25 mai 1982 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, au Palais de la République, Dakar, mardi 25 mai 1982.

QUESTION.- .. (non communiquée) `bilan du voyage en Afrique`.
- LE PRESIDENT.- Je connaissais les chefs d'Etat que j'ai rencontrés : le président Chadli, le président Kountché, le président Houphouet-Boigny, au Sénégal le président Abdou Diouf, comme ce soir je rencontrerai le président Haidallah. Ce sont des personnalités que je connais, avec lesquelles j'ai déjà des relations personnelles, avec lesquelles j'ai déjà débattu les intérêts généraux de nos pays, avec lesquelles j'ai parlé coopération sur tous-les-plans, donc ce voyage était préparé, vous devez bien l'imaginer. Pourquoi serais-je déçu ? Question qui m'est posée, j'ai tout lieu au contraire d'être heureux de ce qui s'est produit au-cours de ce voyage. Me trouvant moi-même dans ces pays, j'ai pu mieux ressentir leur façon d'être, renouveler les impressions déjà vécues anciennement.
- J'ai retrouvé des chefs d'Etat qui comprennent bien la France. Je peux dire qu'ils l'aiment, qu'ils souhaitent approfondir leurs relations avec mon pays. Nous avons des plans de coopération importants qui sont en-cours, parfois on me demande, c'est bien normal, de les accroître. Quand je peux dire oui, je le dis. J'ai fait chaque fois remarquer que cela doit s'insérer dans une perspective propre à mon pays, qui lui-même ne dispose pas de moyens illimités. J'ai constaté que les chefs d'Etat, et je parlerai pour l'instant surtout de celui qui me reçoit, ont une conception très claire et en même temps très rigoureuse de leur rôle, c'est-à-dire qu'ils s'efforcent de rendre cette coopération utile le plus possible dans le court et le moyen terme. Je n'ai donc jamais eu à affronter des responsables dont l'exigence serait irréaliste. De quelle façon faut-il adapter les aides pour qu'elles puissent préparer à terme assez bref des investissements plus productifs, une formation mieux adaptée ? En même temps que le rôle direct qu'elle remplit, la France à un rôle d'intermédiaire, parfois même d'avocat, dans les institutions internationales. J'ai pu observer en-particulier des progrès réalisés parce que la France est intervenue à la demande de ces pays auprès du Fonds monétaire international `FMI`, qui a des vues souvent très saines sur-le-plan comptable et parfois un peu incomplètes sur-le-plan de l'économie et particulièrement de l'économie humaine telle qu'on la constate sur place. Eh bien la France, qui a une très grande expérience africaine et qui est d'autre part très installée dans ces institutions, s'efforce d'être un bon interprète des besoins de l'Afrique. Tout cela est ressenti. Je veux dire que je n'ai eu de difficulté nulle part. Je cherche en vain le point sur lequel, dans les pays où je me suis rendu - il est possible que dans d'autres des problèmes différents se posent - mais dans aucun des pays dont je viens de parler notamment les trois pays d'Afrique noire ou je me suis successivement rendu, Niger, Côte-d'Ivoire et Sénégal, je n'ai jamais connu la moindre difficulté dans le dialogue, et les projets que nous avons mis sur pied sont des projets qui doivent normalement aboutir. On discute surtout d'échéance, il faut le dire, de rythme de réalisation. Non, je suis très content de ce voyage qui n'est, vous le savez, que le premier de ceux que j'entreprendrai pour visiter l'ensemble des pays francophones d'abord et quelques autres en Afrique.\
