29 septembre 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la politique sociale au sein de l'Union européenne, à Paris le 29 septembre 2015.

Monsieur le président de la Commission européenne, cher Jean-Claude JUNCKER,
Monsieur le président du Parlement européen, cher Martin SCHULZ, - je veux m'exprimer pour ce qui me concerne dans la langue de Victor HUGO, je ne vais pas faire de comparaison, mais c'était déjà la voix d'un Européen !-
Madame la ministre, Monsieur le ministre,
Madame la Maire de Paris, chère Anne HIDALGO,
Monsieur le Président,
Madame la secrétaire générale,
Mesdames, Messieurs qui représentez l'ensemble du mouvement syndical européen.
Je tenais à être présent ici à l'ouverture de votre congrès - les moyens de transports internationaux m'ont permis d'arriver à l'heure. J'y tenais parce que je voulais rendre hommage à votre mouvement qui fédère 90 organisations, qui est présent dans 39 pays et aussi aux millions d'adhérents. Pour rappeler que le droit syndical a été arraché, conquis, et que s'il y a pu avoir au cours de ce siècle passé des avancées et des progrès, c'est dû essentiellement aux batailles qui ont été engagées, aux combats qui ont été menés et donc au travail inlassable des syndicalistes, partout en Europe et dans le monde.
Je voulais aussi rendre hommage à Bernadette SEGOL, non pas parce qu'elle est française, mais parce qu'elle a été pendant des années à la tête de votre organisation et qu'elle a pu réussir à réunir et à rassembler.
J'imagine que des sensibilités diverses vous traversent, si j'en crois seulement ce qui existe au niveau national pour le paysage syndical français. Je me demande comment elle a pu faire au niveau européen, mais elle y a réussi. Elle y a réussi parce qu'elle a mis en avant ce qui devait vous mobiliser : une conception de l'Europe, une vision de la solidarité, une exigence de négocier ce qui pouvait l'être au niveau européen. Elle a pu montrer qu'unis, vous étiez plus forts face à des organisations patronales qui elles-mêmes s'étaient rassemblées au plan européen.
L'Europe, ce sont des institutions, c'est-à-dire des organes qui ont à prendre des décisions, des conseils européens, des conseils de ministres, un Parlement, ce sont aussi des acteurs économiques et sociaux. Il ne peut pas y avoir d'avancée de l'Europe si l'Europe des citoyens -et vous les représentez- n'est pas directement associée aux choix qui sont faits.
L'Europe, ce sont aussi des règles, des budgets, un marché, une monnaie, mais ce sont aussi des réglementations, ce sont aussi des protections, ce sont aussi des institutions sociales et c'est vous qui les faites avancer.
Il y a 30 ans, à l'initiative de Jacques DELORS, avaient été conclus les accords de Val Duchesse, et c'était le lancement du dialogue social à l'échelle européenne.
Dans les années 90 ce dialogue social européen a connu des avancées sérieuses, avec des accords sur le congé parental, le temps partiel, la lutte contre la précarité. Dans les années 2000, d'autres accords ont été conclus, toujours dans le même processus sur le stress ou la violence au travail, sur l'égalité femme-homme, sur le marché du travail. Sans doute à cause de la crise, sûrement aussi à cause d'une certaine conception de l'Europe qui déjà prévalait, cet élan a perdu en intensité, en contenu. Il y avait pourtant l'agenda de Lisbonne qui, je le rappelle, visait le plein emploi, oui, le plein emploi - et c'était les années 90 - prévoyait la convergence des régimes spéciaux : cet agenda n'a pas donné les résultats attendus, loin s'en faut.
Non seulement le dialogue social s'est progressivement épuisé, mais des voix se sont élevées de plus en plus nombreuses au sein de l'Union européenne, pour remettre en cause certains acquis de l'Europe sociale, avec tous les risques de dislocation qui pouvaient et qui peuvent encore en résulter.
Des gouvernements ont demandé que des réglementations sociales soient revues, soient même abolies, pour ne pas affaiblir la compétitivité des entreprises et des économies. A mesure que l'Europe s'enfonçait dans la crise, il était demandé toujours davantage de renoncements. L'austérité devant conduire nécessairement à la prospérité.
