23 janvier 2014 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration conjointe de M. François Hollande, Président de la République, Monseigneur Nzapalainga, Archevêque de Bangui, et l'Imam Kobine Lamaya, président de la communauté islamique centrafricaine, sur la situation en Centrafrique, à Paris le 23 janvier 2014.


LE PRESIDENT : « Mesdames, Messieurs, j'ai reçu, cet après-midi, l'Archevêque de Bangui et le Président de la communauté islamique de Centrafrique.
Le 10 décembre, nous étions déjà ensemble mais c'était à Bangui, au cours d'un déplacement très bref que j'avais effectué. C'était d'ailleurs un jour particulièrement sombre puisque deux soldats français venaient de mourir. Je me souviens de notre entretien à l'aéroport, où nous avions déjà lancé un message d'apaisement et de soutien à cette population de Centrafrique, qui souffre depuis trop longtemps.
Nous nous rencontrons aujourd'hui, nous sommes le 23 janvier, c'est le jour de l'investiture de la nouvelle Présidente de Centrafrique. C'est aussi un signe d'espoir. Espoir que la réconciliation va pouvoir s'engager, que la sécurité va pouvoir être progressivement rétablie et que la population va être préservée du drame de la fin ou pire même, des exactions. C'est pour participer à cette lutte pour la dignité humaine, que la France a décidé, le 5 décembre de s'engager en Centrafrique, dans le cadre d'un mandat du Conseil de sécurité et avec les forces africaines qui pouvaient être disponibles à ce moment-là.
Je dois dire que si la France n'était pas venue en Centrafrique à cet instant-là, il y aurait eu encore des centaines, pour ne pas dire des milliers de Centrafricains qui auraient été tués, et combien de femmes qui auraient été violées, d'enfants entrainés dans des confrontations.
Pour autant, il y a encore beaucoup à faire, car il ne se passe pas un jour sans qu'on découvre, à cause des armes qui circulent, qu'il y a des hommes et des femmes qui sont tués tout simplement parce qu'ils sont ou chrétiens ou musulmans, parce qu'ils sont supposés avoir une préférence pour un camp ou pour un autre.
C'est la raison pour laquelle les autorités religieuses ont souhaité non seulement lancer un appel, et il a été prononcé à plusieurs reprises, mais faire une tournée en Europe pour convaincre des pays qui, jusqu'à présent, ne connaissaient pas l'exactitude et la gravité de la situation en Centrafrique, de se mobiliser. C'est aussi, je veux les en remercier, grâce à ces autorités que l'Europe a pu prendre cette décision si importante, non seulement d'envoyer des soldats pour participer à la sécurité d'un certain nombre de lieu, mais d'engager une aide humanitaire qui représente 365 millions d'euros.
L'enjeu, aujourd'hui, est double. Il convient de faire monter encore la présence des forces africaines à côté de l'opération Sangaris : 1 600 hommes pour la France, 5 000 déjà pour les Africains. Il faut encore que les contingents de la Misca puissent être davantage dotés, faire venir l'aide européenne et à terme transformer cette opération en ce qu'on appelle une force de maintien de la paix.
Voilà l'objectif. Pour cela, il faudra le concours de tous. Je l'ai dit, des Africains eux-mêmes, qui doivent assurer la sécurité de la Centrafrique, de la France qui y est prête, puisqu'elle est déjà là et qu'elle a été première. C'est son honneur, sa fierté mais en même temps sa responsabilité de continuer l'opération engagée qui connait des résultats, et celle des Centrafricains eux-mêmes, à travers la reconstitution d'un Etat, d'une autorité. C'est maintenant ce qui attend la Présidente de la Centrafrique et le Gouvernement qu'elle constituera.
Enfin, il y a les autorités spirituelles, celles qui peuvent appeler à l'harmonie, à la réconciliation, à la compréhension. Autorités qui peuvent aussi participer à la bonne exécution de l'aide humanitaire, nous en avons parlé, pour les écoles, pour les hôpitaux et pour nous ces autorités religieuses sont à la fois, un symbole et un soutien exceptionnel. C'est la raison pour laquelle je tenais personnellement à recevoir l'Archevêque et l'Imam de Bangui. Je leur donne la parole. »
Monseigneur NZAPALAINGA : « Monsieur le Président, mesdames, messieurs, aujourd'hui est un grand jour pour nous, Centrafricains, comme l'a dit le Président. Nous avons une dame Présidente de la République de transition et c'est une grande joie.
