7 juillet 2016 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur l'Ecole nationale supérieure de la photographie et sur la politique en faveur de la création artistique, à Arles le 7 juillet 2016.


Madame la Ministre,
Monsieur le Député, Michel VAUZELLE,
Monsieur le Maire, Hervé SCHIAVETTI,
Madame la Présidente de l'école, Delphine ERNOTTE,
Monsieur le Directeur de l'école, Rémy FENZY,
Mesdames, Messieurs,
Je viens, comme vous l'avez constaté, de découvrir la première pierre, non pas de la poser mais de la faire apparaître, comme s'il s'agissait d'une photographie. Il serait souhaitable que les monuments puissent être bâtis aussi rapidement que les photos sont réalisées. Nous n'en sommes pas là.
Néanmoins, l'École nationale de photographie d'Arles a mis très longtemps pour être créée. Il a fallu qu'il y ait une volonté politique et Jack LANG a su convaincre François MITTERRAND. Ensuite, une fois que cette école a pu être créée, il fallut du temps près de 20 ans pour qu'elle soit érigée en École nationale supérieure de la photographie.
Il fallut encore du temps plus de 10 ans pour qu'il puisse y avoir, enfin, ce projet de création, non pas d'une nouvelle école, mais d'un nouveau bâtiment pour cette école et c'est ce qu'aujourd'hui, je suis venu, non pas annoncer, c'était fait, mais confirmer. Y compris sur le plan financier, car grâce au concours de tous, l'État a pu mettre près de 15 millions d'euros, la région complétant et la ville ayant mis à la disposition de l'école un terrain. C'est ainsi que pour cet investissement de 20 millions d'euros, il a été possible de mobiliser autant de ressources pour ce nouveau bâtiment.
L'École nationale supérieure de la photographie est née d'une rencontre, comme souvent, entre une intention artistique et une volonté politique. L'intention artistique, c'était celle de Lucien CLERGUE, photographe arlésien, ami de PICASSO, de Jean-Maurice ROUQUETTE, conservateur à l'époque des musées de la ville, et de Michel TOURNIER, l'auteur des « Météores » qui, à l'époque, à la télévision française à l'ORTF, j'imagine , ouvrait au public, au plus large public l'art photographique avant d'être le grand écrivain que nous connaissons et l'ami de François MITTERRAND.
Puis il fallait qu'il y ait une intention artistique qui se prolonge, faisant d'Arles sa capitale, la capitale de la photographie. Avec des rencontres internationales qui, dès le début des années 1970, sont devenues l'incontournable rendez-vous du début de l'été pour les professionnels, les amateurs ils sont nombreux de ce qu'on appelle le 8e art. C'est l'occasion pour moi de saluer le directeur des Rencontres, Sam STOURDZÉ, et le président des Rencontres, Hubert VEDRINE.
Les fondateurs voulaient donner à la photographie un endroit qui puisse être, aussi, un lieu de transmission et qui puisse témoigner de la reconnaissance de la nation à l'égard de la photographie. Alors Lucien CLERGUE écrivit au président de la République. C'est une pratique courante. Il n'y a pas forcément toujours la réponse attendue mais l'intention était là. Et il lui écrivit cette phrase si forte : « On nous apprend à lire, à écrire mais on ne nous apprend pas à voir. »
Alors, en 1982, sur proposition du ministre de la culture, Jack LANG, François MITTERRAND décide de la création de l'École nationale de la photographie. L'école, ensuite, est devenue, je pense, un exemple de ce qu'une école d'art peut être capable de faire. D'abord, former des artistes mais aussi alimenter tous les secteurs de la création et stimuler le dynamisme économique.
Bien sûr, la destination d'une école d'art est culturelle, mais qu'il y a beaucoup de métiers qui, dans la culture, contribuent à l'activité économique. L'école est exemplaire, aussi, parce qu'ici, on apprend l'histoire, on apprend à reconnaître la création, on apprend les techniques, notamment photographiques, mais on apprend aussi à comprendre.
