17 novembre 2014 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la lutte contre le dérèglement climatique et les pays de la Communauté du Pacifique, à Nouméa le 17 novembre 2014.

Messieurs les présidents,
Mesdames, Messieurs les chefs de gouvernement,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs les représentants des membres de la Communauté du Pacifique,
Monsieur le directeur général,
Mesdames, Messieurs,
Je veux d'abord vous remercier vous, docteur Colin TUKUITONGA pour votre invitation. Je suis particulièrement honoré d'être le premier Président de la République française à m'exprimer ici à Nouméa, au siège de la Communauté du Pacifique. Je le fais devant les représentants des 26 Etats et territoires membres car c'est l'originalité de la communauté, de rassembler des Etats mais aussi des territoires. Ainsi, la France siège en tant que tel mais au même rang, au même niveau que les collectivités locales d'Outre-Mer qui sont ici représentées par leurs élus : la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie et Wallis et Futuna.
Votre organisation se consacre depuis la fin de la guerre, c'est-à-dire depuis 65 ans, au développement social, économique, culturel des populations du Pacifique. C'est une organisation très originale et très efficace et je veux saluer tous les personnels qui s'y dévouent. C'est une organisation qui n'a cessé d'évoluer en fonction des enjeux et aujourd'hui, Monsieur le directeur général, le premier enjeu est celui du climat et ça sera le sens de mon intervention devant vous.
Mais pour qu'une organisation soit vivante comme celle de la Communauté du Pacifique, il convient qu'elle soit capable de s'ouvrir, de s'élargir et c'est ce que vous avez fait encore récemment avec le Timor Oriental. Vous êtes aussi une organisation qui est mondialement reconnue pour son savoir-faire en matière de pêche, de développement durable et justement de lutte contre les effets du changement climatique. Je veux saluer la présence ici du directeur général du Programme régional océanien pour l'environnement qui est un partenaire de notre communauté et qui est aussi mobilisé contre les effets du changement climatique.
La France a une responsabilité particulière. Je parle d'abord du fait que la France accueille votre organisation et vous avez accepté que son siège soit ici. La France a aussi une responsabilité puisque -le ministre Laurent FABIUS a dû vous en entretenir- nous sommes pleinement mobilisés pour la réussite de la Conférence de Paris en décembre 2015. Mais la France est consciente qu'elle ne peut réussir seule ce grand rendez-vous car elle a besoin de partenaires. Je reviens du G20 de Brisbane qui était consacré pour l'essentiel à la croissance, à la réglementation fiscale, à la régulation financière. Il n'était pas prévu d'y ajouter un chapitre sur le climat et nous avons pu, grâce à l'assentiment des membres du G20, inscrire justement cette priorité de la lutte contre le réchauffement climatique comme objectif des membres du G20. Nous avons pu aussi en appeler à la contribution de tous les pays membres du G20, c'est-à-dire les plus riches de la planète, pour le Fonds vert. Mais si c'est un appui très important qui vient d'être obtenu pour la Conférence sur le climat avant même qu'à Lima il puisse y avoir la COP numéro 20, nous avons besoin de partenaires comme vous, ici, Communauté du Pacifique.
D'abord parce que vous avez une expérience - je l'ai évoqué -, parce que vous avez pu grâce à votre bilinguisme vous adresser et aux uns et aux autres, et parce que vous avez su promouvoir des politiques innovantes sur chacun de vos territoires. Je veux vous en remercier.
Je suis devant vous non pas simplement comme représentant d'un pays important de la Communauté du Pacifique, non pas simplement comme le pays hôte pour la Conférence sur le climat, non pas simplement parce que c'est le siège ici à Nouméa de votre communauté, mais je viens parce qu'il y a urgence et que nous devons réussir. C'est un appel à la mobilisation que je lance ici avec vous.
D'abord parce qu'ici, nous sommes en première ligne face aux conséquences du réchauffement climatique. Dans vos Etats, dans vos territoires, ce dérèglement a eu des effets encore plus néfastes puisqu'il menace la survie même d'un certain nombre de territoires maritimes et terrestres.
Ensuite c'est vous qui avez élaboré, c'est nous qui nous avons soutenu, pour qu'il y a 20 ans vous puissiez contribuer à ce que nous avons appelé le Protocole de Kyoto. C'est de vos idées qu'est né ce processus.
Enfin, vos Etats et territoires sont des exemples en matière de croissance durable. Je ne vais pas ici citer tout ce que vous faites mais en matière d'énergies renouvelables, il y a des territoires ici représentés qui vont assuré à 100% leur autonomie énergétique grâce à cette diversification.
Nous sommes donc à 1 an de ce grand rendez-vous. Nous devons apporter toutes les connaissances scientifiques et techniques. Après le rapport du GIEC qui est suffisamment accablant, nous devons, régions par régions et donc ici dans le Pacifique, montrer d'ores et déjà tout ce qui s'est produit depuis des années et qui est justement la résultante de l'inefficacité, de l'inaction du monde par rapport au réchauffement climatique.
