22 octobre 2014 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les efforts en faveur de l'économie numérique, à Paris le 22 octobre 2014.

Cher Xavier NIEL,
Merci de nous accueillir ici dans cette halle qui n'est pas encore chauffée comme il convient, mais que vous allez remplir. D'abord remplir de votre passion pour l'entreprise, pour l'innovation, pour la culture. Je veux saluer ici les ministres qui sont présentes et qui donnent bien la dimension de ce que nous voulons faire, ensemble £ Ministre de la culture, ministre de la recherche, ministre du numérique.
Je veux remercier la ville de Paris, et son maire Anne HIDALGO, ainsi que ses adjoints qui ont participé à cette initiative, qui l'ont encouragée et qui l'ont même accélérée dans les procédures administratives.
Je veux saluer Jean-Paul HUCHON, le Président de la Région, et toutes celles et tous ceux qui ont à un moment eut l'idée et qui ont accompagné Xavier NIEL dans cette aventure.
Nous sommes dans cette Halle FREYSSINET qui est promise à être le lieu des start-up de demain. En 2016, il y en aura 1.000 avec 3.000 emplois au moins, qui occuperont cet espace.
Ce lieu est pour moi chargé de souvenirs, car j'y ai lancé la première start-up avant même que vous en ayez eu l'idée, et elle m'a conduit là où je suis. Ce lieu est également symbolique parce que nous n'allons pas déposer une première pierre, comme nous pouvons le faire d'habitude dans l'histoire de la République, mais une première brique à trois dimensions, ce qui marquera une rupture dans les protocoles de la République.
Cette cérémonie est surtout une confirmation, celle qu'une révolution technologique est à l'uvre et que c'est à Paris et en France, qu'elle va pouvoir connaître ses premiers résultats. Le lieu n'est pas anodin lui-même parce qu'il représente aussi par son histoire une révolution industrielle. Celle de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, du chemin de fer et des ouvrages d'art. Cette halle porte le nom d'un grand inventeur, Eugène FREYSSINET. Il était né en Corrèze au début de la troisième République, et ensuite il fut un grand inventeur. Un inventeur passionné puisqu'au début du XXe siècle, il a conçu aussi bien le vérin plat, dont vous voyez quelques illustrations, et le béton précontraint. Grâce au béton précontraint, il a pu réaliser des ouvrages particulièrement remarquables dont la France a été pour l'essentiel bénéficiaire, que ce soit la gare maritime du Havre, la basilique souterraine de Lourdes ou bien plus tard, quand son entreprise a connu une évolution et qu'il n'était plus de ce monde, c'est VINCI, qui avait donc racheté FREYSSINET, qui a pu faire le viaduc de Millau avec les inventions de celui qui a donné son nom à cette halle.
Donc vous vous inscrivez dans cette histoire-là, dans l'histoire de la France industrielle, qui a été capable d'inventer des monuments pour saluer une première révolution technologique, et vous allez donner la suite, une autre révolution, celle du numérique et au-delà, de l'industrie née de la rencontre de la science et de l'imagination humaine.
La halle va devenir donc ici, le lieu, un des lieux qui fera de Paris, j'en suis sûr, une des capitales du numérique dans le monde. Elle en a tous les atouts, parce qu'elle est déjà cette capitale de la nouvelle économie. Paris est en première position devant Londres, et San Francisco sur la base des critères de l'innovation et du capital intellectuel. Paris est le troisième site au monde pour accueillir les grands sièges sociaux des groupes industriels du monde. Paris est la première ville d'Europe, pour les incubateurs d'entreprises, d'ores et déjà avec déjà plus de 100.000m2 qui sont dédiés à cette ambition. Paris est aussi la ville préférée des étudiants étrangers, notamment dans un grand nombre de domaines scientifiques.
Voilà pourquoi ce que vous allez apporter est une continuité, une amplification, une accélération de ce que Paris peut déjà offrir. Ce mouvement, il est inscrit dans toutes les grandes entreprises qui ont vocation à s'intéresser au numérique et au développement des start-up, et je note que beaucoup d'entreprises françaises en ont déjà conçu la nécessité avec vous. Le Crédit Agricole vient par exemple d'inaugurer une première pépinière d'une centaine de start-up, près de l'Elysée. Orange s'est engagée dans cette voie avec Orange Fab. En 2013, Aéroports de Paris, les Galeries Lafayette, la ville de Paris ont créé à Saint-Germain-des-Prés « Welcome City Lab », dans le domaine du tourisme. J'ai compris qu'il y avait ici certains de ses représentants, et je ne sais pas ce que mon propos va générer comme mouvement. Il y a dix jours, Peugeot a pris 20% de Wedrive, une start-up justement spécialisée dans covoiturage. Et tout le monde connaît Blablacar, Critéo, Withings, bref voilà ce qu'est la France, voilà ce qu'est Paris. Voilà ce que nous sommes capables de faire, et que nous ne disons pas suffisamment.
