9 mai 2016 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur le Marché d'intérêt national de Rungis, les aides aux agriculteurs et sur l'agriculture biologique, à Rungis le 9 mai 2016.


Madame la ministre de l'Environnement,
Monsieur le ministre de l'Agriculture,
Mesdames, messieurs les parlementaires et les élus,
Mesdames, messieurs les professionnels,
Mesdames, Messieurs,
Nous nous sommes donc levés de bon matin, vous, c'est une habitude, nous aussi. Nous sommes ensemble, une fois encore, ici, à Rungis. Je suis heureux de retrouver Stéphane LAYANI. Il est toujours très satisfaisant de voir qu'un ancien élève a pu progresser dans l'existence et a pu retenir les leçons que son professeur a pu lui donner il y a vingt-cinq ans. Parfois, il faut du temps pour que la leçon d'économie puisse véritablement être assimilée.
Depuis d'ailleurs quatre ans, je ne cesse de faire des leçons d'économie, j'espère que cela ne mettra pas vingt-cinq ans pour porter ses fruits. Il faut investir. Il faut innover. Et c'est ce que vous avez fait, Monsieur le président, et vous tous, ici, avec cette Halle consacrée au bio. Il faut investir pour voir grand, plus grand, ne pas simplement se satisfaire de ses limites que l'on croit celles de ses financements, de ses obligations, de ses concurrents. Il faut à un moment prendre son risque, et faire confiance. Faire confiance notamment à ces producteurs, à ces opérateurs du bio, qui ont voulu, eux, être au départ à l'avant-garde, et qui se retrouvent aujourd'hui dans un grand réseau de distribution, qu'est celui de Rungis.
Investir, c'est ce que vous faites, ici, à Rungis, et la prolongation de la concession, -nous en parlions encore le 1er mai, puisqu'elle est à l'initiative d'un député du département, monsieur BRIDEY-, a permis de donner de la visibilité, et donc de faire en sorte que les acteurs que vous êtes, puissent véritablement s'équiper pour les prochaines années, sans craindre que leur investissement ne puisse être amorti sur suffisamment de temps. Je pense que le choix que vous avez fait de diversifier votre offre est essentiel. Et cela vaut d'ailleurs pour beaucoup de sujets. Il faut à chaque fois offrir une pluralité, une diversité, une capacité à faire son choix pour le consommateur, et également pour le producteur.
C'est vrai que c'est la deuxième fois que je viens à Rungis. C'est un grand plaisir d'être à Rungis, plaisir des yeux, plaisir aussi de goûter les saveurs que vous proposez, plaisir aussi de voir des professionnels qui se battent pour assurer le développement de nos produits.
Rungis, c'est une vitrine. Une vitrine pour la France. Chaque fois qu'une délégation étrangère fait la demande de venir à Rungis, c'est une fierté, parce que nous savons qu'il va y avoir partout dans le monde un regard qui va être porté sur nos productions. Je salue ici tous les producteurs qui sont représentés, parce que c'est l'agriculture française qui se trouve ici exposée et également la gastronomie.
Je souligne que souvent, les plus grands chefs, non seulement s'approvisionnent à Rungis, mais viennent également traiter les produits ici, à Rungis. Vous êtes pleinement dans le développement de l'excellence française. L'excellence française est reconnue depuis longtemps pour les produits, pour la gastronomie, mais l'excellence française, c'est aussi un mode de distribution. L'innovation est également dans ce que l'on peut offrir au grossiste, et puis ensuite, au consommateur pour qu'il puisse faire véritablement le choix qu'il veut.
Donc Rungis, je l'invite à ma table pratiquement tous les jours, parce que tous les produits qui sont servis à l'Elysée viennent de Rungis. Et Rungis, je l'invite tous les 1er mai, donc une fois par an, c'est une fête véritable pour le palais de Marigny qui vous reçoit, palais qui a reçu bien des excentricités dans l'histoire, mais qui est toujours fier de pouvoir accueillir Rungis à l'occasion du 1er mai. J'y vois-là tous les produits qui sont exposés. Des fleurs magnifiques aussi, car Rungis, c'est aussi des fleurs.