Nous sommes venus en Europe pour plaider la sécurité, attirer l'attention des uns des autres sur le drame que vivent les Centrafricains qui sont dans la forêt, terrés et qui sont aussi dans des sites. Nous voulons demander à ce que la sécurité revienne. C'est l'occasion de remercier la France qui a pris les devants pour inviter les autres à s'adjoindre et surtout les Africains, à travers la Misca pour la mission Sangaris, qui est là-bas.
Aujourd'hui aussi, nous avons évoqué la venue prochaine d'autres forces européennes, pour dire que la France n'est pas seule dans cette mission. Nous voulons aussi que cette mission soit partagée par le monde entier, c'est-à-dire une force onusienne. Voilà ce pourquoi nous plaidons.
Nous sommes aujourd'hui, ici. La semaine prochaine nous serons à Londres, pour expliquer que cette mission doit se transformer en une mission internationale, une mission onusienne.
Nous l'avons écrit dans la Tribune déjà pour le dire et nous tenons beaucoup à cela pour la plus simple raison que le panel sera plus large. Avec les difficultés que nous avons, nous aurons l'expertise d'autres militaires venant d'ailleurs qui vont s'adjoindre aux militaires qui sont des Africains qui sont là. Nous aurons aussi d'autres personnes qui viendront pour aider à la reconstruction de notre pays.
Les infrastructures sont détruites, l'Etat n'existe plus. Il va falloir mobiliser des fonds pour reconstruire l'Etat. Cela permettra aussi de préparer les élections dans de bonnes conditions, afin que demain on puisse être heureux et dire que l'élection était crédible, transparente, comme nous venons de le vivre avec l'élection de notre Présidente, où le vaincu a salué celle qui a gagné. Tous se sont embrassés. Nous aimerions revoir ce genre de geste dans notre pays. Mais ça se prépare par des forces aussi.
Nous avons évoqué aussi, avec Monsieur le Président ici présent, la question humanitaire. Beaucoup de gens sont sans nourriture. Cela fait deux années maintenant que les gens ne plantent plus. Si rien n'est fait, pas de sécurité, alors nous allons vers la famine et la famine est déjà là pour certaines familles. Voilà pourquoi il est urgent d'agir maintenant pour non seulement sécuriser, au niveau alimentaire, donner les outils, donner aussi les semences afin de permettre à ces familles-là de pouvoir replanter et se prendre en charge.
Nous avons aussi évoqué la question politique, une dame a été élue Présidente. Maintenant nous espérons qu'une équipe compétente, efficace, pourra faire le diagnostic et mettre sur les rails la Centrafrique. Cette personne, ou cette équipe gouvernementale, a besoin du soutien au niveau national et aussi au niveau international. Nous attendons à ce que ce Gouvernement soit soutenu. Les salaires ne sont pas payés, les gens ne travaillent plus. Sur 36, 2 ministères marchent, 34 sont paralysés, il est temps de remettre tout le monde au travail pour que nous puissions aussi nous réinvestir et nous retrouver comme des bons Centrafricains dans notre pays. »
Imam Kobine LAYAMA : « Merci, Monsieur le Président. Nous devions être à trois avec le Révérend Pasteur qui représente les Evangéliques de Centrafrique. Etant endeuillé, il est reparti pour l'enterrement de sa fille.
Notre présence à trois, était un message fort, à la communauté internationale, pour justifier également que le conflit en Centrafrique n'est pas religieux, que nos communautés ont été prises en otage par les milices, les rebelles, qui se combattent à cause du pouvoir. Nous ne voulons pas que la fibre religieuse soit utilisée. Nous ne voulons pas non plus que les religions soient ainsi instrumentalisées pour un désastre dans le pays. C'est la raison pour laquelle nous sommes là pour pouvoir soutenir l'engagement de la France pour la protection de la population Centrafricaine et demander la solidarité européenne pour appuyer la mission française en Centrafrique. Je vous remercie. »
LE PRESIDENT : « Merci, mesdames et messieurs. Je veux, une nouvelle fois, me tournant vers les autorités religieuses de Centrafrique, vous dire qu'il était bon que l'Imam dise que les protestants sont par leur esprit également ici à Paris, leur confirmer tout le soutien de la France et leur dire toute notre confiance dans ce qui peut être fait pour la réconciliation en Centrafrique.Pour celles et ceux qui ne savaient pas pourquoi nous étions en Centrafrique, je pense qu'ils en ont maintenant les raisons. Merci »