7 février 1984 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, en réponse aux questions des parlementaires néerlandais, notamment sur l'armement nucléaire et les euromissiles, au Parlement des Pays-Bas à La Haye, mardi 7 février 1984.

Je vous remercie de vos paroles, monsieur le Président. J'ai bien remarqué, bien que vous parliez néerlandais, que le sel vous occupe encore et vous a laissé un peu de goût d'amertume dans le fond de la gorge. Très bien, c'est fait ! J'ai estimé qu'il en allait de l'honneur de la France, qui avait signé une Convention, qui avait reçu de l'argent et qui ne s'exécutait pas. J'ai donc demandé à mon gouvernement de tenir la parole donnée. Un délai a été décidé par la loi. Vous pouvez me croire, il sera tenu, j'allais dire cela va de soi. Et maintenant vous pourrez peut-être vous intéresser à tout ce qui nous arrive du Rhin et d'ailleurs, car j'observe la fixation qui s'est faite sur ce malheureux sel français, tandis que les matières chimiques de toutes sortes, ennemies des poissons, de la clarté de l'onde, de la paix du pêcheur, se déversent par centaines de tonnes, milliers de tonnes. Il faudra qu'ensemble nous entamions, monsieur le Président, vous et moi, une campagne pour obtenir de nos autres voisins Européens, un peu négligés dans votre protestation, que le Rhin soit enfin salubre. Enfin, le sel en moins c'est déjà çà.
- Vous avez parlé aussi de notre alliance, pour la guerre, pour la paix, je veux dire pour les bons et les mauvais jours. Les mauvais jours on les a connus, on les a vécus. Nous avons scellé une amitié, des amitiés personnelles. J'étais moi-même à Londres au début de 1944, je suis revenu en France à la fin de 1943, au mois de novembre, je suis revenu en France en février 1944 et j'ai connu plusieurs de vos compatriotes. Ce sont des souvenirs qui restent dans la mémoire, la mémoire la plus forte, qui s'appelle celle du coeur. Et puis je vois tous les jours ce que représente la capacité de travail et d'effort du peuple néerlandais dans les travaux de la paix. Vous n'êtes pas les derniers, loin de là. Et je m'émerveillais au-cours de cette journée et demie de tout ce que je voyais d'abord de l'avion, ensuite de l'hélicoptère, ensuite de la route : ces champs, ces cultures, cette alliance de la terre et de l'eau. Cette force et cette ténacité des hommes, vous avez quelque chose à apporter au monde et si vous l'apportez au monde, commençons donc par l'Europe.\
J'ai reçu là beaucoup de questions intéressantes, mais en-raison du temps dont on dispose, il me sera vraiment impossible d'y répondre, comme je l'aurais fait naguère lors des séances d'interpellation de questions des parlementaires français où je n'aurais pu échapper à rien. Si on me dit, par exemple, comme l'un d'entre vous : "est-ce que la radio libre TILL UILENSPIEGEL DE CAPELLE en France sera subventionnée", je vous réponds : "eh bien oui ". Il y a en France ce qu'on appelle une Haute Autorité en-matière de radio et de télévision. Désormais, c'est elle qui a autorité, ce n'est plus le gouvernement. C'est la première fois que cela existe dans nos institutions et je lui ai demandé son avis parce que j'ignorais le sort de la radio libre TILL UILENSPIEGEL DE CAPELLE. Je ne savais pas. Je reconnais mon ignorance, mais je sais maintenant. Et je sais que la Haute Autorité a autorisé la radio libre en question jumelée avec une autre radio, "radio H", alors là, je ne peux pas vous en dire davantage, je ne sais pas ce que c'est. Donc, ces deux radios ont été groupées, elles sont autorisées, elles recevront donc une subvention.
