2 juillet 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-béninoises, la question climatique et sur la coopération avec l'Afrique, à Cotonou le 2 juillet 2015.


Mesdames, messieurs les ministres,
Mesdames, messieurs les parlementaires - car nous avons la chance dans cette délégation d'être accompagnés de députés, amis du Bénin et amis de l'Afrique - Sénateurs, également Député de la circonscription représentant les Français de l'étranger,
Je salue également les conseillers consulaires, les élus, qui ont tiré une légitimité du scrutin qui a été organisé, qui leur permet maintenant de vous défendre encore davantage.
Je remercie l'ambassadrice d'avoir, avec le proviseur, organisé cette réunion. On m'a dit qu'il fallait avoir un toit pour nous protéger de la pluie mais il n'a pas plu, une nouvelle fois, j'en fais la démonstration.
Pardon pour le retard que nous avons pris mais nous avions beaucoup de choses à faire, car nous avons eu avec le Président BONI YAYI un entretien particulier dans un premier temps, puis nous avons, avec nos délégations respectives, étudié les dossiers qui nous réunissent. Je me suis ensuite exprimé devant l'ensemble des forces vives. Je suis allé également au Centre de recherche sur le paludisme, un centre exceptionnel qui unit des chercheurs français et des chercheurs béninois. Il m'a été dit, et ce serait une information tout à fait majeure, qu'un vaccin pourrait être trouvé dans ce lieu même par les Français et par les Béninois pour lutter contre le paludisme, notamment dans sa transmission aux femmes enceintes. Ce serait pour nos deux pays une fierté exceptionnelle d'aboutir à ce résultat.
Je suis ensuite allé dans ce qu'on appelle la Blue Zone. Il m'a été montré tout ce que l'on peut faire avec les énergies renouvelables, avec le stockage de l'énergie, notamment pour la formation, pour l'accompagnement des jeunes et également pour les soins qui peuvent être apportés aux plus faibles.
J'ai eu enfin, avec la Fondation Odon VALLET - monsieur Odon VALLET est ici présent - une rencontre avec des jeunes qui ont été autant de talents accompagnés à travers des bourses. La Fondation Odon VALLET accorde des bourses ici, au Bénin, au Vietnam pour les jeunes les plus talentueux. C'est une chance pour le Bénin, pour le Vietnam, pour l'Afrique, pour la France également car des cadres de très grande qualité sont ainsi formés et accompagnés.
Je voulais aussi vous rencontrer, car ce n'est pas souvent qu'un Président de la République française vient au Bénin.
Certains étaient déjà là en 1983 pour François MITTERRAND. Je veux ici les féliciter et les remercier pour leur patience. D'autres ont eu la chance de pouvoir accompagner Jacques CHIRAC en 1995 lorsque le Bénin avait organisé une conférence sur la Francophonie. Le Président Jacques CHIRAC avait pu aussi s'adresser à la communauté française, mais c'était dans un cadre qui était international. Cela faisait donc vingt ans qu'un Président de la République française n'était pas venu.
Pourtant, la France a, avec le Bénin une relation exceptionnelle, d'abord parce qu'elle est fondée sur l'histoire je ne vous la réciterai pas ici. Exceptionnelle aussi parce qu'il y a des relations de très grande confiance entre nos deux pays et, quelles que soient les alternances. Enfin, lorsqu'il s'est agi d'assurer la sécurité du continent, la France et le Bénin ont toujours été ensemble. Je n'oublie pas ce qu'ont pu faire aussi des combattants béninois qui sont venus en France à la fin de la Seconde guerre mondiale pour nous libérer.
Il faut toujours avoir ce souvenir-là, cette mémoire-là. Ce que nous, Français, devons à l'Afrique.
