23 novembre 2016 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur l'entreprise Arc International spécialisée dans les arts de la table et de la verrerie, à Arques le 23 novembre 2016.


Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires, les Elus,
Monsieur le Directeur,
Mesdames, Messieurs,
C'est la troisième fois, en un mois à peine, que je viens dans le Pas-de-Calais. Il y a quelques semaines, c'était à Calais, avant qu'il ne soit procédé à l'évacuation du campement. Je posais une première pierre pour la rénovation, l'aménagement et l'agrandissement du port de Calais.
Les yeux étaient rivés sur cette situation humanitaire insupportable, d'abord pour celles et ceux qui y vivaient dans des conditions qui n'étaient pas dignes, et puis, également pour la population de Calais qui était amenée à faire un effort considérable pour être toujours regardé comme un lieu où s'agrégeaient des réfugiés toujours plus nombreux.
Aujourd'hui, grâce à l'effort de tous - je veux saluer Madame la Préfète du Pas-de-Calais et bien sûr tous les services de Police, de Gendarmerie, les sapeurs-pompiers, et tous les élus qui y ont contribué - nous avons évacué ce campement, évité qu'il y ait des vies qui puissent être mises en danger et permis au port de Calais de retrouver aussi un niveau d'activité, puisqu'il n'y a plus les risques qui étaient connus jusque-là.
Quand une opération humanitaire est menée avec cette détermination et avec ce résultat je veux aussi saluer tous ceux qui ont accepté, dans les centres d'accueil et d'orientation, de recevoir ces réfugiés je pense que nous devons l'affirmer hautement. La France a fait son devoir et la population de Calais a été exemplaire.
Mais aujourd'hui, cette question, non pas la question des réfugiés, il y aura sans doute à prendre d'autres dispositions et nous le ferons à l'échelle européenne, mais la question de Calais n'est plus celle que l'actualité nous donnait à voir, il y a encore quelques semaines.
Ensuite, je suis venu à Lens, pour poser, là encore, une nouvelle première pierre, qui était l'installation des réserves du Musée du Louvre oui du Musée du Louvre à Liévin. Il y a le nouveau Lens que chacun connait mais il a été décidé je l'ai voulu ainsi que toutes les réserves du Louvre puissent être placées à Lens, en l'occurrence Liévin, pour qu'il y ait, là encore, un investissement de plus pour le Pas-de-Calais et un rayonnement tout à fait considérable sur le plan culturel et touristique.
Aujourd'hui, je suis ici à ARC INTERNATIONAL. Je suis ici à Arques, d'abord, Madame le Maire. Une ville qui est connue mondialement justement par votre entreprise. Une entreprise qui appartient à l'histoire de la France industrielle depuis 200 ans, qui a profondément marqué des générations et des générations et qui s'est à la fois déployée sur le plan intérieur, avec des marques très connues et reconnues, mais également sur le plan international, puisque c'est un groupe qui, comme son nom n'indique, est mondial.
Je veux saluer une famille, la famille DURAND, qui a considérablement agi pour que cette entreprise puisse être là aujourd'hui.
Mais voilà, il s'est trouvé qu'à partir des années 2000, cette grande entreprise française, la plus grande entreprise de la région Hauts-de-France, qui porte le label de l'excellence et de la qualité des arts de la table, a connu des difficultés, des difficultés très sérieuses, avec des suppressions d'emplois. C'était au début des années 2000.
Plus gravement encore, au début de l'année 2014, c'est l'avenir même de l'entreprise qui est en cause. Savoir si elle va demeurer, si elle va rester, non pas qu'il y avait des risques de délocalisation, aucunement, mais il y avait un problème qui était celui de trouver un repreneur.
Plusieurs s'étaient présentés et celui qui était regardé comme le plus sérieux, notamment par le tribunal de commerce qui avait en charge les intérêts des créanciers, prévoyait de supprimer au moins 3 000 emplois et vous le savez tous.
Alors, l'Etat a fait son devoir, a pris sa responsabilité, en considérant qu'il fallait aller chercher un autre repreneur, qu'il n'était pas possible, alors que cette entreprise avait déjà perdu de nombreux emplois, qu'elle était au niveau de 6 000 emplois, de supprimer de moitié les effectifs de ce grand groupe français, avec finalement l'idée qu'à terme, elle pourrait s'épuiser et disparaître.
Je veux saluer les élus, d'abord de la région, du département, les parlementaires, qui se sont tous mobilisés, bien sûr, au niveau de la commune, et cette volonté de tous les acteurs de se dire : Non, il faut trouver une solution. Alors, cette solution, ça a été de prendre un nouvel actionnaire et de repousser les suppressions d'emplois.