Nous n'avons pas simplement une prétention, c'est ce que souvent nous regardons dans la France, mais nous avons déjà une vocation, d'être les premiers, d'être les meilleurs, et notamment dans cette nouvelle économie. Je prendrais trois nouveaux exemples, dont deux simplement tirés de la leçon de ces dernières semaines.
Jean-François BOUDIER, cofondateur de Stupeflix, une start-up de création de vidéos en ligne, a participé hier à la conférence d'Apple aux côtés de Tim COOK.
Stereolabs, a eu grâce à sa technologie le prix du logiciel de l'année aux 3D Technology Awards, qui récompensaient des géants comme Dolby ou Disney. Au salon de Las Vegas, 30% des start-up exposantes seront françaises. Rien que pour ces dernières semaines, voilà les résultats que des entreprises ont été capables de réaliser.
Le « French Tech Hub » que j'ai eu le plaisir d'inaugurer à San Francisco est en train de se développer partout aux Etats-Unis et ailleurs.
Quel est le rôle de l'Etat ? Ce n'est pas simplement de vanter, c'est déjà beaucoup, quelques fois de revendiquer, c'est déjà trop. Le rôle de l'Etat, c'est d'accompagner le mouvement et de permettre que plus de start-up, plus de jeunes entreprises puissent éclore et se développer. Comment faire ? En soutenant d'abord les jeunes entreprises, c'est le statut de la jeune entreprise innovante, c'est le crédit impôt recherche, dont je rappelle autant de fois qu'il sera nécessaire, qu'il sera préservé, sanctuarisé dans toutes ses dimensions, dans tous ses critères jusqu'à la fin du quinquennat. C'est de créer un écosystème en matière de financement de l'innovation, c'est d'engager un programme des investissements d'avenir pour le développement des start-up à hauteur de plus de 200 millions d'euros.
C'est également le rôle de l'Etat, que d'investir dans les infrastructures nécessaires, pour que le numérique puisse se développer, le très haut débit en lien avec la Caisse des dépôts. C'est également le rôle de l'Etat d'être exemplaire pour l'éducation de nos enfants. J'ai annoncé, et nous y travaillons un plan numérique à l'école, nous devons faire en sorte que chaque jeune enfant puisse disposer au plus tôt de toutes les connaissances, de toutes les formations, de tous les accompagnements, pour être un acteur, pour être un citoyen, pour être demain éventuellement un développeur.
Cette ambition se traduira par l'enseignement du codage dès l'école, par la mise à disposition dans les établissements des outils indispensables pour faire du numérique, et également par une révision des programmes, et par de nouveaux diplômes qui devront être reconnus. Ce sera l'objet donc du plan numérique à l'école.
J'ai réuni dimanche dernier le Conseil stratégique de l'Attractivité, c'est-à-dire des investisseurs étrangers qui veulent en faire davantage encore en France £ qui ne demandent pas de qualificatif bienveillant à l'égard de notre pays et qui s'interrogent souvent : pourquoi ne le disons pas suffisamment, que notre pays est fort, qu'il est innovant, qu'il est non seulement beau, mais capable de produire des industries d'avenir ? Alors, ils ne nous demandent pas de les en convaincre, ils nous demandent de nous en convaincre. Et c'est à travers une initiative comme la vôtre que je pense que nous pouvons être les meilleurs ambassadeurs de la France.
Il faut que la France s'aime davantage si elle veut attirer les autres. Pour être aimé, il faut être aimable et il faut s'aimer soi-même. Ce sont des conditions impérieuses pour la réussite. Et nous avons toutes les raisons d'être fiers de nous-mêmes.
Vous le rappeliez, Mme la Maire de Paris, la semaine qui est celle que nous connaissons est une semaine qui va être ponctuée d'évènements considérables pour la culture.
Nous étions lundi pour la Fondation LVMH et son bâtiment extraordinaire au Bois de Boulogne. Il y a la FIAC qui ouvre ses portes au Grand Palais et qui fait la démonstration que Paris est une grande capitale des arts. Il y a le Musée PICASSO, qui va rouvrir avec une collection exceptionnelle. D'abord la collection de l'artiste lui-même, qui aimait beaucoup ses uvres mais aussi celles des autres. Et qui là aussi, montre que nous avons été une grande capitale du XXème siècle et que nous serons une grande capitale du XXIème siècle.
La Halle FREYSSINET fait donc cette démonstration, accueillir 1000 startup, sans d'ailleurs les prendre aux autres. Faire en sorte que des vocations naissent, que des prétentions s'affirment, que des initiatives puissent se multiplier pour accueillir autant qu'il sera possible ces start-up.
Le projet de la Halle FREYSSINET, cher Xavier NIEL, est né de votre constat. C'est que l'on ne crée plus une entreprise comme on la créait hier. Il faut multiplier les offres, il faut créer ce qui n'existe nulle part ailleurs, c'est ce que vous allez faire.
