7 février 1984 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue de son voyage aux Pays-Bas, à la Salle des Trèves au Binnehof à La Haye, mardi 7 février 1984.

LE PRESIDENT.- Mesdames et messieurs,
- Comme vous le savez, cela faisait très longtemps que ne s'était déroulée une visite d'Etat de la République française aux Pays-Bas. J'ai tenu à combler cette lacune. Ma visite avait été décidée avant que nous songions aux responsabilités qui m'incomberaient en qualité de Président de la communauté `CEE`. Evidemment cette fonction a ajouté à l'intérêt de nos contacts, de nos rencontres. Nous avons à la fois parlé de nos relations bilatérales, d'un certain nombre de problèmes majeurs sur le -plan international et aussi, de la communauté. Voilà pourquoi, comme vient de le dire M. Lubbers `Premier ministre`, l'Europe a quand même occupé le plus gros de notre temps. J'ai consacré à ce sujet l'allocution que j'ai prononcée au repas d'aujourd'hui. Et les conversations que j'ai eues avec M. le Premier ministre et plusieurs ministres à plusieurs reprises nous ont permis de préciser les méthodes devant nous permettre, du moins nous l'espérons, de faire avancer sérieusement les choses pour le prochain sommet de Bruxelles `Conseil européen`, le 19 mars.
- Pour ce qui touche à nos relations directes entre les Pays-Bas et la France, je connais bien l'histoire de nos deux pays, sachant combien ils avaient été occupés par des objectifs différents en dépit de leur proximité. Je connais bien cette forme d'éloignement qui veut que nous passions souvent les uns ou les autres par -rapport à bien d'autres pays. En même temps, sorte de paradoxe, dès qu'il s'agit d'une menace, de la sécurité, de la défense, de quelques idées fondamentales pour le développement et l'épanouissement de l'homme, tout aussitôt ces deux pays se retrouvent tout à fait côte-à-côte. Cela a été le cas de la dernière guerre mondiale, et c'est le cas aussi de la plupart des combats sur la scène internationale pour le développement des pays du tiers monde, pour la -défense des droits de l'homme, que sais-je encore ? C'est encore le cas pour une certaine conception du devenir européen. J'ai donc tiré un grand profit de ce voyage qui n'est pas terminé. Mais maintenant je vous écoute.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous avez lâché tout à l'heure l'idée d'un secrétariat permanent de l'Europe. Est-ce que cette idée dans le temps vous paraît être déjà sur la table du prochain conseil européen à Bruxelles ?
- LE PRESIDENT.- Cette idée d'un secrétariat politique permanent n'est pas de moi. Elle a été évoquée en diverses circonstances et particulièrement à Stuttgart par le chancelier Kohl. Mais cette idée était peut-être restée plus qu'il ne convenait jusqu'alors comme étrangère aux autres problèmes dont nous avons à débattre : ce qu'on appelle le contentieux, le contentieux d'Athènes. Convaincu que l'on ne règlerait ce contentieux et que l'on ne définirait des politiques nouvelles que si nous étions capables d'avoir un dessein politique, j'ai insisté sur ce point. Il s'agirait naturellement d'avoir un secrétariat permanent du Conseil européen qui permettrait d'économiser les allées et venues et cette sorte de déplacement de caravansérail, de centaines d'experts, des dizaines de ministres, à tout moment. Ensuite on se sépare, on se retrouve la fois suivante et il ne se passe rien. Il faut donc un suivi. C'est pour ce suivi qu'il existe déjà la Commission européenne. Mais la Commission, c'est un pouvoir indépendant. Ce que je souhaite, c'est surtout un organisme de travail qui permette d'assurer la continuité des choses.\
QUESTION.- Monsieur le Président, la France veut assurer son indépendance entre autre, avec une arme nucléaire. Pour pouvoir renouveler la force de frappe, vous avez besoin de contrôler des territoires larges dans la région du Pacifique pour y effectuer des essais nucléaires. Comment expliquez-vous ce statut de dépendance vis-à-vis de la France de ces territoires, vous qui êtes un président socialiste ?