QUESTION.- ... `sur le soutien des cours des matières premieres`
- LE PRESIDENT.- J'ai déjà eu l'occasion de dire, dans un autre pays que celui-ci que c'était une pratique assez courante. Très souvent la France intervient pour soutenir, dans la mesure de ses moyens , des cours de matières premières. Mais tel n'était pas l'objet véritablement du contrat sur le gaz algérien. Vous savez que l'Algérie partait de ce point de vue qu'il devait y avoir une relation entre le prix du gaz et le prix du pétrole. Je n'avais rien contre cette proposition, qui me paraissait même assez raisonnable bien qu'elle eut effrayé un certain nombre de négociateurs dans les années passées. Tout ce qu'il fallait c'était s'en tenir à quelque chose de raisonnable et je me suis déjà expliqué là-dessus : le prix auquel nous sommes arrivés est un prix moyen tout à fait raisonnable. Au Niger, pour prendre un exemple que je viens de vivre, nous payons, nous Français, l'uranium à un prix plus élevé que le prix mondial actuel. Cela nous arrive pour un certain nombre de produits. Bon alors, nous ne pouvons pas nous substituer aux marchés, monsieur, c'est évident. La France n'a pas les moyens de tenir les prix conformes aux prix de production de chacun de ces pays. Mais c'est une des formes de la coopération que nous mettons en jeu à tout moment. Ce n'est pas la seule, ce ne peut pas être systématique, et je le répète, la France ne peut pas avoir la prétention et ses partenaires ne peuvent pas non plus se mettre dans la tête que la France est en mesure par elle-même de garantir les cours des matières premières. Elle peut les aider. C'est d'ailleurs le terme même que nous employons, ce sont des aides.\
QUESTION.- ... `rencontres Mitterrand - Reagan, Mitterrand - Brejnev` LE PRESIDENT.- Si vous connaissez cette matière, je le suppose puisque vous me posez cette question, vous saurez que j'ai rencontré M. Reagan dans-le-cadre de conférences internationales. A l'exception de mon récent voyage à Washington, `12 mars 1982` où j'ai passé une demie journée, j'ai rencontré M. Reagan et je m'en réjouis d'ailleurs à l'occasion de réunions internationales. Autant que je sache, d'ailleurs, les quatre sont trois. Oui, enfin, on pourrait dire qu'il y en a une en deux fois. C'est-à-dire une a Yorktown `Etats-Unis` et le surlendemain à Cancun `Mexique`. Donc j'ai rencontré deux fois sur trois M. Reagan à l'occasion de négociations internationales. Lapremière fois c'était au Canada à Ottawa, dans-le-cadre du sommet des pays industrialisés et il se trouve que les Etats-Unis d'Amérique en font partie et pas l'Union soviétique. Si l'Union soviétique avait fait partie de cette organisation, j'aurais rencontré M. Brejnev. Ensuite c'était à Cancun. Il y avait 22 pays qui se trouvaient là, mais il n'y avait pas l'Union soviétique qui d'ailleurs, j crois, avait été conviée, qui n'avait pas accepté. C'est bien normal qu'elle fasse l'estimation elle-même de ce qu'elle doit faire ou ne pas faire. Mais si l'Union soviétique avait participé au sommet de Cancun, j'aurais rencontré M. Brejnev.