La force de la nouvelle économie, c'est de s'appuyer sur des réseaux. Ici, ce sera un réseau, ce sera une communauté, où il y aura à la fois des incubateurs, il y aura des créateurs, il y aura des opérateurs publics, la Caisse des Dépôts, la Poste, la Banque Publique d'Investissement, pour permettre que ces nouvelles entreprises puissent trouver de nouveaux financements. Il y aura ce mélange, ce partage, qui feront que tous ceux qui seront ici, auront plus de chance qu'ailleurs de réussir.
La Halle, ce sera 30 000 m2, offerts justement pour que se développe ce qui n'existe nulle part.
L'enjeu, c'est le rassemblement des talents, c'est que l'on puisse trouver ici le mieux de la recherche technologique, mais aussi du design, du marketing, de la vente, de l'enseignement, bref tout ce qui va faire qu'il y aura synergie. C'est la valeur qui va être créée par la Halle.
La Communauté va justifier la production de valeur.
La Halle FREYSSINET, c'est aussi un appel à la jeunesse qui est ici présente. Celle qui veut que le monde tourne plus vite. Ce qui n'est pas facile, beaucoup s'y sont essayés avant vous. Le monde qui peut investir davantage, que l'on doit partager davantage, où il est possible de créer, où il est possible de produire, où il est possible de construire, où il est possible de rêver.
Ici, nous sommes dans ce que l'on appelle un monument classé historique. C'est la catégorie de bâtiment qui généralement rend les choses plus complexes pour y investir. Et ce monument historique, classé, va devenir un monument d'avenir. Peut-être faudra-t-il songer dans les années qui viennent à classer aussi les monuments par rapport à ce qu'ils peuvent donner pour l'avenir. Que ce ne soit pas simplement la conservation, mais l'innovation. Que l'on puisse labéliser des monuments d'avenir. La Halle FREYSSINET, c'est un monument d'avenir.
Mesdames et Messieurs,
Grâce à vous Xavier NIEL, grâce à vous tous, il y a une chance de plus en France que la révolution technologique puisse réussir.
La révolution technologique, c'est effectivement un défi, cela peut justifier des peurs, mais c'est aussi un mouvement qui va être extrêmement profitable pour les emplois de demain.
La révolution technologique va d'abord modifier le rapport au travail. Chacun pourra être maitre de son temps, de sa production et du lieu où il effectuera ce qu'il considère comme son activité.
La révolution technologique, elle va aussi bouleverser le rapport à la consommation, avec l'usage que l'on peut faire des objets. Et avec même un changement de la propriété. C'est-à-dire que le partage va devenir un moyen d'utiliser des objets. Avant un objet, c'était ce que l'on possédait, demain un objet sera ce que l'on pourra partager, utiliser ensemble pour en utiliser davantage.
La révolution technologique, elle va changer aussi le rapport au capital. Jusqu'à présent et cela reste encore vrai, cela restera longtemps vrai, le rapport au capital, c'est un rapport financier. Il faut obtenir des ressources pour les faire fructifier. Mais il y a un autre capital qui est en train aussi d'apparaitre, qui est le capital social, le capital humain qui est le réseau.
Etre dans un réseau, c'est être déjà doté d'un capital et c'est ce que vous allez offrir à beaucoup d'incubateurs. C'est ce que l'on appelle l'économie collaborative, qui se met en place et la Halle FREYSSINET en sera un modèle.
Voilà ce que je voulais dire aussi aux jeunes, à ces entrepreneurs, à ceux qui attendront deux ans, deux ans c'est long. Xavier, faites en sorte, Jean-Michel WILMOTTE, que cela aille beaucoup plus vite. Je vous fais confiance. Dès lors que la Mairie de Paris vous donnera toutes les autorisations. Et que les rues pourront déjà être ouvertes avant même que le bâtiment ne soit fini.
Mais je veux dire à tous ces entrepreneurs qui s'installent ici qu'ils doivent garder non seulement le souvenir de FREYSSINET, mais les mots qu'il utilisait, qui sont d'une grande modernité. FREYSSINET, inventeur, ingénieur, Corrézien, -mais enfin ce n'est pas toujours compatible, mais cela peut aussi se concilier-, avait cette formule qui était une formule d'ingénieur, mais aussi d'homme volontaire. Il disait : « Il faut imposer à la matière les formes nées de l'imagination. Ce qui compte, c'est l'imagination, pas la matière ». Et, disait-il, pour lui, « Face à un besoin impérieux, modifier la matière, lui imposer ses formes, procure une joie considérable ». C'était un mathématicien mais qui avait une conception qui pourra surprendre des mathématiques. Il disait : « Quand j'ai une intuition, je la vérifie par la calcul. Quand le calcul ne confirme pas mon intuition, je ne refais pas le calcul, je refais mon intuition et cela tombe juste à la fin ». Et bien c'est ce que nous faisons. Nous avons des intuitions, nous faisons des calculs et cela doit tomber juste à la fin.
Merci Xavier NIEL, d'avoir trouvé cette fin.