8 octobre 2014 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Hollande, Président de la République, sur la politique économique en France et dans l'Union européenne, à Milan le 8 octobre 2014.

Merci Matteo pour ce sommet sur l'emploi. C'est le troisième. Le premier s'était tenu à l'initiative d'Angela MERKEL à Berlin et le second à Paris. Nous avons pu approfondir les décisions que nous avions prises pour l'emploi des jeunes. Mais cette réunion a été aussi l'occasion de revenir sur la question de la croissance en Europe.
Comme l'a dit le Président de la Commission, depuis deux ans, l'Europe a été capable de retrouver de la stabilité. La meilleure preuve est que sur les marchés les taux d'intérêt sont à un niveau très bas, presque les plus bas de notre histoire. En plus, les écarts de taux d'intérêt sur les dettes souveraines des différents pays se sont réduits. Cela nous le devons à l'action qui a été menée depuis deux ans au niveau de l'Europe et, particulièrement, de la zone euro.
Mais nous avons un problème de croissance. La reprise a été trop faible, même si elle est inégale entre les pays. Elle a été trop faible pour permettre une baisse significative du chômage. Dans beaucoup de pays, le chômage, notamment celui des jeunes, reste à un niveau inacceptable.
A partir de là, deux conclusions peuvent être tirées. La première, c'est que chaque pays doit faire des efforts pour retrouver des niveaux de compétitivité et créer des emplois. C'est ce que l'on appelle les « réformes structurelles » - des réformes pour permettre qu'il y ait plus d'emplois créés et plus de possibilité d'avoir un niveau de croissance et de compétitivité élevé.
L'Italie comme d'autres pays fait ce choix. Certains l'avaient fait il y a déjà plusieurs années. D'autres sont, comme la France, conduits depuis plusieurs mois à engager ces réformes : baisse du coût du travail (c'est en France ce que l'on appelle le pacte de responsabilité), modernisation du marché du travail, réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage qui doit devenir une vraie voie vers l'emploi et vers de nouveau métiers En même temps, nous devons faire en sorte que nous puissions avoir une innovation créatrice de croissance. Cela, ce sont les politiques structurelles.
Mais, aussi déterminés que soient les pays européens qui s'engagent dans ces politiques, ils ne pourront pas aboutir à des résultats significatifs, s'il n'y a pas aussi un environnement européen favorable. Cela relève de ce que la nouvelle Commission peut faire notamment les annonces prononcées par le Président JUNCKER pour ce plan d'investissements.
Mais avant d'en arriver là, nous avons à mener les programmes qui ont déjà été lancés, notamment pour l'emploi des jeunes. 6 milliards d'euros ont été dégagés pour 2014-2015. Nous constatons que si certains pays, l'Italie, la France et d'autres ont eu accès à ces fonds-là, d'autres n'ont pas pu ou n'ont pas su attirer les fonds pour l'emploi des jeunes, alors même que le chômage est élevé.
Nous devons avant de parler de nouveaux financements même si je souhaite qu'il puisse y en avoir davantage à l'horizon 2020, j'ai parlé de 20 milliards il faut que les fonds dégagés soient consommés. Ce qui nous a amenés je remercie les ministres du Travail qui ont été à l'initiative à demander et à obtenir une simplification des procédures, un raccourcissement des délais, de manière à ce que nous puissions faire plus vite, et faire mieux pour l'emploi des jeunes.
Deuxième décision : favoriser le préfinancement de ces programmes, de manière à ce qu'ils puissent se mettre en place dans chaque pays, plus facilement et plus rapidement.
Troisièmement : amplifier les mécanismes et faire en sorte que nous puissions utiliser les formules de prêt de la Banque européenne d'investissement c'est vrai que la recapitalisation de cette banque, cela avait été une des premières décisions prises en juin 2012 puissent être maintenant mobilisées pour l'emploi des jeunes.
Je termine, il y a trois engagements que nous devons prendre vis-à-vis des jeunes, notamment dans le cadre du programme d'investissements des 300 milliards.
D'abord, créer davantage de centres d'apprentissage, de centres de formation, de centres pour la deuxième chance, la troisième chance, pour les jeunes qui peuvent être les plus en difficultés.