Le Bénin a été à mes côtés lorsque j'ai décidé d'intervenir au nom de la France au Mali pour lutter contre le terrorisme. A ce moment-là c'était le Président du Bénin, Thomas BONI YAYI, qui était Président de l'Union africaine. Il m'avait déjà annoncé que si la France décidait d'intervenir, si bien sûr cette intervention se faisait dans un cadre international avec la légitimité des Nations Unies, il veillerait à apporter le soutien de l'Union africaine à cette opération. Ce fut fait. Je veux ici le remercier, car il était très important qu'une voix parmi les voix les plus autorisées d'Afrique puisqu'il occupait cette responsabilité de Président de l'Union africaine puisse tout de suite nous donner son soutien et nous dire combien cette intervention était attendue.
Cette confiance est également présente lorsque nous luttons ensemble contre le terrorisme, encore pas si loin de là, au Nigeria, au Niger, au Tchad. Cette solidarité, nous l'avons aussi eue lorsque nous avons voulu, la France, nous placer comme force de médiation en Centrafrique et empêcher des massacres.
Le Bénin nous a toujours apporté sa confiance lorsque nous avons lutté, avec lui d'ailleurs, contre la piraterie sur cette mer qui est une mer de toutes les circulations de marchandises, mais également de tous les trafics.
C'est donc la raison principale de ma venue ici : exprimer ma reconnaissance à l'égard du Bénin pour le soutien qui nous a été apporté, pour la confiance que nous avons su faire naître entre nos deux pays et surtout faire émerger et consolider.
Lorsque j'ai vu le Président BONI YAYI, vous le connaissez bien, pour la première fois, c'était le Premier chef d'Etat africain que je rencontrais, au lendemain de mon élection. Il m'avait demandé de lui faire une promesse il faut faire des promesses, il faut les tenir et il m'avait dit « promettez-moi que vous viendrez au cours, non pas simplement de mon mandat, mais du sien, au Bénin ». C'est chose faite aujourd'hui, je suis là et je suis heureux d'avoir pu respecter cet engagement.
Il y avait toutes les raisons d'accepter parce que le Bénin est un exemple, une référence, pas simplement pour l'Afrique, mais pour beaucoup de pays. Une référence en matière démocratique, car depuis qu'une conférence nationale a posé les fondements de ce que devait être la vie politique au Bénin, des élections ont eu lieu à leurs dates, - des élections nationales et des élections locales - des alternances se sont produites trois fois depuis 1990, et il y a eu, autant qu'il est possible, le respect des libertés et des Droits de l'Homme.
Lorsqu'un pays est capable et cela n'a rien à voir avec son niveau de développement de faire prévaloir des idées universelles de pluralisme et de démocratie, je pense que la France, qui a toujours la volonté de promouvoir ses idéaux, doit être là auprès des pays qui en font une juste mise en uvre. Je voulais donc aussi donner cette raison-là à ma présence.
Je devrais ajouter une troisième raison. Il s'agit de vous, parce qu'il y a une communauté française au Bénin qui est importante, qui rayonne, qui diffuse. Il y a ici un établissement scolaire exceptionnel, avec des enseignants, qui pour beaucoup sont en vacances aujourd'hui. Certains ont même préféré rester, attendre pour partir en vacances, et je veux les en remercier. Il y a des élèves qui sont là et c'est un grand établissement ouvert parce que la France est toujours ouverte, elle ne ferme pas ses portes quand il y a une demande de soutien, d'assistance, de solidarité. Lorsque des Béninois nous demandent d'accueillir des élèves ici, nous le faisons autant qu'il est possible. Notre premier devoir est cependant d'accueillir les enfants des Français du Bénin. Nous leur donnons un enseignement fondé sur notre système public - même s'il y a une participation privée élevée, trop élevée. Nous le faisons avec les mêmes programmes, délivrant les mêmes diplômes et permettant à beaucoup de jeunes ensuite de pouvoir accéder à l'enseignement supérieur.
Nous avons de très bons résultats et c'est aussi ce que la France veut diffuser, et doit faire en sorte que la communauté des citoyens français résidents à l'étranger puisse avoir comme droits fondamentaux le droit de scolariser leurs enfants.
Nous avons saisi l'occasion de cette visite parce que généralement, lorsque je me déplace, un certain nombre d'accords sont signés, des demandes nous sont faites, des moyens nous sont demandés et nous avons voulu répondre. Nous sommes dans un contexte économique où le Bénin connaît une forte croissance. Croissance de sa production, de ses ressources, de ses richesses, mais croissance aussi de sa population avec cette difficulté de pouvoir augmenter le niveau de vie compte tenu de cette progression de la démographie.
