24 août 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur l'attentat terroriste dans le train Amsterdam-Paris, à Paris le 24 août 2015.


M. le Premier ministre du royaume de Belgique, cher Charles MICHEL, je vous remercie pour votre présence.
Elle confirme une fois encore la solidarité qui existe entre nos deux pays pour lutter contre le terrorisme.
Je veux également saluer la présence ici du Premier ministre, Manuel VALLS, des membres du Gouvernement, de madame l'ambassadrice des Etats-Unis, des représentants du Royaume britannique et des Pays-Bas, de l'ambassadeur de Belgique, des élus d'Arras et du Pas de Calais qui ont également eu à faire face à une situation d'urgence £ ainsi que tous les services qui se sont mobilisés : les services de l'Etat, mais aussi les services du département.
Je n'oublie pas les personnels de santé qui ont eu à agir et, encore en ce moment, vous savez qu'un franco-américain M. MOOGALIAN est dans un hôpital et connaît une épreuve, et nous sommes en pleine solidarité avec lui.
Je salue également la présence de la SNCF et je veux également porter une considération à l'égard des cheminots belges et français.
Mais aujourd'hui nous sommes ici réunis, rassemblés pour rendre hommage à quatre personnes, quatre hommes qui ont par leur courage permis de sauver des vies, qui ont donné l'exemple de ce qu'il est possible de faire dans une circonstance dramatique.
Christopher NORMAN, Anthony SADLER, Alexander SKARLATOS, Spencer STONE, vendredi dernier vous étiez dans le Thalys entre Amsterdam et Paris. Vous Anthony, Alexander, Spencer, vous étiez trois amis en vacances, à la découverte de l'Europe, en route vers Paris. Vous Christopher, vous rentriez chez vous à l'issue d'un voyage d'affaires.
Trois Américains et un Anglais, amis de la France, que les hasards des réservations de train avaient réunis dans le même wagon £ mais vendredi soir, un individu avait décidé de commettre un attentat dans le Thalys. Il avait suffisamment d'armes et de munitions pour provoquer un véritable carnage et c'est ce qu'il aurait fait si vous ne l'aviez pas maitrisé en prenant tous les risques, y compris celui de votre propre vie.
J'ai d'abord une pensée pour ce voyageur français qui, le premier, a croisé le terroriste lorsqu'il sortait des toilettes du train, déjà décidé à faire feu. Ce compatriote s'est jeté sur lui pour le désarmer, et il a ensuite alerté tous ceux qui étaient autour de lui. Il ne souhaite pas - et je peux le comprendre, voir son nom divulgué, mais il était nécessaire que je le salue aujourd'hui.
Pendant ce temps-là Ayoub El KHAZZANI, le terroriste, était déjà passé dans le compartiment numéro 12 et avait commencé à tirer, blessant M. Mark MOOGALIAN, celui dont je parlais tout à l'heure aujourd'hui hospitalisé, un franco-américain qui là encore a montré du courage et de la force d'âme, car lui aussi s'est interposé.
C'est à ce moment-là Alexander, Spencer que vous êtes intervenus, et que vous vous êtes jetés sur le forcené qui tentait de recharger son arme. Vous Spencer, vous avez été le premier, si je puis dire, à lui sauter dessus. Vous l'avez renversé et vous Alexander vous avez aidé Spencer à lui arracher son fusil mitrailleur.
Désarmé une première fois, il a ensuite sorti un pistolet que vous lui avez fait lâcher, puis un cutter avec lequel il a blessé Spencer à la tête et à la main, avant d'être maitrisé, grâce à Anthony, grâce à vous Christopher, venus également prêter main forte.
Christopher, vous l'avez ligoté avec l'aide d'un autre passager du train, M. Éric TANTY, un cheminot qui était dans le train mais parce qu'il était en repos et qu'il rentrait également chez lui, et qui a là aussi eu les gestes qui convenaient.
Et le contrôleur, Michel BRUET a donné l'alarme et a fait en sorte là aussi de pouvoir mettre les forces de sécurité en mouvement, prêtes à intervenir si c'était nécessaire.
Vous Spencer, alors que vous étiez blessé, vous avez prodigué les premiers soins à M. MOOGALIAN et vous avez sans doute sauvé la vie de ce citoyen franco-américain.
Une fois l'alerte donnée, le train a été détourné en gare d'Arras. Le terroriste a pu être interpellé d'autant plus facilement qu'il était immobilisé, ligoté et les blessés ont pu être immédiatement pris en charge, soignés avec un professionnalisme et une efficacité qui sont l'honneur de notre système de santé en France.