Nous devons également montrer que nous sommes prêts. Prêts à avancer ensemble. La France veut montrer l'exemple et c'est ce que nous faisons à travers l'Agence française de développement pour financer un certain nombre de projets. Le programme Rescue mobilise 11 millions d'euros et ce programme est alloué à la coopération régionale en vue de la restauration des services écosystémiques et d'adaptation au changement climatique. Je veux vous annoncer ici que nous mettrons à la disposition de la Communauté du Pacifique un expert technique international de haut niveau pour piloter le programme Changements environnementaux de la Communauté du Pacifique dès le début de l'année 2015.
Nous ferons aussi en sorte de mobiliser tous les financements de l'Union européenne, de la Banque mondiale pour faire qu'en Océanie les programmes puissent être les plus innovants et les plus efficaces. Nous devons donc anticiper ici dans la zone Pacifique ce que nous voulons pour le monde, c'est-à-dire une coopération, des engagements, des obligations mais également un transfert de financements vers les pays les plus pauvres et les plus vulnérables. Et nous devons dessiner une trajectoire pour l'après carbone.
Nous avons aussi à anticiper sur le Fonds vert. J'ai évoqué tout à l'heure ce que le G20 avait pu souhaiter et poser comme objectifs. Le Fonds vert, c'est la condition pour que nous puissions avoir un accord sur le climat en décembre 2015.
Si les pays émergents, si les pays les plus pauvres, les plus fragiles ne peuvent pas être accompagnés dans leur transition énergétique, dans la mise en uvre de programmes innovants en matière d'économie de l'énergie ou en matière de développement durable, alors je vous le dis, il n'y aura pas d'accord à Paris. Nous devons donc faire en sorte que les pays qui aujourd'hui sont les plus réticents - pour de bonnes raisons, parce qu'ils craignent de ne pas pouvoir être à la hauteur des obligations qui leur seraient fixées-, nous devons donc les rassurer et en même temps les emmener.
Le Fonds vert, la France a décidé de le doter à hauteur d'1 milliard de dollars. L'Allemagne en a fait autant. Les Etats-Unis viennent d'annoncer 3 milliards de dollars. Le Japon a également pris une décision courageuse : plus d'1 milliard de dollars. Nous attendons d'autres pays mais ce mouvement doit être véritablement renforcé.
J'ai aussi la conviction que les pays qui sont les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre ou de carbone -c'est-à-dire les Etats-Unis et la Chine- sont maintenant convaincus qu'ils doivent faire un effort. C'est le sens même de l'accord qu'ils ont passé et qui n'est pas parfait, qui sur bien des points reste encore incertain, mais qui montre une prise de conscience et une mobilisation.
La France pendant 1 an va donc mobiliser toute sa diplomatie mais plus que sa diplomatie, va mobiliser toutes ses forces avec l'Europe. Europe qui a également souscrit aux obligations qui anticipent celles qui pourraient être posées à Paris et notamment la réduction d'au moins 40% d'émissions de gaz à effet de serre. Nous allons donc nous mobiliser et j'attends beaucoup de vous.
Lorsque le Secrétaire général des Nations Unies a réuni en marge de l'Assemblée générale à New York les pays membres de l'ONU pour les mobiliser, les témoignages qui ont été les plus émouvants ont été ceux des chefs de gouvernement ou des chefs d'Etats des petites îles qui ont dit tout à fait clairement les choses : que d'ici quelques décennies, une partie de leur territoire aura purement et simplement disparue, qu'une biodiversité aura été à tout jamais effacée, qu'il y aura des conséquences incalculables sur la partie qui restera de leur territoire. Ce n'est pas pour le siècle prochain, c'est dans les prochaines années et je suis convaincu qu'ici dans le Pacifique, vous avez autant de témoignages à livrer sur ce qui est en train de se produire.
Personne ne conteste aujourd'hui - sauf quelques esprits chavirés ou quelques intérêts particuliers - cette réalité. Mais, entre le constat et la décision, il peut s'écouler des années, des décennies qui peuvent être tout à fait cruciales pour le monde.
Donc pendant 1 an la France avec vous ici la Communauté du Pacifique, nous allons faire tout ce que nous pourrons à travers des conférences internationales - qui sont d'ores et déjà prévues -, à travers des événements que nous allons créer, à travers vos propres initiatives, scander toute l'année 2015 pour arriver à un accord.
L'accord est possible, il n'est pas certain. Sûrement qu'à Lima, il y a une étape qui va être franchie mais ce que nous devons obtenir à Paris ce ne sont pas de vagues promesses. Nous devons avoir un accord global qui aura des aspects contraignants qui devra être précisé pays par pays en tenant compte des niveaux de développement et avec des engagements financiers puissants à travers le Fonds vert. Nous ne sommes pas au bout. Ce que je crois c'est que les conditions de l'accord sont possibles, que cet accord devra être préfiguré assez tôt avant la conférence de Paris car je ne veux pas me retrouver dans la même situation que d'autres avant moi, à Copenhague, espérant une prise de conscience et une décision de chefs d'Etat et de gouvernement dans une nuit, une nuit qui ne pourra pas durer au-delà des heures prévues et donc je ne veux pas prendre le risque d'un échec à Paris.
