21 juillet 1983 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'usine Big Chief-Bidermann, La Roche-sur-Yon, jeudi 21 juillet 1983.

On pourrait se demander pourquoi je suis venu ce matin dans cette usine Big Chief à La Roche-sur-Yon. Vous savez déjà qu'il m'arrive souvent de me rendre en différents points de France pour constater par moi-même, observer de qui se passe dans notre économie qu'il s'agisse d'usines du monde industriel, d'entreprises agricoles, de lycées et notamment de lycées d'enseignement technique et j'en passe. Cette visite s'inscrit dans cette perspective. Il importe que le Président de la République puisse savoir par lui-même du mieux possible comment les choses se passent sur le terrain.
- Cette entreprise m'a été indiquée parce qu'elle présente des caractéristiques très intéressantes. Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'a pas de difficulté : elle en a. Ce qui ne veut pas dire que ses dirigeants n'ont pas à conquérir des marchés £ il en faut. Ce qui ne veut pas dire que les travailleurs aient toute satisfaction sur le -plan social et de leur pouvoir d'achat. La question a été posée très justement. Mais, cependant, on constate qu'ici il y a eu une alliance de tous ceux qui veulent que l'entreprise vive et que la région prospère et qu'il y ait de l'emploi en particulier, puisque nous sommes en Vendée, pour les Vendéens.\
Il n'y a pas de secret. Il faut réunir divers facteurs dont deux, essentiels : la formation des travailleurs et l'aide pour l'investissement.
- Et l'investissement pourquoi ? Pour moderniser les techniques en les alliant naturellement à tous les moyens qui sont d'abord la capacité des travailleurs, leur énergie, leur volonté, leur compétence et la qualification des dirigeants. On assiste dans cette entreprise au rapatriement de productions qui étaient fabriquées à l'étranger et qui reviennent ici en France. Cela correspond tout à fait à ce que je souhaite obtenir pour notre économie, en général. C'est-à-dire réintégrer le marché français et repartir à la conquête du marché extérieur avec des travailleurs français en France.
- Il y a eu coopération sur le -plan européen, du Fonds social européen. Il y a eu mobilisation du Fonds national de l'emploi, utilisation des contrats emploi - investissement. Et tout cela autour d'une usine, d'une entreprise dont on me dit qu'elle rassemble entre 400 et 450 travailleurs. Plus de 150 d'entre eux sont en formation et vont pouvoir s'installer dans les mois qui viennent autour de ce que l'on pourrait appeler l'entreprise nouvelle. Après la production de vêtements féminins, l'activité de cette usine est passée aux vêtements masculins et aujourd'hui va pouvoir combattre la production étrangère loyalement, librement en fabriquant des chemises, alors qu'on s'était habitué à dire : c'est fait à Hong Kong, c'est fait à Singapour, c'est fait en Extrême-Orient, on n'y peut rien ! Il paraît que nos travailleurs sont trop payés par -rapport à ceux qui se trouvent là-bas qui sont plutôt sous-payés ! Et puis voilà que le projet a pris corps et que l'entrepreneur a eu, je peux le dire, l'audace, après avoir trouvé les -concours nécessaires, de se réinstaller sur place pour tenter de gagner cette bataille économique. Et elle n'est pas gagnée ! Cela exige donc, non seulement de l'initiative - l'initiative a été prise - mais aussi de la constance, de la ténacité, sans quoi on se casserait les reins.\
Vous m'avez parlé du pouvoir d'achat, madame, et vous savez de quoi vous parlez, car vous parlez ici au nom des travailleurs de cette entreprise. Mais, dites-vous bien que le pouvoir d'achat sera d'abord sauvegardé par la diminution de la hausse des prix. Si, sur le marché, vous trouvez des prix qui, d'années en années, augmentent, vous n'y arriverez pas non plus. Il faut donc s'y attaquer par les deux bouts. D'une part, contenir le développement du chômage autant qu'il est possible, et précisément la formation le permettra £ l'investissement judicieux aussi. Mais en même temps, il faut réduire les prix et cela est également possible si nous conquérons des marchés extérieurs en récupérant le marché intérieur, je viens de le dire.\
Cette entreprise avance dans la bonne direction bien que l'on ne puisse pas dire qu'elle soit déjà une entreprise modèle, puisqu'elle est en voie de transformation technique, d'adaption aux conditions de la compétition qui montrent de la part de ceux qui l'on voulue, beaucoup de caractère et beaucoup d'initiatives. Mais, enfin, ce n'est pas fait. Cela reste à faire, cela reste à réussir. Cela exige donc de la part des pouvoirs publics, nationaux et départementaux, régionaux, de la part des élus, de la part des chefs d'entreprises, de la part des travailleurs, une fois dépassées les inévitables contradictions et même conflits d'intérêts - ceux qui ont des intérêts légitimes à défendre ont raison de les défendre - cela exige un effort commun collectif. On peut penser qu'il devrait, ici, réussir car tous ces éléments sont aujourd'hui réunis, du moins à Big Chief, à La Roche-sur-Yon et dans un département dont j'espère que j'aurai l'occasion de le revoir car c'est un département qui fait la démonstration, depuis la dernière guerre, mais surtout au cours de ces quinze dernières années, qu'il était capable de trouver en lui-même ses propres ressources. Par comparaison avec beaucoupe d'autres départements français, c'est un constat satisfaisant.
- Voilà, je ne vais pas faire un plus long discours, sinon pour ajouter le plaisir que j'ai de vous trouver, de vous rencontrer et de voir de mes propres yeux comment les choses se passent. Je vous remercie.\