- Ce n'est donc pas dans-le-cadre de nos relations bilatérales que cela se situe. C'est en allant à Cancun que je me suis arrêté à Yorktown. Il se trouve que c'est avec les Etats-Unis d'Amérique que nous étions alliés lors de l'indépendance américaine et nous n'avons pas eu à intervenir dans les fêtes de l'indépendance de l'Union soviétique. Si on m'avait invité, d'ailleurs, pour les fêtes de l'indépendance soviétique, le gouvernement français aurait été certainement représenté, mais ça ne se situe pas d'une façon très claire dans l'histoire. Je crois que c'est en 1492 que le tsar, le grand duc de Moscou, a pour la première fois envoyé des ambassadeurs à Venise et à Florence. Mais je ne pourrais pas vous dire exactement quand on pourrait célébrer la première rencontre entre les Russes et les Français. Je crois que Anne de Kiev a dû épouser un roi de France un petit peu plus tôt, mais ce n'est pas programmé. Par contre, à Yorktown, c'est bien précis, nous combattions les Anglais. Remarquez, il y a souvent les ambassadeurs de Grande-Bretagne dans ces occasions-l࣠si bien que les choses s'arrangent.\
`réponse ` rencontres Mitterrand - Reagan, Mitterrand - Brejnev` J'ai rencontré M. Reagan à l'occasion d'une cérémonie qui n'a pas lieu d'être avec l'Union soviétique, sans quoi j'aurais rencontré M. Brejnev. Je crois que dans votre comparaison il faut dire : oui, pourquoi avez-vous rencontré M. Reagan lorsque vous êtes allé à Washington, alors que vous n'êtes pas encore allé à Moscou. Voilà, cette question-là je vous laisse le soin de l'explorer. Ce n'est pas une volonté d'établir des relations à sens unique, pas du tout. Je regrette même qu'il n'y ait pas davantage de relations directes à l'échelon des chefs d'Etat entre l'Union soviétique et la France. Je ne suis pas directement responsable des événements qui ont fait qu'au-cours de ces dernières années l'Union soviétique se soit éloignée des règles du droit international notamment en Afghanistan. Ou bien vous avez peut-être entendu parler de certains événements en Pologne. Cela étant dit, la France continue d'avoir des relations nombreuses avec l'Union soviétique, à divers échelons importants, il n'y a pas de réponse à apporter à votre question, c'est une comparaison qui n'a pas lieu d'être. Il se trouve que la France appartient à une alliance qui s'appelle l'Alliance atlantique, dont les Etats-Unis d'Amérique sont membres. Forcément, on a un peu plus d'occasions que dans-le-cadre des relations entre la Russie et la France, qui sont des relations normales et qui ne sont pas des relations d'alliance.\
QUESTION.- ... `France - tiers monde`
- LE PRESIDENT.- C'est ce que nous faisons tous les jours. D'ailleurs, je le répète, ce n'est pas la France socialiste, c'est la France. Vous savez, il y a beaucoup de gens qui ne sont pas socialistes et qui comme contribuables participent à l'aide au tiers monde. Et plus, il y a aussi des gens qui sont socialistes, il y a un peu de tout dans tout cela. D'ailleurs je ne crois pas que nous soyons en mesure, au travers de notre direction des impôts, de répertorier très exactement les opinions politiques de ceux qui participent à l'équilibre de nos finances. Bon, alors, bien entendu, je souhaite de plus en plus que ceux qui ont beaucoup d'argent participent davantage et ceux qui en ont moins participent un peu moins. Ca c'est une incidente qui n'a rien à voir avec le sujet. Pour ce qui touche nos relations avec le Sénégal, la France est déjà tout à fait présente. Il y a certains dossiers particuliers, il y a des points sur lesquels on prend du retard. Le Sénégal a pu en prendre par-rapport à certaines situations qu'il lui faut maintenant compenser. Il y de grands projets qui touchent à des matières intéressantes, la coopération dans le domaine de l'enseignement, le développement de la langue française, l'exploitation de telle ou telle mine, le développement d'un grand barrage, de méthodes agricoles, un chemin de fer de liaison en direction du centre de l'Afrique. Sur tous ces plans-là, la France est déjà présente. Il peut arriver, c'est arrivé en effet, nous en avons discuté, que le Sénégal ait besoin d'aide supplémentaire. La discussion se pose uniquement là-dessus. Est-ce que la France sera en mesure d'apporter des aides supplémentaires pour contribuer au développement du Sénégal ? Cette conversation s'est déroulée dans un très bon climat. La France fera certainement quelque chose. Dans quelle limite, sera-ce autant que le souhaite le Sénégal ? Je ne peux pas l'affirmer. Mais de toute façon, on va dans ce senns. On va dans le sens d'un renforcement des aides.\
QUESTION.- ... `Attentat devant l'ambassade de France à Beyrouth`
- LE PRESIDENT.- La France n'est pas le seul pays à voir son ambassade plus que menacée, atteinte par des attentats. Il y a une trentaine de diplomates à Beyrouth autres que Français qui ont été atteints par le terrorisme.
