6 septembre 2016 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations entre la France et le Vietnam, à Hô-Chi-Minh Ville le 6 septembre 2016.


Chers compatriotes,
Vous attendez depuis longtemps : cela faisait 12 ans qu'un Président de la République française n'était pas venu ici, au Vietnam. Je mesure ce que cette visite d'État peut représenter pour nos amis vietnamiens tellement attachés à la France parce que la France, pour les Vietnamiens, c'est aussi une culture, une langue, une technologie, une idée, une grande idée. Cela n'efface pas l'Histoire et les pages tumultueuses mais la relation entre la France et le Vietnam -même si elle a pu être douloureuse- est restée affectueuse et vous y êtes pour beaucoup, vous, la communauté française ici, établie au Vietnam parfois depuis longtemps, parfois depuis plus récemment et qui entretenez la flamme.
C'est vrai qu'il y a eu des périodes, forcément, des étapes. D'abord, c'est François MITTERRAND qui était venu le premier comme Président de la République, c'était en 1993, et il lui revenait de sceller la réconciliation entre la France et le Vietnam. Puis, Jacques CHIRAC deux fois, la dernière en 2004 a voulu que nous puissions franchir d'autres étapes pour suivre le développement du Vietnam. Il y était venu aussi dans le cadre du sommet de la Francophonie, comme pour rappeler que le Vietnam est partie prenante de cette grande ambition qui est de donner une langue en partage à l'ensemble du monde.
Aujourd'hui, je viens avec une délégation composée de ministres, de parlementaires des deux Assemblées, de chefs d'entreprise, d'artistes, d'écrivains, de chercheurs, de scientifiques. Toutes celles et tous ceux qui ont, pour le Vietnam, soit par leurs propres origines, soit par leur vocation, l'envie d'être utiles aux deux pays, le Vietnam et la France.
Je viens parce que les Vietnamiens souhaitent qu'avec la France, il y ait une relation qui soit exceptionnelle. Beaucoup de pays souhaitent, avec la France, avoir une relation singulière. Et comme la France, en plus, se pense à tort ou à raison comme une exception, nous étions faits, d'une certaine façon, pour nous rencontrer. Mais il y a l'Histoire, il y a la langue, il y a la culture, il y a l'économie (beaucoup, ici, représentez des entreprises). Mais il y a surtout une idée commune que des pays qui ont pu traverser des épreuves et le Vietnam en a subi de très douloureuses et tragiques des pays qui ont subi des épreuves et la France en a traversé ces derniers mois et ces dernières années ces pays sont capables de trouver en eux-mêmes une capacité pour résister et ensuite, pour s'élever.
C'est là que l'on distingue non pas simplement les hommes ou les femmes qui dirigent des pays. C'est là que l'on distingue les Nations, celles qui se résignent, celles qui renoncent, celles qui, à un moment, s'abandonnent, ou au contraire des nations qui sont capables de trouver en elles-mêmes, par l'unité, par la cohésion, par aussi une force qui les anime, la possibilité de trouver une espérance et d'avancer.
C'est ce qu'a fait le Vietnam depuis maintenant près de 40 ans. Le Vietnam n'a rien à voir avec ce qu'était la situation après la guerre. Le Vietnam a été accompagné, appuyé par la France dans son développement. Mais aujourd'hui, il ne s'agit plus simplement de venir soutenir des projets au nom d'une solidarité nécessaire car, combien de personnalités ici ont contribué à donner une cause humaine à leur activité ici, au Vietnam ? Non, il s'agit cette fois-ci, dans le temps nouveau la mondialisation, l'ouverture des échanges, les technologies d'apporter au Vietnam et de faire avec le Vietnam une nouvelle aventure. Cette aventure, c'est de pouvoir relever des défis.
Des défis, il y en a. Le défi de la sécurité et chacun sait qu'il est posé ici comme ailleurs et que la France et le Vietnam doivent porter les mêmes messages, c'est-à-dire les messages du respect du droit, les messages de la libre circulation, le message du dialogue pour que l'on trouve par la négociation ce que la guerre ne parviendrait pas à arracher. Donc le dialogue, la négociation font partie de ce que nous devons promouvoir à l'échelle internationale, même si la France est capable, parce que la situation l'exige quand elle est attaquée, de lutter contre le terrorisme, y compris par le recours aux forces armées. Ce que nous avons fait en Afrique, ce que nous faisons en Syrie et en Irak.
Nous relevons donc des défis, défis politiques mais défis également économiques. C'est ce que nous avons voulu inscrire dans ce partenariat stratégique entre la France et le Vietnam. Et d'une certaine façon, vous y prenez votre place. Des défis économiques parce qu'il y a déjà des acquis dans les échanges entre la France et le Vietnam : nous avons conclu des contrats, des accords ont été signés en matière aéronautique, en matière de transport, en matière agroalimentaire.
