19 janvier 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la politique économique du gouvernement, à Paris le 19 janvier 2015.

Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Monsieur le président du Conseil économique social et environnemental,
Mesdames, Messieurs qui représentez les forces vives,
Une nation, ce sont d'abord des institutions. Ces institutions ont montré leur force, leur solidité, face à l'attaque terroriste qui a frappé notre pays. L'Etat a pris les décisions qui convenaient. Les forces de police et de gendarmerie ont fait la démonstration de leur efficacité. L'armée a été prête à mettre, dans un délai très rapide, des hommes et des femmes pour protéger les Français sur l'ensemble du territoire.
Une nation, c'est un Parlement avec des forces politiques qui ont été capables de se réunir sur l'essentiel, dans un moment grave pour notre pays. Une unité nationale qui a été saluée ici et bien au-delà de nos frontières.
Une nation, ce sont des forces économiques et sociales. Vous les représentez ici au titre des entreprises, petites, moyennes et grandes, de tous les secteurs, au titre des salariés avec vos différentes organisations. Vous êtes les forces vives de la nation, celles qui produisent, créent innovent, investissent. Celles qui permettent que des emplois puissent être créés, emplois indispensables à l'équilibre de notre société. Vous êtes les forces vives qui permettent le progrès, qu'il soit économique, social, environnemental. Vous produisez des richesses et vous faites en sorte par le dialogue, par la négociation, qu'elles soient équitablement réparties. Vous êtes des forces qui favorisent l'intégration par le travail, par la réussite, par l'espoir d'être pleinement, pour celles et ceux qui composent notre société, des citoyens.
Une nation, c'est un peuple. Le peuple français a su répondre à l'agression dont il était la cible par une mobilisation républicaine sans précédent. Il a exprimé son attachement à des valeurs qui font notre pays. Il ne s'est pas laissé emporter par la peur, il a refusé les amalgames. Il a rappelé la force et la place de la laïcité, de la fraternité, pour assurer notre vie ensemble.
C'est cette même nation qui doit après l'épreuve qu'elle a surmontée avec fierté, dignité, unité se retrouver aujourd'hui pour donner à notre pays la force économique qui lui permettra, à la fois, de peser sur la scène mondiale et d'offrir un avenir à chacun de nos concitoyens. Je sais que vous avez cette responsabilité au cur. Je sais que vous veillerez dans les décisions que vous aurez à prendre dans les prochains jours, les prochaines semaines, les prochains mois, à être, vous aussi, à la hauteur de ce qui s'est produit dans notre pays.
Nous avons quatre ambitions (si je reviens à ce qu'est la vie économique de notre pays) : la compétitivité, l'innovation, l'attractivité et la transition énergétique.
Il y a un an, j'annonçais le pacte de responsabilité et de solidarité. Il y a eu des discussions, d'abord entre les forces sociales et économiques, ensuite au Parlement et dans le pays. Mais, aujourd'hui, le pacte est une réalité. L'Etat y consacre 40 milliards à l'horizon de 2017. 40 milliards, c'est une somme considérable au regard de la situation de nos finances publiques. Nous aurions pu hésiter, nous aurions pu fléchir, nous avons tenu bon. Ce sont deux points de la richesse nationale qui vont être ainsi transférés.
2015 sera la première année de versement du Crédit Impôt Compétitivité Emploi à taux plein, c'est-à-dire 6 %, avec un taux d'ailleurs plus élevé Outre-Mer. 2015 est aussi la première année où les cotisations sociales vont être allégées, avec un dispositif zéro charge au niveau du SMIC. 2015 est aussi l'année où l'impôt sur le revenu des ménages de catégories moyenne et modeste va être allégé. 9 millions de Français sont concernés. Quel est l'objectif ? C'est l'emploi avec comme leviers la nécessaire restauration des marges des entreprises pour relancer l'investissement, la hausse du pouvoir d'achat, afin de soutenir la consommation et la négociation collective dans les branches pour favoriser les embauches.
La priorité de 2015, y compris et surtout après ce que nous avons vécu, est d'assurer la sécurité de nos concitoyens. Mais c'est aussi et toujours l'emploi, parce que notre pays compte plus de 3.400.000 chômeurs, parmi lesquels un jeune de moins de 25 ans sur cinq est dans cette situation. Le chômage est une menace pour la cohésion de notre pays : alors il convient que chacun y prenne sa part.
