30 août 2014 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Hollande, Président de la République, sur les institutions communautaires, la situation en Ukraine, en Irak et en Syrie et sur la politique économique au niveau européen, à Bruxelles le 30 août 2014.

Le Sommet européen de ce soir devait investir deux personnalités pour, l'une conduire la politique étrangère de l'Union européenne, l'autre présider le Conseil européen. Et ce fut sans doute la décision la plus rapide que l'on puisse imaginer, puisque le débat a été réduit à quelques minutes tant il avait été préparé en amont.
C'était d'autant plus nécessaire que le Conseil européen se tenait dans un contexte international particulièrement lourd, avec ce qui se passe en Ukraine mais aussi en Syrie, en Irak et ce qui s'est produit à Gaza pendant plusieurs semaines. Il était aussi important de montrer que toute l'attention du Conseil devait être portée sur la situation économique et les rendez-vous qui doivent être fixés pour la traiter au mieux, dans l'intérêt des peuples et de l'Europe elle-même.
Sur les désignations, depuis plusieurs jours pour ne pas dire plusieurs semaines, il y a eu bon nombre de consultations. J'avais souhaité qu'une démarche consensuelle puisse être trouvée pour la présidence du Conseil européen.
Pour la fonction de Haut représentant, nous étions plusieurs pays à poser comme condition que, dès lors que la présidence de la Commission était exercée par Jean-Claude JUNCKER, qui est un ami mais qui est membre du PPE, c'était à un socialiste d'occuper la fonction de Haut représentant. Ce matin encore, je réunissais les dirigeants sociaux-démocrates d'Europe sur la situation économique, sur l'Ukraine à l'évidence mais également sur la question des désignations. Et nous avions convenu de soutenir madame MOGHERINI.
Pour la présidence du Conseil européen, cette démarche de consensus ne pouvait donc pas être une affaire partisane, il s'agissait de choisir une personnalité pouvant rassembler et pouvant incarner. Rassembler au-delà de son propre parti ou de sa propre famille politique, rassembler au-delà de la géographie, rassembler aussi pour incarner, incarner l'Europe dans toutes ses dimensions, incarner l'Europe dans l'expression de ses valeurs, incarner l'Europe dans ses exigences politiques. Plusieurs personnalités pouvaient correspondre à ce profil, et c'est sur Donald TUSK que le consensus s'est fait. Pourquoi ? Parce que d'abord il a l'expérience, il est chef de son gouvernement depuis 7 ans. Ensuite parce qu'il a une histoire qui est celle de Solidarnosc, également parce qu'il représente un grand pays, la Pologne, avec laquelle la France a des rapports depuis longtemps historiques, humains. Et puis enfin parce que dans ce contexte, il y avait le souci d'équilibrer la géographie de la représentation européenne.
Le président de la Commission est luxembourgeois, la Haute représentante est italienne, le président de la Banque centrale européenne est italien, il y avait donc la volonté de mettre à la tête du Conseil européen un pays qui est entré depuis peu dans l'Union, il y a 10 ans, et qui par son histoire incarne l'élargissement, mais un élargissement qui n'est pas simplement une extension, un élargissement des valeurs de l'Europe, et la Pologne les représente tout particulièrement. Voilà pourquoi, il a été finalement assez facile après la tentative du mois de juillet de choisir les deux personnalités qui vont incarner l'Union européenne avec le président de la Commission, pour les prochaines années.
L'essentiel donc du débat s'est porté sur l'Ukraine, pourquoi ? Parce qu'il y a une tension encore plus forte qu'il y a quelques jours ou quelques semaines. Nous avons reçu le président POROCHENKO et son témoignage a été utile. Tout laisse à penser que non seulement la Russie aide les séparatistes, ce qui n'est pas nouveau, mais que des matériels ont été fournis, importants, sophistiqués et qu'il y a sans doute même si les éléments de preuve ne sont pas encore réunis mais la présence (disons) de conseillers, pour ne pas dire plus, russes auprès des séparatistes.