Une école ouverte sur le monde - et, de ce point de vue, les chiffres confirment cette intention puisque de nombreux jeunes sont venus étudier ici, de nombreux professeurs, aussi, viennent de l'étranger. Il y a des partenariats avec le centre international de la photographie de New York, avec le Centre d'art visuel de Shanghai, avec l'université d'art de Kyoto, avec l'Institut de la photographie créative de Buenos Aires.
Une école, enfin, qui est un lieu de recherche parce que vous avez voulu, Monsieur le Directeur, avec la présidente, qu'un lien qui soit établi avec l'École normale supérieure de Lyon pour l'écriture et la photographie, mais qu'il y ait, aussi, avec l'INSERM une coopération qui puisse permettre que la photographie soit au service de l'imagerie médicale et qu'il y ait, donc, ce lien entre ce qui était une volonté culturelle et une possibilité scientifique, avec des retombées pouvant être considérables sur le plan de la connaissance ou sur le plan économique.
Alors, pour une école d'art aussi exemplaire, il fallait un bâtiment lui-même exceptionnel.
Il a été dessiné par Marc BARANI et Marc BARANI mais ce n'était pas la raison de ce choix, c'était un choix indépendant s'est considérablement impliqué dans l'élaboration de la Stratégie nationale pour l'architecture qui a été présentée par Fleur PELLERIN en octobre 2015 et a conduit un groupe de travail sur l'innovation qui a été, pour une large part, repris dans la loi qu'a présenté Audrey AZOULAY et qui sera bientôt promulguée. J'en prends l'engagement. Cette loi reconnait « le permis de faire ».
Le permis de faire va permettre des expérimentations encadrées avec des dérogations aux règles de la construction pour gagner en qualité architecturale. Vous imaginez ce qu'il a fallu vaincre comme obstacles pour arriver à cette autorisation. Faire que l'innovation, l'architecture puisse être dérogatoire, dérogatoire par rapport à des règles qui ont été souvent posées par des architectes eux-mêmes. Il a fallu donc convaincre la profession, convaincre les fonctionnaires qui font leur travail en demandant le respect des règles d'urbanisme. C'est ce permis de faire qui va considérablement stimuler la création dans notre pays.
Marc BARANI a voulu faire un bâtiment que je n'ai découvert que par la photographie. D'où le rôle de cet art. Un bâtiment qui puisse être, à la fois, exigeant dans sa forme et être facile à appréhender par le public.
Je n'avais pas compris Monsieur le Directeur m'a éclairé que vu d'avion, on pouvait déjà penser, imaginer que ce serait forcément une école de la photographie puisque le contenant ressemblait au contenu. Mais cette école, je le crois, méritait effectivement qu'il y ait un lieu exceptionnel pour l'accueillir. L'exceptionnel, c'est aussi le dialogue réussi avec la Fondation Luma qui fait face à la future école. L'horizontalité du projet de Marc BARANI répond à la verticalité de celui de Franck GEHRY. Il était pour nous très important que Maja HOFFMANN puisse être sûre que dans l'environnement direct de l'uvre qu'elle contribue à financer pour sa fondation, il y ait une autre uvre qui puisse se conjuguer avec elle.
La photographie a gagné droit de cité depuis 30 ans, c'est-à-dire depuis la création de cette école. Aujourd'hui, il y a une consécration. J'étais, il y a peu de semaines, au Grand Palais pour admirer la rétrospective du grand photographe Seydou KEÏTA. Il faisait de la photographie pour les officiels maliens dans les années 1950 £ il ne pensait pas faire des uvres mais elles sont, en fait, de véritables chefs-d'uvre non pas simplement parce qu'elles représentent une réalité mais parce qu'il y a, là, toutes les traces de l'imagination et de la recherche photographique.
Je pense aussi à ce qui s'est fait au musée d'Orsay, avec la très belle exposition « Qui a peur des femmes photographes ? ». On voit que la photographie est devenue une industrie culturelle qui va être considérablement bouleversée, stimulée par la révolution numérique. De ce point de vue, tout ce qui se passe sur les réseaux sociaux, puisque aujourd'hui, chacun peut penser qu'il est photographe, peut à la fois apporter le meilleur cette diffusion, cette créativité mais aussi cette banalisation que nous pouvons craindre.