Un pacte suppose des contreparties, celles-ci ont été inscrites dans le relevé de conclusions de mars 2014. Un mouvement est engagé : 11 branches représentant 4 millions de salariés ont abouti à un accord. Mais ce rythme est encore trop lent. Beaucoup d'autres branches devront donc prendre le chemin et accélérer la marche.
L'enjeu, c'est aussi et surtout la reprise de la croissance. S'il n'y a pas de croissance, il n'y aura pas d'emploi, malgré toutes les mesures que nous pouvons déployer. Ce que nous avons à faire ensemble, dans un contexte que je vais décrire, c'est de porter la priorité à la croissance et donc à l'investissement, et donc à l'innovation, et donc, aussi, au dialogue social.
Quel est l'environnement que nous connaissons ? Il a changé ces dernières semaines.
Le prix du baril de pétrole a baissé de 60 % en six mois. Nous pourrions nous poser une question : si le prix du pétrole avait augmenté de 60 % depuis six mois, que dirions-nous ? Il s'est produit ce qu'on appelle un « contre-choc pétrolier », les prix à la pompe ont diminué de 20 centimes par litre depuis cet été. Qu'aurait-on dit s'ils avaient augmenté de 20 centimes par litre ? Il y a une amélioration du pouvoir d'achat des ménages et des marges des entreprises, notamment celles qui utilisent beaucoup d'énergie pour fabriquer leurs produits, ou les entreprises de transport qui ont des baisses de coûts tout à fait significatives.
Des incertitudes demeurent, et c'est bien légitime, sur le caractère durable de ce niveau de prix. Ce que nous pouvons dire, c'est que ces prix traduisent un déséquilibre entre l'offre et la demande sur le marché pétrolier mondial. Il ne disparaîtra pas rapidement. Il convient donc d'intégrer dans nos prévisions pour l'année (que ce soit pour les entreprises ou pour les ménages) que les prix du pétrole vont rester à un niveau plus faible qu'en 2014, sans doute au niveau actuel.
Deuxième paramètre, les taux d'intérêt. Ils ont atteint des niveaux historiquement bas, non pas qu'il n'y ait pas d'incertitudes, là aussi, sur les marchés £ non pas que des doutes aient disparu comme par enchantement Mais, en tout cas, il y a une crédibilité de la signature de la France puisqu'elle ne s'est jamais financée, pour ses obligations souveraines, à des taux aussi faibles : 0,7 % à 10 ans, c'était le taux demandé vendredi dernier. Ceci a une conséquence pour l'ensemble des crédits à l'économie. C'est en France, d'ailleurs, que les crédits à l'économie ont le plus progressé en 2014, par rapport aux autres pays européens. Mais est-ce à dire que toutes les entreprises peuvent accéder aux crédits ? Pas encore. Est-ce à dire que, pour certaines entreprises, c'est plus difficile de trouver des capitaux ? Oui, toujours. Nous devons donc faire en sorte qu'il y ait non seulement plus de crédits à des taux toujours aussi faibles - c'est le rôle des banques -, mais qu'il y ait également plus d'accès aux capitaux pour les entreprises qui veulent financer leurs investissements.
Quant à l'euro, de nombreux débats ont eu lieu en France sur son bon niveau. Mais faire un débat n'est pas prendre la décision. Je constate, aujourd'hui, que le niveau de l'euro est revenu à son cours d'il y a quinze ans. Cela a des conséquences sur la compétitivité, de même ampleur que le pacte de responsabilité et de solidarité. Ce que cette baisse de l'euro va produire, notamment pour des secteurs comme l'aéronautique, la chimie, l'agroalimentaire aura des conséquences, si nous savons les suivre, en termes d'amélioration de notre balance commerciale et donc d'augmentation de notre production et également, si nous accompagnons ce processus, en termes d'emplois.
