4 novembre 1983 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue du déjeuner au centre culturel polyvalent de Cognac (Charente), vendredi 4 novembre 1983.
Mesdames et messieurs,
- J'ai eu un vrai plaisir à passer ces quelques moments avec vous et particulièrement avec ceux qui, proches de moi, ont pu au-cours de ce repas approfondir nos conversations. Cela a été pour moi une occasion de renouer avec certains d'entre vous, que je connais depuis de nombreuses années, et surtout, c'était l'objet même de cette rencontre, de m'entretenir des problèmes d'une région avec ses principaux responsables.
- Nos échanges au-cours de ce repas ont été nombreux, souvent précis et je dois dire que j'avais à faire à de rudes partenaires. Je vais maintenant rassembler en quelques mots nos discussions et vous dire en quelque sorte à haute voix, les réflexions que m'inspirent cette rencontre.
- Ce qui me frappe, tout d'abord, lorsque je traverse votre région, lorsque je vous vois, lorsque je vous entends, c'est la situation paradoxale dans laquelle vous vivez. En effet le produit qui vous unit tous ici, je veux dire le cognac, se porte bien si l'on considère ses résultats économiques globaux - que dire d'autre d'une production qui est exportée à près de 88 % en 1982 et qui a rapporté à la collectivité nationale l'équivalent de 4 milliards de francs de devises. Mais, et vous me l'avez suffisamment répété au-cours de ce déjeuner, si le cognac se vend bien à l'étranger et même sur les marchés les plus difficiles, la viticulture qui est ici à la base de tout connaît des difficultés et certains viticulteurs sont même, je le sais, dans une situation dramatique. Je comprends que ce contraste soit mal supporté - comment pourrait-on accepter cette gêne, cette angoisse de la mévente sans un sentiment d'injustice lorsqu'on produit du cognac qui est toujours associé, même quand ce n'est pas vrai, à une certaine idée de richesse et de bien-être. Il faut que nous en parlions clairement et que nous regardions tous, professionnels et pouvoirs publics ici représentés, les causes de ce paradoxe.\
Si le cognac est un produit mystérieux, cette "âme ardente du vin", dont nos viticulteurs sont, à juste -titre, si fiers, il est surtout un produit raffiné. Et il se vend bien, il faut le reconnaître, dans les phases d'expansion économique où chacun, peu ou prou s'enrichit, mais, que survienne une crise, il est alors l'un des biens dont on se privera en premier. Jusqu'à la fin des années 60 `1960` les sorties de cognac évoluaient parallèlement à la production. La période était faste et l'on a cru qu'elle continuerait. Les pouvoirs publics d'alors ont autorisé de nouvelles plantations de vignes, parce que l'on pensait que le marché, aussi bien en France qu'à l'étranger absorberait ce surplus de production. Et vous le savez bien, il n'en a rien été. Depuis 1973, les courbes s'écartent l'une de l'autre au point que le stock total d'eau-de-vie représente six années de vente et que la région est régulièrement excédentaire d'environ 170000 hectolitres d'alcool pur tous les ans, quelquefois davantage.
- S'agit-il d'une crise conjoncturelle ? D'un mauvais moment à passer, lié à la crise économique internationale ? Suffit-il d'attendre des jours meilleurs et que le marché reparte de lui-même ? Certains le pensent. Je ferais mieux de dire qu'ils l'espèrent £ mais il y a d'autres facteurs qui doivent nous inciter à la prudence : la concurrence d'autres alcools moins bons que le vôtre, mais aussi moins coûteux et les modifications de consommation qui ont multiplié sur notre marché intérieur les ventes d'alcool de céréales par vingt en vingt ans, alors que depuis quinze ans la consommation de cognac est pratiquement stable peut-être même en légère régression. Il y a là me semble-t-il des transformations culturelles dont les effets sont décisifs. Désormais il est clair que le maintien ou l'élargissement du marché du cognac ne peut se faire qu'en direction de l'exportation. Encore faut-il préciser que vos exportations restent et resteront toujours fragiles, à la merci d'une dépression économique, je vous l'ai dit, ou, vous l'avez souligné, monsieur le maire, d'une mesure de rétorsion douanière.\
C'est donc un marché difficile et fragile à la fois, auquel nous avons à faire. Et si nous avons bien pris la mesure de cette difficulté, nous savons aussi qu'il n'existe pas de solution miracle, de décision extraordinaire qui comme par enchantement résoudrait les problèmes que la région connaît maintenant depuis dix ans. En effet, il n'est pas possible d'appliquer au cognac une organisation de marché comparable à celles qui ont été mises au point pour d'autres produits agricoles, comme les céréales et le lait. Et il est difficile de concevoir un système d'intervention automatique pour un produit aussi spécifique, aussi original que celui-là. Encore moins un système de restitutions à l'exportation pour une marchandise dont nous détenons le monopole. Et si nous nous refusons à la facilité de transférer nos problèmes à d'autres qu'à nous mêmes, nous devons agir ensemble dans le respect des fonctions et des responsabilités de chacun dans trois grandes directions :
- La première, la gestion immédiate du marché. Vous avez conclu il y a quelque temps un accord interprofessionnel qui organise la campagne 1983 - 84. Un accord interprofessionnel, ce n'est pas à vous que je l'apprendrai, c'est toujours un compromis. Et je sais bien que celui-ci, pas plus que les autres, ne satisfait tout le monde, mais il est là, et j'ai noté que vous vous êtes préoccupés de l'équilibre du marché et que vous avez cherché à maintenir la production du cognac au niveau des possibilités de commercialiser 420000 hectolitres d'alcool pur. Que la négoce achèterait une quantité de cognac représentant 110 % de ses ventes et que les transferts de droits s'effectueraient sous le contrôle de votre organisation interprofessionnelle.\
Et puis, vous le savez, la côte des vins et des eaux de vie a été fixée avant-hier, par vous-mêmes, avec l'accord du gouvernement. Certains auraient souhaité davantage, d'autres moins, je veux dire que certains producteurs auraient souhaité davantage que les pouvoirs publics et les pouvoirs publics auraient souhaité moins. Mais il me semble que vous avez obtenu quelque chose, un palier, qui à la fois s'inscrit, et je dois en assurer la -défense, dans le -cadre des objectifs gouvernementaux. Je crois que cela peut donner satisfaction, + 5 %, + 9 %. Je crois que ce compromis ne doit pas embarrasser plus qu'il ne faut une action nationale dont j'ai la charge et qui doit nous conduire vers une réduction de l'inflation, vers 5 %. Nous sommes sur une marche de croisière depuis trois mois de 6 %. Nous sommes partis de 14 %. Naturellement dès qu'on évoque 9 %, même pour un produit qui le mérite et dans une situation tout à fait particulière, aussitôt cela risque de produire un effet contagieux. Et cependant je vous confirme mon accord, je crois que vous avez bien fait d'aller jusque là. Mes paroles, sans doute, suffiront à faire comprendre qu'il était impossible d'aller plus loin.