En conséquence, il y a une escalade et il doit y avoir une réponse européenne appropriée. Cette réponse c'est à la fois la fermeté et le dialogue, et c'est ce que la France d'ailleurs a toujours fait depuis le début de cette crise. La fermeté, ce sont les sanctions qui non seulement doivent être prononcées, elles l'ont été, mais appliquées pleinement, durablement, en tout cas autant qu'il sera nécessaire. Ensuite, ces sanctions peuvent être augmentées, il a été demandé à la Commission européenne comme à madame ASHTON d'y travailler et de pouvoir donner une réponse dans la semaine, de façon à ce que les 28 puissent se prononcer. C'est la fermeté. Mais il y a le dialogue toujours possible, puisque lundi il y aura la réunion du groupe de contacts. Il s'est déjà passé des éléments intéressants à Minsk, le président POROCHENKO a vu le président POUTINE, et moi-même je me suis entretenu avec le président russe. Donc le dialogue est toujours possible, mais faut-il encore qu'il y ait une base pour le dialogue et, surtout, qu'il y ait une conclusion. C'est pourquoi, il ne doit pas y avoir de perte de temps. Il ne peut pas y avoir une suspension de ce dialogue ou un report au prétexte qu'il y a un voyage qui est effectué par le président russe, alors même qu'il y a des morts en ce moment même en Ukraine et qu'il peut y en avoir encore beaucoup d'autres dans les prochains jours.
Les sanctions, ce n'est pas fait pour punir, c'est fait pour empêcher, prévenir et ramener les Russes, les autorités russes vers le dialogue. Vous savez qu'on parle d'un format Normandie depuis le 6 juin, ce format est toujours possible et je l'ai moi-même indiqué à Vladimir POUTINE. Et ce format ne peut valoir que s'il y a une issue à la discussion et à la négociation. Il y a des risques encore majeurs d'escalade, nous sommes arrivés déjà à un point particulièrement dangereux et qui doit être le point ultime. Au-delà c'est quoi ? C'est l'enchaînement des opérations militaires, c'est le déchaînement des forces armées, c'est une provocation qui en entraîne une autre et c'est un débordement qu'il sera de plus en plus difficile à contenir.
Cette crise, n'est pas simplement pour l'Est de l'Europe, elle est pour le monde quand il s'agit de l'Europe, de ses frontières et d'un grand pays comme la Russie. Il y a eu une longue discussion parce qu'il y a toujours la même question : est-ce que les sanctions sont utiles, efficaces, est-ce qu'elles ont une portée ? Mais ce n'est pas ainsi qu'il convient de poser simplement le sujet. S'il n'y a pas de sanction, que se passe-t-il ? Ce sont les opérations militaires qui devront être menées, qui l'imagine ? Et s'il ne se passe rien, s'il n'est rien décidé, alors cela voudrait dire qu'en toute impunité un pays peut voir son intégrité territoriale mise en cause, son unité être gravement atteinte et qu'en marge de l'Europe, avec un pays qui est maintenant associé à l'Europe, il y ait des opérations de guerre qui y soient menées ? Donc la voie, la solution et j'ai défendu cette position au Conseil européen, d'ailleurs en plein accord avec Angela MERKEL et d'autres c'est d'aller vers les sanctions.
L'autre sujet a été, toujours sur le plan international, l'Irak, la Syrie et la coordination des efforts pour venir en aide aux populations qui sont menacées et pour aussi combattre l'Etat islamique. Vous savez que la France a fait une proposition, a pris une initiative : la conférence qui pourrait se tenir, qui se tiendra sur l'Irak et sur la lutte contre l'Etat islamique. L'Union européenne, le Conseil européen a approuvé cette démarche et cette initiative. De la même manière, il a été jugé indispensable de poursuivre l'aide humanitaire et de laisser les pays qui le veulent et qui le peuvent, fournir des armes à des Etats, en l'occurrence l'Irak ou à des groupes qui luttent contre l'Etat islamique. Donc là-dessus, unanimité du Conseil et volonté de prendre en considération une menace qui va bien au-delà de la région concernée, avec notamment ces combattants qui partent de pays les nôtres et qui ensuite se livrent à des exactions, à des actes de barbarie et peuvent revenir en commettre d'autres sur notre propre territoire.