- Il semble que depuis quelque temps il y ait une sorte d'application terroriste pour frapper les intérêts français. Cela tient sans doute au rôle particulier et éminent rempli dans l'histoire par la France au Liban. Peut-être voudrait-on qu'elle cesse de jouer ce rôle qui va dans le sens de l'unité et de l'indépendance de ce pays. Cela se passe à Beyrouth. Vous avez entendu parler de tout ce qui se passe à Beyrouth chaque jour. Eh bien nous en assumons notre part. Mais comme la France a décidé d'être présente au Liban, elle restera dans-le-cadre de son activité diplomatique et de sa représentation au Liban. Les mesures que l'on peut prendre pour ce qui concerne la sécurité de l'ambassade dépendent aussi des moyens du gouvernement libanais qui se trouve bien entendu en difficulté, vous ne l'ignorez pas pour assurer l'ordre dans ce pays, et les mesures qui seront prises seront connues de vous à mesure qu'elles seront décidées.\
QUESTION.- ... `Relations Gambie - Sénégal`
- LE PRESIDENT.- Attendez, je ne comprends pas très bien. Le problème de la Gambie n'est pas posé à la France. C'est un problème propre aux deux pays en question. La France n'est pas partie, elle est amie particulière, amie tout à fait déclarée du Sénégal. Elle examine chaque fois avec sympathie les objectifs du Sénégal, que ce soient des objectifs positifs que ce soient des objectifs de défense et d'ingrité. Mais la France n'est pas partie dans le problème posé au Sénégal et à la Gambie. Donc je n'ai pas à exprimer d'opinion à ce sujet.
- QUESTION.- `Sur le droit à l'autodétermination de l'Erythrée`
- LE PRESIDENT.- Il nous reste la moitié de notre ambassade à Addis-Abeba, ne faisons pas partir l'autre moitié.\
QUESTION.- ... `ventes d'armes américaines au Maroc`
- LE PRESIDENT.- Nous avons de très bonnes relations avec le Maroc. Nous n'avons pas sur tout la même opinion, mais nous n'exigeons cela d'aucun des pays, fussent-ils amis de la France. Le Maroc a ses problèmes bien à lui. Nous avons les nôtres. Quant à son armement, si le Maroc veut traiter avec la France comme il fait souvent, eh bien, il traite, il discute. S'il veut traiter avec d'autres, il traite avec qui il veut traiter. Ce n'est pas notre affaire. Nous ne sommes à aucun moment intervenus dans ce genre de traité ou d'accord commercial. A la France de faire les propositions les plus adéquates et de proposer les meilleurs marchés. La France n'a pas d'autre prétention que celle-là. Quant à l'amitié traditionnelle avec le Maroc, nous la préservons et nous souhaitons être mis en mesure de la vivre de plus en plus. Je répète : les objectifs de politique et des relations du Maroc avec tel ou tel autre pays c'est son affaire, ce n'est pas la mienne.\
QUESTION.- ... `France - tiers monde`
- LE PRESIDENt.- Mais je ne suis pas en compétition présentement avec mes prédécesseurs, ça m'est arrivé, enfin passons là-dessus. Je fais ce que je crois devoir faire dans l'intérêt de mon pays, par-rapport à mes convictions et je crois en effet que la France sous ma direction verra s'affirmer sa vocation à être en relation avec le tiers monde, tout particulièrement avec l'Afrique et tout particulièrement avec l'Afrique francophone. C'est une vocation majeure de mon pays, telle que je ressens cette vocation, alors est-ce que ce sera, plus ou moins que ne l'ont fait mes prédécesseurs, certains ont fait beaucoup, j'espère faire mieux encore, c'est tout ce que je peux vous dire.\