- LE PRESIDENT.- Cela fait très longtemps que les établissements d'Océanie sont des territoires dépendants de la République française, très très longtemps. Et jusqu'alors, en dehors de quelques minorités qui n'ont jamais rassemblé grand monde lors des élections, l'indépendance des établissements français d'Océanie, n'exprime pas un mouvement d'idée puissant. Le statut, le dernier statut, qui vient d'être adopté au sein du gouvernement qui est soumis à la prochaine session au Parlement français est un statut qui correspond à peu près intégralement aux propositions qui ont été faites par les Tahitiens eux-mêmes, et par l'actuel principal dirigeant de l'assemblée élue. C'est vraiment une situation d'extrême progrès.
- La situation est différente en Nouvelle-Calédonie. J'en dirai un mot dans un instant. Quant aux expériences nucléaires à Mururoa, on n'a quand même pas beaucoup observé que j'ai été le premier a accepter la visite, qui m'a été demandée par le Premier ministre de Nouvelle-Zélande, des délégués des pays du forum du Pacifique, d'experts, de savants allant enquêter sur place, à Mururoa même, en faisant des analyses de la terre, de l'eau, des végétaux, des animaux, pour voir quel était le degré éventuel de nuisance des explosions françaises. Cette visite a eu lieu, c'est dire à quel point nous sommes ouverts à tout ce qui permettra de comprendre que nous ne causons pas de véritables dommages. Je serai d'ailleurs très curieux de lire la teneur de ce rapport lorsqu'il sera rédigé.
- Pour la Nouvelle-Calédonie, c'est assez différent parce qu'il existe deux blocs, minoritaires l'un et l'autre mais très importants et antagonistes : le bloc des Français ou Européens, issus d'Européens, venus en Nouvelle-Calédonie, à travers les âges et le bloc des Canaques. Cela représente à peu près 35 % de la population dans les deux cas. Et puis il y a des Mélanésiens et différentes ethnies qui sont venues s'installer là. Nous avons adopté une attitude extrêmement ouverte. Même le mot "indépendance", nous l'avons prononcé. Nous souhaitons simplement que les deux fractions de la population ne se livrent pas une guerre sanguinaire, et nous pensons qu'il est plus sage de promouvoir une évolution conforme aux intérêts de ce pays. Voilà je ne voudrais pas qu'on centre toute notre discussion sur ce sujet mais enfin je vous réponds : nous avons fait vraiment beaucoup pour libéraliser et si les populations le désirent, nous ferons beaucoup plus encore.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous venez d'insister beaucoup pour dire que vous avez rappelé le Traité de l'Elysée et qu'il y a des relations privilégiées militaires entre la France et l'Angleterre. Est-ce que vous avez proposé quelque chose dans ce genre au gouvernement néerlandais ? Et qu'est ce que le gouvernement néerlandais vous a répondu ?
- LE PRESIDENT.- Je lui aurais répondu s'il m'avait posé la question. Vous avez raccourci un peu la question. Ce que je peux dire, c'est que la France est tout à fait disposée à engager ce type de conversations avec tous ses alliés de l'Europe.
- En fait, il faut prendre l'histoire comme elle est. C'est avec l'Allemagne qu'ont été signés un certain nombre d'actes diplomatiques, politiques et militaires importants. Et c'est bien le général de Gaulle et le chancelier Adenauer qui ont signé ce Traité de l'Elysée en 1963. Voilà, on part d'une situation réelle. Parmi les dispositions de ce traité, l'une prévoyait une beaucoup plus grande concertation, harmonisation entre la France et l'Allemagne sur le -plan militaire. Maintenant, les ministres de la défense et des affaires étrangères se rencontrent rituellement, débattent à quatre ou à deux, préparent les sommets franco - allemands. Nous nous tenons au courant mutuellement. Nous nous informons de nos intentions et c'est très important pour l'Allemagne en-particulier, puisque comme vous le savez, nous avons des armements nucléaires.