- Mais élargissons le sujet, je remercie celui qui m'a posé cette question. Il est bon que vous sachiez qu'en France la démocratie a gagné beaucoup de terrain dans le domaine de l'information puisqu'il existe maintenant cette Haute Autorité qui n'est pas contestée. Nous avons autorisé des radios libres, ce qui était interdit auparavant. Lorsque j'étais dans l'opposition, il y a trois ans j'ai été traîné en justice pour avoir parlé à une radio libre, or je ne voudrais pas réserver le même sort à tous ceux qui le font maintenant. Nous avons autorisé huit cents radios libres en France. Au-delà de huit cents il se pose un problème physique, celui de l'encombrement des ondes. On ne peut pas dépasser ce chiffre sans quoi pour avoir voulu trop parler personne n'entendra plus rien.\
Voilà une situation qui va me faire passer tout de suite à quelques questions d'une certaine importance et qui touchent à des questions d'ordre général. J'ai regroupé celles qui m'ont été posées par divers parlementaires appartenant aux diverses familles politiques ici représentées.
- L'énergie nucléaire : le rôle de la France dans ce domaine. Tout naturellement, les relations entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Union soviétique et en quoi l'Europe, la France, peuvent-elles peser sur le rapprochement des deux plus grandes puissances ? Puis quelques autres questions que j'ai notées que je n'aurai pas le temps de traiter beaucoup, peut-être d'un mot sur l'Amérique centrale ou sur la crise monétaire internationale.
- J'ai déjà eu l'occasion il y a deux jours, trois jours, de répondre à des journalistes néerlandais qui m'interrogeaient à Paris. Je n'ai pas vu cette émission, je l'ai faite, mais je ne l'ai pas vue, je ne peux pas dire comment elle a pu être comprise et j'aurais quelques scrupules à me répéter, bien qu'il s'agisse d'un sujet d'une telle importance que se répéter peut avoir une valeur pédagogique. Quelqu'un me rappelait tout à l'heure ce mot excellent d'un humoriste pris dans une discussion extrêmement vive avec un interlocuteur lequel interlocuteur a fini cette conversation en disant : "eh bien vous avez raison, mais vous ne m'avez pas convaincu". Ce qui me paraît être à peu près de la -nature du dialogue habituel que j'ai avec les parlementaires néerlandais.\
La France est une puissance nucléaire. Décision prise par le général de Gaulle il y a pas mal d'années. Elle est un des cinq pays dotés d'une arme nucléaire. La France a défini cette force militaire comme dissuasive. On pourrait dire défensive, mais ce n'est pas tout à fait le même sens. Elle est naturellement défensive, je veux dire par là que vous ne pouvez pas imaginer que la France pourrait prendre l'initiative d'une guerre bilatérale qui dégénèrerait en guerre mondiale et qui commencerait par sa propre destruction. Ce n'est pas simplement du langage diplomatique que j'emploie là. La vérité vous apparaîtra tout de suite lorsque j'aurai dit que la France dispose de 98 charges nucléaires, la Grande-Bretagne de 64, l'Union soviétique de 9000, les Etats-Unis d'Amérique aussi, environ 9000, - 98, 9000 - sur les 98 charges nucléaires, 80 sont sous-marines.
- C'est pourquoi lorsqu'on nous pose la question : "pourquoi n'acceptez-vous pas que l'on compte vos armes dans la négociation de Genève ?". Je réponds très simplement : que cette question n'est justifiée que si l'on manque d'information. D'abord, nous ne sommes pas invités à Genève. Nous n'y sommes pas. Je ne vois pas pourquoi nous laisserions à deux puissances étrangères le soin de décider pour nous des moyens de notre défense. Ensuite si on nous y invitait, nous n'irions pas. Pourquoi ? Parce qu'à Genève on ne discute pas de l'armement ou d'un armement tel que celui que possède la France. C'est-à-dire qu'on demande aux Français d'apporter sur une table de négociations, où elle ne siège pas, six sous-marins, les sous-marins français, alors que les deux grandes puissances n'y apportent pas les leurs. Car les sous-marins russes et les sous-marins américains ne sont pas soumis à la négociation de Genève. Cela veut dire qu'on va discuter seulement des sous-marins français. Il va y avoir deux juges qui vont décider souverainement "eh bien voilà vous allez vivre, survivre ou bien vous allez disparaître. Mais nous, nous ne discutons même pas des armes que nous réclamons".
