Fonds européen de développement régional `FEDER`, avec la Communauté européenne.
- Le contrat de plan entre l'Etat et la région Aquitaine est, à plus d'un titre, exemplaire. Les neufs objectifs retenus visent à faire de l'Aquitaine une région industrielle moderne par le soutien à l'investissement, à la recherche, aux technologies nouvelles, à la communication électronique, à l'éducation, à la formation, enfin, bien entendu, à l'emploi, et à tirer parti de ces atouts déjà bien exploités : agriculture, tourisme, ressources naturelles, culture et à réduire les inégalités entre les lieux, par le désenclavement, l'amélioration des moyens de communication et entre les hommes, notamment par la réhabitation des quartiers dégradés.
- Aux termes de ce contrat, l'Etat et la région ont pris des engagements. Je veillerai à ce que ceux de l'Etat soient tenus.\
Quant au programme du Fonds européen de développement régional, en faveur des trois régions du grand Sud-Ouest, c'est un aspect de l'effort dont doit bénéficier légitimement l'Aquitaine. Ce programme, lié à l'élargissement de la Communauté, vise au développement les petites et moyennes entreprises, à la promotion de l'innovation, de l'artisanat et du tourisme rural. A ce sujet, le gouvernement a organisé une concertation très étroite avec les régions, plus que ne l'ont fait ou que ne le font d'autres pays membres de la Communauté `CEE`.
- Je sais qu'une divergence subsiste entre l'Etat et les trois régions en question sur le problème dit des contreparties nationales du programme du FEDER - attention à ces sigles : il s'agit bien du Fonds européen de développement régional. Les régions ont exprimé le souhait qu'elles soient l'objet de financement intégralement nouveau et non de financements existants, déjà inclus pour partie ou en totalité, dans les contrats de plan.
- Mais vous savez, ou vous devez savoir, que la France en ce domaine, ne fait qu'obéir à la pratique courante des autres états européens, qui utilisent comme contre-partie nationale de l'effort communautaire, les crédits inscrits au budget de leurs différents ministères.
- Il n'empêche que c'est un objectif désirable, les accords de plan étant passés, que de projeter plus loin ce qu'il convient de faire pour l'Aquitaine et je serai très ouvert à toute conversation qui permettra, sur des points choisis, d'aller aussi vite que possible là où il le faut, dans le -cadre de ces contre-parties. J'ai noté l'importance que vous attachez à cette question, il s'agit d'observer en toute chose un esprit d'équité, M. le Premier ministre n'y manquera pas.\
J'en viens maitenant à l'élargissement, d'une façon plus précise, de la Communauté européenne. L'élargissement, c'est d'abord l'appel de deux grands peuples, grands par l'histoire, par la culture, par la civilisation. Que serait l'Europe sans l'Espagne et sans le Portugal ? Dites-moi. Et qu'est-ce que serait la projection de l'Europe dans le monde sans les langues ibériques ? Qu'est-ce que serait l'Europe telle que nous la vivons, celles des langues romanes, sans ces deux pays ? Il convient qu'ils rejoignent la Communauté des plus vieilles démocraties du monde.
- C'est d'abord la possibilité d'accroître considérablement les échanges économiques entre des régions très proches, complémentaires, mais assurément concurrentes. Je connais le débat et même la polémique et je sais que c'est un sujet qui occupe et qui occupera beaucoup le dialogue national. Mais je l'ai dit clairement et carrément : le gouvernement fera tout ce qu'il doit faire pour que l'élargissement réussisse. Quand je dis cela, cela suppose un choix : il est fait. Cela suppose aussi une disposition à débattre avec rigueur et fermeté avec les partenaires européens déjà membres de la Communauté et ceux qui aspirent à y entrer, pour que soient protégés autant qu'ils doivent l'être, les intérêts de nos producteurs dans les régions qui pourraient être plus directement affectés par cet élargissement.
- J'entends souvent dire que l'élargissement sera cause d'une grave crise, encore une, peut-être une catastrophe. Je vous dis "non" : si on le veut, l'élargissement sera une chance et particulièrement pour la région Aquitaine. Cette affirmation peut être contredite et je respecte les engagements contraires. Mais telle est la politique du gouvernement, telle est celle que je suivrai : d'un part s'engager sur cette route pour aboutir au terme, d'autre part poser ce que je ne puis appeler les conditions, mais poser en termes évidents les points auxquels ne saurait renoncer la France.
- La discussion n'est pas facile avec nos voisins espagnols et portugais. Elle n'est pas facile non plus, c'est un aspect sur lequel je me permets d'insister, avec nos partenaires européens qui n'ont pas tous les mêmes soucis que nous, si bien qu'ils ont vu leur production assurée par le développement de la Communauté, et ne tiennent pas nécessairement à soutenir de la même façon les productions que j'appellerai grosso modo, même si le terme n'est pas tout à fait exact, méditerranéennes. Nous acceptons cette discussion et l'objectif recherché doit être clairement compris. Nous souhaitons et je souhaite, et je ne négligerai rien pour cela, que le 1er janvier 1986, l'élargissement entre dans l'histoire.