Nous avons aussi parlé de la Libye. J'avais à la Conférence des ambassadeurs souhaité que les Nations Unies puissent être saisies de l'appel qui avait été lancé par le Parlement libyen, le seul légitime pour que la communauté internationale prenne ses responsabilités en Libye. Sous quelle forme ? D'abord aider à la reconstitution de l'Etat libyen et lutter aussi contre les groupes terroristes qui déstabilisent ce pays. Mais pas simplement la Libye, l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest et même de l'Afrique centrale, car il y a des liens entre tous les groupes terroristes, et notamment Boko Haram avec les terroristes qui se situent au Sud de la Libye.
Il y a aussi le dossier Ebola qui a été traité par le Conseil européen pour aider les pays là encore, pour faire en sorte qu'ils puissent faire face à cette épidémie. Leur économie est très endommagée par les obligations qui leur sont faites de protéger les populations et d'empêcher un certain nombre d'échanges. Nous souhaitons qu'il puisse y avoir toujours la possibilité pour ces pays, bien sûr de lutter contre la maladie, contre sa propagation mais de pouvoir encore vivre avec une économie ouverte, et c'est toute la difficulté. Nous avons donc fait en sorte aussi de protéger les ressortissants européens et d'avoir, autant qu'il est nécessaire, les veilles indispensables.
Voilà les sujets que nous avons abordés sur le plan international, mais il y en a un autre qui appelle aussi notre préoccupation, c'est la faible croissance en Europe, la très basse inflation et le très haut chômage. Ce constat, il est incontestable, il est hélas général. Et même si certains pays sont en récession, peu mais il y en a, on a vu au second trimestre que d'autres font à peine 1 ou 1,5 % de croissance, la moyenne est autour de 0,5, comme ce que nous avons pu constater en France pour le second trimestre et partout, l'inflation a atteint un point bas historique. Donc il y a bien un problème européen que l'on pourrait caractériser par une insuffisante demande. Il ne s'agit pas de nier les efforts que chaque pays doit engager, notamment de réformes pour améliorer la compétitivité, c'est ce que je fais en France avec le gouvernement, ou de maîtrise de nos comptes publics. Mais autant il y a des problèmes d'offre qu'il faut traiter à l'échelle nationale, autant à l'échelle européenne c'est un problème de demande.
Pour pouvoir prendre les bonnes décisions, il y aura trois grandes rencontres qui vont avoir lieu. La première au début du mois d'octobre en Italie, à la demande de Matteo RENZI qui assure aujourd'hui la présidence de l'Union européenne, la présidence tournante. Il y aura un Sommet pour l'emploi, et donc la croissance où nous ferons le constat de ce qui a déjà été prévu, pour l'emploi des jeunes notamment, ou pour l'utilisation des fonds structurels et de ce que nous avons encore à faire. Ce sera aussi l'occasion d'apprécier la conjoncture économique et les premières décisions de la Banque centrale européenne qui sont prévues pour le mois de septembre.
Il y aura une seconde étape à la fin du mois d'octobre, d'abord un Conseil européen, le 23 donc, puis un Conseil de la zone euro, c'est ce que j'avais demandé pour élaborer une stratégie et demander à la Commission, la nouvelle, de préparer ses propositions. Elles pourraient être présentées dans un Conseil européen du mois de novembre, Jean-Claude JUNCKER pouvant à ce moment-là étayer le plan d'investissement de 300 milliards d'euros qu'il a évoqué devant le Parlement européen, à la fois le contenu de ce plan, le calendrier et le financement.
J'ai évoqué aussi les autres responsabilités qui doivent être maintenant précisées par le président de la Commission. Vous savez qu'il y a l'Eurogroupe, la décision a été de reporter au moins en 2015 cette question. Et puis il y a la composition de la Commission européenne et les responsabilités qui peuvent échoir aux personnalités qui la composent. Je rappelle que la France a présenté Pierre MOSCOVICI et que j'ai fait valoir compte tenu de ce que représente la France dans l'Union européenne qu'une responsabilité économique devait lui être confiée. Mais c'est à Jean-Claude JUNCKER qu'il appartient de faire ses choix, puisque c'est le président de la Commission européenne et le président seul de la Commission européenne qui a cette capacité de décider. Ensuite, c'est le Parlement européen qui approuve l'ensemble du collège.