- Selon la règle que vous avez vous-mêmes adoptée, nous en restons ici à des accords entre vous. Le gouvernement ne peut pas rester indifférent, et l'on peut dire que cela se passe sous son regard, parfois avec son avis donné, son conseil, mais c'est vous professionnels qui restez très engagés par cette décision. Alors, je le souhaite et je vous le demande très fermement que ces engagements soient de part et d'autre scrupuleusement tenus, qu'en cours de campagne ù`campagne agricole`, telle ou telle fraction de ces interprofessions ne laissent pas les choses aller ou traîner, profitant d'une situation qui s'éloignerait de notre regard et que les autres sachent se soumettre à une discipline nécessaire. Que les prix de la côte se tiennent bien ou correctement tout au long de la campagne, que les quantités d'alcool inscrites soient effectivement achetées, que les transferts de droits soient équitables et j'insiste sur ce point. Dans cette période économique délicate, les différentes familles d'une organisation professionnelle comme la vôtre doivent parvenir à une gestion tout à fait solidaire du marché. J'ai eu l'occasion de débattre de ces sujets avec quelques-uns de vos dirigeants dont les avis m'ont été précieux et je me souviens que je leur disais, notamment lorsque nous avons mis en place les structures de l'office du vin - j'en ai débattu avec Mme le ministre de l'agriculture `Edith Cresson` de l'époque - que j'estimais nécessaire de protéger les secteurs dans lesquels, pour des appellations d'origine, là où il existe des interprofessions on peut faire confiance aux responsables, aux professionnels comme on dit, en même temps qu'il fallait protéger la -nature particulièrement remarquable de productions comme la vôtre.
- Mais, naturellement, cette responsabilité en entraîne d'autres, elle est la vôtre et je vous la lègue sachant que vous y réfléchirez comme il convient.\
Quant aux différentes formes de distillation, qu'il faut bien utiliser sur un marché aussi encombré, vous savez que le gouvernement a obtenu l'an dernier la possibilité pour votre région d'accéder à la distillation préventive. Nous en avons débattu au sein de la Communauté européenne `CEE`, qui n'est pas toujours très contente de nous, et particulièrement de vous, messieurs. Lorsque la Communauté européenne propose ses règlements, ses règles à ce qui est la -nature même de la région à laquelle j'appartiens, la France défend sa position, mais ce n'est pas toujours très aisé et je me souviens que lorsqu'il a fallu obtenir de l'Europe, pour la première fois depuis la création du Marché commun agricole, une capacité de distillation qui représente une première organisation du marché du vin, nous avons bien senti à quel point, en dépit de cette première victoire, nous étions isolés.
- S'ajoutant à la distillation obligatoire, c'est entre 100000 hectolitres et 250000 hectolitres d'alcool pur qui devraient être dégagés. Encore faut-il qu'ils le soient rapidement et j'ai demandé aux administrations - je le dis ici publiquement, j'espère qu'elles m'entendront - que tous les textes réglementaires nécessaires à cette opération soient prêts. Réponses qui seront à votre disposition dans les jours qui viennent. Le gouvernement devra veiller pour sa part à ce que les engagements financiers de la Communauté soient tenus de ce côté en temps opportun.\
Deuxième point, deuxième grande direction : cette gestion du marché sera plus efficace et plus juste mais elle ne suffira pas à résoudre tous les problèmes des viticulteurs. Certains auront encore des difficultés pour vendre l'alcool qu'ils ont produit et ils seront contraints de stocker ou peut-être pis encore de brader et il n'est pas possible de les laisser continuer à s'endetter de la sorte car il arrivera un moment où certains, ne pouvant plus faire face à leurs engagements - c'est eux-mêmes, leur exploitation, leur famille qui seront menacés et la région en sera victime.