- L'Aquitaine a vocation à développer son commerce agricole, vous l'avez rappelé, avec le nord-est de l'Espagne, à lui proposer certaines de ces productions. Je pense au maïs, comme substitut aux aliments du bétail achetés aux Etats-Unis d'Amérique en grande quantité par l'Espagne, et en très modeste quantité en France. Et puis aussi aux produits laitiers, à la viande, que sais-je encore...\
L'entrée de l'Espagne et du Portugal dans la Communauté `CEE` aura également des retombées sur l'industrie. Vous savez que depuis un très injuste accord de 1970, la France ne peut pratiquement pas exporter en Espagne de produits industriels, sinon avec des taxes douanières fort élevées, alors que les industries espagnoles ont accès, presque librement, à notre marché. A cela, l'élargissement apportera remède. Le désarmement douanier progressif, durant la période de transition, mettra fin à cette inégalité choquante et vos entreprises, géographiquement les mieux placées pour en tirer avantage, si elles savent un tant soit peu s'implanter commercialement au-delà des Pyrénées, alimenteront un important courant d'exportation de la France.
- Il faut faire jouer toutes les possibilités d'évolution positive et mettre ici et là les verrous de sécurité qui éviteront à la France de subir l'inégalité des conditions sociales et fiscales qui donnent au prix de revient de nos pays voisins, mais rivaux sur le -plan commercial, des avantages indus. Et tout cela sera fait. Tout cela est déjà entrepris, des progrès sont aujourd'hui obtenus, pas assez. C'est pourquoi la France - je dirai la France un peu seule au sein de la Communauté , tient bon, non pas pour refuser un élargissement qu'elle souhaite, mais pour que cet élargissement soit réglé en temps utile, bref que les conditions indispensables soient entendues avant plutôt qu'après. L'exemple de la Grande-Bretagne est là : si, en effet, un certain nombre de clauses avaient été entendues avant 1972, nous ne trainerions pas encore en 1984 des disputes et des querelles dangereuses. Il faut s'y préparer. Il y aura des combats d'arrière-garde pour dire : il ne faut pas. Mais la marche de l'histoire ne sera pas arrêtée.
- Il faut donc s'y préparer dès maintenant. Vous n'y avez pas manqué, je le sais. Mais il ne faut pas croire que, pour telle ou telle raison, qui incomberait strictement au débat intérieur français, nous ralentirons la marche.
- Vous savez que le Premier ministre, M. Pierre Mauroy, avait demandé à un haut fonctionnaire, M. Maquart, de venir étudier sur place des mesures à prendre en vue de cette préparation. Cette étude a donné lieu à un rapport qui contient une liste très complète de propositions. Vous avez souhaité qu'elle puisse entrer en oeuvre et M. Mauroy avait indiqué qu'elle pourrait conduire à des avenants au contrat de plan passé entre l'Etat et les régions concernées. Assurément, cette disposition est maintenue et je confirme cette intention, en souhaitant qu'elle puisse rentrer dans les faits le plus rapidement possible. Et je demande aux ministres responsables, certains d'entre eux sont ici, de discuter ces mesures avec les élus et les professionnels de chaque région, d'établir une liste de priorités, d'en préparer les financements, d'en fixer les échéances et que cela soit fait à la fin de 1984 pour que les décisions soient au moins appliquées dès 1985.
- Je le répète : bien préparer l'élargissement de la Communauté. C'est ce que nos négociateurs s'efforcent de faire de façon méthodique.\
Le gouvernement a déjà obtenu en 1983 une réforme du règlement "fruits et légumes" qui pourra fixer le contenu de la période transitoire. C'est la première fois que cela a pu être obtenu depuis 1957, comme c'est la première fois, en 1982, que des mesures ont pu être prises pour la sauvegarde du marché du vin.
- J'ai parlé de ces sujets, hier, à Boé, avec plusieurs des responsables agricoles de votre région et j'ai tiré grand profit de cet échange.
- Le gouvernement français demande aussi à ses partenaires européens de réformer profondément le règlement viticole avant d'accueillir l'Espagne dans la Communauté `CEE`. Dans mon esprit, cette réforme doit se faire par une limitation quantitative de la production de chaque Etat si l'on veut obtenir les garanties correspondantes. Ce principe, je l'ai fait adopter à Fontainebleau. Un peu plus tard, c'est un combat à retardement qui n'a jamais cessé et qui continuera, la Commission européenne a déposé un document prévoyant toute une série de mesures très facheuses pour les viticulteurs français. Alors, nous nous sommes fachés et, à l'occasion, le ministre de l'agriculture `Michel Rocard` a précisé très fermement la position française. Désormais on discute sérieusement de la proposition qui devrait conduire à une réforme du règlement plus favorable à nos viticulteurs.
- Vous connaissez le schéma : je m'adresse ici à des responsables. Il y a l'Europe dite du Nord, enfin du Nord de la France. Ceux-là n'ont pas de problèmes viticoles, sauf un qui n'en parle jamais, au point que l'on pourrait croire que ce pays ne produit pas de vin, l'Allemagne. Alors qu'il vend plus de produits viticoles aux Etats-Unis d'Amérique, par exemple, que nous. Sa discrétion volontaire fait que lorsque l'on engagne ces discussions, l'Italie, la Grèce, la France, s'y intérèssent passionnément. Mais, comme s'il s'agissait, pensent les autres, d'une petite affaire locale.
- Nous avons contraint la Communauté, par la ténacité de nos arguments - nous n'avons pas d'autre moyen - à considérer ce problème comme primordial pour l'élargissement. La difficulté supplémentaire tient au fait que les pays producteurs de vin font souvent passer leur concurrence particulière avant leur intérêt collectif. L'Italie et la France n'ont pas un front commun dans ce débat, tandis que la Grèce a une position ésotérique et davantage intéressée par - et je les comprends - les programmes intégrés méditerranéens. De telle sorte que la France est souvent un peu seule et il convient de compenser cette difficulté par une volonté plus résolue encore.