QUESTION.- `Aide publique au développement` LE PRESIDENT.- Notre aide, je l'ai à peu près située aux alentours de 0,3, 0,3 et demi %. Il faut la porter à 0,7 % selon les recommandations de la CNUCED et des institutions internationales. Nous avons pour cela beaucoup à faire dans les cinq à six années qui viennent. Les 0,15 % pour les PMA, nous nous y sommes également engagés lors de la conférence de Paris qui s'est tenue sous la présidence française de M. Jean-Pierre Cot. Nous alignons notre budget annuel sur ces perspectives. On l'a fait pour 1982 et on va le faire pour 1983. Pour ce qui touche à notre part, nous respecterons ce pourcentage. Donc, nous ne pouvons pas parler pour les autres pays. Pour nous, par exemple, je l'ai déjà dit souvent, nous avons maintenu notre contribution à l'AID `Association internationale de développement`, ce que n'ont pas fait la plupart des pays qui y participent. Nous sommes logiques avec nous-mêmes. Nous avons l'intention de continuer. Ce n'est pas facile, c'est certain et vous pourrez juger de notre volonté en appréciant chaque budget annuel qui se situe dans cette perspective. Il ne peut pas y avoir de réduction de l'aide française aux pays francophones et dans certains cas on assistera à une progression de cette aide. Donc les pays francophones n'ont pas à s'inquiéter de voir la France élargir son audience.
- C'est quand même très intéressant sur-le-plan de la politique générale de voir la France entretenir des relations que je crois utiles avec l'Angola par exemple, avec la Tanzanie, avec la Somalie, pays qui étaient un peu en dehors de notre épure, ou bien d'avoir renforcé les liens avec le Bénin, ou le Congo-Brazzaville `Congo` alors qu'il y avait une certaine déshérence de ce côté-là. Voilà, nous cherchons simplement à développer l'action de la France. Mais cela ne peut pas se traduire par soustraction ou bien alors ce serait une conception qui irait tout à fait contre mon sentiment. Le pré carré de notre action c'est l'Afrique francophone. La France est un pays qui peut prétendre à l'universel et nous entendons entretenir de bonnes relations et développer les relations lorsqu'il n'y en a pas avec les pays du tiers monde extérieurs à ce monde-là, c'est bien normal.\
QUESTION.- ... `Conflit des Malouines`
- LE PRESIDENT.- Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler. Ce que je veux vous dire c'est que la France a une alliance avec la Grande-Bretagne et c'est un des pays les plus proches de la France, pas simplement par la géographie mais aussi par la communauté d'intérêt, déjà depuis le début de ce siècle. La France et la Grande-Bretagne ont eu une histoire commune dans des moments tragiques et notamment les deux dernières guerres mondiales. Notre réflexe, je dirai presque notre devoir lorsque l'Angleterre se trouve devant un problème ou une grande difficulté est d'être à ses côtés. J'ai d'autre part dit que c'était bien cela la difficulté de la vie politique, c'était que l'on se trouvait souvent devant des situations inextricables ou bien dans lesquelles toutes les solutions étaient de mauvaises solutions. Et nous souhaitons en effet que le drame des Malouines ne conduise pas la France à voir se distendre ses relations avec les peuples d'Amérique latine. Et naturellement il y a un risque en-raison même de la contradiction que vous venez de relever. Nous avons en effet la volonté d'approcher de plus près des problèmes, les besoins, les aspirations des peuples d'Amérique latine. Je l'ai déjà d'ailleurs démontré à diverses reprises. C'est une situation objective qui se crée et c'est cette situation objective qui place beaucoup de peuples dans l'embarras et notamment la France mais le choix politique c'est de décider. Et ce que nous avons décidé à été expliqué de façon simple déjà. Nous n'avons pas pris position sur le problème de la souveraineté. J'ai déjà même