28 octobre 1983 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Entretien de M. François Mitterrand, Président de la République, accordé à la radio-télévision tunisienne, lors de l'inauguration du Lycée Pierre Mendès France, Tunis, vendredi 28 octobre 1983.

QUESTION.- Monsieur le Président, après le Lycée Carnot devenu Lycée Bourguiba, c'est aujourd'hui autour du lycée français de Mutuelville d'adopter le nom d'un militant non moins célèbre et dont vous venez de commémorer, il y a dix jours, le premier anniversaire de la mort : Pierre Mendès France, grand ami de Bourguiba et de la Tunisie, l'homme qui en proclamant l'autonomie interne de notre pays réforma la séparation entre la France et la Tunisie en rapprochant les querelles et l'amitié. Ce double hommage que vous rendez aujourd'hui au plus intellectuel des hommes politiques de France sur la terre même dont il a défendu et soutenu l'indépendance, revêt certainement plus d'une signification.
- LE PRESIDENT.- Vous avez raison : plusieurs significations qui se rejoignent. D'abord, c'est un témoignage de l'histoire et l'histoire elle-même. L'histoire qui a vu, au-cours des générations, l'indépendance de la Tunisie s'affirmer, non seulement par les luttes des militants patriotes, mais aussi parce que, en France, grâce à un certain nombre d'hommes et au premier rang de ces hommes, Pierre Mendès France, un mouvement de pensée et d'action s'est développé dans ce sens. Pierre Mendès France, par ses actions qui exprimaient sa pensée, a été l'homme décisif dans l'évolution des relations franco - tunisiennes dont vous pouvez apercevoir aujourd'hui un épanouissement. Je pense donc que ce sera une date déterminante que nous célébrons aujourd'hui en même temps que nous célébrons la mémoire d'un homme illustre.\
D'autres éléments interviennent, puisque nous sommes ici dans un lycée. Peu d'hommes, au-cours de cette période, qui va des années 1936 jusqu'à nos jours, ont été aussi passionnés par la formation de la jeunesse que Pierre Mendès France. Certains de ses discours les plus fameux qui marquent nos mémoires étaient consacrés à ce problème : la formation de la jeunesse. Formation civique, formation morale, formation intellectuelle. On rencontre donc ici un grand appel à la réflexion, à l'affirmation de la jeunesse, des idées de la jeunesse, donc des idées neuves à travers le temps, et tout ceci rejoignant l'histoire. Enfin, c'est la France et c'est la Tunisie, c'est-à-dire que c'est la rencontre de deux peuples, de deux formes de civilisation, de deux formes de culture, dans une synthèse où nous nous retrouvons, les uns et les autres, très commodément.
- Le rôle de Pierre Mendès France est singulier. Rares sont les précurseurs qui sont reconnus par leur pays - d'une certaine façon, c'est arrivé à Pierre Mendès France - reconnus, je veux dire jusqu'au point où on les charge de mettre en oeuvre l'action préparée. Parce que, être un précurseur, cela choque les idées reçues. Pierre Mendès France imprimera sa marque de plus en plus dans la nation française et je suis très heureux de constater que, au-delà de la France, d'autres pays s'en souviendront.\