- Il est important de savoir que l'Espagne a consenti à s'engager dans ce débat, en acceptant le principe de cette réduction quantitative ou plutôt de cette non progression pour être plus exact. C'est très important pour nous car si, aujourd'hui, l'Espagne produit moins de la moitié que la France, les surfaces, les capacités de production, les conditions de cette production par les travailleurs et producteurs espagnols, les conduiraient, en peu d'années, à doubler cette production. Alors on imagine les dommages irrémédiables que subiraient nos producteurs.
- Nous voulons que ce règlement soit établi avant élargissement.\
Il reste encore de nombreuses questions à régler, notamment le dossier de la pêche, l'un des plus difficiles. Il concerne l'Europe toute entière et pas seulement la France, ce qui facilite la tâche de notre pays dans le débat. Rien d'anormal à ce que, en fin de parcours, ce soit les problèmes les plus difficiles qui restent à résoudre. Mais on ne doit pas les dissimuler et le gouvernement n'hésitera pas à parler haut et clair dans la -défense des intérêts français.
- Si chacun est animé de la volonté d'aboutir, j'espère, comme je l'ai dit tout à l'heure, que nous pourrons achever le travail préparatoire pour le Conseil européen de Dublin au début de décembre, et je fais confiance à l'actuel président du Conseil européen, je veux dire M. Garret Fitzgerald, pour que nous parvenions ensemble à ce résultat historique dans sa capitale.
- Mais je ne me perds pas dans les projets et je ne confonds pas volonté et espérance. Si d'autres difficultés devaient naître, nous serions là et la France, croyez-moi compte dans l'Europe. Rien ne peut se faire sans son consentement. Bien que j'estime que sur le -plan institutionnel, une fois dépassée cette échéance, il conviendra, dans le -cadre de la nécessaire union politique de l'Europe, de réviser la part qui reviendra aux décisions prises à la majorité par -rapport à celles qui auront été prises à l'unanimité. Une déviation s'est produite depuis le Traité de Rome £ elle devient abusive.\
J'en viens maintenant aux autres problèmes agricoles sur lesquels vous m'avez interrogé.
- Vous avez mis au premier rang de vos préoccupations le problème de l'hydraulique. Il est évident qu'une meilleure maîtrise de l'eau permettra aux agriculteurs d'améliorer la productivité de leur travail et même de faire accéder à la richesse naturelle du sol, la capacité d'immenses régions. Celui qui habite dans les Landes ne peut pas l'ignorer.
- Vous voudriez que l'Etat accorde un financement supplémentaire pour les travaux qui vous paraissent indispensables. Comment pourrais-je y être hostile ? Le ministre de l'agriculture `Michel Rocard` fera le nécessaire pour que les travaux engagés puissent se poursuivre normalement. Mais il y aura là aussi un certain nombre de conditions, beaucoup de région. Certains de grande ampleur, d'autres de plus modestes et il faudrait bien faire le bilan, analyser les besoins, ceux à satisfaire dans les années qui viennent. Bref, une maîtrise rationnelle de l'eau. Je sais que vous y êtes prêts. Vous avez prononcé quelques phrases à ce sujet et cela me paraît nécessaire. Ce diagnostic sur l'aménagement hydraulique de l'Aquitaine, sera demandé au Premier ministre avant que soit défini un programme concerté. Je veux que tous les éléments de connaissance soient réunis pour ne pas faire n'importe quoi.\
Quant à la recherche agricole appliquée vous avez déjà beaucoup d'organismes d'expérimentations. J'en connais personnellement certains avec lesquels je suis en relation constante, tout simplement par le fait de ma curiosité personnelle et du goût que je porte à ces choses spécialement avec les organismes bordelais. Et vous souhaitez poursuivre cet élan et favoriser la modernisation des vergers. Qui songerait à vous le reprocher ? C'est même votre devoir. Une recherche plus efficace ne nécessite pas toujours des dépenses supplémentaires. Il suffit de regrouper ce qui existe, de mieux répartir les forces, de donner une impulsion nouvelle. En particulier un projet important à Agen sera confirmé à l'occasion des discussions que vous aurez avec le ministre du plan. Pour les autres centres de recherche, l'aide de l'Etat sera maintenue sur toute la durée du IXème Plan. C'est dans le même esprit que je vous confirme la volonté des pouvoirs publics de voir Pau devenir la capitale du maïs dont la production devrait augmenter avec l'élargissement de la Communauté `CEE`. Si d'autres départements rattrapent les Pyrénées atlantiques, ce sera mieux encore : une saine compétition ! A cet égard je pense encore au département que je connais le mieux.
- Enfin, vous vous déclarez préoccupés par le financement de la modernisation des industries agro-alimentaires. Ces industries représentent pour la région à peu près 30000 emplois, souvent situés dans des zones rurales et elles valorisent votre extraordinaire potentiel agricole. Pour concrétiser vos projets, un contrat particulier avec l'Etat pour ces industries agricoles et alimentaires devra être signé. Je vous y invite. Certains aménagements seront apportés aux primes d'orientation agricole pour que tous les projets engagés puissent être financés normalement, en particulier les opérations de stockage et de conditionnement viticole.
- Comment pourrais-je oublier que l'industrie agro-alimentaire représente une des forces d'exportation principale de la France et lorsque le niveau d'exportation baisse, l'ensemble baisse. Tout est conditionné par ce développement.\
Bref, je viens de passer en revue devant quelques grands dossiers de la région et leur énoncé suffit à souligner à quel point votre région doit compter pour le développement de la France.