Pour conclure, c'était un Conseil important, pourquoi ? Parce que l'Europe était attendue, c'était un rendez-vous. Est-ce qu'elle allait être capable de désigner ses plus hauts responsables sans ces heures et ces heures de discussions, de négociations, de trocs, d'échanges, de compromis. Elle a été capable d'y arriver parce que l'Europe est consciente de sa responsabilité.
Ensuite il y avait une deuxième question, est-ce que face à l'Ukraine, cela allait être le constat de la déploration mais en même temps de l'impuissance ? Non, l'Europe a affirmé qu'il y avait des situations qui ne pouvaient pas être tolérées à ses frontières, ou plus largement pas acceptées dans un pays qui a des institutions démocratiques, où le peuple a voté et où il y a une règle qui s'impose qui est l'intégrité territoriale.
Enfin il y avait une dernière question, est-ce que l'Europe est lucide, est consciente qu'il y a un problème économique qui la frappe particulièrement. Ce problème s'appelle le chômage, s'appelle la faible croissance, s'appelle la reprise insuffisante, s'appelle le manque de demandes, s'appelle aussi pour plusieurs pays une insuffisante compétitivité ou de réformes qui n'ont pas encore atteint leurs objectifs. Donc l'Europe ce soir a été au rendez-vous.
QUESTION
Bonsoir monsieur le président, François BEAUDONNET, FRANCE 2. Une question sur les sanctions. En fait j'avais cru comprendre que la Commission européenne avait déjà préparé un certain nombre de sanctions. Dans ce que vous avez dit, je crois que ce n'est pas ça, la Commission européenne aurait une semaine pour le faire. Est-ce que vous pouvez nous préciser comment cela va se passer, quel est le calendrier et comment une éventuelle décision va ensuite être prise ? Merci.
LE PRESIDENT
Ce sont de bonnes questions, donc je vais essayer de donner les réponses. Un, oui la Commission a depuis plusieurs semaines préparé un certain nombre de décisions qui ne devaient être prises que s'il y avait escalade. Deuxième point, le délai qui est laissé à la Commission est donc particulièrement court, une semaine. Je rappelle que dans quelques jours il y a la réunion de l'Otan, donc mieux vaudrait que les sanctions aient pu être précisées au moment où nous nous rencontrerons avec des partenaires extra-européens. Troisième point, est-ce que cette nouvelle échelle de sanctions devra être décidée par un Conseil ? Oui, pas forcément un Conseil européen, ce peut être un Conseil des ministres ou un Conseil des représentants permanents. Mais il y aura nécessairement une réunion des Européens pour acter une nouvelle échelle de sanctions.
QUESTION
Catherine CHATIGNOUX, Les ECHOS. Vous avez évoqué 3 Sommets économiques dans les semaines à venir. A quel moment pensez-vous que la question éventuelle de l'adaptation du rythme de réduction des déficits à la situation économique va être évoquée, voire discutée ? Est-ce que ça ne risque pas d'être un peu tard par rapport à l'élaboration du budget français pour 2015 ?
LE PRESIDENT
Les règles européennes n'ont pas forcément à être regardées en fonction des calendriers nationaux.