Nous en voyons d'autres en ce moment, demander l'application de la libre circulation pour leurs ressortissants et notamment pour travailler -c'était d'ailleurs les fondements de l'Union- et qui ferment leurs portes aujourd'hui, érigent des murs face aux réfugiés qui fuient la guerre ou la persécution.
Vous avez voulu Monsieur le Président, Madame la Secrétaire générale, que les migrations internationales soient évoquées dans votre congrès £ le président de la Commission, comme le président du Parlement européen, comme la maire de Paris y sont revenus. L'Europe -et cela peut lui arriver dans d'autres occasions- a tardé à prendre la mesure de ce qui était à l'uvre, depuis déjà de longs mois au Moyen-Orient.
Nous pensions que les drames, les tragédies qui s'y produisaient n'auraient pas de conséquence pour l'Europe. Nous nous affligions, pour certains nous nous mobilisions, c'était le cas de la France. Nous mettions en évidence ce que peut faire un dictateur quand il n'est pas arrêté à temps, nous prenions chaque jour la mesure de ce que peut faire une organisation terroriste, massacrer, tuer, piller, violer et nous ne mesurions pas que quatre millions de Syriens avaient fui leur pays, huit millions étaient déplacés.
Nous regardions avec commisération la Turquie, la Jordanie, le Liban prendre toute la part de la charge de l'accueil des réfugiés. Certes nous faisions en sorte d'éviter que ceux qui traversaient la Méditerranée puissent connaitre un destin tragique. Nous avions renforcé ce qu'on appelle Frontex.
Puis à un moment il y a trop de peurs, trop de craintes, de rester là où les réfugiés étaient et alors ils se sont mis à traverser en grand nombre.
L'Europe, je l'ai dit, a tardé, mais elle a pris aussi des décisions dès le mois de juin pour répartir les réfugiés. Les chiffres n'étaient sans doute pas à la hauteur de ce qui allait se produire, il a fallu y revenir, encore ces derniers jours dans un conseil européen plus apaisé qu'il n'a été dit, sans doute la prise de conscience, sûrement aussi le fait que des paroles avaient été prononcées à l'extérieur, qui ne pouvaient pas l'être à l'intérieur.
Puis le président de la Commission européenne, le président du Parlement européen ont voulu que des aides importantes puissent être versées aux pays qui accueillent les réfugiés. Je ne parle pas des pays européens, je parle des pays loin de l'Europe. Plusieurs milliards ont été dégagés, et nous devrons encore faire davantage.
Certains Etats membres font plus d'efforts que d'autres, je les salue et ceux qui n'accueillent pas des réfugiés ici doivent contribuer encore davantage à l'aide aux camps de réfugiés et aux pays d'accueil. Ce sera le cas de la France qui a décidé de débloquer 100 millions d'euros pour le programme d'aide alimentaire et d'appuyer les efforts de la Commission.
Nous aurons aussi -et vous serez directement concernés- à intégrer socialement et professionnellement ces réfugiés, à former les enfants, à donner un apprentissage linguistique aux parents, une qualification -ils en ont souvent une élevée dans leur propre pays- et enfin de leur permettre d'accéder à l'emploi.
Cette affaire des réfugiés a fait soulever en Europe bien des débats que l'on croyait pourtant enfouis depuis longtemps. Certains pensent que le repli national est désormais une solution à toute crise qui se produit, les mêmes pensent que l'euro, la monnaie unique est la cause de leur malheur et que l'on peut en revenir aux frontières d'antan. Mais ce ne serait plus l'Europe, ce serait ce qui prévalait avant l'Europe et nous en sommes là aujourd'hui.
Le grand sujet qui va venir sur le plan politique et dans chacune des nations qui composent l'Europe, c'est celui de l'ouverture ou de la fermeture, du souverainisme ou au contraire d'une fin de fédéralisme que nous devons assumer. Si nous sommes dans l'entre-deux, dans la demi-mesure, alors ce sont les souverainistes qui l'emporteront, parce que c'est toujours plus simple de dire qu'entre soi c'est mieux, qu'avant c'était l'âge d'or. Il s'en trouvera toujours pour dire à des plus pauvres qu'eux, que c'est d'abord à l'intérieur de nos frontières que l'on peut trouver des solutions.