- Vous m'avez dit, vous êtes aussi une grande région industrielle, ou du moins vous l'êtes devenu et il n'y a pas si longtemps. Cela mérite d'être souligné. Les iniciateurs de cette réussite laisseront leur nom dans l'histoire de cette région et je pense, par tout ce que je crois de l'avenir de l'Aquitaine, qu'ils laisseront leur nom dans l'histoire du pays. L'Aquitaine peut devenir plus encore qu'elle n'est, l'une des toute premières régions industrielles de France. On ne le sait pas assez. La réputation mondiale de vos vins, de vos spécialités gastronomiques, qui saurait y renoncer ! Mais il est important de savoir qu'elle peut être égalée par celle de vos produits nouveaux, de vos percées technologiques : industrie aéronautique, énergie notamment.
- L'Aquitaine est notre grande province pétrolière. Tous les Français connaissent les noms de Parentis et de Lacq. Leur découverte au milieu des années 50 a été un des symboles majeurs de la reconstruction de la France. Le gisement était réputé inexploitable, le défi technique a été relevé £ le souffre qui avait failli en compromettre l'exploitation est devenu une richesse exportée par le port de Bayonne. Le développement en un temps record, avec les allures d'une épopée, du réseau d'amenée de gaz, a innervé d'abord le Sud-Ouest, puis la région parisienne. Peut-être sans qu'il ait été utilisé ici autant qu'il eut fallu, par appropriation locale d'une richesse qui venait d'ici. Il y a eu une redistribution très généreuse qui n'a pas peut-être suffisamment tenu compte du fait que cette région avait besoin d'un rapide équipement, mais enfin ne revenons pas sur ces débats anciens.
- Tout cela favorise la création d'industries nouvelles. Cela a permis la -constitution d'un puissant groupe pétrolier national `Elf-Aquitaine` que j'irai visiter en fin de matinée et qui compte encore de multiples retombées pour les région. Quand je survolerai les installations du groupe Elf, puis quand je m'y arrêterai pour marquer ma confiance dans l'avenir en vos activités, je pourrai une fois de plus constater que l'effort de l'homme lorsqu'il est cohérent peut toujours maîtriser les problèmes qui lui sont posés par la nature.
- On découvre d'autres gisements comme Lagrave £ on y entretient un savoir-faire internationalement reconnu, comme le montre la création récente à Pau par l'Institut français du pétrole, d'un centre de formation pour les techniques de forage. On y prépare l'avenir et nos deux groupes nationaux, avec leurs centres de recherche dans la région, vont considérablement aider le progrès des connaissances en géologie et de toutes les nouvelles techniques d'exploitation-production.
- On prépare activement l'après-pétrole. C'est à Soustons dans les Landes que l'Institut français des pétroles et l'Agence française pour la maîtrise de l'énergie mettront en service à la fin de 1986 une plate-forme expérimentale en biotechnologie, outil unique en Europe, qui permettra de franchir une étape dans le développement des procédés de transformation de la biomasse en produits chimiques et énergétiques.\
Quant à la deuxième grande richesse naturelle de la région, deuxième dans la chronologie de mon histoire, c'est bien sûr la forêt et l'exploitation du bois. C'est un sujet qui me passionne et je le considère comme déterminant.
- Pour la première fois en 1983, les échanges commerciaux en volume de nos produits d'exploitation forestière et de scierie ont été excédentaires légèrement et cet excédent s'est accru en 1984. En valeur, le déficit subsiste du fait notamment de la très forte augmentation du dollar, mais la tendance s'inverse £ la substitution de bois nationaux aux bois importés notamment des régions du Nord de l'Europe est engagée. Je viens de vous dire les premiers succès enregistrés de l'exportation. J'ai appris avec beaucoup de satisfaction que l'Aquitaine a réussi de remarquables percées commerciales en Chine où ont été exportées 20000 tonnes de bois l'an dernier. C'est bien toute la région qui s'est immobilisée, des exploitants forestiers, des scieurs, jusqu'au Port de Bordeaux. Mais cet effort ne peut être couronné de succès que si la qualité technique de nos bois est mieux connue, mieux aménagée aussi, que si l'indispensable effort de normalisation, d'homologation, de qualification technique est accompli. Vous en avez dit assez sur ce sujet monsieur le président. Je constatais hier en Dordogne en visitant une entreprise, une menuiserie à la fois artisanale et industrielle, à quel point est engagée la substitution du pin à la place des produits exotiques jusqu'ici employés. Mais il a fallu bien entendu des années de recherche pour que ce bois pût supporter la comparaison afin de résister tout simplement aux défaillances. En tout cas telle est la mission qui est impartie au Centre technique du bois dont je peux vous dire qu'une antenne sera prochainement établie à Bordeaux. C'est une grande querelle : je suis issu de l'Aquitaine mais ma vie politique m'a fixé en Bourgogne et lorsque la Nièvre que j'ai représentée pendant 35 ans a appris qu'il y avait une antenne du côté d'Auxerre, ce fut une révolution ! Ici vous avez la plus grande forêt d'Europe, et la France est le premier pays forestier d'Europe. Quelle tristesse quand j'apprends que c'est notre deuxième poste déficitaire après le pétrole, tandis que la Hollande qui n'a pas de forêt exporte, de même qu'Israël. Alors comme nos professionnels sont capables, comme notre système d'organisation peut supporter la concurrence - après une poussée à la fin du 19ème siècle qui fut assez remarquable - cela prouve que la recherche technique, l'adaptation de ces bois aux nécessités de l'utilisation n'a pas été suivie avec assez de constance. En tous cas, il y a là un déficit à relever. C'est chez vous, d'abord chez vous, que vous devez réussir et qu'en même temps vous ferez réussir la France.\
Voici une autre nouvelle qui m'a étonné lorsque je l'ai apprise : la France a de plus en plus de bois. En effet, quand je circule sur les routes, je me désole toujours devant ces vastes étendues que je crois désertiques, quand on sait qu'il faut longtemps pour que le bois pousse, la vie humaine souvent n'y suffit pas. La France a de plus en plus de bois. Grâce à l'effort mené par l'Office national des forêts `ONF`, la production est en croissance, alors que les grands pays souvent cités en référence (l'Europe du Nord, le Canada) voient leur production stagner. Alors si nous sommes en mesure de jeter sur le marché des tonnages croissants susceptibles d'être transformés sur place, nous obtiendrons un succès.