- Je ne sais pas comment réagiraient les Néerlandais. Je m'en doute quand même, s'ils étaient dans le même cas. Donc on compare ce qui n'est pas comparable.\
Naturellement cette question en amène une autre qui a d'ailleurs été posée par quelqu'un, c'est celle qui consiste à dire : "mais si alors on réunissait la négociation sur les forces nucléaires intermédiaires FNI, celle de Genève, où nous comprenions que vous n'alliez pas, aux négociations START qui, elles, débattent des forces stratégiques et votre force est stratégique", alors là, est-ce que vous continueriez de dire non ? C'est la seule question, à mon avis, permettez-moi de vous le dire, la seule question logique. La question ne m'a pas été posée officiellement, ici oui, mais je veux dire par nos partenaires. Elle n'a pas pris valeur diplomatique internationale. J'en ai parlé à la tribune des Nations unies `ONU` récemment. J'en ai discuté avec M. Trudeau qui venait m'entretenir du même sujet, il n'y a pas très longtemps, et qui disait : "eh bien voilà, on va faire une conférence avec les cinq puissances nucléaires. Elles vont se réunir, elles vont mettre tout leur armement nucléaire, stratégique et intermédiaire, sur la même table. Ca veut dire qu'il faut qu'aussi la Chine, la Grande-Bretagne participent. J'ai posé la question à Mme Thatcher et j'ai posé la question à M. Den Xiaoping. M. Den Xiaoping vous connaissez déjà sa réponse. Quand les Etats-Unis d'Amérique et l'Union soviétique auront détruit 50 % de leurs fusées, c'est-à-dire quand ils en seront 4500, on pourra peut-être commencer à discuter. J'ai le sentiment que Mme Thatcher m'a fait une réponse à peu près comparable. Bon alors de nouveau c'est la France qui reste. Tandis que les autres pays ne remettraient pas leurs armes à une conférence de ce genre, la France devrait-elle le faire ? Je n'ai pas arrêté une position. Assurément, je n'accepterai pas de voir diminuer la capacité militaire de la France en présence de deux super-puissances qui ne renonceraient pas à une partie considérable du surarmement dont elles disposent.\
Vous pourriez me dire pourquoi cet armement, à quoi cela vous sert ? Cela nous sert d'abord à assurer notre autonomie. L'autonomie de dissuasion. Cette force de dissuasion dépend de mon commandement, c'est-à-dire du commandement du chef de l'Etat français et ne dépend que de lui seul. C'est pourquoi la France a quitté le commandement intégré de l'OTAN. Il ne peut pas y avoir d'intervention de quiconque et notamment d'intervention américaine exerçant un commandement allié sur notre force nucléaire et nous entendons préserver cette autonomie. A la question posée par l'un d'entre vous : "la France entrera-t-elle dans l'OTAN ?" dans le commandement intégré de l'OTAN, il faut bien peser la valeur des mots, dans le commandement militaire intégré de l'OTAN, je réponds très simplement : il n'en est pas question.\
Alors, il y a là la grande bataille sur les euromissiles. Je rappelais à l'un de mes amis ici présent, ce matin, que j'avais été l'un des premiers en Europe à prononcer ce qui est devenu un slogan depuis lors, c'était en 1979, c'était à la tribune de l'Assemblée nationale française et j'étais dans l'opposition. J'avais dit : ni Pershing II, ni SS 20. A l'époque il n'y avait pas du tout de Pershing II, la résolution venait d'être prise par les pays appartenant au commandement intégré de l'OTAN. La décision était récente et n'était pas appliquée, cela va de soi, puisqu'elle s'était donné quatre ans devant elle et il n'y avait pas beaucoup de SS 20. Il était donc raisonnable de penser que l'on pouvait revenir à zéro.
