20 avril 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la lutte contre le dérèglement climatique et sur les actions en faveur d'une croissance durable, à Paris le 20 avril 2015.

Mesdames les Ministres,
Mesdames, messieurs les parlementaires, élus régionaux, départementaux, communaux,
Mesdames et Messieurs les chefs d'entreprise,
Je voulais vous remercier pour la mobilisation qui est la vôtre. Aujourd'hui pour cette réunion, et depuis longtemps pour la cause du climat et de la croissance verte.
C'est une cause mondiale puisque nous aurons à poursuivre l'objectif de limiter le réchauffement de la planète à l'horizon de la fin du siècle £ c'est l'enjeu de la conférence de Paris.
C'est également une cause qui nous rassemble tous, au-delà des sensibilités politiques, qui rassemble tous les territoires quelle qu'en soit la taille. Qu'ils soient urbains, ruraux, ultra-marins ou métropolitains, nous sommes rassemblés, tous les Français de toutes les générations autour des mêmes objectifs : faire que notre planète soit plus vivable, que nous puissions innover, emprunter ce que les nouvelles technologies peuvent nous donner de meilleur pour les mettre au service du bien-être.
La France veut toujours montrer l'exemple - elle a raison, elle le fera encore sur la cause du climat. Elle doit aussi montrer l'exemple à travers ses filières industrielles, ses entreprises et ses technologies.
Votre mobilisation s'appuie sur le projet de loi sur la transition énergétique qui a été voté par l'Assemblée, discuté par le Sénat, et qui sera adopté de manière définitive avant l'été. C'est une loi qui va au-delà des échéances politiques. C'est une loi qui définit notre avenir énergétique à l'horizon 2025 et même 2030 - Ségolène ROYAL disait même 2050.
Nous avons tous conscience que les décisions qui vont être prises aujourd'hui vont déterminer notre futur, au niveau national mais aussi au niveau territorial.
C'est un engagement qui va également déterminer la place des énergies renouvelables, la part du nucléaire dans la production d'électricité, l'efficacité énergétique et enfin toutes les formes de mobilité, sans oublier le traitement des déchets. Tout ce qui fait notre quotidien, et qui pourra faire demain que nous puissions économiser, gagner en pouvoir d'achat, déployer davantage de filières industrielles, créer des emplois et en même temps vivre mieux.
Cet engagement a une histoire, et c'est aussi la vôtre, celle de vos territoires. Depuis longtemps, des institutions se sont créées. Je pense notamment aux parcs naturels régionaux ici représentés et au conservatoire national du littoral qui a permis de préserver nos côtes. La ministre de la Décentralisation est à la fois témoin et actrice de tout ce que font les collectivités, sans qu'il y ait eu besoin de lois, mais tout simplement parce qu'elles ont toujours eu cet engagement.
Je pense aux communes, aux groupements de communes qui se sont investis depuis longtemps dans l'efficacité énergétique. Je pense aux départements qui ont compris qu'il convenait d'isoler des bâtiments et aussi de réfléchir aux déplacements - c'était leur mission, ça l'est encore. Je pense aux régions qui ont depuis longtemps introduit les critères d'éco-conditionnalité pour leurs aides et leurs investissements.
L'ensemble de ces collectivités ont apporté des réponses aux questions énergétiques, du climat et de la croissance durable.
Avec l'enjeu de la Conférence sur le climat cette année, dans le contexte de la loi sur la transition énergétique, et celui de l'urgence climatique, il y a eu cet appel à projet que Ségolène ROYAL a lancé au nom du gouvernement. Cela a été un succès si j'en juge par le nombre de candidatures. C'est toujours un signe, le nombre de candidatures, et cela révèle une envie, une passion, un engagement.
528 territoires ont été candidats. Presque tous ont été retenus puisque vous avez parlé de 500 territoires à énergie positive, car même sans être retenu, on participe à l'objectif. Mais ceux qui ont été validés pour recevoir un certain nombre de soutiens financiers sont au nombre de 212 pour les territoires énergie positive, 58 pour les territoires zéro déchet.
Chaque territoire, et je crois que cela a été bien compris, recevra 500 000 euros financés par le fonds pour la transition énergétique., Le fonds pour la transition énergétique est une construction originale : Vous connaissez nos contraintes budgétaires, c'est pourquoi, il faut aller chercher un certain nombre de ressources là où elles existent pour qu'elles puissent être affectées à des travaux pour le climat et pour la planète.