Nous avons notre propre calendrier, nous ne demandons rien pour nous en particulier, nous demandons que les flexibilités puissent être maximales dans l'application des règles pour le rythme de réduction des déficits. A partir de là au mois de septembre puisque nous, nous avons ce calendrier pour la présentation de notre loi de finances nous aurons des discussions avec les autorités européennes, avec la Commission notamment. Au mois d'octobre, première réunion, là il s'agit d'un constat qui sans doute révèlera le caractère exceptionnel de la situation, compte tenu de la très faible inflation. Et comme je vous l'ai dit, nous aurons eu aussi les décisions de la Banque centrale européenne qui, normalement, sont attendues pour le mois de septembre. Fin octobre, là il s'agit d'une stratégie qui est celle de l'Europe, c'est-à-dire stratégie d'investissement, stratégie de croissance, mobilisation des fonds pour l'emploi, utilisation des prêts de la BEI, peut-être d'autres. Le président JUNCKER est en train d'y réfléchir, de voir comment il peut mobiliser des fonds qui, pour l'instant, ne sont pas véritablement utilisés, je le laisse là-dessus s'avancer et ce sera dans la réunion du mois de novembre.
Pourquoi il y a cet échéancier ? Parce que d'abord il y a la Banque centrale européenne qui doit jouer son rôle, c'est la politique monétaire £ ensuite il y a des ajustements en termes de politique budgétaire, il y a la question prioritaire de l'emploi et de ce qu'elle justifie comme utilisation de fonds. Et puis c'est après qu'on peut définir la stratégie économique de l'Europe et avec les moyens correspondants, d'où le Sommet également du mois de novembre avec la nouvelle Commission. Tout le problème était qu'en octobre, nous étions avec une Commission dont le mandat se termine, alors même que la nouvelle ne peut pas encore faire valoir ses propositions. C'est ce qui explique ce calendrier.
QUESTION
Monsieur le président, une question sur la nomination de monsieur Donald TUSK. On a bien compris votre choix collectif, vous l'avez paré de nombreuses qualités. Ce qui frappe les observateurs ici, c'est que monsieur TUSK ne parle ni l'anglais ni le français. Alors pour la langue de SHAKESPEARE, il nous a dit très rapidement tout à l'heure qu'il allait s'amender, il ne nous a rien dit sur la langue française. C'est quand même la première fois que pour un poste de ce haut niveau, la personnalité choisie ne parle aucune des langues officielles de l'Union européenne. Ma question est la suivante, est-ce que ce combat pour la francophonie dans les instances internationales relève d'un combat de « has-been » ?
LE PRESIDENT
Je ne comprends pas le dernier mot de votre phrase d'interrogation, je demanderai donc une traduction. Il y a des traducteurs ici, il y a des interprètes, c'est un métier, moi je suis pour le maintien de l'emploi, sinon ça voudrait dire que tout le monde devrait parler la même langue, et d'ailleurs laquelle ? Bientôt, vous nous direz qu'il ne faut parler qu'une seule langue qui ne serait pas nécessairement la langue française, mais ce n'était pas prévu par nos traités. Donc monsieur TUSK a dit qu'il allait apprendre d'autres langues que celles qu'il pratique, c'est-à-dire non seulement le polonais mais l'allemand, et qu'il aurait une formation accélérée en français et en anglais. Bien sûr que je suis très sensible à l'utilisation de la langue française, mais je ne voulais pas en faire un critère parce que je considère que pour un pays comme la Pologne, c'eut été une forme d'empêchement, sauf à dire qu'il fallait absolument parler l'anglais. Donc à partir de là, je pense que sa première réaction, il savait que cette observation pouvait lui être faite, je me demande même si elle ne lui a pas été faite par certains chefs d'Etat ou chefs de gouvernement, il a tout de suite dit qu'il allait utiliser les 3 mois qui lui sont donnés pour faire cette formation accélérée. Mais je continuerai de lui parler en français.
QUESTION
Bonsoir monsieur le président, Camille LANGLADE, ITELE. Vous souhaitiez porter ici la voix des sociaux-démocrates pour demander une inflexion de la politique européenne, mais la semaine difficile que votre gouvernement vient de vivre et les turpitudes, les divisions affichées au Parti socialiste aujourd'hui à La Rochelle, l'une de vos ministres qui s'affiche avec les frondeurs qui critiquent eux-mêmes ouvertement votre politique, tout cela ne contribue-t-il pas à affaiblir votre voix et la position de la France en Europe ?