D'où l'importance d'éduquer à l'image, de faire comprendre que toutes les images ne se valent pas, que toutes les images ne sont pas équivalentes les unes les autres. Il faut former les jeunes, et peut-être d'ailleurs les moins jeunes, aux images. C'est pourquoi nous avons besoin de photographes pour faire cet enseignement, cette pédagogie. Nous avons besoin d'une école pour diffuser ce savoir. Nous avons besoin aussi de photographes pour aller chercher des images que personne ne veut voir, ou ne peut voir. On sait ce qu'une image peut parfois changer dans la perception d'une réalité mais aussi que l'absence d'images peut occulter de cette même réalité.
Il y a quelques mois, la photo du petit garçon Aylan, nez dans le sable, mort, après une expédition qui était, en fait, criminelle a pu créer une prise de conscience. On voit, aussi, que depuis, des embarcations ont coulé, des centaines de personnes ont disparu sans qu'il y ait -faute d'images, ou peut-être parce qu'il y eut trop d'image la même prise de conscience de ce qu'une Humanité ne peut pas accepter et pourtant, laisse faire.
Il était très important que nous puissions introduire cette éducation à l'image dans l'éducation artistique et culturelle qu'Audrey AZOULAY veut promouvoir avec la ministre de l'Éducation nationale. J'ai cette phrase de Raymond DEPARDON à l'esprit, qui disait que « à l'heure où tout est prétexte à capturer des images, à les diffuser, il est important d'offrir aux jeunes une éducation au regard, penser le monde en images, devenir des regards conscients ».
C'est ce que vous faites ici et je veux saluer les deux remarquables plateformes que vous avez créées avec le soutien du ministère de la culture, lAtelier des Photographes mis en uvre par les Rencontres d'Arles et la Fabrique du Regard qui a été portée à Paris par LE BAL, qui est aussi une belle initiative.
Les élèves, aussi, auront à découvrir et à produire des expositions. Je pense que c'était aussi une volonté que dans votre école, il y ait, à un moment, des projets artistiques qui puissent à la fois être réalisés et se diffuser.
Cette liberté de création artistique qui fonde, finalement, votre institution est également un principe essentiel rappelé par la loi qu'Audrey AZOULAY a fait voter. C'est un droit fondamental que cette liberté de création. A chaque moment, nous devons nous poser cette question : est-ce que les pressions, est-ce que les habitudes, est-ce que les risques, ou peut-être parfois les puissances nous permettent encore d'être libres dans la création artistique ? Donc, nous devons tout faire pour que cette liberté puisse, à chaque fois, être respectée.
Je veux terminer sur le fait que les écoles d'art, en général, sont un atout pour la France. Elles sont aujourd'hui au nombre de 45, dont 10 écoles nationales qui accueillent chaque année 11.000 étudiants, c'est considérable, et depuis trente ans, il y a une volonté de l'État qui ne s'est pas démentie. Nous avons voulu lui donner encore plus de force, donner à toutes les pratiques artistiques des établissements d'enseignement et de recherche.
Nous voulons que ces établissements puissent être, pour les jeunes, des facteurs de réussite personnelle et professionnelle. Les écoles d'art permettent d'ouvrir à ces jeunes une variété de carrières dans de nombreux secteurs professionnels avec des taux d'insertion tout à fait considérables, 90 % pour les écoles nationales, 85 % pour l'ensemble des écoles d'art. Il était donc très important que nous puissions montrer que ces écoles sont à la fois pour la France, un vecteur de diffusion de nos talents, et pour les jeunes, une certitude de trouver des débouchés.
Nous voulons que ces écoles d'art soient liées aux établissements d'enseignement supérieur, à l'université - non seulement pour qu'il y ait des passerelles, mais aussi pour qu'il y ait une intégration dans ce que nous portons, par des lieux d'enseignement exceptionnels, pour l'attractivité française.
