20 octobre 2016 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Hollande, Président de la République, sur l'Union européenne face à la crise migratoire, la situation en Syrie et en Irak, l'ouvrage des journalistes du Monde sur son quinquennat et sur les manifestations de policiers, à Bruxelles le 20 octobre 2016.


Mesdames, messieurs,
Ce Conseil européen était le premier après Bratislava, cette réunion de Bratislava à 27 qui avait défini une feuille de route et, donc, ce Conseil européen à 28 en présence de Theresa MAY, a mis en uvre ce que nous avions décidé, c'est à dire d'abord s'occuper de la sécurité et donc des frontières.
Les premières décisions, les premières mesures c'est de mettre en place un corps de garde-frontières et de garde-côtes, 1.500 qui vont être mobilisés. La France prendra sa part 170, et nous aurons au Conseil européen de décembre à développer les programmes prévus par le plan Juncker, qui devrait lui-même être doublé. Et il y aura aussi à ce Conseil européen de décembre des dispositions nouvelles sur la jeunesse, puisque c'était également dans la feuille de route de Bratislava.
Nous avions aussi à revenir sur les questions d'émigration, mais pour constater que les accords qui ont été passés notamment avec la Turquie ont eu leurs effets et qu'il y a aujourd'hui un processus qui est autant qu'il est possible maîtrisé.
Nous devons soutenir la Grèce, l'Italie et également la Bulgarie pour que ces pays fassent leur devoir, fassent également l'accueil dans les conditions qui doivent être prévues, pour qu'il y ait ce contrôle de nos frontières avec les agences européennes.
Donc le point très important, c'est que nous agissons pour que les frontières extérieures puissent être préservées et pour que les causes des migrations puissent également être traitées.
A cet égard, il y a eu la confirmation des programmes à l'égard de l'Afrique et notamment des 5 pays prioritaires £ et il y aura aussi mise à disposition des fonds qui avaient été dégagés à La Valette : 2 milliards d'euros pour les pays africains.
Nous aurons également à mettre en uvre tout ce qui est accès aux énergies renouvelables, et là encore le plan d'investissement extérieur qui a été décidé à travers le plan Juncker pourra avoir sa traduction.
Il a été ensuite question longuement de la Syrie et de la situation d'Alep. Je suis intervenu longuement là-dessus, parce que déjà hier soir il y avait eu tout au long de la nuit, entre Angela MERKEL, Vladimir POUTINE et moi-même un échange sur la situation humanitaire et, plus largement, sur la situation provoquée par les bombardements incessants dont la ville d'Alep est hélas, la victime.
Nous avons donc convenu d'un certain nombre de réactions que devait avoir l'Europe. D'abord faire en sorte que cessent les atrocités et qu'il puisse y avoir un processus d'aide humanitaire le plus rapidement possible. Donc la première demande c'est la prolongation de la trêve, l'arrêt de tous les bombardements et l'acheminement de l'aide humanitaire £ enfin, le retour le plus vite possible à la négociation pour la transition politique.
S'il devait y avoir des nouvelles atrocités, toutes les options seraient envisagées. Je parle des options que l'Union européenne a déjà mis en uvre dans certaines situations. Donc l'objectif, c'est que nous puissions dans ce moment crucial qui est celui de la trêve à Alep- trouver le chemin de la discussion et de la négociation £ et de faire cesser toutes les atrocités que nous connaissons depuis trop longtemps dans cette ville syrienne.
Il y a eu aussi plusieurs discussions sur le traité canadien et l'Union européenne, et il y a du côté de la Wallonie, vous le savez, un certain nombre de conditions qui restent posées. Il y aura demain encore une rencontre entre les différents représentants concernés.