Je salue les entreprises énergétiques puisqu'une part des contributions vient de là. Je salue aussi la Caisse des dépôts puisqu'il y aura la mobilisation d'un certain nombre de ses ressources. Et enfin, l'État fait sa part en mettant à disposition de ce fonds des recettes qui auraient pu lui être affectées, un milliard et demi. Il n'y a pas de temps à perdre pour mettre à disposition ces financements pour les territoires à énergie positive. Philippe MARTIN demandait que ce soit dès la sortie de cette réunion £ nous verrons si les préfets pourront même anticiper et si ces financements ne sont pas déjà versés sur les comptes des territoires concernés.
Mais au-delà de la formule, le versement de ces financements doit être assuré pour que vous puissiez aller le plus vite possible et effectuer les investissements nécessaires. Cette subvention d'ailleurs pourra être portée à deux millions d'euros selon la qualité des projets, ceux, notamment, qui seront les plus en phase avec la loi sur la transition énergétique. Donc il y aura une deuxième étape.
Ces soutiens, comme l'a dit Madame la Ministre, ne vont pas simplement vers les territoires. Certains de ces soutiens, de ces subventions, vont également aux ménages.
Nous avons prolongé le crédit d'impôt pour la transition énergétique - et le Président de la CAPEB sait pourquoi, car c'est lui qui en a fait la proposition. Il considérait, en effet, qu'il fallait donner de la visibilité pour 2015 et 2016 si nous voulions que les ménages puissent se préparer à ces investissements qui les concernent et qui mobilisent une part de leurs ressources. Il fallait que les ménages puissent s'organiser dans le temps.
Maintenant, les ménages savent que pour 2015, mais aussi pour 2016, ils peuvent engager ces travaux et bénéficier du crédit d'impôt. Je veux aussi les informer : au-delà de 2016, il n'est pas sûr que ces crédits d'impôt pourront être prolongés, donc tout l'intérêt est de dépenser tout de suite pour que nous puissions avoir le plus de rénovations thermiques dans les logements des familles.
Il y a un deuxième dispositif qui s'appelle « Habiter mieux » que met en place l'ANAH [Agence nationale de l'habitat]. Nous avons constaté que tous les crédits du programme étaient déjà consommés. Nous l'avons donc abondé de 70 millions d'euros pour qu'il y ait 50 000 réhabilitations thermiques par an chez les propriétaires modestes. Ces propriétaires vont donc pouvoir avoir non seulement une aide mais aussi une économie sur leur facture énergétique. Si nous voulons lutter contre la précarité énergétique, il faut donner aux plus modestes les moyens de pouvoir eux-mêmes se protéger.
Il y a également l'éco-PTZ que les banques ne distribuent pas suffisamment, peut-être parce que c'est « gratuit ». Nous devons faire en sorte que les banques se mobilisent, et je suis sûr qu'elles le feront, pour que ces prêts puissent là encore accompagner les particuliers dans les investissements pouvant réduire leur facture énergétique.
Six domaines ont été choisis pour retenir les projets.
L'efficacité énergétique, et dans ce domaine vous avez été convaincants : il s'agit de diminuer la facture énergétique de tous nos bâtiments publics, puisque l'ensemble des bâtiments privés comme publics, consomment plus de 40 % de l'énergie. Nous devons intervenir dans ce domaine et je salue les communautés de communes qui développent des projets ambitieux de rénovation thermique non seulement des bâtiments mais aussi des parcs HLM. D'autres s'engagent dans la modernisation de l'éclairage public, le développement des réseaux intelligents et tout ce qui peut mettre en place des matériaux isolants et notamment le bois. La filière bois est d'ailleurs une priorité pour les plans industriels que nous voulons développer.
Le second sujet, c'est la mobilité propre et là aussi, de nombreux projets ont pu répondre à cet objectif avec le renouvellement des véhicules, les places de stationnement, les bornes pour les voitures électriques, le covoiturage, aussi bien dans les territoires ruraux que dans les territoires urbains. À cet égard, ce qui a été dit sur le vendômois était tout à fait pertinent et convaincant. Le véhicule électrique, qui se développe dans certaines agglomérations, est parfaitement adapté, y compris en location, dans les territoires ruraux. C'est même une chance pour ces territoires de pouvoir disposer ainsi de parcs importants pouvant permettre à beaucoup d'usagers de trouver un moyen de relier aussi d'autres modes de transport, notamment le train.