- Quand beaucoup d'autres que moi, ont repris le refrain : "ni SS 20, ni Pershing II", quatre ans plus tard il n'y avait pas encore de Pershing II, maintenant il y en a, mais il y avait 250 SS 20, 250 en Europe, sans parler d'une centaine en Asie, et vous savez que c'est mobile, cela peut facilement franchir l'Oural. 250, cela veut dire 750 charges nucléaires. 750, ce sont des fusées qui peuvent faire 4500 kms, mais qui ne traversent pas l'Atlantique, donc elles ne peuvent aller qu'en Europe, et je ne sais où vous êtes vous ? Mais, nous, nous sommes en Europe, la France. Alors, on s'interroge. 750, 4500 kms, 300 mètres de précision, quelques-unes de ces fusées et la France est écrasée dans une affreuse destruction. Comme ce n'est pas destiné, cela ne peut pas l'être aux Américains, pourquoi nous ? Mais qu'est-ce qu'on a fait ? qu'est-ce que vous avez fait ? qu'est-ce que nous avons fait ? sommes-nous menaçants pour l'Union soviétique `URSS` ? Mais pas du tout. Nous avons des relations d'amitié nous, plusieurs fois séculaires. Nous avons eu très peu de conflits et généralement marginaux. Du temps où c'était la République, elle s'entendait très bien avec le Tsar. Du temps où c'était le général de Gaulle, elle s'entendait très bien avec Staline. On peut toujours bien s'entendre si on le veut et je trouve cela excellent. Je souhaite que la France s'entende aussi bien avec l'Union soviétique de M.Andropov, mais à condition qu'il existe un respect mutuel et que l'un des deux pays ne vive pas sous la menace.
- Alors, j'ai dit une fois, c'était au Bundestag à Bonn, tant que les Soviétiques n'accepteraient pas de descendre à un niveau suffisant dans l'armement en SS 20 et en missiles de croisière, qu'on ne pouvait pas refuser aux Américains cette installation de Pershing II. Mais j'ai ajouté que pour moi, il convenait de faire un accord à Genève au niveau le plus bas possible. J'ai même dit à la télévision française que je regrettais, c'était il y a un an et demi, que l'on n'eût pas mieux exploité du côté américain et russe la possibilité d'accords esquissés au-cours des conversations Nitze - Kwitsinky qui supposaient la non installation des Pershing II, donc au niveau le plus bas possible et le plus bas niveau possible, c'est rien du tout, ni Pershing II, ni SS 20. Voilà ce que j'essaie de vous expliquer.\
Lorsque je disais à votre télévision : je suis aussi pacifiste que vous, aussi pacifiste que vous si personne n'a d'armes nucléaires, je peux bien m'en passer. Ce sera une économie. Ce sera une sécurité. Mais si un grand pays dispose à un peu de distance, à un quart d'heure, vingt minutes d'une force capable de détruire mon pays, comment puis-je raisonner autrement ? Puis-je détruire ce que mon pays possède, et je me mettrai tout à fait à l'aise avec vous en vous rappelant que lorsque le Président de la République française de ces années-là, a décidé la construction de la bombe atomique française, je m'y suis opposé. Alors vous direz, mais quel manque de suite dans les idées. Non, l'armée française repose aujourd'hui, et donc la sécurité de mon pays, sur cette arme, car tout s'est organisé autour. C'est aujourd'hui la colonne vertébrale, l'axe de notre armement. Et j'ai pensé que la sagesse, que mon devoir, je le pensais à-partir de 1976 - 1977, était de prendre la défense de mon pays comme elle était.\
A quoi peut servir cette force française ? D'autres questions encore ont été posées par vos soins. Je l'ai encore dit tout à l'heure dans un discours que je prononçais dans ce Palais, dans une autre salle, la force nucléaire française, en-raison de la stratégie de dissuasion, ne peut avoir d'emploi que pour assurer la sécurité, la sauvegarde de notre territoire national et des intérêts vitaux dont nous sommes seuls juges. C'est-à-dire que la France ne peut pas engager l'Europe et ses amis d'Europe à croire qu'elle serait en mesure d'assurer leur sécurité. Non, c'est le raisonnement que