- Si les Pays-Bas souhaitent une conversation de caractère militaire pour leur sécurité, nous ne la refuserons certainement pas. Mais la proposition leur appartient. Les Pays-Bas sont un pays sourcilleux sur un chapitre pareil. C'est un pays très libre, qui se détermine avec beaucoup de prudence. Et quand il s'est déterminé, il montre beaucoup de force, donc je ne crains rien. Si le gouvernement néerlandais souhaite proposer à la France un certain nombre d'initiatives, je les écouterai certainement.
- Du côté de la Grande-Bretagne, il n'y avait pas un parallèlisme exact entre les démarches franco - allemandes et les démarches franco - anglaises. C'est nous qui avons inauguré des conversations proprement militaires qui ont lieu désormais chaque fois que l'on se rencontre.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous avez proposé aujourd'hui d'étendre le système de taux maximum à tous les budgets communautaires. Je voudrais savoir dans quel sens vous pensez que cela pourrait aider à trouver une solution au problème britannique ?
- LE PRESIDENT.- Cela peut contribuer à la solution mais pas simplement à la solution de la contribution britannique. C'est une suggestion, ce n'est pas tranché. J'ai écouté ce qui s'était dit à Athènes, et à Stuttgart, par beaucoup d'autres délégations répétant "on dépense trop, il faut des économies", constatant que les dépenses atteignaient un rythme dépassant 20 % l'an alors que pour nos budgets nationaux, c'est le cas en France, la progression cette année sera de 6,5 %.
- Là il y a deux questions de -nature juridique différente. Des dépenses non obligatoires doivent être limitées par les dispositions du Traité de Rome, par la fixation de paramètres qui déterminent le taux maximum de croissance du budget des dépenses non obligatoires. Je ne peux donc pas dire : on va réduire de la même façon. Je dis : on pourrait s'inspirer, on pourrait appliquer et étendre cette discipline au budget lui-même, c'est-à-dire aux dépenses obligatoires parmi lesquelles les dépenses agricoles.
- Or, que cherche la Grande-Bretagne qui estime participer trop lourdement à la caisse commune ? C'est de voir sa charge diminuer. Et pour cela, la Grande-Bretagne a fait des propositions souvent un peu compliquées. Là, c'est déjà plus simple : le budget étant moins lourd, les dépenses obligatoires et non obligatoires étant moins lourdes, les contributeurs nets comme l'Allemagne et la Grande-Bretagne auront un moindre effort à fournir. Le plafond des augmentations des ressources sera abaissé et donc les dépenses verront leur volume, qui s'accroît à un rythme de plus de 20 %, adopter un train de sénateur, c'est-à-dire un peu moins vite, un peu moins loin. Cela fait donc des centaines de millions d'écus que l'on n'aura pas à dépenser. Comme je ne crois pas faire un mauvais procès à notre amie, Mme Thatcher, en pensant que parmi ses objectifs, il y a celui de dépenser le moins possible, il y a déjà une partie de la réponse.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que le maintien de la force française au Liban est susceptible d'être mis en cause ?
- LE PRESIDENT.- Ecoutez, j'ai reçu quelques dépêches ce matin. Je suis vraiment tout à fait désireux de ne pas me prononcer avant d'avoir une vue complète de cette situation et des nouvelles dispositions qui seraient prises - je parle au conditionnel - par les uns ou les autres. J'aurai certainement l'occasion de vous rencontrer, mesdames et messieurs à Paris, dans un très bref délai. Je veux vraiment être en possession de ce dossier qui semble évoluer d'heure en heure.
- J'ai toujours rappelé la position française. La France n'est pas au Liban pour y rester indéfiniment. Elle y est venue pour servir d'interposition entre les forces israéliennes et les forces palestiniennes. Elle a évité un bombardement et sans doute des ravages parmi les Palestiniens. A l'époque, c'était en 1982 si je me souviens bien, à-partir du mois d'aôut, 4000 Palestiniens ont pu partir dans la dignité et la vie sauve grâce à nous.