Nous sommes devant cette menace : cet extrémisme, ce populisme gagne des pays qui jusqu'à présent avaient été - si je puis dire - immunisés, épargnés, peut-être à cause de la guerre, peut-être aussi à cause de ce que l'on croyait être une pensée qui s'était établie, une forme d'Etat providence, de social-démocratie, de liberté qui allait de soi. Non, c'est un combat que de vouloir l'ouverture, c'est un combat que de vouloir la liberté et la démocratie. Et quand ce combat n'est plus mené, il est perdu.
Il y a d'autres qui considèrent que la croissance exige de mettre en compétition les Etats et les travailleurs et que l'Europe doit se réduire à un marché et même à un immense marché du travail, mais là encore c'est l'Europe, mais ce n'est pas l'Europe que nous avons voulu.
C'est pourquoi nous devons affirmer, ceux qui ont à prendre des décisions ou ceux qui ont à formuler des propositions ou des revendications, un certain nombre de priorités. L'investissement qui est la condition même de la croissance et du progrès, l'insertion des jeunes qui est l'obligation pour toute société de donner un avenir aux générations qui viennent, une zone euro qui doit être plus forte, donc plus solidaire et un dialogue social à l'échelle de l'Europe.
La première priorité, c'est l'emploi, forcément l'emploi.
Tout a été dit, un actif sur dix en Europe est au chômage, un jeune sur cinq, et quoi qu'on en dise, aucun Etat membre n'est épargné. La France a voulu qu'il y ait un plan d'investissement, il n'avait pas imaginé qu'il porterait un nom, cher Jean-Claude JUNCKER, c'est tombé sur vous, mais vous n'y êtes pas pour rien. Parce que vous avez voulu que l'Europe puisse se doter d'un instrument financier, capable de mobiliser 315 milliards d'euros -je souhaite davantage- pour que nous puissions non seulement améliorer la vie de nos concitoyens, mais également anticiper sur les technologies de demain, lancer de grandes infrastructures, préparer l'économie numérique, anticiper la transition énergétique.
Ce plan, il doit être mis en uvre rapidement. Il appartient à tous les Etats de faire des propositions. L'Etat français a soumis récemment une liste de projets et ce que j'attends de l'Europe, ce n'est pas simplement l'affichage d'un chiffre - il est impressionnant, même si rapporté à la richesse européenne, il peut apparaitre faible - c'est que cela aille vite, parce que pour des demandeurs d'emploi, pour des jeunes, pour des entrepreneurs, pour des secteurs entiers, il n'y a pas de temps à perdre.
Ce que nous pouvons aussi demander puisque vous êtes là et que le Parlement européen vote le budget, c'est que nous puissions encore amplifier ce programme et faire qu'année après année et expérience faite, nous puissions renouveler un certain nombre de financements et d'investissements.
Reste la question du pacte de stabilité. L'Europe est championne pour les mots, face à la stabilité il y a la flexibilité, ce qui permet de trouver un compromis, certains diraient une motion de synthèse, les uns qui regardent la stabilité pour se rassurer, les autres qui espèrent dans la flexibilité pour trouver des marges de manuvre.
Mais que chacun comprenne bien que si nous voulons qu'il y ait le retour à des équilibres budgétaires et c'est souhaitable pour éviter la spirale de la dette, le meilleur moyen d'y parvenir au-delà des disciplines que chaque pays doit respecter, c'est l'investissement et c'est la croissance. Si l'on bride l'investissement, on empêchera la croissance et les déficits publics ne seront pas réduits comme il est espéré. D'ailleurs quand il se produit un événement, les réfugiés, une crise, un désastre humanitaire, que fait l'Europe ? Elle s'adapte, elle assouplit ses règles.
Et si le désastre le plus grand, c'était le chômage ? Et si ce qui nous menaçait le plus, c'était le souverainisme et l'extrémisme ? Alors, est-ce qu'il ne serait pas temps aussi de modifier nos règles pour atteindre l'objectif : garder l'esprit européen ?