Rungis, c'est un équipement qui doit sans cesse se renouveler, et c'est ce que vous avez voulu, à partir de l'existant. Huit milliards et demi de chiffre d'affaires, 12.000 emplois sur le marché, 28.000 en Ile-de-France, voilà ce qu'est Rungis. Vous avez voulu être au premier rang en matière de logistique. En 2015, vous avez investi cinquante millions d'euros, et il y a eu 250 emplois supplémentaires. Rungis crée de l'emploi. Rungis est parfaitement placé pour tirer tout le bénéfice du pacte de responsabilité, parce que ce sont souvent des entreprises qui relèvent de ce dispositif.
Rungis fait donc partie de la croissance française qui, elle-même, a connu une reprise en 2015 et que nous devons encore amplifier cette année. Vous avez voulu faire un investissement ici, de près de neuf millions d'euros. Huit opérateurs se sont regroupés, pour créer la plus grande Halle bio d'Europe. Et pour l'une d'entre elles, la plus grande Halle bio fruits et légumes du monde. Je dis souvent cela aux Français : vous pouvez être les meilleurs au monde, pas simplement en Europe, au monde. Il y a bien des domaines où nous sommes les premiers au monde, aussi bien sur le plan industriel que sur le plan environnemental, que sur le plan agricole, nous sommes souvent les premiers, et nous devons revendiquer cette place. Non pas parce que nous aurions une prétention qui irait au-delà de nos possibilités, mais parce que dans de nombreux domaines, nous avons la technologie et le savoir-faire qui nous permettent d'être les premiers au monde. Et sur ce site, vous serez un jour les premiers au monde. Pour l'instant, premiers d'Europe. Ce qui n'est déjà pas si mal.
Vous avez contribué à diffuser et à valoriser les produits de l'agriculture biologique, mais avant de parler d'elle, je veux parler de l'agriculture dans son ensemble. La France, c'est la première puissance agricole d'Europe. Nos agriculteurs souffrent en ce moment, en raison de prix qui sont trop bas, et qui sont durablement bas depuis plusieurs années. Ils ont besoin des pouvoirs publics, ils ont besoin de notre soutien. C'est la raison pour laquelle le ministre de l'Agriculture et le Premier ministre ont accordé un certain nombre d'aides supplémentaires aux agriculteurs. Ce n'était pas un cadeau, ce n'était pas une distribution parce que nous étions à quelques mois d'une échéance. Cela n'a aucun sens. Qu'est-ce que l'on aurait pensé de l'Etat ? D'ailleurs, quand on interroge les agriculteurs, ils disent que l'Etat n'en a pas encore assez fait par rapport à ce qu'est aujourd'hui leur situation. Qu'est-ce qu'on aurait dit si l'Etat n'avait pas pris ses responsabilités, y compris même parfois à la limite des réglementations européennes ? Il a fallu également que le ministre de l'Agriculture, Stéphane LE FOLL, aille auprès de ses homologues ministres de l'Agriculture européens, de la Commission, obtenir un certain nombre de soutiens ou d'autorisations de soutien, parce que, en réalité, c'est plutôt de cela que l'on a pu bénéficier.
Nous devons encore, dans cette période qui reste difficile, assurer aux agriculteurs les soutiens, les appuis nécessaires pour faire face aux difficultés conjoncturelles. Mais il y a aussi les menaces qui existent sur notre agriculture, et notamment dans les négociations commerciales internationales. Nous parlons beaucoup de la négociation entre l'Europe et les Etats-Unis, il y en a d'autres, et notamment une négociation délicate avec ce qu'on appelle les pays du Mercosur. Nous devons faire très attention, même si nous sommes pour que les échanges se développent, à ne pas mettre en cause nos intérêts et la qualité de nos produits et surtout, les indications géographiques qui sont absolument nécessaires pour que l'on sache d'où viennent les produits, comment ils ont été fabriqués, et comment ils ont été protégés.