LE PRESIDENT
J'ai le sentiment exactement inverse, non pas qu'il faudrait se réjouir de ce qui s'est passé la semaine qui vient de s'écouler, parce que c'était des décisions nécessaires, mais elles auraient pu ne pas être prises si les comportements ne l'avaient pas justifié. Mais la clarification qui est intervenue, la cohérence, la cohésion, le message que j'ai voulu faire porter, c'est-à-dire de poursuivre sur la ligne que j'avais fixée, le pacte de responsabilité et de solidarité, la modernisation mais en même temps la justice, tout cela a été compris comme plutôt un renforcement de la position française. De la même manière que la politique étrangère, celle que j'exprime au nom de la France, sert l'Europe et nous permet de mobiliser nos partenaires sur les grands sujets. Nous l'avons montré aussi bien pour l'Irak, la Syrie, le Liban, l'Afrique et l'Ukraine. Donc je pense que la France est pleinement dans son rôle. Et que ce que j'ai fait aussi ce matin en réunissant les sociaux-démocrates, c'était la deuxième fois, les sociaux-démocrates m'ayant également confié cette mission de veiller à ce que nous puissions trouver des solutions aujourd'hui au Conseil européen, était un signe supplémentaire de confiance qui était fait à la France et à celui qui la représente.
QUESTION
J'avais une question concernant les différents conflits qui sont en cours dans nos frontières. Sur l'Ukraine, est-ce que vous avez eu un entretien en bilatéral avec le président POROCHENKO, est-ce qu'il y a une demande de livraison de matériels militaires qui était faite à la France, est-ce que c'est une demande à laquelle vous pourriez ou pourrez accéder ? Sur l'Irak, sur ces questions de livraison d'armement militaire, est-ce qu'on continue de livrer du matériel aux Kurde ? Et sur la Libye, quel pourrait être le type d'intervention internationale que l'on pourrait faire, connaissant la difficulté du sujet ?
LE PRESIDENT
Trois questions, donc je vais répondre. Première question : est-ce que j'ai eu un entretien bilatéral avec le président POROCHENKO ? Non, personne n'a eu d'entretien bilatéral dès lors que le Conseil se tenait. Certains, notamment le président du Conseil Européen, le président de la Commission, ont eu des entretiens avec Monsieur POROCHENKO. Moi je l'ai eu plusieurs fois au téléphone, donc nous nous parlons. Mais il n'y a pas eu de demande d'aide militaire. Il y a une demande d'aide humanitaire, qui a été adressée au Conseil Européen.
Sur l'aide militaire, nous ne pouvons pas aujourd'hui penser qu'elle serait fructueuse, utile, dès lors qu'il y a des opérations qui sont engagées. Ce que nous devons demander, c'est le cessez-le-feu £ ce n'est pas d'entretenir un conflit, c'est de l'arrêter. Et c'est ce que nous disons d'ailleurs aux Russes : de ne plus fournir de matériels et d'armes. A partir de là, il n'y a pas eu de demande qui nous a été signifiée.
En revanche, pour l'Irak et la Syrie, j'entends par-là pour l'Etat irakien et pour les groupes qui sont ceux qui combattent, ce qu'on appelle l'EI, oui, là il y a une demande qui nous a été adressée, et vous savez que la France y a répondu. Je pense même que la France y a répondu non seulement la première, mais peut-être encore aujourd'hui, véritablement pour les armes qui ont été livrées, la seule. Je sais ce que font les Etats-Unis par ailleurs, là je parle des pays européens.
Mais les pays européens vont suivre maintenant, et vont fournir les moyens qui sont nécessaires. Pour coordonner ces efforts, c'est la Conférence sur l'Irak qui sera la bonne réponse, le bon cadre. Car il ne s'agit pas simplement de fournir des armes pour les armes, ou même de l'aide humanitaire qui ne serait pas forcément bien ciblée. C'est pour cela que j'ai voulu cette Conférence, et que maintenant nous sommes en voie de pouvoir la tenir, dès lors que le gouvernement irakien aura été constitué.