Il fallait néanmoins qu'il y ait des efforts financiers qui puissent être accomplis. Le nouvel actionnaire, le nouveau fonds qui s'est présenté a investi 85 millions d'euros. Les banques ont été conduites à effacer l'ensemble de leurs dettes, à près de 90 %. L'Etat a fait ce qu'il devait faire, c'est-à-dire apporter un prêt de 50 millions d'euros et une intervention auprès de l'Etablissement public foncier à hauteur de 25 millions d'euros. Les collectivités, notamment la région, ont également pris leur part.
Voilà ce que l'on peut faire. Mais ça n'aurait pas suffi, s'il n'y avait pas eu aussi la volonté des salariés, à travers leurs organisations syndicales, que je veux saluer. Moi, je suis pour le dialogue social, mais un dialogue social qui doit être fructueux, qui doit être équilibré, un dialogue social qui permette de préserver l'emploi et, autant qu'il est possible, d'améliorer les conditions.
Il y a aussi des moments où les partenaires sociaux, je parle des salariés, doivent également prendre leurs responsabilités. Elle est lourde quand il s'agit d'aménager le temps de travail, d'annualiser l'activité, de faire en sorte que certains jours RTT puissent être provisoirement remis en cause. C'est parce qu'il y a eu cette négociation, c'est parce qu'il y a eu ce dialogue social, qu'il y a eu l'ensemble du plan qui a pu être ainsi monté, décidé, mis en uvre.
Voilà ce qu'est la France quand elle est capable de se rassembler pour une grande entreprise et voilà ce que sont les salariés quand ils sont capables, de défendre leurs intérêts et d'abord leur emploi et de participer directement aux choix qui sont faits. C'est une conception de la démocratie où chacun doit être à sa place, l'Etat parce que s'il n'y a plus d'Etat, qui va intervenir dans une circonstance pareille ? S'il n'y a plus de ressources dans l'Etat, j'ajoute de fonctionnaires dans l'Etat, qui va pouvoir prendre cette responsabilité ? L'Etat, c'est ce qui nous permet d'être ensemble. Et puis, s'il n'y a pas de collectivités qui agissent, de territoires qui se défendent, alors, la décentralisation ne peut pas jouer tout son rôle.
Et puis s'il n'y a pas d'abord des actionnaires, il faut le reconnaître, s'il n'y a pas à un moment des détenteurs de fonds qui viennent investir, comment faire pour que l'entreprise puisse se moderniser et puisse avancer ?
Enfin, des salariés, des salariés qui s'engagent. C'est ce qui s'est produit. C'est parce qu'il y a eu cet acte de confiance, ce rassemblement de toutes les forces, que vous avez pu réussir. Parce que c'est une réussite, ARC INTERNATIONAL : plus de 5 000 emplois, avec de belles perspectives, une production qui augmente, près de 20 % par rapport à 2015, des jeunes apprentis qui arrivent, vous avez cité les chiffres, il y en aura 240 l'année prochaine. Vous avez parlé de recrutements, de recrutements dans une entreprise où on n'entendait parler que de licenciements. Vous avez donné aussi un certain nombre de perspectives, 600, peut-être davantage, recrutements jusqu'en 2020.
Faut-il aussi que nous trouvions des solutions et notamment pour favoriser encore l'apprentissage et les recrutements. J'ai été alerté sur un certain nombre de situations et notamment de ces salariés qui ont une ancienneté importante, qui ont cotisé longtemps, qui n'ont pas 60 ans, qui veulent trouver une transition, permettre à des jeunes d'être recrutés, il faudra être imaginatif.
J'ai beaucoup insisté, dans toutes les négociations qui ont eu lieu, en 2013, sur la réforme des retraites, pour que la pénibilité puisse être reconnue. Ici, vous savez ce que qu'est la pénibilité. Certains s'interrogent en disant : Mais il n'y a que des métiers pénibles. On peut les inviter à venir à ARC INTERNATIONAL pour voir ce qu'est un métier pénible : avec 3-8, 4-8, 5-8, avec également la chaleur en toutes saisons et notamment l'été, à travers aussi l'intervention qu'il faut faire, la méticulosité j'ai salué ce travail pour que le verre soit parfait, qu'il n'ait aucun défaut. Voilà ce qu'est le savoir-faire, celui que vous représentez et dont vous êtes à la fois les héritiers et les transmetteurs.
