28 mars 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations entre la France et la Fédération de Malaisie, à Putrajaya le 28 mars 2017.


Mesdames, Messieurs,
Je veux saluer votre courage, votre volonté de me rencontrer à tout prix parce que quand il pleut ici, il pleut vraiment et ce que vous avez enduré depuis quelques minutes est digne des épreuves que j'ai pu rencontrer dans mon quinquennat avec la pluie.
Mais je tenais à ce que nous puissions avoir cet échange à l'occasion de ma visite d'Etat ici en Malaisie, parce que d'abord il y a bien longtemps qu'un Président de la République n'y était pas venu, près de 14 ans, le dernier était Jacques CHIRAC parce que nous allons célébrer le 60ème anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre nos deux pays et parce qu'entre la Malaisie et la France il y a aujourd'hui un lien très fort qui n'a cessé de s'intensifier encore et qui vient de connaître une nouvelle étape avec la visite que j'effectue aujourd'hui en compagnie de ministres, de membres du Parlement, Assemblée nationale, Sénat, de chefs d'entreprise de toute taille, mais également de chercheurs, de responsables universitaires parce que je voulais donner un éclat particulier à cette rencontre avec le Sud-Est asiatique et notamment la Malaisie.
Vous êtes une communauté qui ne cesse de voir son nombre augmenter. Au dernier recensement, vous seriez plus de 3.500 près de 4.000 dans des secteurs très différents, beaucoup en représentation d'entreprises, mais il y a aussi des fonctionnaires, il y a les enseignants, il y a tous les personnels qui concourent à la promotion de notre culture et je voulais vous saluer parce que vous jouez un rôle très important dans la relation entre la France et la Malaisie.
J'ai été saisi comme vous l'avez été sans doute la première fois que vous êtes venu ici, même si pour beaucoup vous y êtes depuis longtemps, par la croissance de développement de ce pays qui accède maintenant à tous les standards des pays les plus favorisés. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas encore des inégalités, de la pauvreté, mais il est clair que ce pays est sur un rythme de croissance très impressionnant. Nous en avons la preuve à travers les contrats ou les accords que nous avons pu passer, les partenariats que nous avons pu nouer, dans des domaines aussi différents que les transports, l'énergie, la distribution, le tourisme et tout ce qui permet d'entretenir un courant d'affaires impressionnant puisque nos échanges ont doublé en 10 ans et qu'ils progressent à un rythme très élevé ces deux dernières années.
S'il y a un élément qui a permis cette confiance entre nos deux pays, c'est la défense. En effet le Premier ministre me l'a encore confirmé quand je l'ai rencontré, la plupart des matériels qui aujourd'hui servent à la défense de la Malaisie ont été fournis par la France, ou la France a accompagné leur mise en place.
Quand un pays, la Malaisie en l'occurrence, confie à la France la capacité de mettre en place des sous-marins, c'est vraiment le signe que la Malaisie a vis-à-vis de la France, pas simplement vis-à-vis des matériels français, mais vis-à-vis de ce que nous sommes, ce que nous représentons dans le monde, une confiance qui ne pourra jamais s'abîmer ou se réduire. D'autant que nous avons fait en sorte qu'il y ait d'autres éléments qui témoignent de cette force dans la relation et de nombreux contrats depuis plusieurs années étayaient la volonté de la Malaisie de coopérer dans le domaine de la défense avec la France.
Aujourd'hui encore, nous avons pu parler de plusieurs matériels dont notamment les Rafales et sans qu'il y ait aujourd'hui d'annonce à faire sur ce dossier, je veux remercier les entreprises qui ont contribué à le faire avancer. Il y a des raisons qui nous laissent penser qu'il peut y avoir d'autres évolutions. Mais il est trop tôt pour le dire et ce serait même contre-productif que de penser que la Malaisie va choisir cet avion dès lors qu'il y a encore bien des processus avant d'y parvenir.
Mais s'il y a un homme qui a beaucoup fait, un ministre français qui a énormément investi dans la Malaisie en y venant plusieurs fois, en rencontrant son homologue, en établissant avec lui une relation d'amitié, c'est Jean-Yves LE DRIAN et je voudrais ici le saluer tout particulièrement.