Tous ces facteurs me confirment que le gouvernement a eu raison de fixer une prévision de croissance de l'ordre de 1 % pour l'année 2015. C'est ce qu'un certain nombre d'organismes internationaux confirmeront. Mais nous devons aussi être lucides et ne pas tout attendre d'un environnement international dont nous connaissons les fluctuations. La situation économique de l'Europe demeure encore sujette à interrogations. L'inflation a atteint des niveaux tellement faibles qu'on pense même qu'on est en dessous, c'est-à-dire qu'on a des risques de déflation. Ceci a comme conséquence de créer, de provoquer, des anticipations qui sont défavorables à l'activité. Chacun peut le comprendre. Si on pense que les prix vont encore baisser, pourquoi acheter aujourd'hui ? Pourquoi investir ? Reportons pour les mois qui viennent ! Cette attitude-là, cette anticipation-là, peut être défavorable à la croissance. Cela, c'est le premier facteur.
Ensuite, il y a des facteurs géopolitiques. Quand il y a des guerres, quand il y a le terrorisme, il peut aussi y avoir de la part d'un certain nombre de pays ou d'investisseurs, la décision de ne pas acheter autant que par le passé ou de voir affectés un certain nombre de flux d'échanges. Je suis préoccupé par les conséquences de ce qui se passe en Ukraine. Des sanctions ont été prononcées contre la Russie On voit bien que c'est toute cette région-là qui est affectée. D'où l'intérêt que j'ai porté à la résolution de la crise ukrainienne et aussi au maintien du dialogue avec la Russie, pour des raisons qui tiennent à notre agriculture. Elle a été largement affectée par ces sanctions, elle aussi. Nous devons faire en sorte que nous puissions régler les questions du continent. Lorsque nous luttons contre le terrorisme ou lorsque nous agissons pour la paix, nous agissons aussi pour l'économie, parce qu'une façon de réduire les incertitudes, c'est de faire que la France puisse être utile à la paix.
Troisième facteur, nous notons une moindre croissance de la part des pays émergents, pas de tous mais de certains, notamment la Chine. Cela a aussi des conséquences sur la demande qui est adressée à l'Europe ou qui peut l'être à notre pays. Le Premier ministre va bientôt se rendre en Chine. Il est très important que nous puissions montrer que nous sommes là, justement, quand cette économie réfléchit à son avenir, notamment pour la transition énergétique. Chaque fois qu'un membre du gouvernement, le Premier ministre ou moi-même, nous nous déplaçons dans les pays émergents, nous devons avec vous, forces économiques, forces sociales apporter ce que la France peut donner à ces pays comme contribution, comme modèle et comme référence.
Mais l'Europe, dans ce contexte, doit faire preuve de plus d'initiative. Il y a le plan Juncker, 315 milliards d'euros pour des investissements. C'est un pas très important. Nous l'avons appelé, nous n'allons pas aujourd'hui faire la moue. Nous avons donc à faire en sorte que son exécution puisse être traduite rapidement, que des investissements puissent être d'ores et déjà lancés, que des avances puissent être faites aux entreprises ou aux Etats qui pourraient se lancer dans ce type d'investissement.
Il convient également que les contributions nationales puissent être ajoutées et qu'elles ne figurent plus dans le Pacte de stabilité, pour que nous ayons un effet de levier en termes d'investissement. La Commission a commencé à nous entendre sur cette question. De la même manière, les flexibilités prévues par le Pacte de stabilité doivent être entièrement utilisées pour fixer le bon rythme de réduction des déficits publics, sans pour autant renoncer à maîtriser la dépense. Au contraire, nous aurons à faire des économies en 2015, en 2016, en 2017, sans toucher à l'essentiel de nos services publics. Cela suppose, là encore, de faire preuve d'innovation.
Enfin, la Banque centrale européenne va prendre jeudi la décision de racheter des dettes souveraines. Cela va donner des liquidités importantes à l'économie européenne et peut créer un mouvement favorable à la croissance.
Dans ce contexte, tout ne relève pas de l'Europe. N'attendons pas d'elle ce qui ne peut pas être fait à son niveau mais qui doit être engagé au nôtre.
Nous ne devons donc, en aucune façon, réduire nos efforts pour moderniser notre économie, réformer nos modes de production, réorganiser le travail dans notre pays. D'abord, nous devons faire en sorte que tout soit préservé pour l'insertion des chômeurs de longue durée et des jeunes. C'est une question très importante pour la cohésion nationale, alors les emplois aidés continueront à mobiliser notre attention malgré les difficultés budgétaires. 380 000 personnes les plus éloignées du marché du travail seront concernées en 2015.