Il faudra, là aussi, trouver une solution pour que nous puissions permettre à des jeunes de venir dans l'entreprise - ils y sont, ils apprennent - et à d'autres de pouvoir passer la main et ainsi assurer la pérennité de l'entreprise.
C'est ainsi qu'ARC INTERNATIONAL demeurera un fleuron industriel de la France. Vous avez dit, Monsieur le Directeur, combien vous étiez représentés partout dans le monde, c'est très important. Parce que si ARC INTERNATIONAL ne vend plus à l'extérieur, si ARC INTERNATIONAL n'exporte pas, si ARC INTERNATIONAL n'a pas des établissements à l'étranger, cela en est fini de son avenir. Je dis cela parce que certains nous disent, avec une forme de légèreté, de facilité, disons-le aussi, de mystification : « et si on s'enfermait, et si on mettait des barrières douanières partout ? ». Certains y songent, y compris aux Etats-Unis. Qu'est ce qui se passerait ? A qui vendrait-on les verres de très haute qualité qui sont fabriqués ici ?
On a besoin d'exporter. On a besoin d'avoir des implantations à l'étranger. On ne peut pas s'enfermer ou alors on n'aura que le marché français, cela ne suffira pas. Il faut qu'on accepte l'ouverture, à certaines conditions, pour que les règles de concurrence soient néanmoins les mêmes pour tous, qu'il n'y ait pas de dumping, qu'il n'y ait pas d'avantages qui soient pris avec des coûts salariaux qui seraient inacceptables ici. Mais on a besoin de cette ouverture internationale.
Mais il faut aussi qu'il y ait de la compétitivité. Le mot quelquefois inquiète. C'est un mot qui doit, au contraire, rassurer. C'est parce qu'on doit avoir la meilleure compétitivité, le meilleur savoir-faire, la meilleure qualité, que l'on va être, que vous allez être, que la France va être la meilleure.
C'est la raison pour laquelle il y a besoin d'avoir de l'investissement. C'est une question majeure : Comment financer les investissements dans une entreprise comme la vôtre ? L'actionnaire doit jouer son rôle. Mais il faut qu'il y ait aussi le système bancaire. Or, le système bancaire, considérant qu'il a été beaucoup sollicité, se dérobe. Que faut-il faire ? Aller chercher justement des établissements publics, la Caisse des dépôts, la Banque publique d'investissement.
Pourquoi ai-je créé la Banque publique d'investissement, si ce n'est pour justement permettre qu'il puisse y avoir des appuis financiers à des entreprises, de grandes entreprises aussi, des petites, mais de grandes entreprises, comme les vôtres, à condition de trouver des partenaires.
Donc, l'Etat va tout faire pour que vous puissiez avoir les moyens de financer des investissements ici. Il y en a pour 250 millions d'euros, c'est considérable. Il faut que ces financements ne coûtent pas trop cher à l'entreprise. Parce que si cela coûte trop cher à l'entreprise, si le coût de ce financement est trop élevé, nous ne serons pas compétitifs, à ce moment-là, nous perdrons des marchés. Donc, il faut que vous puissiez trouver des financements qui puissent vous permettre de faire les investissements, avec des taux d'intérêts qui soient supportables.
L'avenir d'ARC INTERNATIONAL, c'est l'avenir de toute la région, c'est l'avenir de la France, puisque je vous ai dit que vous étiez leader. Dans la région de Saint-Omer, le groupe ARC représente un quart de l'emploi salarié et les sous-traitants sont plus de 120. Donc, c'est un enjeu pour le territoire qui est tout à fait majeur. C'est un bassin de vie. C'est la raison pour laquelle je voulais venir, pour qu'ici, il y ait de l'espoir. On est capables de vaincre des difficultés, on est capables d'investir, on est capables de se redresser.
En 2012, votre entreprise était dans une situation extrêmement compromise. Quand j'ai pris la responsabilité du pays, la dégradation de l'appareil industriel était considérable. Les plans sociaux s'ajoutaient aux plans sociaux. J'arrivais et on ne me présentait que des plans sociaux, parce qu'ils avaient été sans doute retenus pendant la période antérieure. En tout cas, ils arrivaient. Il fallait redresser la situation des entreprises. Parce que, comme l'a très bien dit un syndicaliste : « S'il n'y a plus d'entreprises, il n'y a plus de syndicats, il n'y a plus de salariés, il n'y a plus personne. » Donc, soutenir les entreprises, c'est soutenir les salariés, c'est soutenir l'emploi.