Nous devons alors répondre à ces besoins. Quels sont-ils ? Le premier est d'avoir les technologies, les moyens de les mettre en uvre. Le premier accord que nous avons passé est donc un accord sur l'éducation, la formation, aussi bien pour l'enseignement secondaire, pour l'enseignement supérieur, que pour les formations technologiques, les formations professionnelles. Les fonds d'aide au développement que nous mettons ici en place doivent prioritairement aller vers l'éducation.
Le Bénin a besoin aussi d'avoir des infrastructures, d'avoir des villes je parle ici à Cotonou qui puissent répondre aux exigences de ce que sera l'urbanisme de demain, d'avoir un environnement, d'avoir le traitement des déchets, d'avoir aussi les modes de construction qui protègent par rapport à un certain nombre de risques, de catastrophes, d'inondations. Nous devons donc aider les villes et c'est ce que nous avons fait pour Cotonou et pour Porto-Novo, pour faire en sorte que grâce aux moyens financiers, aux investissements portés par nos entreprises - je veux saluer ici tous les représentants des entreprises françaises - nous puissions répondre à ce nouveau défi.
Enfin, le dernier enjeu est énergétique. Beaucoup de Béninois n'ont pas accès à l'électricité et beaucoup ont du mal à pouvoir accéder à des ressources essentielles.
Nous devons faire en sorte que les énergies renouvelables puissent être promues, puissent être développées, et ce sera d'ailleurs tout l'enjeu de la conférence sur le climat.
La France ne peut pas être simplement un pays organisateur, la France doit être un pays acteur. Nous avons mis en uvre un plan de soutien pour le Bénin avec le gouvernement, aujourd'hui dirigé par Lionel ZINSOU, qui est aussi un Franco-Béninois. Il pourra lui aussi, avec le Président BONI YAYI et le gouvernement, mettre tout son talent pour créer ces nouveaux moyens pour les énergies renouvelables.
Je vous parle de la Conférence sur le climat parce que cela va être à l'ordre du jour de toutes les grandes réunions auxquelles je vais pouvoir participer, de toutes les rencontres que je vais pouvoir avoir durant ces prochains mois.
Il y a une conférence très importante qui va se tenir à Addis-Abeba au mois de juillet, sur le développement. Le développement est lié au climat. Il va y avoir l'Assemblée générale des Nations-unies au mois de septembre où les chefs d'Etat et de gouvernement seront réunis. Est-ce qu'ils vont donner un coup d'accélérateur ? Nous allons avec Ban KI-MOON, le Secrétaire général des Nations-unies, tout faire pour qu'il y ait cette prise de risque. Pas cette prise de conscience - la prise de conscience est faite, nous n'avons pas besoin d'avoir des experts ou des rapports, car maintenant, nous savons les risques que connaît l'évolution de la planète pour que nous puissions conjurer ces risques et faire en sorte que nous prenions des décisions.
Il y aura ensuite le sommet du G20, ce sont les pays qui représentent les principaux continents, mais je veux que l'Afrique soit pleinement associée à la préparation de la Conférence sur le climat. Pourquoi ? Parce que ce n'est pas l'Afrique qui émet le plus de CO2 ou de gaz à effet de serre, ce n'est pas l'Afrique qui pollue, mais c'est l'Afrique qui connait le plus de catastrophes, de cataclysmes et qui connaît la désertification, les inondations.
C'est avec l'Afrique et pour l'Afrique que nous devons agir. Pour y parvenir, je veux que le continent africain se donne lui-même des objectifs, que nous ferons inscrire lors de la Conférence sur le climat.