- Et puis, à peine étions-nous revenus, mission remplie, surviennent les massacres de Sabra et Chatila. Toutes les fractions de l'opinion publique libanaise nous ont demandé de revenir. Toutes. Il y avait là un devoir humain. Nous l'avons rempli de telle sorte que nous avons pû renouveler, à l'égard des Palestiniens, notre première action. C'est nous qui avons convoyé militairement les navires grecs lors de l'évacuation de Tripoli : encore 4000 Palestiniens, et environ 3500 lorsque nous avons procédé à l'échange entre les prisonniers israéliens et des prisonniers palestiniens. Sans oublier les services quotidiens rendus à Beyrouth même, par des soldats qui sont aimés de la population, parfois victimes d'attentats terroristes, mais qui n'ont jamais oublié qu'ils étaient là au service du Liban, ami de la France.
- Je ne m'écarte pas de cette ligne de conduite. Nous ne sommes pas là indéfiniment parce que nous n'avons pas d'objectif de caractère territorial. Nous ne sommes pas les protecteurs du Liban, livré lui-même à une guerre civile. Nous connaissons bien entendu les ambitions extérieures, mais cela fait déjà longtemps, messieurs, que j'ai dit - ceux qui suivent les problèmes de politique extérieure le savent - cela fait longtemps que j'ai dit que je demandais le relais le plus rapide possible par les forces internationales `casques bleus` de l'Organisation des Nations unies. On en a même saisi le Conseil de sécurité au-cours de ces dernières heures. C'est notre pensée constante : la France ne veut pas se substituer à l'institution internationale. Elle aura ... comment dirais-je ... elle aura fait la soudure. Je souhaite très vivement qu'au Conseil de sécurité on s'entende pour une solution apaisée, permettant à une force internationale d'assurer le relai des troupes des quatre pays qui composent la force multinationale.
- Voilà. Pour aller plus loin dans mon anaylse, il faut vraiment que je dispose des éléments d'appréciation, c'est-à-dire non pas un problème de fond, je viens de l'expliquer, mais un problème de temps. Là-dessus, j'en jugerai sur pièces.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous avez encore insisté auprès du mouvement hollandais sur la logique d'installer des fusées à moyen terme dans le cas d'une absence continue d'un agrément à Genève ?
- LE PRESIDENT.- Nous n'avons pas beaucoup épilogué sur cette affaire qui a occupé l'opinion avec tant de passion au-cours de ces derniers mois, parce que, pour l'instant, il n'y a pas de négociation. Enfin, sur les forces nucléaires intermédiaires, il n'y en a pas. Et de ce fait je me demande à qui nous nous adresserions. De plus, on ne nous a rien demandé. Il y a, comme cela, l'idée qui apparaît, réapparaît, selon laquelle pourraient être réunies les négociations intermédiaires FNI et stratégiques START. M. Trudeau a fait des propositions dans ce sens, j'ai moi-même abordé ce sujet devant les Nations unies mais nous sommes encore très loin du compte. Le moment n'est donc pas venu où l'on peut débattre sérieusement de cette éventualité. Par contre, la France est tout à fait disposée bien entendu à ce que son influence permette d'accélérer la phase qui fera sortir les deux plus grandes puissances de leur refus de dialoguer. Voilà, notre disposition d'esprit est donc de servir au retour au dialogue. Je ne peux pas vous en dire davantage.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous m'avez bien convaincu de votre esprit européen et de votre volonté européenne mais je voudrais bien savoir si vous êtes aussi enclin de promouvoir un peu l'esprit européen envers vos compatriotes, par exemple, en Bretagne et dans le midi de la France ?
- LE PRESIDENT.- Je voudrais qu'elle soit tout à fait claire votre question £ est-ce que je pourrai étendre l'esprit européen, l'entente européenne à mes propres compatriotes ? C'est cela que vous voulez dire ?
- QUESTION.- Oui, de temps en temps, ils témoignent d'un esprit non européen, d'un esprit plutôt protectionniste et je veux bien savoir si le gouvernement français ...