- Vous avez tenu, il y a quelques jours, une réunion destinée à préciser les conditions dans lesquelles les viticulteurs pourront avoir accès aux aides directes qui ont été décidées au début de l'année par le gouvernement, à la suite de la commission Sugini à laquelle, permettez-moi de vous le rappeler, vous étiez associés. Il faut désormais que leur répartition aille vite et je demande encore à l'administration, - elle est là pour m'entendre, un peu partout autour de ces tables et elle m'entend, je voudrais aussi être sûr qu'elle m'écoute et elle m'écoute, et si ce n'était pas assez, j'aurais l'occasion de le rappeler, - de prendre avec le bureau national interprofessionnel de Cognac les mesures nécessaires à cette rapidité. Lorsque ces aides auront été perçues par les viticulteurs, vos organisations représentatives examineront avec le gouvernement la situation des viticulteurs les plus endettés ou qui n'ont pas pu vendre et qui n'ont pas la possibilité d'arrêter leur production, de se reconvertir afin de proposer les mesures économiques capables d'améliorer leur situation, et cela pourrait figurer dans de futurs accords interprofessionnels. Il ne s'agit là que d'une indication. Mais je souhaite qu'on se mette au travail, vous et nous, pour la concrétiser avant la prochaine campagne. Bref, le gouvernement ne refuse pas d'assumer une responsabilité qui n'est pourtant pas exactement la sienne, pour compenser des situations devenues dramatiques et pour ne pas faire supporter uniquement par l'ensemble des interprofessions une situation particulière qui n'en est pas moins, vous le savez bien, fort importante.\
Je sais aussi que certains viticulteurs se plaignent d'être peu ou mal représentés dans les instances professionnelles et surtout interprofessionnelles. C'est vrai que le temps passe, que les choses se modifient, que l'aire de l'agriculture s'est étendue, que l'on peut dire "c'est bien, c'est mal, on a peut-être été imprudent", peu importe, c'est comme cela. Et, à-partir de là, il y a un devoir de solidarité et même ensuite un devoir de représentation pour que chacun de ceux qui s'estiment lésés puissent dire ce qu'ils en pensent.
- C'est une question de droit à la parole. Mais il ne m'appartient pas de dire ce qu'il convient de faire face à cette revendication. J'estime qu'il serait utile qu'elle soit prise en compte, pour que toutes les parties prenantes à la production du cognace puissent vraiment se serrer les coudes. Je souhaite donc que votre organisation interprofessionnelle fasse au gouvernement, d'ici au mois de mars, des propositions qui permettent de réaliser les ajustements nécessaires pour que cette représentation soit tout à fait équitable et d'autant plus efficace que toutes les catégories de négociants et de producteurs qui doivent normalement donner leur avis sur la gestion du produit sur le marché, se seront concertés. Vous verrez dans un instant qu'un certain nombre de questions devront être abordées par tous car les solutions seront difficiles à apporter.
- Vous avez besoin d'une organisation interprofessionnelle solide, et je dois dire parce qu'il faut être juste, que toute institution est naturellement contestée. Je disais à ces messieurs, mes voisins, que je ne vois pas pourquoi, l'étant moi-même, ils ne le seraient pas, et le cas échéant, j'ai le sentiment que ce serait plus juste... Mais, cela étant dit, il faut se rendre compte que ce qui a été fait dans la région de Cognac, peut quelque fois laisser penser à certains, par le fait qu'à travers les familles se sont transmises, de génération en génération, une compétence, une expérience, qui n'est pas toujours aisément transmissible ou transférable sur d'autres, qu'il existe des disparités, des distorsions entre les différentes catégories économiques et donc entre les différentes catégories sociales de la viticulture et du négoce.
- Mais, je suis de ceux qui ont vécu dans la narration par les générations précédentes, et celles d'avant encore, de l'extraordinaire courage, de l'esprit d'organisation qu'il a fallu pour surmonter la crise quasiment mortelle du phylloxéra. Et il est vrai que c'est à travers une très surprenante capacité d'organisation des professions que finalement le cognac a été sauvé. On ne peut donc pas, au moment où un certain nombre de critiques peuvent paraître justes, ignorer ce fait : pourquoi substituer quiconque d'autre, et surtout pourquoi substituer l'Etat ou des organisations interprofessionnelles qui ne seraient pas strictement celles du cognac à l'étude d'un problème sur lequel, messieurs, vous allez vous pencher, vous avez déjà commencé de le faire, pour éviter d'inutiles dissentiments ?\
Vous avez déjà réalisé de très belles performances à l'exportation mais il faut continuer. C'est le troisième point de cet exposé. Il faut encourager tout ceux qui à côté des grandes marques cherchent à développer leurs ventes sous des formes originales. Je crois connaître les expériences de certains d'entre vous et je crois pouvoir dire que vous pouvez compter sur mon soutien. Vous avez demandé que certaines aides à la promotion de votre produit soient maintenues. Madame le ministre du commerce extérieur `Edith Cresson` ici présente, monsieur le ministre de l'agriculture sont disposés à examiner cette question avec vous pour y apporter une solution. Monsieur le ministre de l'agriculture a dû transporter son terrain de batailles sur le -plan de l'Europe `CEE` où il occupe une large place. Cela lui prend beaucoup de temps et de responsabilités dont il s'est tiré récemment pour une autre production, les fruits et légumes, au grand avantage du pays.\
Il faut enfin que nous abordions la question difficile de la stabilisation, voire la diminution de la production d'eau-de-vie. Je sais combien il est difficile de parler de cette question à des viticulteurs attachés à leurs vignes, aux produits de celles-ci par des liens affectifs familliaux, très forts. Il existe peut-être même au-delà de la conscience, dans le subconscient de cette région, et de toutes les régions vinicoles, un attachement profond, de caractère sentimental, presque mythique et il n'est pas possible de traiter d'un problème commercial, économique ou politique en ignorant cette donnée, qui est une donnée fondamentale et propre à toute civilisation.
- On ne peut pas prôner la cessation de la production avec le coeur froid d'un technicien qui ne contemplerait que les chiffres, mais enfin le mouvement d'arrachage des vignes a déjà commencé puisque vous en êtes à l'heure actuelle à près de 2000 hectares par an. Vous avez vous-mêmes abordé cette question dans votre accord interprofessionnel de cette année et je pense que le gouvernement fera bien d'examiner de plus près cette question avec vous, afin d'aider, c'est son rôle - davantage de viticulteurs qui décident d'arrêter leur production parce qu'ils sont prêts à prendre leur retraite, ou parce qu'ils savent qu'ils n'auront pas de successeurs.
