21 août 2014 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les aides françaises et européennes en faveur de la culture de la canne à sucre à La Réunion, à Bois-Rouge le 21 août 2014.

Madame la ministre,
Monsieur le maire,
Mesdames et Messieurs les parlementaires avec une mention particulière pour Jean-Claude FRUTEAU, au regard du travail qu'il a mené depuis longtemps sur la question de la filière canne.
Mesdames et Messieurs les représentants des exploitants agricoles, sans lesquels il ne pourrait pas y avoir cette usine,
Mesdames et Messieurs les agents qui font tourner cette belle entreprise,
Je tenais à venir ici, aujourd'hui, dans le cadre de cette visite à la Réunion, sur ce site de Bois-Rouge. Pas simplement pour en constater la haute performance, la qualité de la main d'uvre, et le caractère particulièrement innovant des productions. Je voulais venir ici parce que, comme il a été dit par Monsieur LABRO, il y a un défi à relever et parce que ce n'est pas un enjeu simplement pour la Réunion. C'est un enjeu national.
Il convient de rappeler que la filière canne fait vivre entre 13 000 et 18 000 personnes selon que l'on prend les emplois directs et les emplois indirects ici à la Réunion. Cette filière canne fournit les ¾ du sucre en France. Elle en permet aussi le raffinage. Cette filière est une spécificité de notre agriculture à la Réunion, et aussi sur le plan national.
Il y a en plus des vertus, pas simplement à manger du sucre, mais à travailler la canne, puisque cela a des conséquences environnementales favorables. Cela permet la diversification de l'agriculture, pas simplement d'ailleurs avec la production de canne. Cela permet aussi à des agriculteurs d'avoir une autre production que la canne à sucre. Pour toutes ces raisons, nous devons préserver, maintenir, développer la filière canne à la Réunion.
Nous sommes devant le défi de la politique agricole commune. Des décisions ont été prises, il y a longtemps, très longtemps, avec l'abandon d'une organisation commune de marché pour le sucre et qui se traduisait par ce qu'on appelle ici les « quotas ». Tout le monde sait que cela va se terminer en 2017. De ce point de vue, il n'y a plus de possibilité de renégocier l'échéance. C'est en 2017. D'où l'inquiétude qui existe. Inquiétude des élus, inquiétude des exploitants, inquiétude des travailleurs. Je sais qu'il y a eu un certain nombre de mouvements ces dernières semaines. Nous devons y répondre.
Il y a en fait deux sujets. Il y a le sujet de l'aide nationale £ et le sujet de la négociation avec Bruxelles qui, elle-même, se décompose en deux points : faut-il que Bruxelles nous autorise à aider nationalement la filière canne ? Deuxièmement nous souhaitons, nous exigeons qu'il n'y ait pas d'ouverture à la négociation des sucres spéciaux, pour que nous puissions protéger cette production. Voilà comment Jean-Claude FRUTEAU a résumé les choses dans son rapport. Elles doivent maintenant connaitre les réponses nécessaires.
Je ne suis pas venu à la Réunion pour apporter simplement mes encouragements, mon appui, mon soutien, renouveler mon amitié Je suis venu ici, sur l'île de la Réunion, pour que nous puissions ensemble définir une stratégie, porter une haute exigence de l'économie réunionnaise et avoir la volonté de redresser, autant qu'il est possible, la croissance et l'emploi à la Réunion. Or, je vous l'ai dit, la filière canne, c'est une part très importante de l'agriculture réunionnaise et une part substantielle de l'emploi privé réunionnais. Je dois donc apporter les garanties et les réponses.
Sur l'aide nationale. Elle est indispensable compte tenu de la fin des quotas. Le risque a été présenté par M. LABRO. C'est qu'il n'y ait plus de compétitivité pour les deux usines sucrières de la Réunion. C'est que cet outil magnifique, avec des innovations qui ont été reconnues au plan mondial, connaisse un déclin et peut-être demain une fermeture L'aide nationale est donc essentielle.
Les calculs faits, notamment dans le cadre du rapport FRUTEAU, laissent penser que nous devrions augmenter notre aide nationale d'à peu près, 38 millions d'euros. Elle est aujourd'hui de 90 millions d'euros. C'est dire s'il y a déjà un effort, une solidarité nationale. Il faudra donc la porter à 128 millions d'euros à l'horizon 2017. J'ai décidé que ce serait ce montant-là que nous présenterions aux autorités européennes pour garantir l'avenir de cette aide nationale et garantir l'avenir de la filière canne à la Réunion.
Il y a aussi les aides qui viennent de l'Europe. L'Europe n'a pas que des défauts ! Elle a parfois des contraintes, nous en connaissons quelques-unes £ elle a parfois des disciplines qui peuvent nous paraitre difficiles £ elle a parfois des règles qu'il convient de corriger £ mais elle est notre garantie, aussi, d'un certain nombre de soutien. En l'occurrence pour l'Outre-mer, il y a un programme, le programme POSEI, qui est particulièrement avantageux. Beaucoup de territoires ultra-marins voudraient bien avoir ce dont la Réunion dispose grâce à l'Europe.
Je vous demande donc, comme à tous nos compatriotes, d'avoir toujours un équilibre sur l'Europe £ de savoir reconnaitre ce qu'elle nous donne, et de savoir faire en sorte qu'elle soit orientée différemment par rapport, notamment, aux règles de marchés et par rapport à ce qui doit être la seule priorité : la croissance et l'emploi.