Le contrat de génération a mis du temps pour se déployer. Il a déjà donné lieu à 2 500 accords. Beaucoup de ces accords peuvent se trouver dans les discussions de branche pour la Pacte de responsabilité. Beaucoup d'entreprises peuvent utiliser le contrat de génération à cette fin. Le système a été assoupli, notamment pour encourager l'embauche des séniors et pour que ce ne soit pas simplement du côté des jeunes, mais aussi du côté des séniors dans l'emploi ou hors de l'emploi, que nous puissions utiliser le mécanisme. Le système a été aussi assoupli pour que ce soit plus simple pour les PME, toujours plus simple ! Chaque fois que l'on peut faire simple, évitons de faire compliqué £ c'est un grand principe de l'action publique mais, hélas, trop peu traduit dans la réalité !
Il y a également les « emplois d'avenir ». 95 000 nouveaux jeunes ont été embauchés en 2014, 100 000 l'avaient été en 2013. Ils seront 65 000 à être embauchés en 2015. Ce mouvement doit continuer car il concerne les jeunes qui sont les plus éloignés du marché du travail. On y ajoutera même un nouveau dispositif, les « garanties jeunes », pour 50 000 en 2015. Ils seront 100 000 en 2017. Là, il s'agit des jeunes qui sont plus qu'éloignés du marché du travail, qui sont presqu'en séparation, en rupture. Ce sont ces jeunes que nous devons aller chercher, pour les former, les qualifier, les remettre dans l'entreprise, leur fixer des règles. Je crois que c'est encore plus important dans le moment que nous vivons.
Et puis, il y a une valeur qui est sortie plus forte encore de ces derniers jours : l'engagement. L'engagement vaut pour tous, mais l'engagement doit aussi permettre à des jeunes d'être utiles, de servir les autres. Cela s'appelle le service civique. Notre objectif, c'est d'atteindre 100 000 volontaires, le plus vite possible, et 150 000 à l'horizon 2017 avec un principe simple : tous les jeunes qui en feront la demande pourront bénéficier d'un service civique. Quand je dis « bénéficier », je me trompe de mot : « faire bénéficier » les autres de ce service civique. L'engagement doit être une grande formule, non pas simplement de circonstance, mais pour que des jeunes et même des moins jeunes il faudra élargir puissent être pleinement mobilisés pour l'intérêt général.
L'année 2014 avait été marquée par une avancée sociale majeure (toujours dans cette perspective d'emploi) avec le compte personnel de formation. Depuis le 1er janvier 2015, la portabilité des droits à formation est effective. Elle donne à tous les salariés un outil d'évaluation pour mesurer leurs compétences professionnelles tout au long de leur vie et des possibilités de se requalifier, de se remettre sur le marché du travail, lorsqu'ils en ont été écartés. Ces droits appartiennent au salarié. Le salarié pourra toujours les garder, avec les évolutions liées au changement d'emploi, comme un capital qu'il pourra l'utiliser.
En 2014, j'avais lancé l'opération « formations prioritaires pour l'emploi » : faire que les offres d'emplois non pourvues puissent l'être avec une formation apportée à des demandeurs d'emploi. 80 000 demandeurs d'emploi ont été concernés en 2014. C'est un quasi triplement par rapport à ce qui existait en 2013 et je salue tous ceux qui ont permis cette mobilisation. Il y en aura 100 000 de ces demandeurs d'emploi qui seront formés pour aller vers les offres d'emploi des entreprises qui ne sont pas pourvues.
En 2015, il y aura également une mobilisation nationale pour l'apprentissage. Cela avait été l'objet d'une concertation. Unanimement, forces économiques et forces sociales avaient considéré que l'apprentissage devait être une voie d'excellence pour beaucoup de jeunes. Les aides ont été doublées pour les TPE, puisque cela peut représenter maintenant 2 000 euros par apprenti. Une simplification est intervenue pour l'accueil des apprentis dans l'entreprise et pour leur travail. Une campagne de communication nationale va être lancée. Elle a déjà eu quelques effets : l'Etat, lui aussi, a été amené à montrer l'exemple ! Il montrait le mauvais. A lui de montrer le bon, puisqu'il n'accueillait que 700 jeunes en apprentissage jusqu'à présent. Il y en aura 10 000. Les collectivités locales seront également associées à ce processus.