- Je souhaite que cela devienne pour eux non pas un geste de désespoir mais une manière de se tourner positivement vers d'autres productions, de préparer dignement le repos qu'ils ont bien gagné.
- D'autres viticulteurs, et je pense aux plus jeunes, peuvent être eux aussi intéressés par une reconversion totale ou partielle de leur activité. Il faut qu'ils puissent le faire dans de bonnes conditions et que si cela se révèle nécessaire, des mesures spéciales d'écaulement rapide de leur stock leur soient proposées. A cet égard, le gouvernement a lui aussi des devoirs.\
Je crois aussi que vous devez être encouragés dans vos initiatives positives pour trouver de nouveaux débouchés à votre production. Certains parmi vous, ont déjà fait de grands efforts dans cette direction et j'ai remarqué que vous avez su, avec l'aide des élus locaux et régionaux élargir l'audience d'un produit jusqu'alors très régional - et même qui fut longtemps très local, si je me souviens bien - comme le Pineau des Charentes. Je me souviens d'avoir beaucoup milité sans que vous le sachiez pour vous lorsque je voyageais - cela m'arrivait souvent - d'une autre façon. J'allais dans les trains, je passais dans les wagons-restaurant, - je ne sais quelle était la réussite commerciale des premiers initiateurs du marché du Pineau mais il y avait du Pineau et chaque fois non pas courageusement mais avec un grand plaisir je commandais du Pineau.
- Je suis prêt à continuer parce que c'est une excellente boisson, extrêmement agréable, d'une très bonne qualité dont vous avez en plus su améliorer la valeur et je suis très intéressé au fait que les pouvoirs publics vous aident à promouvoir ce bon produit. Disons que je me sens une responsabilité personnelle, car c'est une bonne façon non seulement de faire valoir les produits du terroir mais aussi d'améliorer certains revenus. Certains de vos vins peuvent aussi trouver des débouchés sur le marché international dans les pays qui sont attachés à des boissons de faible degré alcoolique.
- Cela ne suffira pas à absorber toute votre production mais il s'agit de directions, d'initiatives dans lesquelles l'Etat, je vous l'ai répété plusieurs fois est décidé à vous soutenir. Je peux d'ailleurs à cet égard vous indiquer que le gouvernement a décidé de lever les servitudes de distillation qui frappaient les plantations récentes afin que vous puissiez vendre plus commodément votre vin et que vous serez autorisés à utiliser sans plus attendre la capsule congé pour les ventes de Pineau.
- D'autre part, le ministère de l'agriculture a décidé de financer dès l'an prochain deux unités de vinification et l'office des vins nouvellement créé mettra à votre disposition des techniciens et des crédits destinés à compléter les efforts des professionnels de la région.
- Ces initiatives en vue d'élargir le marché doivent tenir compte des besoin réels des consommateurs français et étrangers et je me garderai bien de trancher cette question, mais je crois que vous devez réfléchir sans a priori à tous les produits nouveaux susceptibles de valoriser votre vin et vos eaux de vie. C'est à cette condition seulement que vous parviendrez dans un terme que j'espère court à maîtriser votre production, à vendre ce qui peut être vendu et là aussi nous sommes là pour contribuer à votre développement.\
Voilà mesdames et messieurs ce que je souhaitais vous dire au terme de cette rencontre et pour une fois j'ai demandé que cela fût écrit à la fois parce que les écrits restent davantage que les paroles - bien que maintenant tout étant enregistré il est difficile d'échapper au moindre mot exprimé en public - mais aussi pour que les administrations puissent se faire communiquer ce texte, que mes collaborateurs directs puissent veiller à leur exécution. Les indications que je viens de vous donner doivent passer dans les faits sans tarder et les décisions sur lesquelles vous vous mettrez d'accord avec le gouvernement doivent intervenir assez tôt car l'inquiétude gagne, parfois le désespoir.
- Si la situation que vous connaissez pour certains d'entre vous est aussi difficile, je l'ai souligné, je n'y vois pas cependant de raison de croire que c'en est fini. Nous avons quand même à travers le temps fait la preuve que nous étions capables, surtout ici de produire en qualité. Quand la quantité vient par dessus le marché alors c'est un avantage supplémentaire avec certains inconvénients que j'ai signalés précédemment. Je crois dans votre capacité à surmonter les problèmes qui vous sont posés. Nos ancêtres ont inventé le Cognac au 17ème siècle, parce que les vins qu'ils produisaient dans la Saintonge et l'Angoumois se révélaient paraît-il inaptes à supporter les voyages en mer £ ils n'avaient pas le pied marin. Vous avez trouvé le moyen de surmonter cette difficulté. Je ne vois pas pourquoi vous n'aborderiez pas les problèmes du présent et les problèmes du futur, bon pied, bon oeil, pour trouver les réponses aux questions posées.
- Nous sommes décidés avec vous à réagir, nous sommes décidés avec vous à proposer, à inventer. Votre rôle est irremplaçable. Nous n'avons pas à nous substituer à lui. A chacun son métier, à chacun sa responsabilité. Je ne veux pas que l'Etat se mêle de tout mais je veux aussi que les responsables qui, dans le -cadre de la décentralisation, monsieur le maire, ont de plus en plus à dire et à faire se sentent également directement mêlés à la gestion des affaires de la Nation, chacun son métier mais lorsque la loi donne aux élus et aux responsables professionnels des responsabilités nouvelles, il est normal que l'on puisse compter sur vous. Je vous dis cela l'esprit en paix car si je n'ignore rien et je l'ai dit tout à l'heure des inévitables difficultés de compétition ou de concurrence, il n'empêche que la manière dont les choses ont été conduites à travers le temps montre que nous disposons d'assez de ressources dans l'esprit et dans le travail pour que nous nous quittions maintenant avec l'espoir au coeur.