- Je demande donc aux grands industriels, comme aux petites et moyennes entreprises, de se mobiliser davantage encore pour que cette richesse soit dûment exploitée. Tous les éléments sont réunis. Il n'en manque plus un seul. C'est l'oeuvre de plusieurs générations, c'est l'oeuvre de plusieurs majorités politiques, c'est l'oeuvre de la France.
- Je considèrerai comme une réussite particulière du temps où j'ai notre pays en charge, si nous rendons au bois son rôle. Toutes les civilisations, mesdames et messieurs, sont essentiellement marquées par la -nature des matériaux qu'elles emploient pour la fabrication de leurs objets, ou l'édification de leurs maisons. Toutes les civilisations, toutes les esthétiques sont commandées par la -nature de ces matériaux. Pour la France, depuis l'utilisation de la pierre qu'il était difficile de percer sans que s'effondre l'édifice, jusqu'à maintenant où l'on bâtit des immeubles entiers en verre avec l'utilisation des métaux affinés par les alliages nouveaux, le bois avait gardé sa place. Le perdrait-il maintenant alors que c'est une chance pour la France ? Croyez que ce sujet m'attache assez pour que j'y veille.\
Votre région ne s'est pas contentée d'exploiter ses ressources naturelles, elle a parié sur les technologies nouvelles. J'ai parlé des grands groupes pétroliers, des entreprises pharmaceutiques, de la chimie fine, des prothèses, de tous les secteurs de pointe, afin que la relève des activités d'exploitation pétrolières et gazières soit prête.
- Parmi les grandes sources d'emplois, vous avez votre industrie aéronautique. Après deux années de ralentissement, je crois que les conditions du redémarrage sont remplies. Les décisions françaises et européennes de lancement de nouveaux programmes : ATR 42 `avion` à la SNIAS, FALCON 900 chez Dassault et bien sûr AIRBUS A 320 ainsi que le développement très satisfaisant du programme d'ARIANE `fusée`, l'accord intervenu entre la France et l'Allemagne `RFA` pour la fabrication en commun d'un hélicoptère, voilà des éléments positifs qui vont favoriser la remontée des plans de charge dans les grandes usines et donner des heures de travail à des centaines de sous-traitants particulièrement nombreux dans l'Aquitaine.\
Votre région, à partir des recherches des grandes entreprises aérospatiales et du Commissariat à l'énergie atomique, peut aussi devenir le grand centre en France de l'étude et de la réalisation des matériaux composites. Vous avez largement commencé. Les progrès accomplis dans la maîtrise de cette nouvelle technologie auront très vie des retombées dans d'autres activités. Mais comme vous l'avez déjà dit je n'insiste pas. Il y a en tout cas pour de nombreuses équipes, pour de nombreuses entreprises, pour les ingénieurs, des opportunités industrielles et commerciales de premier -plan. Il faut bien entendu que les grands groupes facilitent l'émergence de ces équipes afin que nous reprenions, ou que nous prenions une place de premier -plan dans le domaine des biens de consommation. La création récente de l'Institut des matériaux composites confirme votre vocation à devenir en ce domaine un pôle européen.
- La future usine de production de fibres de carbone construite par Elf-Aquitaine et Péchiney d'un côté, le groupe japonais Toray de l'autre, montre que nous sommes déjà entrés dans la phase d'industrialisation.
- Voilà que se conjuguent deux efforts : celui de nos groupes et celui de grands investisseurs étrangers. N'ayons pas peur de cette concurrence chez nous, ne la redoutons pas. Nous avons assez de forces pour surmonter tous les effets de la concurrence avec aussi pour saisir la chance qui nous est offerte de nous dépasser, sans quoi nous perdrions assez vite la course. Des entreprises américaines, des entreprises japonaises ont implanté ou développé des usines dans le Sud-Ouest. J'ai été tout à fait satisfait d'entendre lorsque je me trouvais à New York il y a quelques temps, que les travailleurs de France, on m'a parlé de ceux de Bordeaux, comme on parlait de ceux de Besançon ou de quelques autres villes, se situaient aux yeux de ces dirigeants d'entreprises étrangères au premier rang dans le rendement, la capacité à produire des travaux finis, un pays cependant où les lois sociales assurent déjà beaucoup, la condition des travailleurs, même si ce n'est pas toujours suffisant.