rappelé que, dans la nuit où j'ai été informé des événements aux Malouines (qui ont commencé, il ne faut tout de même pas l'oublier, par une intervention violente de l'Argentine qui a d'elle-même voulu régler un problème de droit tel qu'elle le posait elle-même par les moyens de la force, ce qui n'est pas recommandé, ce qui va contre les résolutions des Nations unies, donc contre le droit international) le problème de la souveraineté des Malouines ou des Falklands n'était pas présent à mon esprit quand on m'en a saisi, j'ai donc demandé qu'on m'adresse une note pour bien me préciser ce point et mon interlocuteur m'a dit : "Mais nous n'avons jamais reconnu la souveraineté argentine", ah très bien, "la France aurait d'ailleurs peut-être quelque chose à dire pour réclamer pour elle-même", ah bon, en effet, 1763 je crois, la France se trouvait à-partir de là évincée jusqu'en 1769 d'un territoire qui fut à un moment le sien. Je veux dire par là qu'il est difficile de régler les problèmes de la paix du monde à l'ancienneté, ou alors il y a des anciennetés qui se recoupent de telle sorte qu'on finit par s'y perdre.\
`Conflit des Malouines ` suite réponse` Puisque le droit est contesté, laissons l'organisation des Nations unies dire le droit et son secrétaire général `Perez de Cuellar` qui a la confiance des nations en-particulier, et le fait c'est que l'Argentine a militairement agressé un territoire qui était détenu depuis fort longtemps par la Grande-Bretagne et des citoyens qui se réclamaient de la Grande-Bretagne ont été occupés ou déportés. Voilà le fait initial d'où tout découle. A-partir de là, la fatalité a commencé d'une logique implacable. Dès lors que la Grande-Bretagne voulait répondre etn'avait peut-être pas d'autre moyen de répondre autrement qu'en envoyant sa flotte, vous n'imaginez pas que cette flotte allait faire un tour dans l'hémisphère sud pour revenir sans avoir rien fait d'autre, pour une démonstration militaire.
- Moi, je suis de ceux qui ont pensé que dans cette phase-là, même s'il fallait s'associer à toutes les démarches pacifiques, ce que nous avons fait inlassablement, et avec peu de chances que ce conflit se dénoue avant que des faits nouveaux de caractère militaire n'interviennent. Et je ne vous dirai pas, monsieur, ce que la France a l'intention de faire dans les heures ou dans les jours qui viennent. Ce n'est pas le lieu. Je suis ici dans un pays ami, mais étranger et d'autre part je dois en délibérer avec les responsables français. Ce que je peux vous dire c'est que tout ce qui permettra à l'Organisation des Nations unies `ONU` de régler pacifiquement ce problème dans des délais et selon les procédures de son choix auxquelles nous participerons, nous sommes membres du Conseil de sécurité, nous la France, cela sera fait car il est très important que la paix revienne au plus tôt.\
QUESTION.- ... `Sommet des pays industrialisés à Versailles les 5 et 6 juin`
- LE PRESIDENT.- A Versailles, il se posera immédiatement un problème qui est celui de la lutte en commun contre la crise économique internationale. Plusieurs pays parmi les sept, on pourrait dire même avec le 8ème qui représente la Communauté européenne `CEE`, ont des politiques différentes, affrontent cette crise différemment. Certains insistent sur la consommation, d'autres sur l'investissement, d'autres sur le rôle de la monnaie, d'autres sur le rôle du budget, etc... Certains s'inquiètent du chômage en considérant qu'un seuil de tolérance est atteint, d'autres s'inquièteront de l'inflation en disant qu'il faut d'abord être compétitif et sur tous-les-plans, d'autres se préoccuperont au-même-titre de l'un et de l'auttre.