- Je vous remercie.\
- J'ai eu un vrai plaisir à passer ces quelques moments avec vous et particulièrement avec ceux qui, proches de moi, ont pu au-cours de ce repas approfondir nos conversations. Cela a été pour moi une occasion de renouer avec certains d'entre vous, que je connais depuis de nombreuses années, et surtout, c'était l'objet même de cette rencontre, de m'entretenir des problèmes d'une région avec ses principaux responsables.
- Nos échanges au-cours de ce repas ont été nombreux, souvent précis et je dois dire que j'avais à faire à de rudes partenaires. Je vais maintenant rassembler en quelques mots nos discussions et vous dire en quelque sorte à haute voix, les réflexions que m'inspirent cette rencontre.
- Ce qui me frappe, tout d'abord, lorsque je traverse votre région, lorsque je vous vois, lorsque je vous entends, c'est la situation paradoxale dans laquelle vous vivez. En effet le produit qui vous unit tous ici, je veux dire le cognac, se porte bien si l'on considère ses résultats économiques globaux - que dire d'autre d'une production qui est exportée à près de 88 % en 1982 et qui a rapporté à la collectivité nationale l'équivalent de 4 milliards de francs de devises. Mais, et vous me l'avez suffisamment répété au-cours de ce déjeuner, si le cognac se vend bien à l'étranger et même sur les marchés les plus difficiles, la viticulture qui est ici à la base de tout connaît des difficultés et certains viticulteurs sont même, je le sais, dans une situation dramatique. Je comprends que ce contraste soit mal supporté - comment pourrait-on accepter cette gêne, cette angoisse de la mévente sans un sentiment d'injustice lorsqu'on produit du cognac qui est toujours associé, même quand ce n'est pas vrai, à une certaine idée de richesse et de bien-être. Il faut que nous en parlions clairement et que nous regardions tous, professionnels et pouvoirs publics ici représentés, les causes de ce paradoxe.\
Si le cognac est un produit mystérieux, cette "âme ardente du vin", dont nos viticulteurs sont, à juste -titre, si fiers, il est surtout un produit raffiné. Et il se vend bien, il faut le reconnaître, dans les phases d'expansion économique où chacun, peu ou prou s'enrichit, mais, que survienne une crise, il est alors l'un des biens dont on se privera en premier. Jusqu'à la fin des années 60 `1960` les sorties de cognac évoluaient parallèlement à la production. La période était faste et l'on a cru qu'elle continuerait. Les pouvoirs publics d'alors ont autorisé de nouvelles plantations de vignes, parce que l'on pensait que le marché, aussi bien en France qu'à l'étranger absorberait ce surplus de production. Et vous le savez bien, il n'en a rien été. Depuis 1973, les courbes s'écartent l'une de l'autre au point que le stock total d'eau-de-vie représente six années de vente et que la région est régulièrement excédentaire d'environ 170000 hectolitres d'alcool pur tous les ans, quelquefois davantage.
- S'agit-il d'une crise conjoncturelle ? D'un mauvais moment à passer, lié à la crise économique internationale ? Suffit-il d'attendre des jours meilleurs et que le marché reparte de lui-même ? Certains le pensent. Je ferais mieux de dire qu'ils l'espèrent £ mais il y a d'autres facteurs qui doivent nous inciter à la prudence : la concurrence d'autres alcools moins bons que le vôtre, mais aussi moins coûteux et les modifications de consommation qui ont multiplié sur notre marché intérieur les ventes d'alcool de céréales par vingt en vingt ans, alors que depuis quinze ans la consommation de cognac est pratiquement stable peut-être même en légère régression. Il y a là me semble-t-il des transformations culturelles dont les effets sont décisifs. Désormais il est clair que le maintien ou l'élargissement du marché du cognac ne peut se faire qu'en direction de l'exportation. Encore faut-il préciser que vos exportations restent et resteront toujours fragiles, à la merci d'une dépression économique, je vous l'ai dit, ou, vous l'avez souligné, monsieur le maire, d'une mesure de rétorsion douanière.\
C'est donc un marché difficile et fragile à la fois, auquel nous avons à faire. Et si nous avons bien pris la mesure de cette difficulté, nous savons aussi qu'il n'existe pas de solution miracle, de décision extraordinaire qui comme par enchantement résoudrait les problèmes que la région connaît maintenant depuis dix ans. En effet, il n'est pas possible d'appliquer au cognac une organisation de marché comparable à celles qui ont été mises au point pour d'autres produits agricoles, comme les céréales et le lait. Et il est difficile de concevoir un système d'intervention automatique pour un produit aussi spécifique, aussi original que celui-là. Encore moins un système de restitutions à l'exportation pour une marchandise dont nous détenons le monopole. Et si nous nous refusons à la facilité de transférer nos problèmes à d'autres qu'à nous mêmes, nous devons agir ensemble dans le respect des fonctions et des responsabilités de chacun dans trois grandes directions :
- La première, la gestion immédiate du marché. Vous avez conclu il y a quelque temps un accord interprofessionnel qui organise la campagne 1983 - 84. Un accord interprofessionnel, ce n'est pas à vous que je l'apprendrai, c'est toujours un compromis. Et je sais bien que celui-ci, pas plus que les autres, ne satisfait tout le monde, mais il est là, et j'ai noté que vous vous êtes préoccupés de l'équilibre du marché et que vous avez cherché à maintenir la production du cognac au niveau des possibilités de commercialiser 420000 hectolitres d'alcool pur. Que la négoce achèterait une quantité de cognac représentant 110 % de ses ventes et que les transferts de droits s'effectueraient sous le contrôle de votre organisation interprofessionnelle.\
Et puis, vous le savez, la côte des vins et des eaux de vie a été fixée avant-hier, par vous-mêmes, avec l'accord du gouvernement. Certains auraient souhaité davantage, d'autres moins, je veux dire que certains producteurs auraient souhaité davantage que les pouvoirs publics et les pouvoirs publics auraient souhaité moins. Mais il me semble que vous avez obtenu quelque chose, un palier, qui à la fois s'inscrit, et je dois en assurer la -défense, dans le -cadre des objectifs gouvernementaux. Je crois que cela peut donner satisfaction, + 5 %, + 9 %. Je crois que ce compromis ne doit pas embarrasser plus qu'il ne faut une action nationale dont j'ai la charge et qui doit nous conduire vers une réduction de l'inflation, vers 5 %. Nous sommes sur une marche de croisière depuis trois mois de 6 %. Nous sommes partis de 14 %. Naturellement dès qu'on évoque 9 %, même pour un produit qui le mérite et dans une situation tout à fait particulière, aussitôt cela risque de produire un effet contagieux. Et cependant je vous confirme mon accord, je crois que vous avez bien fait d'aller jusque là. Mes paroles, sans doute, suffiront à faire comprendre qu'il était impossible d'aller plus loin.