- Je veux répéter ici de la façon la plus nette - m'adressant au delà de cette salle- que ces investissements sont non seulement acceptés mais souhaités, que la France est un pays ouvert, que quiconque vient dans notre pays, avec des capitaux et un savoir-faire pour produire et créer des emplois, est le bienvenu.\
Je suis également avec intérêt les efforts de la région pour créer des pôles de diffusion technologique : l'association "AZIMUT", sous l'égide du Conseil régional, qui se donne pour objectif de mobiliser les grandes entreprises et les laboratoires détenteurs de technologies pour faire éclore PME et PMI £ la création de la zone, inspirée peut-être des précédents de Sophia-Antipolis et de Grenoble. Il importe à la région de disposer du même outil. Vous bénéficierez pour cela du -concours du Club international des technologies et parcs scientifiques dont j'ai récemment salué la création. Nul doute qu'avec ce -concours, et par son propre dynamisme, Bordeaux-Technopolis deviendra un lieu d'innovation et de création de niveau international, comparable aux grandes concentrations européennes, américaines ou asiatiques. Cela tient à des données qui commencent à s'amasser. N'oublions jamais la donnée universitaire, mais j'en parlerai un peu plus tard. C'est de l'alliance intime de l'université, et donc de la recherche, et de l'industrie que peut naître ce développement exceptionnel. Toutes les chances de Bordeaux, déjà bien servie par les élus de cette ville et de cette région, tous ces efforts et ces réussites peuvent compter, je le dis hautement, sur le -concours du gouvernement de la France.\
J'en viens, enfin, vous savez que ce projet aussi me tient à coeur à l'expérience en-cours dans l'agglomération de Bayonne - Biarritz - Anglet d'URBA 2000, avec une autre expérience qui va se dérouler dans le nord de la France : Lille, Roubaix... Roubaix a été rajouté depuis peu à cet ensemble à ma demande. Il s'agit de montrer en vraie grandeur comment le foisonnement technologique de la fin du 20ème siècle transformera notre vie quotidienne. Biarritz bénéficie déjà d'un réseau câblé en fibres optiques que j'ai inauguré à ma façon de Paris il y a quelques mois `liaison visiophonique` et qui constitue un remarquable support pour toute une série d'expérience - il faut dire que quand j'ai dit à ma façon cela veut dire tout simplement que lorsque l'on parle de réseaux câblés, on peut inaugurer à distance, ce qui est le propre du réseau câblé - en liaison avec les élus, des projets dans le domaine de l'amélioration des transports en commun, de l'habitat économe en énergie, de l'utilisation des banques de données à domicile et de la carte à mémoire £ tout cela va être lancé à Biarritz.
- J'ai également noté avec satisfaction que l'équipement Télétel `annuaire électronique` de l'Aquitaine allait commencer en 1985 et que la première ville a être équipée sera Libourne dès le début de l'an prochain.
- Voilà toute une série de réflexions sur le présent et l'avenir industriel et technologique de votre région. En venant ici, en vous rencontrant, en visitant hier, aujourd'hui, demain, plusieurs établissements industriels ou centres de recherche, je dis que je crois dans votre réussite, synthèse particulièrement heureuse entre l'accueil de la nature et la -nature des hommes. C'est une région essentiellement accueillante, ouverte aux idées, ouverte aux faits, ouverte aussi à ceux qui viennent de l'extérieur. Vous avez beaucoup d'atouts, vous avez et vous aurez vos difficultés. La voie est tracée, la région et l'Etat peuvent avancer à l'unisson. Pourquoi adopterions-nous un comportement et un langage pessimiste ? Je sais que c'est la mode £ toutes les modes ne sont pas excellentes.\
En revanche, vous attendez beaucoup de réponses de ma part sur les grandes questions relatives aux transports et à l'amélioration des liaisons routières à l'intérieur de la région et avec le reste du pays.
- L'achèvement de l'Autoroute A 64 reliera Tarbes et Pau à la façade atlantique. Or vous savez que la principale difficulté rencontrée a été le problème du tracé entre Orthez et Pau £ pour les autres tronçons, certains sont déjà en circulation, et le dernier à mettre en chantier, Soumoulou - Tarbes, devrait l'être au plus tard en 1986.
- Reste le tronçon Bayonne - Orthez. Le tracé initial passait - c'est une région que je connais bien, c'est pourquoi je m'y attarde - le long de l'Adour, par les pays des Barthes, et cela avait été vivement contesté en raison de la -nature du sol, la destruction d'une zone dans laquelle la production de la nature exige une grande attention. Le ministre des transports, M. Fiterman, avait alors demandé à M. Badet, vice-président du Conseil régional de l'Aquitaine, une mission de concertation. Ses conclusions ont été remises et proposent deux variantes : l'une à Gosse, l'autre à Sorde qui atténuent les risques, les atteintes au milieu naturel, l'une des deux sera retenue. Une fois les enquêtes publiques terminées, la procédure suivra son -cours et les travaux pourront commencer.
- Deuxième grande préoccupation en ce domaine : la route nationale 89, axe essentiel pour le désenclavement de la Dordogne. J'ai pu le constater hier puisque j'ai été voué à la route. J'ai au moins pu regarder autour de moi, c'est un avantage. Pendant que trop de gens m'attendaient, moi au moins je pouvaix admirer jusqu'à la nuit l'Aquitaine. Et j'ai pu aussi remarquer que la route s'était améliorée grâce à l'effort régional qu'il faut poursuivre.\
Pour le désenclavement des régions concernées, particulièrement la Dordogne, il faut des procédures tout à fait exceptionnelles. Auparavant, l'Etat obtenait de la Communauté européenne `CEE` le remboursement des fonds destinés à financer des travaux éligibles au Fonds européen de développement régional. Avec la décentralisation, certaines charges ont été transférées aux régions avec les ressources correspondantes. Il était donc logique que les collectivités locales puissent, elles aussi, prétendre au remboursement des travaux financés par le FEDER. Le gouvernement a, pour la première fois en 1984, présenté les demandes des collectivités locales, ou remboursement du FEDER, et notamment les dépenses concernant la route nationale 89. Une fois la décision prise à Bruxelles, il appartiendra à la région et au département de décider de l'emploi de ces sommes et donc, si elle le souhaite, de la consacrer à l'accélération des travaux sur cet axe routier. Quant à la voirie nationale en milieu urbain, un avenant au contrat de plan sera proposé à la région pour les opérations à hauteur de 40 millions de francs par an, jusqu'à la fin du plan. On pourrait imaginer, mais c'est votre affaire, le lancement de la rocade rive droite de Bordeaux et les déviations de Libourne, Villeneuve-sur-Lot et Pau. La liaison Dax - Mont-de-Marsan, si essentielle pour le développement économique du département des Landes, sera également améliorée par l'élimination prioritaire des tronçons dangereux, la réalisation de déviations dans des conditions qui seront rapidement précisées par le Conseil général de ce département.