Troisième objectif, le développement de l'économie circulaire : le remplacement des sacs plastiques, la lutte contre le gaspillage alimentaire, le tri des déchets, la méthanisation - une nouvelle industrie qui va pouvoir se développer- les énergies renouvelables de nombreux territoires qui ont mis en place le photovoltaïque, l'éolien, les réseaux de chaleur L'appel à projet, montre la diversité des installations dont les territoires peuvent se doter.
La biodiversité est essentielle. Le projet de loi sur la biodiversité prévoit que nous supprimions tous les pesticides dans l'entretien des espaces verts, et je sais que beaucoup de collectivités sont déjà en avance par rapport à cet objectif. Il y a aussi les potagers bios, l'utilisation des produits de l'agriculture locale, notamment dans les cantines. Je sais que c'est pour beaucoup de collectivités un enjeu majeur, et pour notre agriculture, une façon aussi de pouvoir développer la qualité et la proximité.
Enfin, il y a l'engagement citoyen, c'est souvent dans les collectivités locales qu'il peut se manifester. J'ai voulu développer le service civique et passer à une autre étape. Je pense que ce service ne peut pas être obligatoire, cela serait d'ailleurs perdre l'esprit, celui de ceux qui veulent le faire, qui veulent montrer qu'ils apportent à la Nation leur propre engagement. Le service sera donc universel, proposé à tous. Tous les jeunes de moins de 25 ans qui veulent faire un service civique, pourront le faire. Faut-il encore qu'on leur propose des missions qui leur donnent une expérience et, en même temps, une preuve de leur utilité. Le service civique sera particulièrement déployé dans les territoires à énergie positive, puisque nous y proposerons de 10 à 15 000 services civiques, qui contribueront à l'objectif national de 70.000 missions dès cette année et de 150 000 en 2017. Je vous demande, à vous, les territoires qui avez fait preuve d'audace en présentant vos projets de faire la même preuve de volonté pour accueillir ces services civiques.
Je veux terminer en saluant votre engagement.
Votre premier engagement, c'est finalement d'être en avance. Un territoire se développe plus qu'un autre quand il comprend avant les autres qu'il y a des technologies et des enjeux qui permettent d'avoir un vrai développement durable. Vous l'avez démontré. Le deuxième exemple que vous avez donné, c'est celui de la rapidité. Je pense que l'une des réponses aux défis que nous rencontrons - l'emploi, l'activité économique, la cohésion sociale, l'égalité dans les territoires - c'est d'être rapides quand nous sommes sollicités. Or, tout est fait pour que ce soit long, y compris pour les appels à projets.
Tout semble fait aujourd'hui pour que la pertinence d'un projet s'apprécie plus à la constance de celui qui le porte et à sa ténacité, qu'à son contenu. Certains doivent même espérer que le porteur de projet se fatigue avant qu'il ne puisse porter véritablement jusqu'au bout son projet, qu'il l'abandonne en chemin. Il y a aussi une forme de suspicion : « mais pourquoi vient-il demander une aide ? Est-ce qu'il va bien l'utiliser ? Est-ce qu'il ne va pas la détourner de son objectif ? »
Et si l'on peut faire plus de contrôles encore, pour que l'argent ne soit pas dépensé, ou s'il est dépensé, qu'il puisse même être récupéré, on va s'y efforcer. C'est une partie de ce que notre pays est capable de faire, quelquefois dans le meilleur des esprits. Et, je peux l'admettre, le contrôle des finances publiques l'exige, et aussi le souci de l'égalité. Mais la rapidité, c'est une condition de l'efficacité.
Il y a tant d'urgences environnementales, économiques - la reprise et sociales - le chômage, la difficulté pour les jeunes, pour les apprentis qui cherchent un emploi - que j'ai voulu aussi faciliter : cela ne coûtera plus rien pour un chef d'une TPE [très petite entreprise] de prendre un apprenti mineur, parce que lorsqu'il est mineur cela suppose une formation supplémentaire.
Nous devons faire en sorte que tous ces efforts-là puissent permettre de répondre à l'urgence. Et la rapidité, Mesdames du gouvernement, ça doit être la règle.