- Selon la règle que vous avez vous-mêmes adoptée, nous en restons ici à des accords entre vous. Le gouvernement ne peut pas rester indifférent, et l'on peut dire que cela se passe sous son regard, parfois avec son avis donné, son conseil, mais c'est vous professionnels qui restez très engagés par cette décision. Alors, je le souhaite et je vous le demande très fermement que ces engagements soient de part et d'autre scrupuleusement tenus, qu'en cours de campagne ù`campagne agricole`, telle ou telle fraction de ces interprofessions ne laissent pas les choses aller ou traîner, profitant d'une situation qui s'éloignerait de notre regard et que les autres sachent se soumettre à une discipline nécessaire. Que les prix de la côte se tiennent bien ou correctement tout au long de la campagne, que les quantités d'alcool inscrites soient effectivement achetées, que les transferts de droits soient équitables et j'insiste sur ce point. Dans cette période économique délicate, les différentes familles d'une organisation professionnelle comme la vôtre doivent parvenir à une gestion tout à fait solidaire du marché. J'ai eu l'occasion de débattre de ces sujets avec quelques-uns de vos dirigeants dont les avis m'ont été précieux et je me souviens que je leur disais, notamment lorsque nous avons mis en place les structures de l'office du vin - j'en ai débattu avec Mme le ministre de l'agriculture `Edith Cresson` de l'époque - que j'estimais nécessaire de protéger les secteurs dans lesquels, pour des appellations d'origine, là où il existe des interprofessions on peut faire confiance aux responsables, aux professionnels comme on dit, en même temps qu'il fallait protéger la -nature particulièrement remarquable de productions comme la vôtre.
- Mais, naturellement, cette responsabilité en entraîne d'autres, elle est la vôtre et je vous la lègue sachant que vous y réfléchirez comme il convient.\
Quant aux différentes formes de distillation, qu'il faut bien utiliser sur un marché aussi encombré, vous savez que le gouvernement a obtenu l'an dernier la possibilité pour votre région d'accéder à la distillation préventive. Nous en avons débattu au sein de la Communauté européenne `CEE`, qui n'est pas toujours très contente de nous, et particulièrement de vous, messieurs. Lorsque la Communauté européenne propose ses règlements, ses règles à ce qui est la -nature même de la région à laquelle j'appartiens, la France défend sa position, mais ce n'est pas toujours très aisé et je me souviens que lorsqu'il a fallu obtenir de l'Europe, pour la première fois depuis la création du Marché commun agricole, une capacité de distillation qui représente une première organisation du marché du vin, nous avons bien senti à quel point, en dépit de cette première victoire, nous étions isolés.
- S'ajoutant à la distillation obligatoire, c'est entre 100000 hectolitres et 250000 hectolitres d'alcool pur qui devraient être dégagés. Encore faut-il qu'ils le soient rapidement et j'ai demandé aux administrations - je le dis ici publiquement, j'espère qu'elles m'entendront - que tous les textes réglementaires nécessaires à cette opération soient prêts. Réponses qui seront à votre disposition dans les jours qui viennent. Le gouvernement devra veiller pour sa part à ce que les engagements financiers de la Communauté soient tenus de ce côté en temps opportun.\
Deuxième point, deuxième grande direction : cette gestion du marché sera plus efficace et plus juste mais elle ne suffira pas à résoudre tous les problèmes des viticulteurs. Certains auront encore des difficultés pour vendre l'alcool qu'ils ont produit et ils seront contraints de stocker ou peut-être pis encore de brader et il n'est pas possible de les laisser continuer à s'endetter de la sorte car il arrivera un moment où certains, ne pouvant plus faire face à leurs engagements - c'est eux-mêmes, leur exploitation, leur famille qui seront menacés et la région en sera victime.
