19 juillet 2016 - Seul le prononcé fait foi

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Point presse de M. François Hollande, Président de la République, sur le les relations franco-portugaises, le terrorisme et sur le coup d'Etat militaire en Turquie, à Lisbonne le 19 juillet 2016.


LE PRESIDENT : Monsieur le Président,
Je me souviens encore de ce 10 juin dernier. Nous étions ensemble à Paris, d'abord à l'Élysée, ensuite à la mairie de Paris. Nous nous adressions à la communauté franco-portugaise car, comment était-il possible de distinguer Portugais et Français rassemblés dans le même mouvement, dans la même ferveur à l'égard de leurs deux pays ?
Je vous avais fait la promesse de venir au Portugal au mois de juillet. Je ne savais pas ce que nous aurions à affronter, le 14 juillet, notre propre fête nationale, avec une tuerie ignoble : un camion conduit par un terroriste qui fauche 84 vies et blesse des enfants, des personnes venues là pour simplement partager un bonheur et qui se retrouvent confrontées au malheur le plus terrible, celui de la mort.
Mais s'il y avait un pays où je devais me rendre pour recevoir soutien, solidarité et amitié, c'était bien le vôtre, le Portugal, car je sais combien la population portugaise, comme d'ailleurs beaucoup de Portugais qui vivent en France, ont été blessés, heurtés, bouleversés par ce qui s'est produit.
Nous sommes conscients de la menace, elle concerne beaucoup de pays dans le monde. La France est sûrement davantage ciblée que d'autres. Pourquoi ? Parce que la France et vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, la France, c'est la liberté. La France, c'est la démocratie. Non pas que nous considérions que ces valeurs nous appartiendraient en propre, mais parce que c'est en France qu'est né ce grand mouvement qui s'est ensuite répandu sur la planète entière pour donner aux hommes et aux femmes une espérance d'égalité et de confiance dans l'avenir.
Et si les terroristes nous frappent, c'est parce qu'ils savent ce que la France représente. Il y a un devoir plus grand encore qui doit aujourd'hui nous saisir : d'abord, protéger. Protéger les Français, c'est mon devoir £ protéger les Européens, c'est notre responsabilité. Dans le cadre de la nouvelle impulsion que nous entendons donner à la construction européenne, la première priorité, c'est la protection, c'est la défense, c'est la sécurité de nos frontières, non pas pour nous replier mais pour être capable de vivre ensemble.
Avec nos partenaires européens, nous aurons, lors du Sommet de Bratislava au mois de septembre, à prendre des initiatives là-dessus. Le Portugal sera avec nous, forcément avec nous, parce que chaque fois que j'ai fait appel au Portugal et notamment après les attentats du 13 novembre 2015, le Portugal a répondu présent. Il y a des soldats portugais en Centrafrique, il y a des militaires portugais qui portent appui aussi à nos amis au Sahel et ailleurs parce que le Portugal sait qu'une démocratie se défend et que l'Europe, ce ne sont pas simplement des procédures, des comptes, des disciplines, c'est un état d'esprit, ce sont des valeurs, ce sont des principes et c'est aussi une communauté de destin.
Puis il y a un autre devoir qui m'anime aujourd'hui, une fois que nous avons protégé nos compatriotes autant qu'il était possible. Et c'est le sens des mesures que j'ai annoncées dans la nuit du 14 au 15 juillet qui vont se traduire dans quelques heures au Parlement et que j'aurai ensuite à mettre en uvre, notamment pour tout ce qui est de la mobilisation de nos réserves.
Oui, l'autre devoir qui m'anime, c'est de faire en sorte que nous soyons unis, rassemblés, capables de réagir comme il convient, avec la force nécessaire, mais avoir aussi cette compréhension que les terroristes veulent nous diviser, veulent nous séparer, veulent diffuser leur message de haine, veulent nous monter les uns contre les autres, veulent créer l'effroi mais aussi la séparation au sein de nos Nations respectives et de la France en particulier.
Alors, venant au Portugal, je sais que nous partageons cet état d'esprit parce que nous avons des liens, des liens linguistiques, des liens culturels, des liens économiques, des liens touristiques et nous sommes dans cette période où 1 million de mes compatriotes sont aujourd'hui au Portugal mais des liens qui sont ceux de deux Nations qui savent ce que c'est que la tolérance, la démocratie, la liberté, la lutte contre le fanatisme et contre la tyrannie. Et c'est contre ces ennemis-là que nous devons nous unir pour vaincre. Merci.