L'Europe, il est toujours de bon ton de l'accabler, et parfois même ce sont ceux qui sont en responsabilité qui sont les meilleurs pour lui faire le procès. J'éviterai donc moi-même, présent depuis trois ans au Conseil européen, de tomber dans ce registre. L'Europe a été capable, au-delà de ce qui a pu être fait pour donner à la zone euro davantage de garanties de stabilité, au-delà de ce que nous avons pu faire sur l'union bancaire, au-delà de ce que nous avons pu engager pour lutter contre l'optimisation fiscale, d'introduire de nouveaux instruments pour l'insertion des jeunes.
Il y a eu trois sommets de chefs d'Etat et de gouvernement sur ce seul sujet. Nous avons pu proposer un Erasmus Premier emploi. C'est-à-dire pour tous les jeunes qui cherchent une première insertion, de leur permettre de pouvoir découvrir d'autres pays pour assurer cette première expérience. Une enveloppe de six milliards a été dégagée pour 2014-2015. Je souhaite là aussi que nous puissions mettre en uvre rapidement ces crédits et les amplifier autant qu'il sera nécessaire.
En France, nous avons saisi cette opportunité avec la Garantie Jeunes. Cette Garantie Jeunes s'adresse à ceux qui ne sont ni en emploi, ni en formation. C'est, expérience faite, un des mécanismes qui est le plus efficace pour l'insertion. Nous avons 50 000 jeunes qui sont dans ce dispositif et nous nous sommes donné l'objectif de 100 000 en 2017. Dans le même esprit, nous devons faire pour les chômeurs de longue durée ce que nous avons commencé à engager pour les jeunes, car il y a une souffrance qui est peut-être la plus terrible, c'est celle de nombreux actifs car ils sont actifs de nombreux travailleurs car ils sont travailleurs qui, depuis des mois et des mois, quelquefois des années, sont écartés du marché du travail, mis dans une catégorie, renvoyés à un dispositif social, et qui perdent non seulement espoir en eux, mais espoir dans toute initiative politique et donc dans l'Europe. Par rapport à ces chômeurs de longue durée, nous devons avoir des mécanismes d'insertion, d'inclusion, ce qui suppose un plan européen de formation professionnelle pour les demandeurs d'emploi de plus d'un an.
Dans le même esprit aussi, nous suggérons un plan général de formation et d'accompagnement aux nouveaux emplois - vous en avez parlé-, des emplois que le numérique, le digital, la transition énergétique, les nouvelles technologies vont générer. Nous préparons les jeunes, nous préparons aussi ceux qui sont dans l'emploi £ grande négociation que nous devons ouvrir à l'échelle européenne comme à l'échelle nationale.
Il est évoqué aussi la mobilité. La mobilité fait partie des principes de l'Union européenne. 8 millions de citoyens européens exercent une activité dans un autre pays que le leur. Nous devons garantir les droits des travailleurs qui mènent leur vie professionnelle dans plusieurs Etats membres. Portabilité des droits, convergence des systèmes de Sécurité sociale et combat contre les fraudes et les abus, je pense notamment aux travailleurs détachés. Nous acceptons les travailleurs détachés parce que c'est le principe même de la liberté de circulation mais lorsque des excès, des abus, des fraudes utilisent les travailleurs détachés pour faire du dumping social, pour nuire à l'équilibre de nos entreprises notamment les plus petites, pour altérer les droits des salariés, alors toutes les dérives extrémistes sont possibles. Nous avons, nous en France, renforcé la lutte contre le détachement abusif, vérifié son application, demandé qu'il puisse y avoir une harmonisation. Un mécanisme de solidarité doit être également élargi à toute la sous-traitance, dans tous les secteurs économiques, et nous demandons que l'Europe s'empare une nouvelle fois de ce sujet à travers la directive sur le travail détaché.
Je l'ai dit, il faut préparer les emplois de demain. Il y a toujours une confrontation dans toute société, et l'Europe n'y échappe pas, entre la peur et l'espoir. C'est quand la peur domine et que l'espoir s'efface que le pire est à craindre. Donc le rôle des politiques mais aussi du syndicalisme, c'est de rendre crédible l'espoir et de faire reculer la peur. On le voit à travers ces nouvelles technologies. Chacun les utilise y compris pour aller jusqu'ici, mais en même temps que nous les utilisons, nous mesurons les effets qu'elles peuvent produire sur les emplois eux-mêmes, y compris le nôtre. Nous devons essayer d'évaluer les conséquences de cette digitalisation de l'économie et voir ce qui peut être progrès, opportunité ou risque. Non pas pour empêcher que la technologie se diffuse mais pour l'organiser, pour anticiper sur les mutations industrielles.