Deuxième engagement : lancer un grand plan numérique à l'échelle de l'Europe, parce que cela va être un enjeu majeur de compétitivité et d'emploi pour les jeunes. Il faut que nous puissions créer avec le numérique une façon à requalifier les jeunes, de sorte qu'ils soient mieux orientés.
Troisièmement : développer pour la création d'entreprises à l'initiative des jeunes toute une palette de crédits ou de micro-crédits. C'est la raison pour laquelle, nous devons considérer le programme pour l'emploi des jeunes, comme l'un des programmes pour le soutien de la croissance en Europe.
Je termine en disant que c'est le grand enjeu de l'Europe. Si elle n'est pas capable d'offrir un espoir à la génération qui vient, les peuples se détourneront de l'Europe. On voit le risque, on voit le danger. L'Europe doit de nouveau être une chance pour la jeunesse.
JOURNALISTE
Bonsoir, la France présente la semaine prochaine son budget 2015 à la Commission. Il y a un risque que ce budget soit retoqué. Est-ce que vous avez eu l'occasion d'en parler avec M. BARROSO ? Comment vous comptez convaincre la Commission ? Et puis, vous parliez à l'instant de réformes structurelles, est-ce que vous envisagez en France de toucher à l'universalité des allocations familiales et au mode d'indemnisation des chômeurs ? On a l'impression qu'il y a, avec Manuel VALLS, des versions un peu différentes. Est-ce que vous pourriez préciser les choses sur ce point ? Merci.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
D'abord, ici, nous avons parlé d'emplois, de croissance, pas de budget. Même si les budgets peuvent avoir un effet sur la croissance. Cela viendra, nous avons des réunions qui sont prévues à cette fin, notamment à la fin du mois d'octobre et plus tard, au mois de décembre.
La France fait en sorte de respecter ses engagements et d'utiliser toutes les flexibilités qui sont prévues. La preuve, c'est que nous allons faire 21 milliards d'économie dans le budget pour 2015. Nous allons affecter une partie de ces sommes, c'est vrai, au plan de soutien pour les entreprises, notamment la baisse du coût du travail qui est la réforme structurelle la plus efficace.
Pour ce qui concerne d'autres réformes, nous sommes à la veille d'une rencontre qui va être très importante entre les partenaires sociaux, sur la modernisation du dialogue social, sur les seuils qui parfois peuvent entraver la création d'emplois et, d'une manière générale, sur tout ce qui peux faciliter l'emploi, et notamment l'emploi des jeunes.
Parallèlement au pacte de responsabilité, il y a des discussions qui s'engagent entre les entreprises et les syndicats pour précisément favoriser l'emploi des jeunes. Par rapport à ces réformes, le nouveau ministre de l'Economie, M. MACRON, va porter prochainement un projet de loi. Après que les partenaires sociaux aient conclu la discussion, nous devons envisager de poursuivre les réformes structurelles.
La modulation des allocations familiales n'est pas une réforme structurelle. C'est simplement une technique pour faire des économies. C'est un principe pour l'instant en discussion qui n'a pas été retenu.
Sur l'indemnisation du chômage, une convention vient d'être signée en 2014. Une autre est prévue en 2016. Une rencontre est organisée entre les partenaires sociaux et Pôle Emploi pour que nous puissions améliorer encore le soutien, l'accompagnement pour aller vers l'emploi. La seule réforme pour moi qui compte, c'est celle qui peut apporter plus d'emploi.
JOURNALISTE :
M. le Président, puisque vous avez présenté vos réformes en France : est-ce que le « Jobs Act » italien peut servir de source d'inspiration ? Est-ce que cela peut être un modèle, un exemple à suivre ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Sur la coordination des politiques, il y a des pays qui sont dans une situation qui leur permettent de faire un soutien de la demande intérieure. Des réformes structurelles avaient été engagées, il y a déjà plusieurs années, en Allemagne. En France, pendant toute une période, il n'y avait eu que des déficits et pas de réformes structurelles. Cela nous amène à faire des choix dans un contexte plus difficile, puisqu'il faut faire, à la fois, la réduction des déficits et des réformes structurelles. Nous regardons, si c'est cela la question, avec beaucoup d'intérêt ce que fait l'Italie comme l'Italie regarde ce que fait la France avec beaucoup d'affection.