A la Conférence de Paris, l'essentiel, comme d'habitude, va porter sur les moyens. C'est terrible de voir que sur n'importe quel sujet, c'est toujours sur la même question que nous butons, que ce soit en France, où nous rétablissons nos comptes, que ce soit en Europe, où nous avons à traiter la question grecque au moment même où nous sommes ici, mais cela va se jouer surtout la semaine prochaine. Pour le climat, il nous faut aussi mettre de l'argent. Il ne suffit cependant pas de mettre de l'argent, de chercher et même de trouver de l'argent, il s'agit de bien l'utiliser, d'abord avec les règles de la transparence, de la bonne gouvernance - c'est une évidence - mais de bien l'utiliser pour les pays qui en ont le plus besoin, en l'occurrence les pays africains. Nous voulons donc que les fonds qui seront dégagés pour la Conférence sur le climat puissent être investis principalement dans les pays en développement et notamment en Afrique pour les nouvelles technologies, les énergies renouvelables, l'économie circulaire, bref, tout ce qui commence à émerger et qui doit absolument être maintenant réalisé en Afrique.
Voilà, je pourrais vous parler des heures durant mais je vais être obligé de quitter le Bénin pour aller en Angola, puis après au Cameroun. On me demande : « Mais pourquoi aller dans autant de pays africains ? » Parce que la France y est attendue, y est espérée. Dans les pays francophones bien sûr, compte tenu de l'histoire, compte tenu de la langue. Dans les pays anglophones, je pense au Nigeria, votre voisin, parce que nous sommes à ses côtés pour des projets économiques - oui, sûrement - mais aussi pour sa sécurité.
La France est également attendue dans les pays lusophones, l'Angola, le Mozambique, parce qu'ils attendent aussi de nous que nous puissions promouvoir le pluralisme culturel, pour être aussi en capacité de répondre à leurs sollicitations.
Nous devons alors aller partout et au Cameroun. Pourquoi au Cameroun ? Parce que le Cameroun fait face, à cause de Boko Haram, à une mise en cause de sa sécurité, parce que le Cameroun est également confronté à la piraterie, parce que le Cameroun est un pays avec lequel nous sommes liés aussi par notre histoire, même si c'est un pays multilingue.
Voilà les raisons pour lesquelles je fais cette tournée africaine, après beaucoup d'autres. Je continuerai à le faire, parce que c'est une chance pour la France d'avoir l'Afrique. L'Afrique qui va être un grand continent d'avenir, de croissance, d'espérance, un continent qui a également ses propres problèmes, défis. Je ne vous ai pas parlé de ces déplacements de migrants qui, parce qu'il y a aujourd'hui le chaos en Libye, espèrent traverser la mer Méditerranée pour arriver sur des côtes où ils ne sauront plus où aller, où ils seront le plus souvent ramenés dans leur propre pays. Nous ne pouvons pas accepter qu'il puisse y avoir ces mouvements de population, nous devons donc agir, et pas simplement nous barricader. Nous le ferons mais est-ce un destin pour un continent que d'élever des murs, des barbelés ?
Notre devoir est de faire que la circulation des personnes puisse exister. J'ai d'ailleurs fait en sorte que les visas puissent être facilités pour beaucoup de pays et pour beaucoup de jeunes qui voulaient venir étudier en France.
Nous devons, si nous ne voulons pas être simplement dans une forme de peur qui nous saisirait, être dans une dynamique de croissance, de confiance, de coopération, de développement avec l'Afrique - et c'est ce que nous faisons ici au Bénin.
Nous ne pourrons pas réussir sans vous. Je voulais vous exprimer ma gratitude, vous qui vivez ici parfois depuis toujours, parfois depuis plus récemment. Vous qui enseignez, diffusez le savoir, la culture, soit dans des organisations non gouvernementales, soit dans des entreprises, soit dans des services administratifs, soit comme militaires. Je voulais vous dire merci pour ce que vous faites pour la France. Merci pour ce que vous donnez aussi au Bénin. Merci pour ce lien que vous permettez de consolider entre nos deux pays. Merci aussi pour la diffusion de la langue française, de la culture française.
Sachez bien que votre pays pense à vous, parce que vous ne cessez jamais de penser à lui. Votre pays est là aujourd'hui avec vous. Vous êtes ici au Bénin, mais nous sommes avec la France grâce à vous.
Merci.