- D'ailleurs plusieurs élus, et notamment le Président du Conseil général, ont attiré mon attention sur la réalisation d'un grand ouvrage de franchissement de l'estuaire de la Gironde. Il s'agit nous venons de l'entendre, d'un grand débat, interne à la région : le choix du site de Verdon ou de celui de Blaye. Quelquefois j'éprouve une sorte de satisfaction qui n'a rien de pervers, lorsque je constate que d'autres que moi ont des décisions à prendre et des débats à trancher. Il me semble que parfois que cela devrait inciter ceux qui se trouvent devant ce type de problème à montrer plus de compréhension à l'égard des miens. C'est un ouvrage essentiel pour le département, donc départemental, mais l'Etat, en raison de sa contribution au désenclavement du Médoc, ne peut pas s'en désintéresser. Je ne verrais que des avantages à ce que son financement soit assuré, en partie par les utilisateurs. Cela supposerait bien sûr la perception d'un péage. Il vous faudrait décider ce que vous en ferez.\
Je vous ai parlé de vos traditions, du -cadre tracé pour votre avenir, de vos ressources, de vos atouts agricoles, industriels, de vos infrastructures. Je vous parlerai un peu de culture avant de terminer.
- Dès 1982, une certaine injustice a été réparée puisque les crédits ont été augmentés de plus de 50 %. Il faut dire que l'infrastructure culturelle était déjà très solide. Quelques grandes réussites m'ont d'ailleurs attiré discrètement en tant que visiteur à diverses reprises. D'une manière générale la mise en valeur du patrimoine culturel s'est accélérée comme aux forges de Savignac-Ledrier, comme au Château de Nérac. Des centres culturels ont vu le jour, comme celui de Terrasson ou celui de la Pierre à Bordeaux.
- D'autres projets ont été lancés. Ils avancent à grands pas comme le Musée national de la préhistoire dont la réalisation est liée à l'aménagement de la vallée de la Vézère. Il sera créé là-bas un centre exemplaire de culture historique, scientifique et technique dans un -cadre enfin rendu à sa qualité originelle. Dans le même temps, des expériences stimulantes de technologie sont décidées. J'ai parlé de l'opération URBA 2000 qui permettra la création d'un ensemble télématique d'informations culturelles. Il y a aussi les réalisations prestigieuses, anciennes et connues dans le monde entier comme le festival Sigma, ou le Mai musical, mais il faudrait aussi faire le compte des écrivains et des artistes et des créateurs qui viennent de chez vous, j'allais dire de chez nous.
- Cette vitalité est aussi sensible dans le domaine de l'urbanisme. Lasses de subir la tristesse, la monotonie de certaines zones bâties trop vite, les banlieues veulent reprendre possession d'elles-mêmes ou de leur âme. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé aux maires, dans toute la France, de collaborer avec l'Etat. Cette opération, a nom Banlieues 89. C'est un objectif, vous voyez, sur 5 ans. Je n'hésite pas à regarder, vous le voyez, au-delà des limites ordinairement rappelées. L'Aquitaine, là encore, donne l'exemple. A Bordeaux, dans le quartier Claveau-Bacalan, des comités d'habitants ont proposé des aménagements dont je sais qu'ils seront réalisés. Le grand pont d'Aquitaine déjé si utile changera de rôle : il rapprochait les espaces, il va rassembler les hommes. De même, près de Pau, à l'Ousse des Bois, des cités laissées à l'écart seront réunies à la ville, et j'irai les visiter cet après-midi.\
Je souhaite terminer ce propos par des considérations rapides sur la formation des hommes.
- Une réflexion de monsieur le maire de Bordeaux `Jacques Chaban-Delmas` doit être reprise, à cet endroit de mon discours. Le sport appartient au mode d'expression culturel. Nous en avons beaucoup parlé à Agen. La culture sportive du rugby soutient la plupart de nos arguments dialectiques pour défendre nos politiques. Lorsque j'étais enfant, collégien à Angoulême, et habitant près de Cognac, je me souviens de ces derbys, je veux dire de ces batailles entre deux villes. Dépassant les limites du rugby, elles faisaient que l'on se lançait à la tête les grands noms de quelques vedettes qui parvenaient en équipe nationale. Et les deux villes campaient comme derrière des remparts sur les réussites prestigieuses mais un peu dépassées de leurs équipes de rugby : Bayonne, Biarritz, Dax, Mont-de-Marsan... Et je crois qu'à Bègles on ne se défend pas mal. J'ai entendu parler du BEC, et puis aussi d'Agen qui a une vocation naturelle à être champion de France, sous l'impulsion, il faut le dire, d'un homme qui sait de quoi il parle. J'aimerais bien voir quand même Dax... Enfin, je m'égare...