Je sais aussi que nous avons à assurer le versement des aides européennes. Quand on se plaint de l'administration française, il faut regarder l'administration européenne. Nous devons conjuguer finalement les deux systèmes, et ce n'est pas si simple. Il est assez légitime que l'Europe, versant des aides, veuille en vérifier le bon usage. Nul ne peut contester cette argumentation. Alors il a fallu que, avec l'Europe, le ministre de l'Agriculture, puisse définir une méthode. Un énorme chantier, parce qu'il a fallu presque repérer toutes les parcelles, vérifier les haies, les lieux de production, toutes les parcelles. Même avec les moyens technologiques c'est un travail considérable, qui a pris du temps, si bien que les aides n'ont pas pu être distribuées tel que c'était prévu.
Nous avons donc anticipé. Le solde des aides 2015 sera versé avant la fin de cet été pour compléter les avances qui ont déjà été assurées en octobre et décembre dernier. Et pour les paiements 2016, une avance de trésorerie correspondant à 90 % des montants, attendue par les agriculteurs, soit 6 milliards d'euros, sera liquidée sur les fonds nationaux avant le 15 octobre. C'est une annonce très importante pour les agriculteurs, parce qu'ils doivent savoir à quel moment ils recevront les aides, et ce qui n'aura pas été versé en octobre le sera en début 2017. Je demande au ministre de l'Agriculture d'être très attentif à ce que ce calendrier soit respecté.
Alors, j'en arrive à l'agriculture biologique, parce que la caractéristique de la production française c'est qu'elle est diversifiée. L'agriculture biologique c'est 30.000 agriculteurs, qui exploitent 1.250.000 hectares, et qui assurent cela a été bien rappelé par Stéphane LAYANI une protection : protection de nos sols, protection de l'eau. Ils n'utilisent pas de produits chimiques, et donc assurent au consommateur cette exigence, avec un cahier des charges extrêmement rigoureux, qui fait que les distributeurs, les grossistes peuvent assurer, à ceux qui vont utiliser les produits, qu'il y aura cette qualité. Le nombre de producteurs en bio a augmenté, depuis fin 2012, de près de 20 %, et les superficies de plus de 25 %. Toutes les régions, de métropole et d'Outre-mer, j'insiste sur l'Outre-mer, qui s'est aussi lancé dans le bio, toutes les régions, toutes, les filières, participent de ce développement.
Les consommateurs ont un véritable intérêt pour le bio, malgré le prix, et veulent que ces produits puissent être issus d'exploitations, souvent de tailles plus petites, qui créent davantage d'emplois que d'autres, et qui privilégient les circuits courts. En fait ici, à Rungis, d'une certaine façon, c'est un circuit court, qui permet d'associer, je l'ai vérifié, les producteurs aux distributeurs.
Recourir à des méthodes respectueuses des sols, et de l'environnement, et nous avons ce devoir-là, depuis que nous avons accueilli la COP21 - nous aurions pu d'ailleurs l'accueillir à Rungis, c'eût été une idée parmi d'autre- , mais c'est vrai que nous avons cette exigence, au nom de la COP21 - la présidente de cette conférence est là- de développer cette forme d'agriculture.
Nous avons l'objectif de nous hisser au premier rang européen et c'est pourquoi nous devons accompagner ce mode de production dans les prochaines années.
D'ores et déjà, nous avons décidé de doubler les crédits publics qui étaient affectés à la production en bio : 90 millions d'euros en 2012, 180 millions en 2020. Par rapport à la programmation effectuées, des crédits complémentaires seront dégagés en 2016 et 2017 pour que toutes les demandes d'aide en bio puissent être assurées.
Je veux souligner le rôle de la filière, parce que c'est toute une filière qui s'est engagée, pour commercialiser les produits bio, et tous les réseaux de distribution qui sont maintenant concernés car aucun n'a pu se mettre à côté de la dynamique de ce marché. C'est pourquoi le gouvernement soutient la proposition de loi de la députée Brigitte ALLAIN qui prévoit que 40% au moins des approvisionnements doivent être locaux, et de saison, et qu'il doit y avoir un minimum de produits bio dans la restauration collective. Tout cela va dans le même sens.