- LE PRESIDENT.- Quand une population souffre, quand elle est malheureuse, elle n'obéit pas toujours au commandement de la raison, ni même de la justice, c'est vrai. Et il y a beaucoup trop de transporteurs de marchandises étrangères qui sont aujourd'hui l'objet d'agressions sur nos autoroutes et nos routes et cela est tout à fait condamnable. J'ai demandé au gouvernement de sévir et il l'a fait lorsque deux transporteurs britanniques ont été avec leur chargement, détournés de leur route. Des mesures strictes ont été prises, alors que des camions venus d'Espagne transportaient en direction de l'Allemagne des primeurs qui n'étaient même pas destinés à la France. Tout cela est inacceptable.\
`Suite réponse sur les agriculteurs`
- Simplement il faut comprendre un peu le réflexe de producteurs qui consacrent toute leur vie à travailler pour élever leur famille, qui font bien leur travail et qui se trouvent victimes de fluctuations de prix soudaines, qui les ruinent. Alors, naturellement, ils ont fait comme une sorte de fixation sur les montants compensatoires monétaires, en-particulier sur le porc. Et naturellement, ce n'est pas du tout une querelle que je cherche à mes amis néerlandais, mais c'est vrai qu'un porc, vous voyez comment c'est fait : on peut dire qu'à 98 % c'est fabriqué par ce qu'il mange. Vous pourriez dire, il en va de même pour nous. Mais il y a moins de diversité dans leur cas et eux, ils se nourrissent même aux Pays-Bas, surtout avec des productions américaines, du soja, du manioc, du tourteau sur lesquels les travailleurs hollandais n'ont strictement rien fait. Simplement ils achètent à bas prix puisqu'il n'y a pas de taxe. Aussitôt, cela se transforme en bonne viande de porc. Le porc fait tout le travail. C'est ce qui autorise les Pays-Bas à pouvoir vendre leurs porcs en Bretagne moins chers qu'on ne les fabrique sur place. Il y a de quoi se mettre en colère ! Et comme d'autre part - cela c'est une pierre dans votre jardin, monsieur Lubbers - comme d'autre part, le porc est précisément l'une des productions qui ne sont pas garanties par un prix d'intervention, c'est donc la loi du marché qui doit jouer. Et elle ne joue pas. C'est tout ce que je voulais vous dire. Nous nous sommes très bien entendus pendant ces 36 heures, je ne vais pas dire une parole de travers ! Simplement, quand on est producteur breton, ce sont des questions qui peuvent tracasser. Il n'empêche que les Néerlandais ont de très grands mérites, que ce sont de très bons partenaires, ce sont de rudes concurrents mais parce qu'ils le méritent. Nous n'avons pas le droit, nous, de détruire leur patrimoine et de ce point de vue, je vous prie de croire que le gouvernement français considérera ces agressions comme devant être sans excuses.\
QUESTION.- Monsieur le Président, après l'attentat qui vient d'être commis en plein Paris, certains vont prétendre à tort ou à raison que la France paye là "le prix" pour la conduite qu'elle a adoptée à l'égard de tous les opposants au régime des molahs en Iran d'autant plus que ces derniers temps à Téhéran on ne s'est pas privé de parler de la France comme le "grand Satan". Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez ?
- LE PRESIDENT.- Au moment où vous me dites cela, on me transmet une dépêche dans laquelle on dit que deux opposants au régime de M. Khomeiny, le général Oveissi et son frère ont été assassinés à Paris.
- Tous les réfugiés iraniens viennent, veulent venir ou sont venus en France. Voilà, c'est une fatalité. Nous avons à l'heure actuelle toutes les couches successives de la géologie politique iranienne. Il y a des membres de la famille impériale, il y a des généraux, il y a des amiraux. Ils ne sont pas toujours très bien ensemble. Il y a l'ancien chef du gouvernement, M. Amini, il y a M. Chapour Bakthiar. Il y a M. Bani Sadr, il y a le chef des "Moujjahidines". Il y en a et aura beaucoup d'autres que je ne connais pas. Il y en avait d'autres et l'Ayatollah Khomeiny en sait quelque chose.
- Voilà, est-ce que nous devons être punis parce que nous respectons les lois de l'hospitalité ? Parce que nous considérons que les réfugiés politiques doivent être respectés ? Cela comporte naturellement des dangers mais la France est un pays assez grand et assez noble pour comprendre la position de son gouvernement.\