j'ai tenu avec l'Allemagne fédérale. Oh ! nous avons avancé considérablement dans la mise en oeuvre de ce qu'on appelle le Traité de l'Elysée, Traité signé par le général de Gaulle avec le chancelier Adenauer en 1963, et dont un article était resté inexploité, que j'ai mis en vigueur moi-même pour une coordination, une entente, une concertation, une harmonisation des démarches stratégiques allemandes et françaises. Ca va très bien. Mais quant à dire qu'il pourrait y avoir une force nucléaire commune, non seulement les dispositions prises par les alliés à la fin de la guerre de 1939 - 1945 ne le permettent pas, mais encore il est impossible stratégiquement et techniquement d'avoir un commandement ou une décision partagés. Je l'ai dit honnêtement aux Allemands qui d'ailleurs ne demandent pas de disposer à leur tour d'une force nucléaire. Voilà ce que je puis vous dire sur ce sujet sans précaution de langage particulière, simplement pour vous tenir informés puisque vous avez l'obligeance de me recevoir parmi vous.\
J'ai bien entendu ici, à Amsterdam, dans beaucoup d'autres villes en Europe, beaucoup de personnes qui sont anti-nucléaires et je crois bien me rendre compte qu'il y en a quelques-unes ici. Mais moi, je me sens très à l'aise avec eux, même s'ils sont mal à l'aise avec moi. Très à l'aise parce que je leur dis : ah ! si vous pouviez avoir raison comme ce serait mieux, c'est toute la différence qu'il y a entre le rêve ou l'imagination créatrice. Quand on finit par avoir raison pour la -défense de la paix, c'est un beau rôle, un juste rôle. Moi je suis chargé d'une réalité présente. Et cette réalité présente elle ne permet pas de faire l'impasse sur le déséquilibre, sur l'insécurité, elle ne me le permet pas. Et comme d'autre part, je pense que personne ne peut soupçonner la France, j'ai dit : matériellement pourquoi ? mais psychologiquement et moralement aussi. La France est une démocratie. Il est inimaginable que la France puisse être une cause de guerre, ce serait notre mort d'abord, la fin de mon pays. Mais la capacité de réplique, c'est une difficulté dissuasive, c'est-à-dire que nous pensons, et jusqu'ici il n'y a pas lieu de penser autrement, qu'aucun agresseur n'aurait intérêt à agresser, à menacer la France dans la simple perspective des dommages qu'il pourrait lui-même subir.
- Et puis les choses vont évoluer, mesdames et messieurs. Je disais tout à l'heure dans cet exposé que je faisais dans la Salle des Chevaliers, rappelant cette occasion - j'avais été l'un des participants de ce premier congrès de l'Europe en 1948 - je leur disais : réfléchissez bien, cela ne se sait pas, du moins cela ne se sait pas assez, mais il faut déjà porter le regard au-delà de l'arme nucléaire ou bien nous serons très vite dépassés. Et pour cela, pour ceux d'entre vous qui se passionnent pour ces sujets ils pourront fournir les explications techniques à leurs collègues et nous verrons que des systèmes qui se mettent en place aux Etats-Unis d'Amérique particulièrement, les dernières dispositions prises par M. Reagan, montrent que avec des projectiles à la vitesse de la lumière et avec des moyens de défense, des réseaux de laser qui enfermeront les Etats-Unis d'Amérique dans une sorte de filet de sécurité permettant d'arrêter toute agression possible, le nucléaire apparaîtra peut-être plus tôt qu'on ne le croit comme une technologie dépassée. En tout cas comme l'un des éléments et non plus comme l'axe majeur, comme l'un des éléments seulement des stratégies futures, le futur étant avant la fin du siècle. Voilà.\
Maintenant, à toute allure. A quoi sert Stockholm ? A maintenir la dernière relation entre l'Est et l'Ouest £ à ne pas couper le dernier fil £ à permettre à toute l'Europe de discuter, toute l'Europe sans exception, toute l'Europe de l'histoire et de la géographie, tout sont là. En plus il y a quelques visiteurs d'Amérique. Il faut garder, il faut protéger, cette enceinte unique au monde. Est-ce que cela sera utile dans l'immédiat, difficile à dire. En tout cas il faut que notre diplomatie agisse comme si cela devait être utile dans l'immédiat.\