Nous devons démocratiser le bio. Le bio ce n'est pas si je puis faire ce jeu pour les « bobos ». Le bio, ce doit être pour tous. Il n'y a aucune raison qu'un certain nombre de consommateurs en soient écartés, soit pour des raisons de prix, soit pour des raisons d'information. Le bio, donc, doit continuer à se développer. Comme l'a très bien dit monsieur LAYANI, quand il y a plus d'offre, le prix peut baisser à condition qu'il couvre les coûts de production et du travail des agriculteurs. Et il est possible d'y parvenir, c'est-à-dire en ayant une plus grande production, le coût (transport, distribution) peut donc être diminué sans que le prix pour le producteur en soit altéré. Nous devons donc aussi faire que le bio puisse être largement diffusé.
Je veux souligner le rôle de l'Agence BIO et de sa directrice, madame MERCIER, pour le travail qu'elle fait depuis 12 ans, très beau travail, et qui contribue à ce que la filière se constitue.
Voilà mesdames et messieurs, ce que j'étais venu vous dire de bon matin, ici à Rungis. Vous, vous êtes levés depuis encore plus tôt que moi, parce que c'est un dur travail que vous faites, un beau travail, qui est d'être là, quand les autres sont encore dans le repos, pour leur assurer qu'ils auront les meilleurs produits au meilleur moment. C'est un beau travail que vous faites, pour valoriser les productions et les produits. C'est un beau travail aussi que de promouvoir la marque France, parce qu'ici c'est la marque France. J'insiste beaucoup sur ce que nous sommes capables de faire et je dis souvent aux Français que s'ils ne parlent pas d'eux en bien, il n'est pas forcément attendu que d'autres le fassent à notre place. La promotion, nous devons la faire nous-mêmes.
Quand je dis que ça va mieux, j'en trouve toujours que me disent que ce n'est pas le cas pour eux, et c'est vrai. Et c'est tout à fait insupportable même d'entendre, y compris le Président de la République, dire que ça va mieux quand il y a encore tant de difficultés. Mais si nous n'avons pas une vision de notre propre destin, si nous ne sommes pas capables de nous emmener nous-mêmes vers un certain nombre de directions, si nous n'avons pas confiance dans notre propre capacité de réussite, qui pourra nous donner l'encouragement nécessaire ? Nous sommes dans une compétition, compétition qui peut même être féroce, une concurrence. Ici on vous copie, la contrefaçon est partout, et ce que l'on croit être à nous, nous a déjà échappé. Donc il faut assurer ensemble, quelles que soient nos sensibilités, nos diversités, il faut assurer ensemble la promotion de la France. Il y en a toujours qui sont des grincheux - cela peut nous arriver, à chacun d'entre nous, à différentes étapes de notre vie, il y a même une situation où on est grincheux par nécessité, même quand ça va bien on trouve que ça va mal. Cela ne veut pas dire qu'on doit être une forme de béatitude et de naïveté lorsqu'on est aux responsabilités, mais il est très important qu'on aille dans la même direction et qu'on défende les mêmes intérêts.
Le bio - j'y reviens ici, cet investissement qui a été réussi, ce choix qui a été fait, et qui n'allait pas de soi, il a supposé une grande confiance dans l'avenir. C'est ce que vous avez fait aujourd'hui, à travers le bio, à travers cette Halle, à travers cet investissement.
Je vous souhaite plein succès et je me souhaite de revenir à Rungis dans les meilleurs délais, peut-être un peu plus tôt, peut-être un peu plus tard, je viendrai avec mon panier, mon Campanier, puisque nous allons maintenant remettre une distinction à celle qui a inventé cette technique d'offrir un panier avec toute sa diversité de produits bio. Et bien ensemble, venons à Rungis pour défendre la qualité française et le bio.
Merci.