En France, nous allons ouvrir une négociation sur la question des emplois de demain à travers le numérique et, d'une manière générale, à travers les nouvelles technologies. De manière à ce que les travailleurs puissent être préparés, que les entreprises puissent anticiper, qu'un certain nombre d'abus puissent être évités. Il y a ceux relatifs aux libertés individuelles - une loi en France y répondra mais il y a aussi les distorsions de concurrence et les mutations que certains secteurs dits traditionnels vont être obligés d'organiser. Je souhaite là aussi que cette négociation puisse prendre sa place dans le dialogue social européen.
Il en est de même pour la transition énergétique. Vous le savez, et j'imagine que c'est la raison pour laquelle vous avez voulu que votre congrès se tienne à Paris, pour rester jusqu'au mois de décembre et participer à cette grande conférence sur le climat, je reviens donc de New York où il y avait beaucoup de discussions sur les chances d'une conclusion d'un accord à Paris. Les choses avancent, rien n'est joué, tout est possible : un accord a minima ou, au contraire, un accord ambitieux. Un accord a minima en fait ne changerait rien. Un accord ambitieux provoquerait des politiques publiques, des comportements d'entreprise, des évaluations dans les institutions financières qui contribueraient à modifier considérablement notre organisation économique et aller vers une économie décarbonée : zéro carbone, zéro pauvreté, tel est le slogan.
Mais si nous y parvenons, alors il y aura de nouveaux choix, de nouvelles décisions à prendre dans les entreprises, une nouvelle organisation, des systèmes de transport différents. Dès lors, l'entreprise durable je sais que c'est aussi un des sujets de votre congrès deviendra le thème de l'ensemble des négociations qui se produiront au lendemain de la conférence de Paris. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu que la conférence sociale qui rassemblera donc le gouvernement et l'ensemble des organisations syndicales de notre pays, puisse s'emparer de ce sujet. Il faudra de toute manière préparer les Européens à ces nouveaux emplois, à cette nouvelle économie et faire qu'ils puissent s'en saisir comme autant d'opportunités et de croissance.
Mais comme les frontières du travail commencent à s'effacer, qu'est-ce qui est de l'ordre de l'entrepreneur ? Qu'est-ce qui est de l'ordre du salarié ? Qu'est-ce qui est de l'ordre du prestataire ? Qu'est-ce qui doit être de la responsabilité individuelle ou de la responsabilité d'entreprise ? Nous devons unifier les régimes sociaux, garantir les droits et définir avec beaucoup de précision ce qu'est le travail et ce qu'est le salariat. D'où l'importance d'une gouvernance économique de la zone euro, d'où l'importance du dialogue social européen.
J'ai fait des propositions sur la gouvernance, non pas pour changer les institutions je veux rassurer Jean-Claude et Martin non pas pour séparer ceux qui seraient dans la zone euro de ceux qui n'y seraient pas ou qui n'y viendraient pas, mais parce que nous avons besoin d'une impulsion. Nous avons besoin aussi d'une coordination, nous avons besoin d'une harmonisation, nous avons besoin d'une convergence. Il y a une convergence pour la compétitivité, il y a une convergence pour les déficits publics. Il faut qu'il y ait aussi une convergence en matière de droits sociaux, en matière de salaires, en matière de protection sociale. C'est à cette convergence que j'appelle et c'est ce que aussi, avec l'Allemagne, nous commençons à travailler pour qu'on puisse avoir des conseils des ministres des finances avec les ministres des affaires sociales, ensemble, et que nous puissions imaginer dans un délai proche d'avoir un Eurogroupe social comme il existe un Eurogroupe monétaire et économique.