Il y a eu enfin la présentation par Theresa MAY de sa démarche pour engager la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Elle a évoqué la date du mois de mars et elle a dit qu'elle s'engageait dans cette discussion dans l'esprit le plus constructif, nous verrons bien. Ce n'était pas en tout cas le même ton que celui qui avait été employé, mais le principal est que nous attendions le mois de mars et que nous puissions connaître les positions de départ du Royaume-Uni. J'ai moi-même affirmé que les positions de l'Union européenne étaient le maintien des principes de la libre circulation qui conditionne l'accès au marché intérieur.
Donc si je veux résumer ce Conseil, il s'inscrit dans la démarche engagée à Bratislava, la feuille de route autour des 3 priorités : la sécurité, l'investissement et la jeunesse.
La question des migrations était à l'ordre du jour, à la fois par rapport au contrôle des frontières mais aussi aux sources qui provoquent ces migrations ou ces exils, que ce soit en Afrique ou que ce soit au Moyen-Orient.
Enfin, toute l'Union européenne a sur la Syrie une position commune : la prolongation de la trêve et l'accès pour la population d'Alep à l'aide humanitaire.
Enfin sur le Brexit, il y a la nécessité d'attendre la position britannique et il n'y aura pas de pré-négociation. La négociation s'ouvrira quand l'article 50 sera lui-même enclenché à la demande des Britanniques.
Voilà ce que je pouvais vous dire sur cette première partie du Conseil, puisque demain il se poursuit. Est-ce que vous avez des questions ?
Journaliste : Monsieur Président bonsoir, mes confrères à n'en point douter évoqueront dans quelques instants les questions européennes. Mais le 12 octobre, il y a exactement 9 jours donc, paraissait un livre de journalistes du Monde alimenté par vos nombreuses confidences, et nous avons aujourd'hui l'occasion de vous interroger sur ce livre pour la première fois. Ce livre a semé le trouble jusque dans les rangs du gouvernement français, certains ont parlé même de suicide politique, employant des mots très durs à votre égard. Alors regrettez-vous cette avalanche de confidences faites à ces journalistes et leurs conséquences ? Et question subsidiaire mais non moins importante, vous avez confié aux auteurs de ce livre avoir ordonné (je cite) au moins 4 assassinats ciblés. Gérard DAVET Fabrice LHOMME disent aussi avoir consulté une liste de 17 ennemis à « neutraliser » établie par les services français. Est-ce que vous confirmez ces informations ?
LE PRESIDENT : D'abord sur ce livre est celui de deux journalistes qui m'ont régulièrement interrogé. Et j'ai donné à chaque étape ma part de vérité sur un certain nombre décisions que j'ai eues à prendre £ ensuite c'est leur interprétation.
Il y a eu des phrases qui ont pu être sorties de leur contexte et qui ont pu susciter, on l'a vu, une certaine polémique parfois, émotion aussi. Et ce qui compte c'est ce que j'ai fait et ce que je dis. Sur la question que vous posez par rapport à des interventions que j'ai eues à faire, chaque fois qu'il y a eu des attaques contre nos soldats, chaque fois qu'il y a eu des otages qui ont été pris, enlevés, et retenus£ à chaque fois il y a eu des réponses appropriées et c'est ce que j'ai toujours annoncé publiquement.
Ceux qui s'attaquent à la France doivent pouvoir être pourchassés, poursuivis et bien sûr neutralisés quand c'est possible. C'est la position de la France, je l'ai toujours affirmé publiquement, et je le réaffirme ici.
Journaliste (traduction) : J'espère monsieur le Président que vous pouvez entendre l'interprétation, merci. Ma question est la suivante, la conférence à Paris qui s'est tenue sur l'avenir de Mossoul, aujourd'hui vous avez été le premier dirigeant européen à parler de l'opération à Mossoul. Pourriez-vous nous dire en quoi la France peut procéder à des frappes aériennes contre Daech, en Irak et en Syrie, et fournirez-vous aux Peshmergas kurdes et à l'armée irakienne plus de moyens et plus de formations dans ce contexte, notamment à Mossoul ? Merci.