- Vous avez tenu, il y a quelques jours, une réunion destinée à préciser les conditions dans lesquelles les viticulteurs pourront avoir accès aux aides directes qui ont été décidées au début de l'année par le gouvernement, à la suite de la commission Sugini à laquelle, permettez-moi de vous le rappeler, vous étiez associés. Il faut désormais que leur répartition aille vite et je demande encore à l'administration, - elle est là pour m'entendre, un peu partout autour de ces tables et elle m'entend, je voudrais aussi être sûr qu'elle m'écoute et elle m'écoute, et si ce n'était pas assez, j'aurais l'occasion de le rappeler, - de prendre avec le bureau national interprofessionnel de Cognac les mesures nécessaires à cette rapidité. Lorsque ces aides auront été perçues par les viticulteurs, vos organisations représentatives examineront avec le gouvernement la situation des viticulteurs les plus endettés ou qui n'ont pas pu vendre et qui n'ont pas la possibilité d'arrêter leur production, de se reconvertir afin de proposer les mesures économiques capables d'améliorer leur situation, et cela pourrait figurer dans de futurs accords interprofessionnels. Il ne s'agit là que d'une indication. Mais je souhaite qu'on se mette au travail, vous et nous, pour la concrétiser avant la prochaine campagne. Bref, le gouvernement ne refuse pas d'assumer une responsabilité qui n'est pourtant pas exactement la sienne, pour compenser des situations devenues dramatiques et pour ne pas faire supporter uniquement par l'ensemble des interprofessions une situation particulière qui n'en est pas moins, vous le savez bien, fort importante.\
Je sais aussi que certains viticulteurs se plaignent d'être peu ou mal représentés dans les instances professionnelles et surtout interprofessionnelles. C'est vrai que le temps passe, que les choses se modifient, que l'aire de l'agriculture s'est étendue, que l'on peut dire "c'est bien, c'est mal, on a peut-être été imprudent", peu importe, c'est comme cela. Et, à-partir de là, il y a un devoir de solidarité et même ensuite un devoir de représentation pour que chacun de ceux qui s'estiment lésés puissent dire ce qu'ils en pensent.
- C'est une question de droit à la parole. Mais il ne m'appartient pas de dire ce qu'il convient de faire face à cette revendication. J'estime qu'il serait utile qu'elle soit prise en compte, pour que toutes les parties prenantes à la production du cognace puissent vraiment se serrer les coudes. Je souhaite donc que votre organisation interprofessionnelle fasse au gouvernement, d'ici au mois de mars, des propositions qui permettent de réaliser les ajustements nécessaires pour que cette représentation soit tout à fait équitable et d'autant plus efficace que toutes les catégories de négociants et de producteurs qui doivent normalement donner leur avis sur la gestion du produit sur le marché, se seront concertés. Vous verrez dans un instant qu'un certain nombre de questions devront être abordées par tous car les solutions seront difficiles à apporter.
- Vous avez besoin d'une organisation interprofessionnelle solide, et je dois dire parce qu'il faut être juste, que toute institution est naturellement contestée. Je disais à ces messieurs, mes voisins, que je ne vois pas pourquoi, l'étant moi-même, ils ne le seraient pas, et le cas échéant, j'ai le sentiment que ce serait plus juste... Mais, cela étant dit, il faut se rendre compte que ce qui a été fait dans la région de Cognac, peut quelque fois laisser penser à certains, par le fait qu'à travers les familles se sont transmises, de génération en génération, une compétence, une expérience, qui n'est pas toujours aisément transmissible ou transférable sur d'autres, qu'il existe des disparités, des distorsions entre les différentes catégories économiques et donc entre les différentes catégories sociales de la viticulture et du négoce.
- Mais, je suis de ceux qui ont vécu dans la narration par les générations précédentes, et celles d'avant encore, de l'extraordinaire courage, de l'esprit d'organisation qu'il a fallu pour surmonter la crise quasiment mortelle du phylloxéra. Et il est vrai que c'est à travers une très surprenante capacité d'organisation des professions que finalement le cognac a été sauvé. On ne peut donc pas, au moment où un certain nombre de critiques peuvent paraître justes, ignorer ce fait : pourquoi substituer quiconque d'autre, et surtout pourquoi substituer l'Etat ou des organisations interprofessionnelles qui ne seraient pas strictement celles du cognac à l'étude d'un problème sur lequel, messieurs, vous allez vous pencher, vous avez déjà commencé de le faire, pour éviter d'inutiles dissentiments ?\
Vous avez déjà réalisé de très belles performances à l'exportation mais il faut continuer. C'est le troisième point de cet exposé. Il faut encourager tout ceux qui à côté des grandes marques cherchent à développer leurs ventes sous des formes originales. Je crois connaître les expériences de certains d'entre vous et je crois pouvoir dire que vous pouvez compter sur mon soutien. Vous avez demandé que certaines aides à la promotion de votre produit soient maintenues. Madame le ministre du commerce extérieur `Edith Cresson` ici présente, monsieur le ministre de l'agriculture sont disposés à examiner cette question avec vous pour y apporter une solution. Monsieur le ministre de l'agriculture a dû transporter son terrain de batailles sur le -plan de l'Europe `CEE` où il occupe une large place. Cela lui prend beaucoup de temps et de responsabilités dont il s'est tiré récemment pour une autre production, les fruits et légumes, au grand avantage du pays.\
Il faut enfin que nous abordions la question difficile de la stabilisation, voire la diminution de la production d'eau-de-vie. Je sais combien il est difficile de parler de cette question à des viticulteurs attachés à leurs vignes, aux produits de celles-ci par des liens affectifs familliaux, très forts. Il existe peut-être même au-delà de la conscience, dans le subconscient de cette région, et de toutes les régions vinicoles, un attachement profond, de caractère sentimental, presque mythique et il n'est pas possible de traiter d'un problème commercial, économique ou politique en ignorant cette donnée, qui est une donnée fondamentale et propre à toute civilisation.
- On ne peut pas prôner la cessation de la production avec le coeur froid d'un technicien qui ne contemplerait que les chiffres, mais enfin le mouvement d'arrachage des vignes a déjà commencé puisque vous en êtes à l'heure actuelle à près de 2000 hectares par an. Vous avez vous-mêmes abordé cette question dans votre accord interprofessionnel de cette année et je pense que le gouvernement fera bien d'examiner de plus près cette question avec vous, afin d'aider, c'est son rôle - davantage de viticulteurs qui décident d'arrêter leur production parce qu'ils sont prêts à prendre leur retraite, ou parce qu'ils savent qu'ils n'auront pas de successeurs.