Nous avons besoin d'une convergence aussi en matière sociale et en matière de travail. La coordination des politiques sociales, des processus nouveaux de décision, voilà ce qui est attendu dans l'étape prochaine de la construction européenne : un socle de la politique sociale et une capacité à travers le dialogue social d'enrichir les droits fondamentaux. D'où l'importance de votre organisation chère Bernadette, qui rassemble tous les syndicats. C'est pourquoi la Confédération européenne des syndicats n'est pas un acteur secondaire dans le processus européen. C'est vous aussi qui avez à faire l'Europe, qui avez à la construire. L'Europe, c'est une histoire de progrès et de solidarité. De progrès parce que, au-delà de la paix, si des pays se sont unis c'est pour être plus forts ensemble. C'est pour porter un modèle qui pouvait être regardé comme un exemple dans le monde. C'est sûrement pour être plus forts économiquement. C'était déjà dans l'esprit de l'après-guerre : reconstruire les économies pour être capables par l'économie d'éviter les conflits.
Pour le progrès, pour l'économie, il y avait le principe de solidarité. De solidarité entre les nations et nous l'avons d'ailleurs tellement illustré. Quand le mur de Berlin est tombé, il y avait encore deux Europe. Il aurait été facile, commode pour les chefs d'Etat et de gouvernement à cette époque-là, de dire que ceux qui étaient restés longtemps de l'autre côté du mur pouvaient attendre. Nous avons considéré que l'Europe était une, et qu'à partir de là elle devait être unique. Au-delà des murs qui sont tombés, c'est un ensemble qui s'est créé. Que ceux qui ont été accueillis dans l'Europe se souviennent de ce qui a été ce choix. Qu'ils n'oublient pas que la solidarité s'est faite aussi pour effacer les traces de l'histoire. Il y avait un syndicat qui a beaucoup contribué à faire tomber le mur et à faire entrer les pays de l'Est dans l'Union européenne. Ce syndicat portait un nom : Solidarité. Cette solidarité, elle doit encore être manifestée par tous.
La solidarité, c'est également quand un pays connaît une difficulté sérieuse. Quand il croule sous les dettes. Quand il paraît incapable d'assurer par lui-même son avenir. La solution, ce n'est pas de l'écarter £ ce n'est pas de lui demander de rentrer dans la salle d'attente en attendant la chirurgie lourde, ce n'est pas non plus lui prodiguer les derniers soins. C'est de lui apporter des solutions, de lui demander aussi des efforts et c'est ce que nous avons réussi avec la Grèce. C'est vrai que certains qui peuvent toujours regarder avec esprit critique ce que nous faisons, si nous avions lâché la Grèce, ils nous auraient accusés. Nous lui proposons un plan, nous la dominons, c'est le peuple grec qui a répondu de la meilleure des façons. C'est lui qui a dit qu'il voulait rester dans la zone euro et c'est lui qui a donné mandat à celui qui avait négocié ce plan de poursuivre son action. Je pense que quand on veut écouter les peuples, il faut d'abord écouter ceux qui sont les plus confrontés à des difficultés, ils ont donné là encore la meilleure réponse.
La solidarité, c'est également celle que l'on doit prodiguer aux générations futures. J'y reviens, la conférence sur le climat. Elle n'est pas faite pour obtenir des avantages immédiats, mais pour faire en sorte que notre planète soit vivable à la fin du siècle et c'est aussi de changer profondément notre modèle de développement. Je ne suis pas sûr que tous ceux qui affichent - et je ne m'en plains pas - des ambitions en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre aient suffisamment pris conscience -mais tant mieux- que cela est généré dans les décisions et dans les choix. C'est une autre économie qui va naitre et qui va avoir des conséquences très importantes en matière de technologie, d'investissement et de bien-être. Vous devez être partie prenante de cet enjeu-là et de ce défi-là.
Voilà Mesdames et Messieurs ce que j'ai voulu ici vous dire £ que l'Europe c'est un combat, que ce combat, c'est celui de la solidarité. La solidarité, ce n'est pas simplement celle que les chefs d'Etat et de gouvernement peuvent imaginer entre eux et parfois avec retard. C'est un combat citoyen qui doit être mené par des acteurs responsables. La Confédération européenne des syndicats est justement un de ces acteurs qui peut avoir non seulement à parler aux salariés et aux travailleurs, pour leur dire que l'Europe peut être aussi leur avenir, un cadre qui peut être réorienté, changé. La Confédération européenne des syndicats peut surtout contribuer grâce au dialogue social européen que nous avons le devoir de relancer, à produire des règles, des institutions, qui feront que l'Europe avancera et que le progrès restera le seul chemin que nous devons emprunter. Merci.