Mais je veux revenir sur le dialogue social, parce que c'est la méthode que j'ai choisie pour réformer notre pays. Il peut y en avoir d'autres. Il peut être décidé de légiférer en toutes circonstances, sans concertation. Il y en a même qui propose qu'il puisse être réformé par ordonnance. Autrefois, c'était par décret que cela pouvait s'imaginer. Moi, j'ai considéré que le dialogue social était la bonne méthode, que ce n'était pas une perte de temps. C'était même le respect que l'on devait à l'ensemble des acteurs de la vie économique et sociale, dès lors qu'ils prenaient leur responsabilité.
Le dialogue social n'est pas un accord général sur tous les sujets. Le dialogue social respecte la volonté de ceux qui signent comme la position de ceux qui ne signent pas. Le dialogue social, ce n'est pas non plus, pour les partenaires sociaux, décider sans le Parlement, puisqu'il est à chaque fois saisi pour validation, dès lors que les mesures concernées entrent dans le champ législatif.
Cette méthode a fonctionné. Elle a marché. Plusieurs accords interprofessionnels ont été conclus avec des signataires parfois différents, j'en conviens : contrat de génération, sécurisation de l'emploi, formation professionnelle, qualité de vie au travail, égalité professionnelle dans la fonction publique entre les hommes et les femmes, accord sur les retraites complémentaires... Les retraites complémentaires vont être, de nouveau, dans les mains des partenaires sociaux, comme il va y avoir, de nouveau, une négociation sur la convention assurance-chômage, même s'il y a eu un accord au printemps dernier. Nous savons bien qu'il conviendra d'y revenir à l'horizon 2016. Voilà ce qu'ont été capables de faire les partenaires sociaux.
Le gouvernement a tenu aussi à les consulter de manière approfondie sur la réforme des retraites. C'est ainsi qu'a été dégagé le dossier de la pénibilité. Aujourd'hui, les choses sont claires, les droits sont ouverts pour les salariés dès le 1er janvier de cette année, avec une mise en uvre simple pour les entreprises et en particulier pour les plus petites. En 2015, pour quatre critères, en 2016 pour les autres. Ce soit être simple, parce que si ce n'est pas simple, cela ne se mettra pas en uvre, tout simplement. Les droits sont ouverts et les mécanismes seront, autant qu'il sera possible, simplifiés.
Je suis néanmoins conscient que les formes du dialogue social doivent évoluer. D'abord, la conférence sociale, elle-même. Nous en avions lancée l'idée au lendemain de l'élection présidentielle de 2012. Plutôt qu'une grande réunion, une fois par an, qui définit une feuille de route générale, mieux vaudrait fixer plusieurs rendez-vous sur des thèmes précis, avec des préparations plus longues, des échanges plus directs et des décisions plus rapides. J'en fais ici la proposition.
Le dialogue, c'est aussi de faire que notre démocratie sociale puisse être à la hauteur des attentes portées sur elle. Dans ces circonstances, où la démocratie politique a montré un sens élevé de ses devoirs et de son unité, la démocratie sociale est un élément majeur de notre cohésion nationale, d'où l'enjeu de la négociation en cours sur la modernisation du dialogue social. Elle repose forcément sur un équilibre, une organisation plus claire, plus simple, dans l'entreprise avec une instance représentative principale. Elle repose forcément sur une plus grande souplesse pour la négociation et, pour les salariés, une meilleure représentation dans les petites et moyennes entreprises et des perspectives professionnelles bien mieux garanties pour les salariés engagés dans les mandats.
Le sujet est difficile, il touche à des traditions, des représentations. Il est néanmoins majeur. C'est légitime que les discussions soient ardues et longues, plus longues que prévu. Vous avez un rendez-vous jeudi. Je pense que c'est le dernier. Un échec aurait des conséquences qui iraient bien au-delà de cette seule réforme. Comment poursuivre le dialogue social si sur son organisation même il ne serait pas possible d'aboutir à un accord ? Ne comptons pas sur le législateur pour traduire les vux des uns et des autres alors que les partenaires sociaux n'auraient pas réussi à conclure Ne demandons pas à la démocratie politique de régler ce que la démocratie sociale ne serait pas capable de faire elle-même.