Voilà, quatre hommes qui se sont dressés avec d'autres, non pas simplement pour sauver leur propre vie, mais pour venir en aide à d'autres, pour sauver d'autres vies, car dans ce train là, dans ce Thalys, il y avait plus de 500 passagers. Il suffit de savoir que Ayoub El KHAZZANI était en possession de 300 munitions et d'armes à feu pour mesurer à côté de quoi nous sommes passés £ une tragédie, un massacre.
Au nom de la France, je tiens à vous remercier pour ce que vous avez fait. Depuis vendredi, le monde entier admire votre courage, votre sang froid, votre esprit de responsabilité. Cette solidarité qui vous a permis à mains nues, je dis bien à mains nues, de maîtriser un individu surarmé et prêt à tout.
Votre héroïsme doit être un exemple pour beaucoup et une source d'inspiration. Face au mal qui est là, qui s'appelle le terrorisme, il y a un bien, celui de l'Humanité, c'est celui que vous incarnez.
Anthony SADLER vous avez résumé hier mieux que personne ce que nous pouvions retenir de ce qui s'est passé vendredi soir dans le Thalys. Vous avez dit : «la leçon que l'on doit retenir c'est que,
dans un moment de crise comme cela, j'aimerais que les gens comprennent qu'il faut faire quelque chose».
Oui il faut faire quelque chose. Il y a toujours quelque chose à faire face à l'agression, même quand elle paraît démesurée, infâme, barbare. Oui, il y a quelque chose à faire.
D'abord il revient aux pouvoirs publics, en France, en Europe, de prendre les dispositions nécessaires, y compris pour le transport ferroviaire. Ce sera le cas, des réunions se tiendront à l'initiative du ministre de l'intérieur, Bernard CAZENEUVE, et nous prendrons avec les responsables des transports publics les dispositions qui conviennent. Au-delà même des mesures, qui sont nécessaires, qui doivent être renforcées, il y a toujours ce qui relève de la responsabilité individuelle, de ce qu'un homme, une femme est capable de faire dans certaines circonstances.
Vous avez montré que face à la terreur, nous avions le pouvoir de résister et vous avez ainsi administré une leçon de courage, de volonté, et donc d'espoir.
Spencer, Aleksander, vous êtes des soldats, mais vendredi vous étiez de simples passagers, loin de chez vous, loin des théâtres d'opération où vous avez combattu. Vous vous êtes certes comportés en militaires, mais aussi en hommes responsables. Vous avez mis votre vie en jeu pour défendre une idée, l'idée de la liberté.
Aujourd'hui je pense aussi à tous les soldats qui se battent contre le terrorisme. Ici en France et partout dans le monde. Nous sommes alliés face au terrorisme.
Aujourd'hui vous avez fait honneur à ces soldats, mais vous n'étiez pas seuls, d'autres se sont levés avec vous. Ils n'avaient pas votre entrainement, votre expérience des armes et du danger. Sans doute n'avaient-ils jamais vu de kalachnikov de leur propre vie, mais ils se sont eux aussi levés, dressés et ont, d'une certaine façon, combattu.
Face au terrorisme c'est en ne cédant pas, c'est en refusant la peur, c'est en se levant ensemble que nous vaincrons.
Face au terrorisme nos sociétés ne sont pas faibles et elles ne seront jamais faibles tant qu'elles resteront unies, elles ne seront jamais faibles tant qu'il y aura des femmes, des hommes courageux prêts à risquer leur vie.
Vendredi soir, dans le Thalys, ces hommes étaient de toutes nationalités, un Anglais, des Américains, des Français. Tous ont formé une communauté humaine, celle du meilleur, pour éviter le pire.
Aujourd'hui c'est vous, Alexander, Spencer, Anthony, Christopher que la République française remercie. Elle fera de même prochainement aussi pour ses propres ressortissants, qui ont eu un comportement exemplaire. Je pense aussi, je l'ai dit plusieurs fois, à M. MOOGALIAN qui est aujourd'hui hospitalisé à Lille et qui nous réunit, car il est à la fois français et américain et professeur d'anglais.
Je sais aussi que beaucoup s'interrogent sur les distinctions. J'ai considéré que pour témoigner la reconnaissance de la Nation française, de la République française, il était nécessaire de vous remettre la plus haute récompense, la Légion d'Honneur. La plus haute distinction, pour vous dire combien nous vous sommes redevables.
Je ne voulais pas que vous puissiez repartir, au moins trois d'entre vous, les Américains dans votre propre pays sans recevoir cet honneur. Cette Légion d'Honneur récompense votre courage, mais aussi le formidable acte d'humanité que vous avez réalisé vers 18 heures 30 dans le train Thalys Amsterdam-Paris en territoire de France pour sauver ce qui était dans ce train, c'est-à-dire l'humanité.
Merci.
Source http://www.sncf.com, le 15 septembre 2015