- Il est très important que nous accordions nos violons. Non pas, ce serait une prétention exessive et vaine, en pensant que tous les pays industrialisés vont décider ensemble d'une même politique intérieure, mais en définissant ce qui est tout à fait possible un certain nombre de domaines dans lesquels ils conduiront ensemble des politiques communes. Cela est tout à fait possible, en-particulier comme je suis de ceux qui ne pensent pas que la récession poussée jusqu'à l'asphyxie soit la réponse aux problèmes posés, ce serait plutôt le contraire - comment peut-on relancer `relance` £ comment peut-on aller vers la croissance - et j'ai examiné un certain nombre de domaines dont le premier est l'utilisation en commun de tous les moyens technologiques et de haute technologie. Le champ est immense et extrêmement prometteur. Ce serait quand même extraordinaire d'imaginer que des pays qui ont atteint une connaissance technique jamais atteinte dans l'histoire, démultipliée depuis la troisième révolution industrielle, soient les témoins impuissants de leur propre récession. Donc c'est autour de cette idée-là que se développera mon exposé préliminaire.\
`Sommet des pays industrialisés à Versailles les 5 et 6 juin ` suite réponse` Le deuxième aspect c'est la projection du tiers monde. J'ai le sentiment que c'est une vue trop courte que de croire qu'il faille restreindre indéfiniment les aides au tiers monde alors qu'une perspective brève à dix ans, quinze ans, vingt ans, doit normalement démontrer que les pays industriels qui sont fortement armés, qui produisent des produits finis multiples qui se concurrencent jusqu'à s'épuiser mutuellement, qui bientôt ne trouveront plus de marchés entre eux parce que chacun cherchera à faire, mieux que l'autre sans pouvoir satisfaire les consommateurs, auront le plus grand besoin de nouveaux partenaires. Et comme ce fut le cas au début de l'ère coloniale - cette comparaison étant purement historique - car je suis de ceux qui croient que parce que les pays sont indépendants et parce que les peuples participent eux-mêmes à leur devenir, les moyens de développement se démultiplient, mais de même que l'on a connu un surgissement de la fin du 19ème siècle, de même on peut préparer la fin du 20ème siècle en développant les termes de l'échange. De là, il faut que les consommateurs, qui se calculent par milliards, en tout cas il y en a déjà deux pour la fin de ce siècle, des pays du tiers monde puissent être en même temps des producteurs et des producteurs avec des industries de transformation proches des lieux où se produisent les matières premières. Et vous verrez à-partir de là une formidable capacité d'échange pour le monde industriel qui trouvera de nouvelles clientèles. C'est pourquoi je suis de ceux qui pensent qu'il ne faut pas opposer - j'ai lu celà dans un article ce matin - opposer donc la vue idéaliste - aider le tiers monde c'est très bien, c'est généreux - à la vue réaliste.
- La vue réaliste, c'est celle qui permet d'être le plus généreux comme on dit, bien qu'en la circonstance le mot ne me plaise pas, cela veut dire que les pays industriels qui sauront investir intelligemment dans le tiers monde non seulement contribueront à faire que les peuples du tiers monde accèdent à un niveau de vie et de pouvoir d'achat beaucoup plus important, et donc vivront mieux, mais en même temps fabriqueront leur propre instrument d'échange et donc de prospérité. C'est dans l'intérêt du monde industriel que d'aider intelligemment le tiers monde à passer au niveau supérieur sur-le-plan de son économie et comme ces pays-là sont en mesure maintenant de mobiliser leurs millions et leurs millions d'habitants, non pas d'une façon passive comme dans les époques passées, en-particulier l'époque coloniale, mais d'une façon active, parce qu'ils ont de l'intelligence et qu'ils ont du talent, certes, ils ont très souvent à faire à une nature hostile et ils ont un certain retard dans les moyens techniques pour dominer cette nature, mais s'ils trouvent ces moyens-là alors on peut parier à coup sûr sur leur réussite et cette réussite sera la nôtre aussi. C'est donc une vue réaliste que je m'efforce de développer en pensant qu'il n'y a pas d'autres réponses aux problèmes de la crise que des réponses planétaires.\