Je prends donc ici l'engagement auprès de vous, de vous associer autant qu'il sera possible, de vous informer sur toutes les conditions et Laurent FABIUS ici sera celui qui sera votre interlocuteur pour vous informer de tout le processus qui nous conduira à l'accord de Paris.
Mesdames et Messieurs, jamais sans doute le monde n'a eu rendez-vous avec lui-même sur un enjeu de cette importance.
Nous cherchons à éviter les guerres £ hélas il s'en produit. Nous luttons partout pour éviter que le terrorisme puisse nous frapper £ hélas il frappe. Mais la pire des guerres ce serait celle que nous aurions nous même organisée. Une guerre contre les générations futures. Pas une guerre entre nous, une guerre qui consisterait finalement à sacrifier l'avenir pour un présent d'ailleurs lui-même hypothétique.
Voilà pourquoi nous devons réussir. Voilà pourquoi j'ai confiance dans votre organisation. Voilà pourquoi la France est très fière non seulement d'être le siège de la Communauté du Pacifique mais d'être avec la Communauté du Pacifique pour le rendez-vous de l'Histoire.
Merci.
Monsieur le Directeur général, merci de me redonner la parole. Je veux répondre au Président Anote TONG, d'abord pour lui dire combien son intervention nous a une nouvelle fois émus, même s'il s'est exprimé dans sa langue maternelle.
Je vais lui répondre sur trois points. Le premier, le G20 n'a pas marqué une rupture c'est vrai, il n'a pas changé de modèle de développement. Mais que des pays, qui ont parfois des intérêts si contradictoires, puissent se retrouver sur le même appel à la réussite de la Conférence de Paris, c'est déjà un point très important que je n'espérais même pas, même si nous faisions en sorte de faire prévaloir l'urgence d'une expression de la communauté des pays les plus puissants.
Qu'avant la conférence de Brisbane, il y ait pu avoir un accord, même si j'en ai dit les limites, entre la Chine et les Etats-Unis, les deux principaux émetteurs, c'est un signal tout à fait heureux. Il ne nous suffit pas et il y aura sûrement d'autres perspectives à ouvrir. Nous faisons des appels pour qu'il y ait plus de croissance. C'est nécessaire, compte tenu de ce qu'est le chômage dans nos pays. Mais nous ne devons pas appeler n'importe quelle croissance, nous devons favoriser une croissance qui soit elle-même économe, qui ne soit pas prédatrice, qui ne soit pas déséquilibrée, qui ne crée pas plus d'inégalités. De ce point de vue, nous n'avons pas terminé dans cet effort de conviction.
Deuxième réponse que je voulais vous apporter, dans les fonds que nous allons mettre à disposition de la communauté internationale, à travers le Fonds vert, vous demandez de veiller à ce que les priorités soient celles de la zone Pacifique et de l'Océanie. J'y suis prêt. Parce que c'est là - pas uniquement là - qu'il y a les risques les plus sérieux et les menaces les plus grandes. Nous ferons donc non seulement prévaloir sur le plan international cette priorité, mais les fonds que nous allons allouer seront prioritairement pour cette partie-là de la planète.
Troisième point que je veux souligner ici, c'est que la France est pleinement à sa place en Océanie et dans la zone Pacifique. Et vous l'avez regardé comme telle. Cela n'a pas toujours été le cas dans l'histoire. Il y a eu des périodes plus conflictuelles. Nous n'allons pas ici les rappeler. Mais aujourd'hui c'est une chance pour la France d'être aussi bien accueillie et aussi présente y compris à travers nos collectivités locales en zone Pacifique, en Océanie. La France sera aussi au service du Pacifique et de l'Océanie. C'est une chance pour l'Océanie que la France soit aussi là.
Je veux terminer sur l'enjeu tel que le Président TONG l'a dit. L'enjeu c'est la disparition ou la vie. Il faut le placer à ce niveau de réalité. Nous pouvons disparaître, l'espèce peut disparaître, pas dans les prochaines décennies, peut-être pas dans les prochains siècles, elle peut disparaître. Il ne vous a pas échappé qu'il y a quelques jours, nous avons été capables d'envoyer une sonde à 500 millions de kilomètres de la terre. Que nous avons placé un robot sur une comète pour savoir qu'elle était l'origine de la vie qui remonte à plusieurs milliards d'années. Nous serons donc capables dans quelques mois, grâce à cette expérience scientifique exceptionnelle de connaître l'origine ou de mieux connaître l'origine de la vie. C'est très important. Mais ce qui est encore plus important, c'est de pouvoir savoir où nous voulons que la vie puisse aller, se prolonger. Donc, l'enjeu c'est la vie sur la planète pour les prochaines décennies. C'est pourquoi c'est si important de réussir la Conférence sur le climat et que c'est une partie d'un combat qui devra être mené encore et encore. Mais peut-être que c'est ici en Océanie que vous êtes les plus conscients des risques et des chances. Vous avez parlé de lumière, je pense que la lumière vient de l'Océanie.
Merci.