En revanche, s'il se concluait, y compris dans ces circonstances, un accord serait un bel exemple non pas d'unanimité, car le dialogue social n'est pas la confusion des intérêts, mais un exemple de compromis pour moderniser le pays, pour moderniser le dialogue, pour moderniser la négociation, pour moderniser les entreprises aussi. La modernisation n'est pas qu'économique, elle est aussi sociale. Je devrais dire qu'elle est même culturelle, politique. C'est ce que nous avons à faire ensemble. La modernisation de notre économie est aussi notre priorité, il s'agit de la rendre à la fois plus performante, plus agile, plus créatrice d'emplois. Plus d'opportunités doivent être saisies, notamment avec cette révolution industrielle qui est à l'uvre sous nos yeux, avec le numérique. C'est le sens aussi de la loi croissance-activité.
Je l'ai dit cette loi, en ce moment en discussion à l'Assemblée nationale, est une loi de progrès. Chaque fois que l'on peut organiser différemment un certain nombre de secteurs, ouvrir des professions, permettre la concurrence, introduire des possibilités pour des jeunes de créer leurs propres activités, favoriser l'épargne salariale, favoriser la prise de responsabilité, oui, c'est une loi de progrès ! C'est une loi qui permet aux jeunes de retrouver confiance dans leur avenir.
J'ai évoqué l'épargne salariale parce qu'elle est venue dans la discussion au Parlement. Une façon d'assurer que les salariés et les employeurs bénéficient ensemble, je dis bien ensemble de la réussite, c'est aussi la participation et l'intéressement. Le forfait social sera donc modulé à la baisse, pour créer plus d'épargne salariale et investir davantage dans les entreprises.
Le deuxième objectif pour la modernisation de notre économie, c'est l'attractivité. Je salue la présence dans cette salle de dirigeants de 80 filiales de groupes étrangers installés en France. Ils sont ici pour la première fois. Je veux leur dire notre confiance, mais aussi saluer la confiance qu'ils accordent à notre économie. Je sais qu'il y a toujours des débats lorsqu'un investissement étranger se fait en France : est-ce que ce n'est pas une perte d'indépendance ? Pourtant beaucoup d'entreprises françaises investissent à l'étranger, et chaque fois qu'elles le font, c'est un succès que nous saluons parce que nous savons qu'il va y avoir un courant d'échanges. Chaque fois que des capitaux viennent en France créer de l'activité, créer de l'emploi - non pas délocaliser des activités, mais au contraire en créer de nouvelles - c'est un atout pour notre pays. D'ailleurs, dans la compétition mondiale chaque grande nation essaye d'accueillir des investissements étrangers. Chaque grande nation doit être, dans la mondialisation, capable d'aller s'installer dans les pays émergents pour créer un flux d'activités au bénéfice de l'emploi de notre pays.
On sait qu'il y a des relations directes entre un investissement étranger et une création d'emplois dans notre pays. De la même manière, il y a un rapport direct entre un investissement français à l'étranger et une création d'emplois, dès lors que ce n'est pas fondé sur une délocalisation simplement pour des coûts de travail plus faibles. Alors nous devons aussi changer nos méthodes et notre organisation. L'Etat l'a fait, avec une nouvelle agence, Business France, créée par la fusion de deux organismes que vous connaissez bien : l'AFII et UBIFRANCE. Cela nous donnera plus de capacités pour intervenir, pour accompagner, pour créer de l'emploi.
Le régime fiscal, de ce qu'on appelle les "impatriés", a été amélioré pour qu'il y ait de nouveaux talents qui viennent en France, sans qu'il y ait besoin que des talents français partent à l'étranger, même si cela fait aussi partie de la loi du monde. Des engagements précis ont été pris pour assurer la sécurité des investissements en France, en proscrivant la rétroactivité fiscale, c'est-à-dire en donnant de la clarté, sans remettre en cause nos règles et nos systèmes de prélèvement.
Voilà ce que nous avons fait pour que notre économie soit attractive et puisse créer davantage d'emplois. Mais il y a une règle simple que nous partageons tous, au-delà de nos différences : une économie n'est attractive que si elle est innovante, que si elle est meilleure en termes de savoir-faire, en termes de technologie, en termes d'inventions, en termes aussi de formation de ses salariés. L'innovation, c'est la clef de tout. Ici, sont présentes 86 entreprises qui ont figuré cette année dans le classement des 500 start-up en plus forte croissance au monde. Je dis bien au monde ! Pour la troisième année consécutive, c'est une entreprise française qui est en tête de ce classement international.