L'importance des élections au Parlement européen ? Elle est grande. Elle est grande à la condition que les institutions de l'Europe, Commission `européenne`, Conseil européen, Conseil des ministres soient capables de fixer un objectif politique et culturel au-delà des objectifs techniques, économiques et commerciaux. S'il n'y a pas l'inspiration, le grand dessein, l'idéal pour une construction européenne nourrie de l'intérieur par une civilisation, une culture. Alors les institutions tourneront en rond et il ne se passera rien, mais j'espère que le débat au-cours de ces élections permettra de réveiller les vieux espoirs.\
L'Amérique centrale. Je l'ai expliqué à M. Reagan un jour à Washington `12 mars 1982`. Nous parlions du Salvador, du Nicaragua et visiblement nous n'étions pas tout à fait d'accord car je lui expliquais que pour moi c'était prendre le problème à l'envers. Personnellement je pensais que ces peuples d'Amérique centrale ont besoin d'être libres, d'être libres en face des oligarchies de grands propriétaires qui sont possesseurs de la totalité du terrain cultivable et qu'ils ont besoin de se libérer des dictatures sanglantes qui les oppriment et que le rôle de l'Occident, vous l'avez fait, nous l'avons fait nous aussi, est de servir à cette libération, cette double libération. Les révolutions libérales de la moitié du XIXème siècle ont déjà voulu cela. Elles n'ont pas attendu les révolutions socialistes. C'est la même démarche qui pousse les sociétés évoluées à se libérer. Alors si l'Occident prend partie pour des intérêts matériels souvent mesquins contre ces libérations, il appelle tout naturellement les autres à venir vendre leurs armes et à fournir leurs idéologies. Je crois que dans cette région du monde l'Occident manque à ses premier devoirs.
- Voilà mon opinion, mesddames et messieurs, je ne vous demande pas de la partager, de les partager. En tout cas ce sont celles que j'ai dites au Président Reagan qui m'a écouté avec beaucoup d'amabilité et qui, d'ailleurs, aussitôt quand nous sommes sortis, vous savez comme cela se passe là-bas, on ouvre les portes, qu'est-ce qu'on trouve devant soi quand on ouvre les portes, qu'est-ce qu'on trouve devant soi quand on ouvre une porte : les journalistes. Alors il y avait 150, 200 journalistes, tout était installé déjà pour ce scénario. On est donc arrivé tous les deux, chacun avait sa petite tribune et M. Reagan qui me recevait a dit : "Voilà, je tiens à vous dire que le président Mitterrand et moi-même nous sommes tout à fait d'accord sur les problèmes de l'Amérique centrale", mais il a ajouté, parce que c'est un honnête homme, il a ajouté : "pour une action démocratique en Amérique centrale", alors qu'est-ce que vous voulez que je dise, j'ai dit la même chose, j'ai dit : "je suis tout à fait d'accord pour une action démocratique en Amérique centrale, moi aussi". Mais j'espère que le Président des Etats-Unis quand je serai parti se souviendra quand même de ce que je lui ai dit. Nous avons tort, nous l'Occident, de nous opposer aux évolutions qui vont dans le sens de la liberté. Voilà ce que je pense de l'Amérique centrale. Il y a donc là contresens à mes yeux.
- Voilà, je choisis comme çà une façon un peu peut-être arbitraire. J'ai dépassé le temps qui m'avait été imparti. Je souhaite vivement, mesdames et messieurs, que vous soyez convaincus de la sincérité de ma pensée, naturellement contestable. J'ai trop vécu au Parlement pour considérer qu'il n'y avait pas chez chacun d'entre nous, une part, mais seulement une part de vérité. En tout cas je vous dis celle que je conçois, celle que je ressens et j'essaie de vous convaincre, y parviendrai-je ? De toute façon j'aurai passé avec vous un moment que je crois utile, en tout cas pour moi et je vous remercie.\