6 septembre 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Hollande, Président de la République, sur les avancées du G20 de Saint-Petersbourg et sur l'utilisation d'armes chimiques en Syrie, à Saint-Petersbourg le 6 septembre 2013.

Mesdames et Messieurs,
Lordre du jour de ce sommet du G20, à Saint-Pétersbourg, portait sur léconomie mondiale, les régulations quil convenait dintroduire ou de renforcer et les objectifs que les vingt pays supposés représenter une grande part de léconomie mondiale pouvaient engager pour soutenir lactivité et la croissance. De ce point de vue, je considère que le G20 de Saint-Pétersbourg a marqué des avancées et même a été une réussite.
Il est vrai quune autre question sest invitée, légitimement dailleurs, aux travaux du G20 et notamment au dîner. Jy reviendrai puisquune grande partie de lattention que vous avez portée a été également sur les conclusions quil convenait de tirer de ces échanges.
Dabord, sur les avancées du G20 et notamment par rapport aux objectifs que la France sétait fixés depuis un an, cest-à-dire depuis le sommet de Los Cabos.
Nous sommes dabord dans une situation économique différente de lannée dernière. À Los Cabos, cétait essentiellement la récession, la situation de la zone euro, la crainte même de son éclatement qui mobilisaient lattention. Aujourdhui, à Saint-Pétersbourg, nous avons constaté quil y avait une amélioration de la situation économique, notamment dans la zone euro, un maintien dune croissance élevée dans les pays émergents avec néanmoins des fragilités et quil y avait une dynamique qui sétait créée aux États-Unis et, plus largement, en Amérique.
Il y a eu néanmoins lexamen des inquiétudes qui demeuraient les nôtres. A savoir, les comportements de la Banque centrale ou des Banques centrales, notamment américaine, avec des conséquences sur les taux dintérêt première inquiétude. Deuxième inquiétude, la volatilité des monnaies et également des prix des matières premières agricoles et de lénergie. Et, enfin, la lenteur avec laquelle encore, la croissance repart dans un certain nombre de zones, y compris la zone euro.
Pourquoi dis-je quil y a des avancées ? Parce que sur cinq points, ce quétaient les positions de la France ont été entendues.
Premier point, la croissance et lemploi. Cétaient les thèmes que nous voulions depuis longtemps introduire je ne dis pas imposer dans les débats lors des sommets. Ici, ils sont dans le plan daction de Saint-Pétersbourg : la coordination des politiques économiques pour conduire à plus de croissance, la réduction des déséquilibres globaux cest-à-dire les excédents des uns, les déficits des autres , le soutien de la demande intérieure là où il est possible et le souhait de politiques monétaires compréhensives par rapport justement à la situation de reprise, avec le souci de ne pas voir les taux dintérêt augmenter significativement. Cest le premier engagement qui a été pris ici, au G20 et avec une dimension sociale qui, là encore, était encore évanescente il y a un an et qui sest affirmée.
Quand je dis une « dimension sociale », ce ne sont pas simplement les rencontres qui avaient déjà eu lieu à Los Cabos avec les partenaires sociaux employeurs comme représentants des salariés Mais cest déjà lengagement sur des politiques, notamment les politiques de formation, de qualification, de mobilité de la main-duvre, avec une priorité : lemploi des jeunes. Oui, lemploi des jeunes que nous avions déjà installé lors des sommets européens, que nous avions repris comme priorité du G8. Nous la retrouvons, cette exigence, dans le G20. Donc, sur le premier objectif croissance, emploi , nous avons des résultats tangibles.
Deuxième objectif, la régulation financière. La finance, dès lors quelle nest pas au service de léconomie réelle, doit être maîtrisée, combattue. Et là encore, des progrès ont été accomplis, notamment par rapport aux produits dérivés, à lexigence de transparence et même sur ce quon appelle le « shadow banking » la banque de lombre ou fantôme, les hedge funds. Là aussi, il y a un certain nombre de mesures qui vont être engagées, par lensemble des pays du G20, pour que nous puissions éviter quil y ait des distorsions dans les systèmes financiers, à la fois pour éviter les risques quon appelle systémiques, mais également pour prévenir un certain nombre de concurrences déloyales à travers ces finances qui ne seraient pas officielles.