Il y a une fierté à la réussite de nos entreprises. Il y a une fierté, que nous avons ressentie tous, sur les valeurs de la République. Il y a une fierté à être le pays de la liberté, même si cela a des conséquences graves, même si ce n'est pas toujours compris. C'est une fierté que de pouvoir avoir les plus grands talents sur le plan culturel, d'avoir les équipements qui correspondent à notre ambition d'être un pays de rayonnement international. C'est une fierté d'avoir une langue française parlée par près de 300 millions de personnes dans le monde. C'est une fierté d'avoir une politique internationale respectée, d'avoir une armée qui nous assure aussi notre sécurité. C'est une fierté d'avoir des fonctionnaires qui assurent les services publics les plus essentiels. C'est une fierté d'avoir des entreprises qui réussissent, d'avoir des entreprises qui exportent, qui innovent, et qui sont reconnues au plan international.
La France est créative. Depuis deux ans, la « nouvelle France industrielle », celle qui apparaît à travers les 34 projets que nous avons mis en place, permet d'anticiper sur ce que sera l'industrie de demain. Il y a le projet « Usine du futur ». Je sais qu'il tient à cur de beaucoup d'entre vous. Il rassemble les fédérations de la mécanique, de l'électronique, de la robotique, du numérique. Il rassemble des entreprises de toutes tailles, PME comme ETI, et il va permettre à l'industrie française de faire son tournant du numérique.
En 2015, des projets phares vont de nouveau être présentés : le véhicule autonome sera la première expérimentation sur route au 1er septembre prochain. L'avion électrique volera au-dessus de la Manche au printemps. Les objets connectés vont être mis en place dès cette année. Nous avons aussi lancé un grand concours, en 2013, avec la Commission LAUVERGEON pour l'innovation. Il y a déjà plus de 200 projets retenus. Il y aura une deuxième vague lancée au mois de mars.
En juin, je réunirai les nouvelles Assises de l'entreprenariat consacrées à la création, à l'innovation et au financement. Parallèlement, 250 mesures de simplification ont été prises. Ce n'est pas encore assez. Chaque jour, j'ai des témoignages de la complexité pour beaucoup d'entreprises, non par rapport au droit social, non par rapport au droit environnemental, mais simplement par rapport à ce que demande l'administration Nous avons donc décidé d'aller loin, aussi loin que possible. La mission Poitrinal-Grandguillaume est en place, un secrétaire d'Etat a été dédié à cette responsabilité. Il y aura encore, dans les jours qui viennent, plusieurs mesures prises. Dans la loi Macron, il y en a aussi qui seront appliquées dès à présent.
Le numérique est aussi une condition de cette modernisation. Le numérique va bouleverser toute notre société dans les années qui viennent : le rapport au travail, les modes de consommation, de production, l'environnement Tout cela est à l'uvre. La protection des libertés et des données personnelles doit également être assurée. Le numérique va être aussi la priorité de l'Europe. En Europe, ce sont 28 pays, 28 autorités de régulation, quand aux Etats-Unis, il n'y en a qu'une Cela facilite les choses ! 28 autorités de régulation, cela empêche d'avoir un grand marché et cela permet à d'autres, à des opérateurs venant notamment des Etats-Unis, d'être présents sur notre économie, en en tirant tous les profits, sans en payer la contribution en termes d'impôts.
La grande affaire du monde en décembre 2015, ce sera la conférence sur le climat. Notre pays doit montrer l'exemple, il doit faire émerger une économie plus sobre, plus propre, moins dépendante du carbone et des énergies fossiles. Je vous le dis franchement, c'est une opportunité pour nos entreprises, pour nos ingénieurs, pour nos inventeurs, parce que nous sommes meilleurs, dans beaucoup de domaines, dans beaucoup de secteurs, notamment les technologies de l'environnement, mais également les transports, la construction, l'agriculture, la filière bois. Nous sommes meilleurs que beaucoup de pays qui pensent être en pointe sur ces questions.