Nous devons aussi être exemplaires, vous l'êtes. Cela veut dire donner des idées aux autres. Vous savez, il y a toujours, des frileux, des sceptiques qui attendent de voir. Puis qui deviennent jaloux, c'est ça le problème. Ils ne comprennent pas pourquoi vous avez eu une aide et pas eux. Mais s'ils n'avaient pas déposé de projet, ils ne pouvaient pas en obtenir. C'est pourquoi nous devons leur montrer l'exemple, et en aucune façon leur faire la leçon. Nous devons leur dire : « voilà ce dont on a été capable dans un territoire rural, dans une intercommunalité, à l'échelle même de tout un département. Vous pouvez le faire, et avec les grandes régions vous pourrez le faire encore davantage, car vous serez davantage aidés, soutenus, par des collectivités encore plus fortes ». Nous devons à chaque fois montrer l'exemple.
Pour terminer, je veux évoquer la Conférence sur le climat, puisque vous y participez d'une certaine façon.
Chacun pense que ce sera finalement une réunion où nous trouverons facilement un accord. Je ne le pense pas. Plus j'avance dans la préparation de cette conférence, plus je vois les obstacles. D'abord il y a les grands pays qui, eux, se sont plutôt bien engagés. Je pense notamment aux Européens, qui ont fait une contribution dans le cadre de la Conférence sur le climat qui fait honneur à l'Europe. Il n'y a pas toujours que des sujets où l'Europe peut être mise en cause, il y a aussi des sujets où elle est capable d'avancer. Cela a été le cas avec cette contribution.
Les États-Unis ont annoncé que c'était aussi pour eux une grande cause. Mais nous savons que ce n'est pas si facile aux Etats-Unis, car leurs institutions ne leur permettent pas toujours d'avoir la capacité de décisions, que nous avons, nous, en Europe. Ça peut paraître paradoxal.
Il y a les grands pays émergents qui sont aussi de grands émetteurs de gaz à effet de serre, et qui ne veulent pas être entravés dans leur croissance, dans leur développement. Ils disent aux pays développés « pour vous c'est maintenant possible, puisque vous avez prélevé tant de ressources de la planète £ et vous voudriez nous empêcher nous aussi de connaître un niveau de développement, parce que vous craignez que l'on vous rattrape. » Quand je reçois le Premier ministre indien, je suis conscient de ce qu'il me dit sur la volonté de son pays, où vivent plus d'1 milliard 200 millions d'habitants, de pouvoir accéder aussi à la consommation. Nous devrons, l encore, leur montrer que c'est leur intérêt, et qu'ils peuvent, si nous partageons les technologies, accéder eux aussi à une forme d'autonomie énergétique et de développement citoyen autour de l'enjeu planétaire.
Enfin, il y a les pays les plus pauvres qui nous disent « c'est votre affaire ». Même si nous leur répondons « mais les catastrophes, elles sont partout, et elles touchent aussi, et parfois davantage, les pays les plus pauvres. », ces pays-là nous disent « nous, nous n'accepterons de nous engager que s'il y a un fonds qui peut nous apporter des moyens financiers pour que nous puissions faire notre transition énergétique, pour que nous puissions aussi prendre les meilleures technologies et avoir du renouvelable, avoir de l'efficacité énergétique, et pouvoir atteindre un niveau de développement. »
La Conférence sur le climat, elle se joue autant sur les contributions de chaque pays pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, pour atteindre les objectifs qui nous permettent d'éviter le réchauffement de la planète au-delà de 2 degrés à la fin du siècle, que sur les financements.
Enfin, il y a un dernier enjeu, celui de mobiliser ce que l'on appelle la société civile, souvent les collectivités locales de toute la planète.
Il y a déjà une prise de conscience des entreprises, beaucoup sont mobilisées par rapport à l'enjeu de la Conférence sur le climat, car beaucoup, le Président de SCHNEIDER le disait, anticipent le développement de certaines filières.
Nous devons mettre en mouvement les collectivités locales, car ce sont elles qui vont faire, avec les entreprises, l'agenda des solutions,. Ce sont elles, avec les entreprises, qui donneront des exemples, montreront les innovations possibles, et montreront les mobilisations citoyennes. Et c'est pourquoi, vous les territoires à énergie positive, représentants de ces collectivités, vous êtes tous invités à la Conférence sur le climat pour que vous puissiez, vous aussi, montrer ce que vous avez été capables de faire sur vos territoires, et montrer que la France est pleine d'énergie positive. Merci.