- Je souhaite que cela devienne pour eux non pas un geste de désespoir mais une manière de se tourner positivement vers d'autres productions, de préparer dignement le repos qu'ils ont bien gagné.
- D'autres viticulteurs, et je pense aux plus jeunes, peuvent être eux aussi intéressés par une reconversion totale ou partielle de leur activité. Il faut qu'ils puissent le faire dans de bonnes conditions et que si cela se révèle nécessaire, des mesures spéciales d'écaulement rapide de leur stock leur soient proposées. A cet égard, le gouvernement a lui aussi des devoirs.\
Je crois aussi que vous devez être encouragés dans vos initiatives positives pour trouver de nouveaux débouchés à votre production. Certains parmi vous, ont déjà fait de grands efforts dans cette direction et j'ai remarqué que vous avez su, avec l'aide des élus locaux et régionaux élargir l'audience d'un produit jusqu'alors très régional - et même qui fut longtemps très local, si je me souviens bien - comme le Pineau des Charentes. Je me souviens d'avoir beaucoup milité sans que vous le sachiez pour vous lorsque je voyageais - cela m'arrivait souvent - d'une autre façon. J'allais dans les trains, je passais dans les wagons-restaurant, - je ne sais quelle était la réussite commerciale des premiers initiateurs du marché du Pineau mais il y avait du Pineau et chaque fois non pas courageusement mais avec un grand plaisir je commandais du Pineau.
- Je suis prêt à continuer parce que c'est une excellente boisson, extrêmement agréable, d'une très bonne qualité dont vous avez en plus su améliorer la valeur et je suis très intéressé au fait que les pouvoirs publics vous aident à promouvoir ce bon produit. Disons que je me sens une responsabilité personnelle, car c'est une bonne façon non seulement de faire valoir les produits du terroir mais aussi d'améliorer certains revenus. Certains de vos vins peuvent aussi trouver des débouchés sur le marché international dans les pays qui sont attachés à des boissons de faible degré alcoolique.
- Cela ne suffira pas à absorber toute votre production mais il s'agit de directions, d'initiatives dans lesquelles l'Etat, je vous l'ai répété plusieurs fois est décidé à vous soutenir. Je peux d'ailleurs à cet égard vous indiquer que le gouvernement a décidé de lever les servitudes de distillation qui frappaient les plantations récentes afin que vous puissiez vendre plus commodément votre vin et que vous serez autorisés à utiliser sans plus attendre la capsule congé pour les ventes de Pineau.
- D'autre part, le ministère de l'agriculture a décidé de financer dès l'an prochain deux unités de vinification et l'office des vins nouvellement créé mettra à votre disposition des techniciens et des crédits destinés à compléter les efforts des professionnels de la région.
- Ces initiatives en vue d'élargir le marché doivent tenir compte des besoin réels des consommateurs français et étrangers et je me garderai bien de trancher cette question, mais je crois que vous devez réfléchir sans a priori à tous les produits nouveaux susceptibles de valoriser votre vin et vos eaux de vie. C'est à cette condition seulement que vous parviendrez dans un terme que j'espère court à maîtriser votre production, à vendre ce qui peut être vendu et là aussi nous sommes là pour contribuer à votre développement.\
Voilà mesdames et messieurs ce que je souhaitais vous dire au terme de cette rencontre et pour une fois j'ai demandé que cela fût écrit à la fois parce que les écrits restent davantage que les paroles - bien que maintenant tout étant enregistré il est difficile d'échapper au moindre mot exprimé en public - mais aussi pour que les administrations puissent se faire communiquer ce texte, que mes collaborateurs directs puissent veiller à leur exécution. Les indications que je viens de vous donner doivent passer dans les faits sans tarder et les décisions sur lesquelles vous vous mettrez d'accord avec le gouvernement doivent intervenir assez tôt car l'inquiétude gagne, parfois le désespoir.
- Si la situation que vous connaissez pour certains d'entre vous est aussi difficile, je l'ai souligné, je n'y vois pas cependant de raison de croire que c'en est fini. Nous avons quand même à travers le temps fait la preuve que nous étions capables, surtout ici de produire en qualité. Quand la quantité vient par dessus le marché alors c'est un avantage supplémentaire avec certains inconvénients que j'ai signalés précédemment. Je crois dans votre capacité à surmonter les problèmes qui vous sont posés. Nos ancêtres ont inventé le Cognac au 17ème siècle, parce que les vins qu'ils produisaient dans la Saintonge et l'Angoumois se révélaient paraît-il inaptes à supporter les voyages en mer £ ils n'avaient pas le pied marin. Vous avez trouvé le moyen de surmonter cette difficulté. Je ne vois pas pourquoi vous n'aborderiez pas les problèmes du présent et les problèmes du futur, bon pied, bon oeil, pour trouver les réponses aux questions posées.
- Nous sommes décidés avec vous à réagir, nous sommes décidés avec vous à proposer, à inventer. Votre rôle est irremplaçable. Nous n'avons pas à nous substituer à lui. A chacun son métier, à chacun sa responsabilité. Je ne veux pas que l'Etat se mêle de tout mais je veux aussi que les responsables qui, dans le -cadre de la décentralisation, monsieur le maire, ont de plus en plus à dire et à faire se sentent également directement mêlés à la gestion des affaires de la Nation, chacun son métier mais lorsque la loi donne aux élus et aux responsables professionnels des responsabilités nouvelles, il est normal que l'on puisse compter sur vous. Je vous dis cela l'esprit en paix car si je n'ignore rien et je l'ai dit tout à l'heure des inévitables difficultés de compétition ou de concurrence, il n'empêche que la manière dont les choses ont été conduites à travers le temps montre que nous disposons d'assez de ressources dans l'esprit et dans le travail pour que nous nous quittions maintenant avec l'espoir au coeur.
- Je vous remercie.\