Nous devons donc faire que nos objectifs soient atteints lors de la conférence sur le climat pour préparer l'économie de demain. La loi sur la transition énergétique va donner des moyens nouveaux, va permettre que des filières puissent s'organiser, notamment dans le renouvelable. Nous allons garder aussi, sur le plan du nucléaire, une perspective qui permette de moderniser nos centrales et de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité. Nous allons aussi faire en sorte qu'il puisse y avoir (j'ai évoqué la filière bois, mais il y en a bien d'autres) des technologies parmi les meilleures du monde. L'agriculture française va être, par la transition énergétique, soutenue davantage, notamment sur le plan européen. Voilà les grands enjeux qui vont mobiliser les forces vives de la Nation et l'ensemble des pouvoirs publics.
Mesdames et Messieurs,
Vous représentez la diversité de nos forces économiques et de notre représentation sociale. Vous êtes des travailleurs, des patrons, des Français. Il y a ici des étrangers aussi. Il y a des PME, il y a des entreprises de taille intermédiaire (la chance de la France), il y a des multinationales, des grands groupes qui sont aussi des leaders dans le monde Vous êtes toute la diversité de notre économie : l'économie marchande, l'économie solidaire, l'économie sociale qui occupe 10 % de nos emplois dans notre pays. Il y a ici, de l'agriculture aux transports, des services à l'industrie, tout ce qui fait la richesse, la diversité, de notre économie.
Mais un pays n'avance que s'il est rassemblé, que s'il est capable de conjuguer ses différences plutôt que d'en faire des sujets de divisions. C'est vrai que le plan économique, c'est vrai sur le plan politique. Les économies qui stagnent, les économies qui déclinent, sont en fait les économies où il n'y a plus de projet collectif, où il n'y a plus d'ambition nationale, où il n'y a plus d'idéal partagé. C'est un risque pour une économie. Il se trouve que l'économie française va connaître aussi une stimulation par la démographie. C'est pour cela que je suis attaché à la politique familiale. A l'horizon 2050, la France va être le pays le plus peuplé d'Europe, plus peuplé que l'Allemagne. Notre démographie est, si je puis dire, une contrainte aujourd'hui : il faut créer des emplois alors que la population active augmente. Mais c'est une chance. L'économie française va être stimulée par tout ce qui fait la force d'une jeunesse, la vitalité d'une population. A nous d'être au rendez-vous.
Ce qui vient de se produire dans notre pays nous crée une obligation. Une obligation de nous élever, de nous dépasser, de nous mettre, chacune et chacun, à notre meilleur niveau. Je l'ai dit, notre fierté a été de défendre les valeurs de la République. Mais notre fierté doit être aussi d'avoir une économie solide et forte, de belles, de grandes et de petites entreprises. Mercredi prochain, le Premier ministre aura aussi, avec le gouvernement, sous mon autorité, à prendre des décisions pour la sécurité de notre pays. Moi-même, je réunirai un Conseil de défense pour faire en sorte que notre armée puisse répondre aux menaces qui existent. Nous aurons également, sur l'éducation, à faire en sorte que nos enseignants puissent être accompagnés, soutenus, par rapport aux défis qu'ils rencontrent, aux tâches qu'on leur demande d'accomplir, alors que ce n'est pas toujours le rôle de l'école de donner des références aux enfants. C'est le rôle aussi des familles. Nous allons prendre des décisions.
Mais ce que nous devons toujours faire, c'est de permettre à notre économie d'être plus dynamique, qu'il y ait plus de croissance, plus d'emplois, que nous puissions lutter contre le chômage et favoriser l'intégration de tous. Ce défi-là est une responsabilité collective. Il y a ce qui relève de l'Etat, du gouvernement ici rassemblé, et puis il y a ce qui appartient aux partenaires sociaux. Il y a des intérêts différents dans cette salle, forcément. Il y a des sensibilités différentes aussi. Mais il y a une cause qui nous rassemble tous, c'est la cohésion de notre pays.
Cette cérémonie de vux prend un caractère forcément différent aujourd'hui. Mais le seul vu que je veux formuler, c'est que nous puissions nous rassembler, prendre des décisions, être à la hauteur de nos responsabilités, pour donner une force à notre pays et un sens à ce que nous faisons, pour que nos concitoyens puissent se sentir réunis dans une seule nation, une seule France, un seul peuple, qui doit être conscient que notre économie est aujourd'hui, aussi, une condition de sa cohésion. Merci.