C'est grâce à ce socle qui est celui constitué par la Défense que nous avons pu mettre au cur de notre relation, que nous avons pu aussi démultiplier les implantations d'entreprises, les investissements en Malaisie. Aujourd'hui nous sommes le deuxième fournisseur européen de la Malaisie et nous réalisons deux milliards d'euros d'exportations et nous continuons à avoir des perspectives tout à fait intéressantes, comme en témoignent tous les chefs d'entreprise qui m'ont accompagné.
Nous avons même voulu que les PME françaises puissent trouver ici leur place, et il y a eu un accord qui a été passé entre la Banque publique d'investissement, donc la France, et son homologue ici en Malaisie, pour accompagner le développement des entreprises ici.
Je veux également souligner que notre coopération va au-delà de l'économie et au-delà de la défense parce que c'est un tout et qu'il y a notamment sur la culture, sur l'éducation beaucoup de progrès qui ont été réalisés ces dernières années. Je veux saluer l'effort que le Premier ministre a voulu engager pour la francophonie, pour l'enseignement du Français mais, il y avait aussi nos alliances françaises, je sais qu'ici plusieurs les représentent, qui contribuent à la promotion de notre culture. Sans oublier le lycée Fauconnier qui a permis et permet encore d'accueillir de nombreux jeunes, 800 aujourd'hui et sans doute davantage demain et avec des résultats remarquables. Et je veux saluer ici, tout le personnel de ce lycée.
Ce qui fait que la langue française progresse, il y a près de cent écoles Malaisiennes qui enseignent le Français et les parlementaires, qui m'ont accompagné, ont pu rencontrer ces élèves et c'est tout à fait impressionnant, l'amour, l'attachement qu'ils peuvent porter à la langue et à la culture française. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu qu'il y ait aussi une relation qui puisse s'instaurer entre le Musée d'art islamique ici, à Kuala-Lumpur, et le Musée Guimet, à Paris, et il y aura une grande exposition qui pourra être organisée l'année prochaine.
Puisque je parle de l'islam, ici, en Malaisie, les autorités et le Premier me l'ont confirmé, il y a cette volonté, ce souci permanent de promouvoir un islam modéré, et de permettre qu'il y ait le pluralisme, qu'il y ait la compréhension mutuelle, et qu'il y ait aussi ils en sont particulièrement fiers des programmes qui réussissent pour la dé-radicalisation d'un certain nombre de jeunes qui, hélas, se sont laissés entraîner.
Le Premier ministre Najib m'a même remis un document en français pour témoigner, pour démontrer l'efficacité de leur programme de dé-radicalisation. La France, qui a toujours été un pays où la laïcité a permis la liberté religieuse, doit également montrer qu'elle est capable d'assurer cette vie en commun et de lutter contre le fanatisme. C'est ce que nous faisons avec, là-aussi, la conviction que ce n'est pas pour écarter, ce n'est pas pour diviser, c'est au contraire pour intégrer que nous mettons en uvre ces politiques.
La France et la Malaisie sont conscientes que le terrorisme peut nous menacer, et que ce terrorisme touche l'ensemble des pays du monde, et c'est la raison pour laquelle nous avons mené, avec la Malaisie, une coordination de nos services, de nos politiques de lutte contre le terrorisme, et que nous continuerons à agir dans cette direction.
Je voulais enfin vous dire que, ce que j'ai éprouvé cet après-midi, puisque j'étais sur une base aérienne, et que les Rafale étaient en démonstration, nous étions là, avec l'ensemble de l'état-major malaisien, le ministre de la Défense de la Malaisie, le ministre de la Défense de la France étaient là, et nous avons vu, avec un temps qui n'était pas différent de celui que nous connaissons, là, en ce moment, c'est-à-dire un temps couvert, un temps pluvieux, nous avons vu cette démonstration par nos pilotes de Rafale.
C'était extrêmement touchant de voir cette prouesse technique, et aussi cette capacité de nos pilotes à exercer une telle mission. Là, elle était pour la démonstration, il s'agissait de faire comprendre que nous avions le meilleur avion du monde, je crois que cela a été le résultat. Mais je pensais aussi à tous nos pilotes qui sont sur les zones de conflit, et notamment en Irak, et en Syrie, et qui, avec ces Rafale, infligent des coups, et des coups très durs à Daesh.