- De nouveaux établissements pour la formation des hommes, ouvrent leurs portes : Pau vient de se doter d'un troisième lycée, comportant filières classiques et technologiques. De même, les IUT, dont le développement représente à mes yeux un atout essentiel pour l'avenir des jeunes, vont augmenter leurs capacités d'accueil. Trois nouveaux départements ont été retenus dans le -cadre du contrat de plan Etat - Région : département d'informatique à Bayonne, département de génie électrique à Bordeaux, département de génie thermique à Pau. Et j'ai le plaisir d'annoncer ici, bien que je veuille éviter d'annoncer, parce que ce n'est pas mon rôle, et ensuite parce que je ne veux pas que mes visites dans les provinces, soient l'occasion de distribuer des subventions. Je préfère même les donner avant. C'est pourquoi j'ai refusé d'annoncer moi-même la création imminente de 120 emplois par Saint-Gobain à Funnel, malgré le plaisir que j'en aurais éprouvé. Je peux vous dire qu'un département supplémentaire de biologie appliquée ouvrira ses portes à Périgueux dès la rentrée de 1986. Il s'ajoutera au département "Techniques de commercialisation" qui existe déjà. Les départements pourront, en 1988, après que le département de biologie appliquée ait atteint progressivement son régime normal de 100 étudiants, constituer un IUT autonome. Une concertation entre les ministères des télécommunications et de l'éducation nationale a permis de mettre en place, pour l'école élémentaire, un réseau télématique qu'on appelle "La télémédiatèque Gironde". Opération également unique en Europe, qui permet aux élèves de s'initier à la recherche et à l'utilisation des documents.\
La recherche universitaire s'est, elle aussi, modernisée, rationalisée et apporte un -concours, j'ai insisté tout à l'heure, d'une exceptionnelle qualité à l'essor économique de la région.
- J'étais, il y a peu, à Pittsburgh, dans le nord des Etats-Unis d'Amérique : dans toutes nos mémoires, enfin de ceux de ma génération, une forteresse du monde industriel. Quand on la visite aujourd'hui, on aperçoit que les hauts fourneaux, les aciéries, la sidérurgie, cette ville équipée comme nulle autre au monde, tournent à vide. On peut se réjouir de ne plus voir les fumées se jeter dans le ciel, d'un certain point de vue, mais aussi c'est la marque d'un pays qui meurt. Eh bien, en l'espace de quelques années seulement, pas dix ans, cinq, six ans, ils ont su se reconvertir de telle sorte qu'aujourd'hui, avec et encore plus encore que la Silicon Valley, Pittsburgh est en train de devenir un pôle industriel pour les technologies nouvelles, bien entendu, et donc pour les services. Et cela est uniquement dû au fait que les universités de Pittsburgh ont été en mesure de traiter directement avec les industriels en facilitant - c'est la charge de l'Etat - ce qu'on appelle le capital à risques, une réussite extraordinaire. Quant on pense à la disparition des grandes industries traditionnelles, on retrouve courage en sachant que tout dépend de l'imagination et du travail des hommes.
- La maison des Pays ibériques à Bordeaux vient d'ouvrir ses portes £ elle met au service de la communauté scientique, nationale et internationale, une banque de données informatisées. Elle accueille et héberge des stagiaires étrangers. Elle réalise des programmes pluri-disciplinaires qui concernent l'Aquitaine et le monde ibérique. Ce sont des thèmes tout à fait à propos au moment où l'on parle tant d'élargissement à l'Espagne de la Communauté européenne £ c'est tout à fait d'actualité.\
Au-delà de l'effort dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement en général, la modernisation et le développement appellent un effort de formation professionnelle. Il faut accroître la qualification de chacun, c'est un discours que j'ai tenu partout ailleurs, et hier dans cette région et que je tiendrai encore aujourd'hui, je n'y insiste pas.
- Ainsi, en Aquitaine, la mise en oeuvre d'un contrat de plan entre l'Association pour la formation professionnelle des adultes et la région permettra le développement d'un ensemble de formations dont le financement total sera assuré à raison de 30 millions de francs par l'AFPA et 10 millions de francs par la région.
- Dès 1984 et 1985, au centre de Bègles, que je vais visiter maintenant, seront mises en place les nouvelles formations susceptibles de proposer des débouchés véritables aux stagiaires.\
Mesdames et messieurs, pardonnez la longueur de ce propos mais il me fallait bien répondre à l'essentiel de ce qui m'avait été proposé et encore chacun trouvera bien des absences regrettables.
- J'avais noté pour commencer, mais j'ai préféré couper court, un certain nombre de citations qui me sont chères, à caractère littéraire, de grands écrivains de la région où je retrouve, pour ma part, la meilleure notation, le sens des nuances, comme une sorte de tradition littéraire d'un ciel indéfinissable, le nôtre, peut-être le plus beau. J'avais noté un propos de François Mauriac, je le retrouve pour conclure. Il y avait l'époque des "commencements de la vie", il y a celle des "Mémoires intérieures" qui célèbre les deux visages de la Guyenne avec d'un côté "La vallée garonnaise, lumineuse, surchargée de fruits", et de l'autre "la forêt dont l'immense armée noire ferme l'horizon", celle-là qui, le soir, fait entendre "cette basse déchirante des pins, qui n'interrompent jamais leur plainte".
- Oui : plainte, nostalgie. Vous êtes les héritiers de tant de générations qui ont peiné durement sur ce sol et, au-delà de la nostalgie, de la plainte, il y a le chant de l'espoir £ celui-là dépend de vous. Il faut croire que vous méritez qu'on porte le mot "espoir" au fronton de vos travaux. J'ai rarement vu autant d'équipes déterminées à réussir. J'ai donc plaisir, mesdames et messieurs, à passer ces trois jours avec vous. Nous allons essayer de travailler ensemble pour construire l'avenir de l'Aquitaine, c'est-à-dire celui de la France... Merci.\