Il y a, aussi, ce que nous avons voulu faire pour la démocratisation £ c'est l'accès aux bourses. Dans toutes les écoles d'art, à peu près la moitié des élèves sont boursiers £ pour qu'il puisse être dit que la France ne fait pas simplement des écoles d'art pour ceux qui ont eu un capital culturel, doté souvent d'un capital économique, mais pour que tous puisse avoir accès à la culture et à la création.
Je suis à Arles et c'est une ville qui s'est engagée pour la culture, qui en a fait même, je pense, son identité. On le voit à travers, aussi bien la Fondation Van Gogh, qu'à travers la Fondation LUMA dont j'ai parlé, mais aussi à travers de multiples manifestations et je sais ce que cela représente sur le plan financier. Je sais qu'un certain nombre de villes ont cru, au prétexte qu'il y avait des économies à faire, commencer par la culture et qu'il y a eu un certain nombre d'initiatives qui ont été annulées, des manifestations qui ont été mises en cause, des financements qui ont été supprimés.
L'État s'est engagé aux côtés des collectivités qui faisaient le choix de la culture. Soixante pactes ont été signés, et l'Etat, pour chacun de ces pactes, a pris l'engagement de maintenir ses financements, ses concours sur les trois années prochaines, dans les villes et dans les intercommunalités qui pérennisent, sur la même période, leur budget pour la culture. Nous voulons aussi améliorer encore les investissements que les collectivités peuvent faire en matière culturelle, notamment pour les équipements.
Nous avons voulu que cela se traduise dans le budget de la culture. Il est encore trop tôt pour fixer les chiffres mais, enfin, nous y sommes presque. Le budget de la culture pour l'année prochaine est prioritaire, et il va être sensiblement augmenté pour que nous puissions, justement, non pas compenser les retraits d'autres collectivités, mais susciter, stimuler d'autres investissements et d'autres financements. Audrey AZOULAY a voulu que son budget puisse être suffisamment doté pour remplir les missions qui lui avaient été confiées et ce sera fait.
Nous voulons aussi que les techniciens, les artistes du spectacle et il y en a de nombreux, ici, à l'occasion de ce festival exceptionnel de la photographie puissent avoir la reconnaissance qui leur était due, et c'est la raison pour laquelle l'accord unanime du 28 avril dernier sur les fameuses annexes 8 et 10, relatives à l'intermittence, vont constituer un progrès considérable. C'est la première fois, en effet, grâce à une loi qui avait été votée en août 2015 qu'il a été possible, pour les partenaires sociaux du secteur culturel, de négocier directement ces annexes et de pouvoir revenir à la règle des cinq cent sept heures de travail effectuées sur les douze mois précédents pour avoir droit à l'intermittence.
J'annonce ici que le texte de transposition de l'accord du 28 avril sera publié très rapidement, au plus tard à la mi-juillet, pour une application dès le 1er août prochain.
Voilà pourquoi il était important que je vienne ici, pour souligner ce que cette école d'art a pu faire pour la diffusion, la promotion et la création, et pour dire que la culture est une priorité de l'Etat que nous voulons partager avec les collectivités locales et les partenaires privés. Nous ne cherchons pas des financements pour nous désengager, au contraire. Nous considérons que c'est par la présence de l'État que d'autres financements peuvent être mobilisés.
C'est aussi un signal que je veux envoyer à tous les professionnels, à tous les artistes, pour leur dire qu'ils ont la confiance de l'Etat et qu'ils doivent avoir confiance dans leur pays. Ils rendent de nombreux services à ce que nous appelons notre rayonnement. Ils sont la fierté de notre pays. Il était légitime que, venant ici à Arles, je puisse m'adresser, au-delà de vous, à eux, pour leur dire que notre pays est un pays de culture, est un pays qui ne veut pas simplement être réduit à ce que nous créons, mais nous avons la conviction qu'en étant un pays de création, nous pouvons accompagner notre développement économique, social et culturel parce que pour nous, la culture, c'est la démocratie et, donc, c'est la République.
Merci.