J'avais, pour ce pilote-là ou ces pilotes, qui étaient dans ces appareils de haute technologie, mais qui les utilisaient au mieux, une grande admiration, parce que la France peut être fière de son armée, peut être fière de ses soldats, peut être fière de ce qu'elle représente dans le monde. Si nous sommes respectés, c'est pour bien des raisons qui tiennent à ce que nous sommes, pays de grande Histoire, pays de culture, pays qui poursuit un idéal de justice, de paix, un pays qui promeut le dialogue et la négociation, qui ne veut pas imposer ses vues au reste du monde, mais qui fait en sorte que chaque fois que les Droits de L'Homme sont atteints, nous puissions exprimer une parole forte.
Pour que nous soyons respectés aussi, il faut avoir les capacités de notre défense. Lorsque l'Europe s'interroge sur son avenir -c'est le cas en ce moment puisqu'avant de faire ce voyage en Asie du Sud-Est, j'étais à Rome pour l'anniversaire du Traité- il faut qu'elle soit plus solidaire, et il y a encore du chemin à faire. Il faut qu'elle soit plus forte dans l'expression de sa politique, il faut qu'elle soit plus coordonnée, et surtout maintenant que le Royaume-Uni vient de nous quitter ou s'apprête à le faire à travers une négociation qui va durer deux ans. Il faut que l'Europe protège ses frontières, c'est ce que l'on attend d'un ensemble, mais il apparaît nécessaire, indispensable que l'Europe puisse aussi assurer sa défense, non pas en s'éloignant de l'Alliance atlantique, de l'OTAN, mais en faisant en sorte que nous puissions nous-mêmes être capables de projeter nos forces à l'extérieur ou d'assurer une capacité de défense de notre territoire, avec une industrie de défense, qui doit elle-même être plus européenne.
Et comme nous sommes dans un monde qui est en train de changer avec c'est la décision du peuple américain un président des Etats-Unis qui est plus isolationniste que ses prédécesseurs, qui ne croit plus au multilatéralisme, qui s'interroge sur la capacité qu'a l'OTAN de pouvoir encore assurer une défense commune, ou en tout cas, qui veut renégocier un certain nombre d'éléments, notamment financiers, pour cette alliance, nous aurons, ou d'autres que moi, à en discuter, mais, ce qui est important, c'est que la France puisse se dire : elle, elle peut assurer sa défense, elle, elle peut dire à l'Europe qu'elle a la capacité d'agir et d'intervenir.
C'est pourquoi vous êtes ici, communauté française, bien sûr, très attachée à cette partie du monde, l'Asie du Sud-Est, mais en même temps, vous devez avoir conscience d'appartenir à un ensemble, qui est une grande Nation, et qui est capable de se faire respecter, et si, ici, nous pouvons multiplier les courants d'échanges, faire un certain nombre d'investissements, être reçus, comme je l'ai été, c'est parce que la France est une Nation indépendante.
C'est très important de ne dépendre de personne. Mon modèle n'est ni aux États-Unis ni en Russie ni ailleurs. Le modèle que je veux promouvoir est en Europe. C'est à travers les valeurs que l'Europe porte que nous devons nous-mêmes agir dans le monde, et il n'est pas possible de regarder tels ou tels responsables de grands pays comme des exemples, j'appartiens à une génération où nous n'avions pas besoin d'exemples pour être nous-mêmes, et où nous luttions contre un certain nombre d'influences extérieures, eh bien, cela reste vrai. Il y a des empires qui essayent de ressurgir, il y a des pressions qui se font sur un certain nombre de pays.
Alors, il est très important, au moment où il va y avoir des choix essentiels pour notre pays, que nous restions une Nation indépendante, que nous restions une Nation ouverte, qui croit au commerce, à l'échange, à la libre circulation des personnes, comme des biens, une Nation qui entend défendre un idéal, une Nation qui sait se faire respecter, et c'est ce que vous contribuez à faire. C'est pourquoi, je voulais, à l'occasion de cette visite -qui n'a pas toujours été pluvieuse, même si, aujourd'hui, nous avons été particulièrement servis- vous dire toute ma gratitude, parce que la France est forte de tous ceux qui vivent partout dans le monde avec le drapeau français. Et aujourd'hui, le drapeau français, grâce à vous, flotte en Malaisie. Merci.