Mais il y a encore beaucoup plus à faire et notamment dans un domaine qui concerne le Vietnam, comme d'ailleurs beaucoup de pays qui sont vulnérables par rapport aux changements climatiques. Et là, nous pouvons apporter aussi, non seulement, des financements mais également des technologies pour aller vers les énergies renouvelables, pour donner plus d'efficacité aux constructions de manière à ce qu'elles soient économes de ressources naturelles, que nous puissions traiter un certain nombre de dégradations qui se sont produites, y compris ici, au Vietnam. Éviter que l'élévation du niveau de la mer ait des conséquences tout à fait tragiques sur le Vietnam, voilà un beau défi que nous allons relever ensemble.
Puis, il y a tout ce que nous devons faire pour ouvrir les marchés. Nous nous plaignons parfois de notre propre administration je parle de l'administration française et la simplification n'est pas toujours une évidence, ici non plus. Mais nous devons convaincre nos interlocuteurs que l'intérêt commun est de pouvoir accueillir plus d'entreprises, accueillir plus d'investisseurs, faire que les échanges soient plus simples, que nos produits arrivent plus facilement. Nous devons le faire sans prétention, sans donner de leçon, mais tout simplement pour participer à une mondialisation qui doit être régulée.
Nous sommes pour l'ouverture des échanges, nous sommes pour des accords commerciaux et nous soutenons d'ailleurs l'accord qui doit être maintenant conclu et appliqué surtout entre l'Union européenne et le Vietnam. Mais nous voulons qu'il y ait des règles, qu'il y ait le respect de normes sanitaires, environnementales. C'est l'intérêt de tous et ce que je dis vaut pour d'autres négociations d'accords entre l'Union européenne et de grands pays de la planète.
Nous devons aussi relever un défi commun qui est le défi de la science, de la technologie. Tout à l'heure, j'ai remis des distinctions à des personnalités qui ont beaucoup uvré pour la recherche et pour la science et qui l'ont fait pour partager leurs découvertes. Il y a des coopérations scientifiques de haut niveau qui ont toujours eu lieu entre la France et le Vietnam et qui remontent même à très loin et qui se sont perpétuées. Je veux ici saluer tous ceux qui y ont contribué (coopération en matière de santé, coopération entre établissements universitaires, coopération entre instituts de recherche). Et ici, il y a beaucoup d'instituts de recherche français qui sont ouverts. Je ne vais pas les citer mais vous êtes ici beaucoup à les représenter.
Nous voulons donc avec les autorités vietnamiennes, mener des coopérations de plus grande intensité, notamment en matière de recherche et de science et d'universités. Je me suis moi-même exprimé à l'université de Hanoï pour dire combien nous étions fiers qu'il y ait des enseignants français qui viennent ici pour partager leurs savoirs et leurs connaissances, combien nous étions heureux d'accueillir des étudiants vietnamiens : 7 000. Je pense que nous pouvons faire davantage. Oui, nous sommes prêts à offrir davantage encore de bourses pour que ces étudiants viennent. Et quand un étudiant vient en France, qu'il participe à une recherche et qu'il obtient une médaille FIELDS de mathématiques, comme cela a été le cas en 2010 pour un Franco-Vietnamien, le Vietnam pense que c'est un des siens qui l'a emporté et nous, nous avons la faiblesse de penser que nous y avons aussi contribué. L'un a la médaille, l'autre le ruban. Nous verrons comment arbitrer. Mais c'est pour nous très important qu'il y ait cet échange scientifique.
Puis, il y a la culture, les arts, les créations. Beaucoup de Vietnamiens aiment la culture française. Mais la culture française est une culture universelle. Elle s'enrichit du talent du monde et les Vietnamiens ont eux-mêmes beaucoup apporté. Il y a des cinéastes qui créent ici, au Vietnam, et je veux les saluer puisqu'ils m'ont accompagné. Je sais qu'un film va bientôt sortir et je veux en faire moi-même la promotion si c'est possible. Ce film, c'est « Éternité ». C'est quand même ce que nous cherchons tous, l'éternité. Enfin, je ne veux pas ici faire de propos qui pourraient être mal compris mais l'éternité, ce n'est pas simplement de penser que nos vies peuvent être elles-mêmes sans limite. L'éternité, c'est de penser que, précisément parce que nos vies ont une limite, nous sommes capables de donner le meilleur de nous-mêmes. C'est le sentiment que nous pouvons laisser une trace, que chacun, chacune peut laisser sa trace.