LE PRESIDENT : La France est membre de la coalition et donc soutient les forces irakiennes ainsi que les Peshmergas, pour la reconquête de Mossoul. Pour atteindre cet objectif nous avons déployé notre porte-avion et nous avons une batterie d'artillerie qui est présente en Irak. Et nous appuyons aussi par des conseils, par des appuis matériels, donc par des soutiens matériels les forces irakiennes comme les Peshmergas du Kurdistan irakien.
Ce que nous voulons, c'est que la ville puisse être reprise sans que la population civile en soit victime. C'est très important de pouvoir en faire la démonstration. Nous faisons aussi en sorte qu'il y ait après la reprise de Mossoul une administration qui puisse être, comme l'on dit, « inclusive », qui prenne en compte toutes les minorités, de manière à ce que le gouvernement irakien puisse retrouver sa souveraineté sur cette ville et l'intégrité de son territoire. Mais en même temps qu'il puisse offrir une perspective d'unité, de rassemblement avec la population irakienne, et d'éviter à Mossoul qu'il puisse y avoir je ne sais quel règlement de comptes, ce qui serait tout à fait déplorable.
Nous faisons donc en sorte que d'abord l'opération militaire réussisse, qu'ensuite il puisse y avoir une administration politique qui permette de donner un avenir à Mossoul et aussi à l'Irak. Par ailleurs j'ai indiqué que nous sommes très attentifs aux terroristes qui pourraient quitter Mossoul et rejoindre Raqqa, et ainsi continuer leur uvre destructrice. Donc nous agissons pour que ces groupes puissent être autant qu'il est possible pourchassés. Nous restons devant cette réalité que si Mossoul peut être bientôt reconquise, il restera Raqqa en Syrie qui est un repère, on le sait, de Daech. Et c'est de Raqqa est de Mossoul que les attentats qui ont été commis en France et d'ailleurs dans un certain nombre de pays d'Europe ont été préparés, d'où l'importance de ce qui se produit en ce moment en Irak et en Syrie.
Journaliste : Monsieur le Président, aujourd'hui en arrivant au Conseil européen, vous avez indiqué qu'après la reprise de Mossoul, le prochain objectif pourrait être Raqqa. Raqqa serait un objectif mais pour quelle coalition ? Et les Occidentaux et la France en particulier pourraient-ils y participer et faudrait-il déployer des troupes au sol ? Merci beaucoup.
LE PRESIDENT : Non, vous savez que la France n'a pas de troupes au sol. Et si nous avons un appui en Irak qui est fourni aux forces irakiennes, ce n'est pas pour nous-mêmes ni pour faire une intervention directe avec des troupes au sol.
A Raqqa en Syrie, nous appuierions des forces qui pourraient être Arabes, Kurdes, tous ceux qui pourraient rassembler les composantes modérées de l'opposition au régime, pour agir sur Raqqa.
Nous avons aussi procédé à des bombardements de cibles en Syrie, et nous pourrions continuer à le faire dès lors que cela pourrait s'inscrire dans la prise de Raqqa. Nous n'en sommes pas encore là.
Journaliste : Une question sur la Syrie, est-ce que la possibilité de sanctions contre la Russie a été envisagée pour son rôle dans la situation à Alep, est-ce que vous y êtes favorable ?
LE PRESIDENT : Pour l'instant, il y a des sanctions qui ont été prononcées à l'égard de la Russie par rapport à l'Ukraine, ces sanctions demeurent. A ce stade, il n'y a pas de sanctions liées à l'intervention russe en Syrie. Nous devons tout faire pour que la trêve puisse être prolongée. C'était l'objet de la discussion hier avec Vladimir POUTINE et de nos échanges aujourd'hui en Conseil européen.