JOURNALISTE : Monsieur le Président de la République portugaise, bonjour. Monsieur le Président de la République française, bonjour. Cette question s'adresse à vous. Vous venez de rappeler que votre premier devoir est de protéger les Français. Vous êtes effectivement le garant de la sécurité des Français. Alors, en tant que chef d'État, je voudrais savoir si, effectivement, vous considérez, à quelques heures du débat à l'Assemblée nationale, qu'il faut aujourd'hui densifier les mesures au niveau de l'état d'urgence, rallonger son délai d'application et densifier les moyens mis au service de la sécurité des Français.
LE PRESIDENT : L'état d'urgence, je l'ai proclamé au lendemain des attentats du 13 novembre et il a été à plusieurs reprises prolongé. Après l'Euro, après le Tour de France qui n'est d'ailleurs pas terminé, après de grands événements auxquels nous avons participé, nous pouvions penser que nous n'en aurions plus le besoin. D'autant qu'une loi a été votée, elle est maintenant promulguée et elle nous donne des moyens d'agir, c'est la loi du mois de juin 2016.
Mais dès lors qu'il y a eu une attaque dont nous ne savons pas encore si elle ne peut pas donner lieu à des répliques, nous ne connaissons pas encore le degré exact de complicité, ma responsabilité et celle du gouvernement et du Parlement, c'est de prolonger au-delà du 26 juillet l'état d'urgence pour trois mois, même si je suis ouvert pour encore trois mois de plus, à la condition, bien sûr, que nous utilisions l'état d'urgence pour ce qu'il peut donner. Ce n'est pas simplement une proclamation.
Il y aura donc ce qui était déjà prévu dans le premier état d'urgence, celui d'après le 13 novembre : des mesures qui nous permettront de faire des perquisitions en plus des assignations. Nous pouvons également renforcer certaines dispositions dès lors que le juge constitutionnel nous en donne la possibilité.
Mais je n'ajouterai pas des mesures aux mesures si je ne suis pas sûr qu'elles auront leur efficacité, surtout si elles seraient contraires à ce que sont nos principes de liberté et de vie en commun. Donc, protéger, oui, protéger jusqu'au bout nécessairement, nous donner toutes les garanties, en plus de l'état d'urgence, les lois de la République. Mais aller chercher des dispositions qui seraient délibérément contraires à notre ordre constitutionnel, qui ne seraient plus la France, qui nous placeraient dans une situation qui serait hors du monde démocratique, sûrement pas.
Mon devoir, c'est de protéger. Je l'avais dit d'ailleurs le 14 juillet, protéger la maison France. Mon devoir, c'est aussi la France, la France dans ses garanties constitutionnelles. Et je veux dire à mes compatriotes que l'on peut se protéger en étant, nous, la France, conscients que nous avons des valeurs et de la liberté.
JOURNALISTE : Cette visite a pour but de discuter et de préparer l'avenir de l'Europe. J'aimerais bien demander aux Présidents HOLLANDE et Marcelo de SOUSA : quel est le rôle de la Turquie dans l'Europe ? Le Président de la Commission européenne a dit que la France était un pays à part. J'aimerais bien que vous donniez votre position sur la Turquie.
LE PRESIDENT : La France est un pays de l'Union européenne attachée à des valeurs, à des principes et cela vaut notamment pour le jugement que nous portons sur la Turquie.
Il y a eu un coup d'Etat militaire. Nous l'avons condamné. Condamné sévèrement. Parce que nous ne pouvons pas tolérer que la force puisse mettre en cause des institutions élues par le suffrage universel.
Ce que nous demandons maintenant, c'est que les mesures qui doivent être prises pour juger -et avant appréhender- ceux qui ont commis ce coup d'Etat, puissent être conformes au droit. Sur la question de la peine de mort, puisqu'elle a été évoquée, chacun sait que la France fait partie des pays -avec le Portugal- qui poursuivent l'objectif d'abolir partout la peine de mort. Un pays qui, à un moment, veut avoir une relation avec l'Union européenne, y compris pour des négociations d'adhésion, ne peut pas introduire la peine de mort dans son droit.