En même temps que nous avons à demander à l'Europe de continuer à verser des aides nationales, et j'ai dit la hauteur qui était nécessaire, nous devons aussi préserver les aides européennes qui nous sont accordées et sans lesquelles il ne serait pas possible non plus de garder la filière canne. C'est donc deux aides qui se superposent : une aide française et une aide européenne.
Mais nous n'avons pas terminé Nous n'avons jamais terminé, c'est cela finalement l'une des leçons que nous pouvons tirer de l'expérience. On avance, on avance, et il faut toujours en faire davantage. C'est bien légitime surtout quand on est aux responsabilités du pays, d'une collectivité, d'une entreprise, parce que chaque fois il y a de nouveaux défis. Chaque fois, cela ne se passe pas comme il était prévu. Alors, on avance et on imagine, on invente et attend, on reste fidèle à son cap, on garde la cohérence sans laquelle il n'y a pas de compréhension de ce que nous faisons.
Dès lors, nous avons aussi à demander à l'Europe de nous permettre de continuer à faire des sucres spéciaux, sans que ces produits puissent être ouverts au grand marché ou plus exactement, pour que les sucres spéciaux venant de l'extérieur ne puissent pas venir ici. C'est cela l'enjeu. Nous devons, dans le cadre d'une négociation bien sûr, faire en sorte que nous puissions protéger les sucres spéciaux. Là aussi, j'en ai pris l'engagement suite au rapport FRUTEAU. Nous irons dans cette direction.
Je vais dire un mot, pour terminer, sur les autres filières agricoles réunionnaises. En rappelant qu'elles ne pourraient, le plus souvent, exister ou se développer, s'il n'y avait pas la filière canne. Mais elles sont néanmoins tout à fait intéressantes à relever.
Il y a d'abord tout ce qui a trait à la fourniture, à travers les sous-produits de la canne, des engrais pour l'agriculture, des alcools pour nous tous enfin dans une certain mesure ! et puis aussi de l'énergie. Car nous découvrons que l'agriculture est productrice d'énergie ! Vous en avez fait d'ailleurs ici la démonstration. Mais d'une manière générale nous pouvons utiliser l'agriculture à des fins de production énergétique.
Et puis il y a cette diversification qui va être encouragée, par la loi d'avenir pour l'agriculture, parce qu'elle correspond parfaitement aux objectifs de l'Outre-mer. Un volet de cette loi, c'est pourquoi elle a été adoptée très largement, est consacré à l'Outre-mer. Il y a la volonté de réconcilier l'économie, c'est-à-dire la performance agricole et l'environnement. Ici, cela veut dire répondre de façon efficace aux attaques parasitaires, qui peuvent être d'une violence et d'une virulence particulière.
La deuxième priorité, ce sont les jeunes : pour les installer, pour qu'ils puissent avoir des transmissions d'exploitation dans de bonnes conditions, pour qu'ils puissent accéder au foncier.
La troisième priorité, c'est de travailler en interprofessions pour servir les productions locales, de manière à mieux connaître et parfois à limiter les flux d'importations. Là aussi, je souligne que la Réunion est quasiment auto-suffisante c'est quand même un point très important grâce à l'agriculture réunionnaise. Mais néanmoins il n'y a pas que cet objectif. Il faut exporter et aussi importer. Qu'est ce qui doit être exporté, qu'est ce qui doit être importé ? Ce travail là, nous devons le mener tous ensemble.
Il y a également la question des risques agricoles. La loi d'avenir a permis l'éligibilité de l'Outre-mer au Fonds national de gestion des risques agricoles, là où vous avez connu des cyclones, des tempêtes et des catastrophes climatiques particulièrement couteuses pour les exploitations. Je pense au cyclone Bejisa qui a durement frappé la Réunion au début de l'année. Dans un délai très court, les fonds vont être versés. Sept millions d'euros au début de ce mois, auxquels vont s'ajouter un autre million d'euros pour répondre aux situations les plus urgentes, de la même manière que pour la sécheresse de l'an dernier.
Il y a des dispositions pour instruire les dossiers à hauteur de trois, quatre millions d'euros. Mais je veux que nous puissions avoir des systèmes pérennes, parce que nous ne pouvons pas, à chaque fois, inventer des mécanismes à mesure que se passent des catastrophes climatiques.
Mesdames et Messieurs,
Je ne suis pas dans une usine du passé ici. Je ne suis pas dans l'histoire de la Réunion très marquée par la canne à sucre. Je suis dans l'avenir de la Réunion. Ce que vous avez été capables de me montrer, cette transformation avec des méthodes uniques au monde, avec des inventions venues du travail des ingénieurs, des techniciens, des ouvriers..., avec cette capacité d'utiliser toute la canne pour qu'il ne reste aucun résidu qu'il n'y ait aucune atteinte à l'environnement, cela, c'est l'avenir !
Quand on est sur une filière d'avenir, on doit tout faire pour qu'elle puisse être préservée. Ma responsabilité, au nom de l'Etat, c'est d'assurer cette pérennité à travers les aides nationales, je viens d'en parler, et à travers les garanties européennes qu'il faudra obtenir. Mais votre responsabilité, c'est de croire en vous-même, c'est de vous battre. On n'obtient rien sans combat, sans ardeur, sans ténacité. On ne peut pas tout attendre, bien sûr, de l'Etat, de l'Europe Ils ont des obligations. Mais il y a forcément aussi le travail d'une communauté. Cette communauté, c'est celle de cette usine. Elle est un beau symbole de l'histoire de la Réunion, elle est un beau symbole de son avenir.
Soyez sûrs que, à travers ma visite ici, la solidarité de l'Etat vous est assurée.