S'il advenait qu'il y ait encore des massacres, des bombardements, c'est d'abord sur les responsables syriens qu'il faudrait prononcer un certain nombre de sanctions £ et avoir également des réponses appropriées. La Russie s'exposerait également si elle continuait ses bombardements à des réponses que l'Union européenne aurait à délibérer, mais nous n'en sommes pas là.
Donc il n'y a pas eu de sanction ce soir qui ait été prononcée. Il y a eu simplement la volonté que la trêve puisse être prolongée et que toutes les options puissent être envisagées s'il y avait la prolongation non pas de la trêve mais au contraire des bombardements.
Journaliste : Ce soir de nouveau, des manifestations de policiers dans les villes françaises, ils disent qu'ils réclament toujours plus d'effectifs, ils dénoncent ce qu'ils appellent « l'impunité », un des candidats à la primaire, l'ancien président de la République la primaire de la droite et du centre, l'ancien président de la République dénonce le climat d'anarchie dans le pays malgré les mots de vos ministres de l'Intérieur et de la Justice. Qu'est-ce que vous voulez dire à ces policiers qui manifestent dans les villes françaises ? Merci.
LE PRESIDENT : Les policiers comme les gendarmes font un métier extrêmement difficile, périlleux. Ce qui s'est produit dans l'Essonne est à tout égard insupportable, puisque des policiers ont été attaqués et ils auraient pu être tués. C'était sans doute l'intention de ceux qui s'en sont pris à ces forces de l'ordre.
Les policiers ont fait un travail remarquable ces derniers mois. Ils ont été soumis à une pression considérable avec les vigilances qu'il fallait partout organiser face à la menace terroriste £ et puis aussi les moyens dont il a fallu faire l'utilisation, notamment à l'occasion des manifestations.
Donc il y a tous les jours des policiers qui agissent dans un certain nombre de villes et dans des conditions qui sont de plus en plus difficiles, avec une violence qui est là. Alors oui, nous avons mis plus de moyens. J'ai reçu les syndicats de police il y a quelques mois et un plan a été mis en uvre, avec une augmentation des effectifs, une revalorisation d'un certain nombre d'indemnités et un meilleur équipement.
Mais je sais qu'il y a ce malaise profond qui est d'ailleurs depuis longtemps chez nos fonctionnaires de police et nos gendarmes. Il y a eu des rencontres -le ministre de l'Intérieur, le ministre de la Justice- avec les organisations syndicales de policiers. Et des demandes ont été faites, elles sont regardées, le dialogue se poursuit partout en France dans toutes les préfectures.
Je recevrai, puisque la demande m'a été adressée, les organisations de policiers pour que nous puissions aller jusqu'au bout de ce qu'elles demandent. Je ne parle pas simplement en termes de moyens, je ne parle pas simplement de considération - elle est là - ou de reconnaissance, non. Je parle de tout ce qui doit être fait pour que les policiers puissent faire leur travail en toute sécurité et avec également les moyens indispensables pour intervenir.
Je suis donc prêt à les recevoir et à faire en sorte que nous puissions développer un programme de travail tout au long des prochains mois. Mais il y a cette expression qui est forte et qui est sincère de policiers qui veulent être soutenus par la population. Ils le sont et il y a eu suffisamment de preuves de l'attachement des Français à la police pour que je n'aie pas besoin d'insister. Ils veulent être sûrs que les pouvoirs publics sont pleinement à leur côté, ils le sont, et qu'il faut donc leur donner les conditions de travail et les moyens indispensables.
Nous avons créé des effectifs, je ne vais pas ici rentrer dans une polémique qui n'aurait d'ailleurs aucun intérêt par rapport aux suppressions de postes des dernières années avant mon élection, aux créations que nous avons permises, mais il est très important que nous puissions donner une perspective et une réponse immédiate.
Donc que les policiers sachent bien que le gouvernement et le Président de la République sont dans une démarche de dialogue et que je recevrai les organisations représentatives de policiers dans le début de la semaine.
Merci à vous.