C'est la décision que j'ai prise, avec les gouvernements de Jean-Marc AYRAULT, puis de Manuel VALLS, de faire ce pacte de responsabilité. On m'a dit : « Pourquoi aller alléger les impôts, les prélèvements et les cotisations sociales des entreprises, alors même qu'il y a tant de besoins qui doivent être satisfaits ? » Je le sais bien. Et ne croyez pas que c'est une décision facile à prendre, alors que le pouvoir d'achat doit être stimulé. Mais ce qui compte, c'est l'emploi, c'est d'avoir des entreprises qui puissent avoir la capacité de se redresser. Ici, par exemple, le Crédit Impôt Compétitivité Emploi, sur les 5 000 et plus salariés, cela compte ! Cela fait partie de la marge de l'entreprise.
De la même manière, le Pacte de responsabilité a eu un effet direct ici. D'ailleurs s'il n'y avait pas eu le Pacte de responsabilité, l'actionnaire que nous avons pu trouver ne serait pas venu. L'actionnaire américain a voulu aussi investir là où il pensait que c'était possible d'avoir un développement.
J'ai pris aussi des décisions pour le prix de l'énergie, parce qu'un des avantages que l'on a en France, c'est que le prix de l'énergie est particulièrement compétitif. On le doit à des choix qui ont été faits il y a bien longtemps, le nucléaire. On le doit maintenant aussi à ce qu'on fait pour le renouvelable et cela va être un grand projet pour l'avenir : les énergies renouvelables et tout ce que l'on peut faire pour l'électricité. Mais on doit avoir une filière nucléaire - le ministre de l'Industrie est là - nous sommes en train de la restructurer, parce qu'elle était, elle aussi, dégradée.
Et puis, il faut que nous puissions appuyer toutes les innovations industrielles. Ici, à ARC INTERNATIONAL, il y a beaucoup d'innovations : innovations dans la fabrication £ j'ai vu ce qui m'a été présenté : innovations dans la conception des produits : les marques que vous distribuez £ innovations dans le design, c'est-à-dire trouver de nouveaux produits. Enfin on a toujours les mêmes besoins, on prend toujours des verres. Mais l'art de la table doit sans cesse se renouveler £ et l'innovation est aussi sociale : comment mieux travailler, donner des conditions de travail qui permettent d'avoir davantage de bien-être, et donc davantage de productivité. Pour cela, le Crédit Impôt Recherche, un dispositif qui est unique en France et que j'ai absolument sanctuarisé tout au long du quinquennat, permet d'appuyer l'innovation.
Aujourd'hui, nous sommes dans un moment charnière - je parle d'ARC INTERNATIONAL - parce que nous devons absolument réussir cette transition. On a sauvé l'entreprise, on lui a donné les moyens d'investir, on a permis qu'il y ait, grâce à ce dialogue social exemplaire, des conditions qui soient fixées, on a effacé la dette et on a permis qu'il puisse y avoir une recapitalisation de l'entreprise. On a, grâce à vos dirigeants, trouvé des solutions commerciales, des solutions industrielles : il y a eu plus de 100 millions d'investissements qui ont été faits, et il faut arriver à la seconde étape, avec de nouveaux investissements et avec de nouvelles perspectives. Voilà le message que je voulais ici vous livrer.
Il n'y a pas de fatalité. Parfois, nous sommes toujours dans le doute, dans l'interrogation. On se demande si l'on peut parvenir à vaincre ce que l'on croit être la mondialisation et sa dureté, ce que l'on sait être la compétition et sa férocité. Parfois, on se demande si on arrivera, nous la France, à tenir notre rang. Oui, il y a beaucoup de domaines qui peuvent l'illustrer.
La France, quand elle se bat, la France quand elle se rassemble, la France quand elle trouve des solutions, la France quand elle croit en elle-même, la France quand elle a un Etat qui fait son devoir, la France quand elle a des actionnaires qui prennent leurs responsabilités, quand on arrive à mobiliser des financements, y compris publics, lorsque les collectivités sont à l'unisson, au-delà de leurs sensibilités, la France quand elle a cette volonté de se redresser, elle gagne.
Vous, vous avez gagné, vous avez réussi. Et je voulais ici vous dire que vous pouvez être fiers d'ARC INTERNATIONAL, fiers de ce qui a été mené, et je vous assure, nous allons continuer à vous soutenir parce que, pour la France, ARC INTERNATIONAL, c'est un fleuron et c'est devenu aussi un exemple et une référence.
Vive la République et vive la France ! Et vive ARC INTERNATIONAL !