Nous voulons aussi que la culture puisse être un élément essentiel dans l'action que nous portons ici, au Vietnam. Nous sommes très fiers que l'Institut français puisse s'installer, ici, à Hô-Chi-Minh, en lien avec la Chambre de commerce et d'industrie. Nous sommes très heureux qu'il y ait des établissements qui assurent la promotion du français et donc de la culture. Je veux saluer ici les personnels enseignants, les personnels de ces lycées à Hanoï et ici, à Hô-Chi-Minh-Ville. Je sais aussi ce que font tous les réseaux qui permettent la diffusion des uvres culturelles. Nous avons réalisé des saisons culturelles croisées entre la France et le Vietnam qui ont été de grandes réussites. Il va y avoir des expositions, des créations et chaque fois qu'il y a un auteur qui publie sur le Vietnam et en ce moment, c'est le cas, notamment avec un jeune auteur qui tenait beaucoup aussi de son père, grand connaisseur du Vietnam nous sommes fiers.
Nous sommes fiers parce que nous avons conscience que la France est là où elle doit être, c'est-à-dire dans le monde. Rien ne serait pire pour la France, y compris face aux menaces qui sont autour de nous, face aux peurs qui parfois sont légitimes, rien ne serait pire pour la France que de se refermer sur elle-même. Rien ne serait pire pour la France que de renoncer à être ce qu'elle est. Rien ne serait pire pour la France que de penser que la liberté est finalement un empêchement ou un risque. Nous avons cette volonté et nous le prouvons ici d'être une Nation attendue, espérée, regardée. C'est un privilège de parler au nom de la France, j'en ai conscience depuis quatre ans partout où je vais dans le monde. La France est une idée bien plus qu'une identité. L'identité, c'est ce que nous avons fait dans le passé qui nous a constitués, mais l'idée, le projet, ce qui nous anime, ce qui nous fait avancer, ça, c'est l'essentiel et c'est ce que le monde regarde dans la France.
Alors, vous, communauté française ici, vous êtes -me dit-on- 10 000, enfin pas ce soir, c'était sur invitation donc vous n'avez pas tous pu venir. Mais 10 000, c'est une grande communauté qui mérite donc tout notre soutien. Je sais quelles sont les difficultés les coûts de la scolarisation je sais ce que peut représenter la vie lorsque nous sommes expatriés, mais je veux ici vous exprimer notre gratitude parce que vous êtes, à travers vos différentes activités, de l'économie jusqu'à la culture, les fonctionnaires qui travaillent pour assurer des services, les personnels qui enseignent, diffusent la langue française, l'idée même de francophonie qui nous rassemble, vous faites honneur à la France.
Mais je n'oublie pas non plus les 350 000 concitoyens français d'origine vietnamienne qui eux-mêmes travaillent pour la France et n'oublient rien de ce qui les lient à leur patrie d'origine. Ils contribuent eux-aussi à entretenir, à enrichir, au-delà même de ce qui s'est produit dans l'Histoire, la relation entre nos deux pays. Ce sont ces communautés, au meilleur sens du terme, qui permettent que la France et le Vietnam soient aujourd'hui dans une relation aussi forte d'amitié.
Voilà ce que j'étais venu vous dire ce soir à Hô-Chi-Minh-Ville. Voilà pourquoi je me retrouve toujours avec grand plaisir avec les Français qui vivent à l'étranger, qui sont peut-être encore plus conscients de ce que signifie être Français. Parfois, vous souffrez d'être loin, surtout quand il y a des épreuves qui peuvent nous atteindre dans l'Hexagone. Parfois, même s'il y a Internet et tant de relations qui peuvent maintenant être possibles avec vos familles, parfois, vous voudriez être là. Mais en étant peut-être loin, vous regardez mieux ce qu'est la France, vous l'aimez encore davantage.
Je le dis souvent, la France mérite d'être aimée, elle est aimée. Elle est aimée partout dans le monde et dans des pays très différents. Elle doit l'être par les Français eux-mêmes non pas de manière exagérée ou de manière orgueilleuse. Non, elle doit être aimée pour ce qu'elle a réussi à être dans l'Histoire et, aujourd'hui encore, dans la projection qu'elle peut avoir de son destin. Une France qui sait ce qu'elle doit au monde, une France qui a toujours pris sa place dans le monde.
Je reviens du G20. Parfois, on me dit : « Vous êtes isolé sur les positions que vous prenez. » Mais parfois, je préfère être sur une position que j'estime bonne, même si elle n'est pas partagée, que d'être simplement dans l'indifférence ou dans un consensus qui serait celui du renoncement. La France, comme le Vietnam, a cette idée forte, elle ne renonce jamais.
Vive la République, vive la France !