Sur la Lybie, là il ne s'agit pas d'une intervention militaire £ il s'agit de permettre à l'Etat, ce qu'il en reste, au gouvernement, le seul légitime, au Parlement qui a été élu, de pouvoir avoir l'appui de l'ONU pour reconstituer toutes les formes institutionnelles, toutes les administrations qui sont nécessaires pour qu'il puisse y avoir la sécurité et qu'il puisse y avoir un fonctionnement dans le pays.
Pour l'instant, il y avait eu des demandes de coopérations policières qui n'ont jamais été menées à bien £ pareil pour les coopérations militaires. Là, il n'est plus possible de laisser la Lybie dans cette situation. Par ailleurs, et c'est vrai, il y a la concentration de groupes terroristes au sud de la Lybie, et là-dessus nous devons coordonner nos services de renseignements.
QUESTION
Monsieur le président, pour revenir à la politique intérieure, vous avez parlé tout à l'heure de clarification, de renforcement de la position de la France en Europe. Alors ce soir je voudrais vous inviter à une clarification, parce qu'il y a quelque temps, en mai 2013, quand on vous interrogeait sur votre politique, votre ligne politique, vous nous disiez : Je suis un socialiste qui veut faire réussir la France. Quelques mois plus tard, en janvier j'ai repris les termes de votre conférence de presse , vous admettiez être social-démocrate. Alors la question, vous la devinez : est-ce qu'aujourd'hui vous êtes social-libéral, comme on le dit ?
LE PRESIDENT
Non, je n'ai pas changé de ligne. La même ligne s'applique depuis que j'ai défini c'était au lendemain du rapport GALLOIS ce que devait être la politique économique de la France. Mais pas simplement sa politique économique, sa politique industrielle, sa politique sociale, sa politique de redressement des comptes publics. J'ai donné un cadre, le 14 janvier de cette année, avec le pacte de responsabilité, pour qu'il puisse y avoir une visibilité, une clarté sur les allègements de coût du travail pour les entreprises, de fiscalité pour les ménages, pour que chacun comprenne bien le sens de ce que nous avions décidé, et qu'il n'y ait pas d'incompréhension, mais surtout de changements, d'inconstance, qui puissent ne pas donner pleine mesure aux choix politiques qui sont les miens.
Après, sur « socialiste », « social-démocrate », j'ai réuni ce matin des partis socialistes et socio-démocrates. Etre social-démocrate c'est être socialiste. Et dans ma conception, être socialiste c'est être social-démocrate. Mais ce que je veux réussir, c'est la France. J'ai besoin d'avoir un parti dans la majorité qui soit à l'unisson de ce que je propose. Cela n'empêche pas le débat, cela ne coupe pas la discussion £ mais elle doit être menée à bien dans la perspective que j'ai définie. Parce que les Français ont besoin d'y voir clair. Et en même temps, tous ceux qui font confiance à la gauche doivent également comprendre que cette politique-là, elle est faite pour la réussite de la France, et également conforme à mes engagements, ceux que j'avais pris devant les Français.
Voilà ce que j'avais à dire. Et aujourd'hui, au Conseil Européen, puisque je siégeais au nom de la France, j'ai fait en sorte que ce soit conforme à mes engagements : c'est-à-dire à la fois de pouvoir réorienter la construction européenne, de la mettre, comme je l'ai fait dès le mois de juin 2012, sur le chemin de la croissance et de l'emploi, et de ne pas faire de l'austérité la ligne d'horizon de l'Union Européenne, qui finirait par désespérer les peuples. En même temps, mes engagements c'est aussi de faire les réformes qui sont indispensables pour le pays, c'est-à-dire les réformes qui n'ont pas été faites depuis dix ans, douze ans : celles sur la compétitivité, l'amélioration de la situation des entreprises, mais aussi la justice fiscale et le redressement des comptes.
Donc voilà, il est possible d'être en défense de la France et fidèle à son engagement politique. Le mien, vous le connaissez depuis longtemps, et je n'en change pas. Et je n'ai pas besoin de faire des mouvements sur les mots : j'ai dit que j'étais social-démocrate, je l'ai toujours été, c'est parce que je suis socialiste. Merci.