Troisième avancée, lévasion fiscale ou la lutte contre lévasion fiscale, la lutte contre loptimisation fiscale. Cela, cest un point très important qui est peut-être le plus important du G20. Ce que nous avions obtenu au G8, cest-à-dire le principe déchange automatique dinformations, nous le retrouvons dans le G20 et avec même un calendrier précis puisque, fin 2015, cet échange dinformations devra être la règle, la pratique de tous les pays membres. Les normes internationales pour lutter contre la fraude, là encore avec le souci de la transparence, seront également renforcées.
Nous pouvons donc considérer que ce qui était un point noir de lactivité internationale à travers les paradis fiscaux vieux thème débattu dans les instances internationales ou les comportements dentreprises multinationales qui échappaient à limpôt fait désormais lobjet de mesures fortes adoptées dans le cadre du G20. Finalement, des pays avec des gouvernements très différents, avec des sensibilités tout à fait distinctes, les pays du G20 ont été capables de définir des normes communes, des objectifs communs et des politiques convergentes.
Quatrième résultat, le commerce mondial. On a vu ces derniers mois, pour ne pas dire ces dernières années, une moindre dynamique avec les conséquences sur la croissance. Le commerce mondial peut être menacé par des mesures protectionnistes, par des entraves, par des décisions unilatérales alors quil y a eu léchec chacun sen souvient de Doha. Bref, dès lors quil y avait ces risques-là, à Los Cabos, nous avions demandé aux pays qui pouvaient être tentés de prendre des mesures unilatérales dattendre 2014. Là, à Saint-Pétersbourg, cest jusquen 2016 que les pays se sont engagés à ne prendre aucune mesure qui pourrait avoir un caractère protectionniste.
Dans le même temps, à lOMC, il y aura la préparation de la rencontre de Bali et les discussions bilatérales, multilatérales chacun pense au traité de négociations commerciales avec les États-Unis et lEurope. Tout cela continuera à pouvoir être en conformité avec les principes douverture des échanges pour soutenir la croissance.
Le dernier point, dernière avancée, dernier résultat, cest la préparation de la conférence « Climat ». Il ne sagit pas simplement de lacceptation par toutes les parties prenantes de ce rendez-vous et de la volonté commune de trouver un accord. Déjà, dans le plan daction de Saint-Pétersbourg, figurent un certain nombre dengagements des pays membres pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et de faire en sorte que nous puissions avoir une perspective de négociation réussie. Je rappelle quelle aura lieu à Paris en 2015 à la conférence « Climat ».
Voilà sur ce quétait lordre du jour. Et de ce point de vue, le G20 est réussi.
Il se trouve quil y a une question qui sest imposée : la crise en Syrie. Je dis légitimement imposée. Quaurait-on dit si, même dans une instance dont lordre du jour nest quéconomique, financier, monétaire, les vingt pays les plus représentatifs du monde navaient pas voulu échanger sur les conséquences de cette crise, y compris pour la stabilité du monde, y compris pour léconomie du monde, si on ne voulait regarder que ce simple aspect ? Alors que la dimension humanitaire saute aux yeux : Cent dix mille morts, deux millions de réfugiés, autant de déplacés et des risques même pour les pays voisins (Jordanie, Liban, Turquie).
Nous avons donc eu et jen remercie le président POUTINE, il ny était pas obligé, cet échange qui a duré et qui a au moins permis deux points daccord même sil y a des désaccords qui subsistent.
Le point daccord, cest que tous les pays présents au G20 condamnent lutilisation des armes chimiques. Le second point daccord, cest que les indices étaient concordants : il y a bien eu usage des armes chimiques en Syrie le 21 août et le rapport des inspecteurs de lONU est justement chargé den apporter confirmation. Le Secrétaire général des Nations Unies, BAN Ki-moon, qui sest exprimé le premier lors du dîner dhier soir, a confirmé quil allait demander à ses inspecteurs, autant quil sera possible, de publier les résultats de leurs travaux dans les meilleurs délais. Chacun a pu convenir cétait également un point daccord que le plutôt serait le mieux.
Sur quoi y a-t-il désaccord ? Je ne vous apprends rien. Sur la responsabilité de ce crime, de cette exaction qui consiste à gazer la population. Bon nombre de pays dont la France ont suffisamment déléments, suffisamment dindices, suffisamment de conclusions dun certain nombre de faits incontestables pour dire que cest le régime qui a commis cet acte insupportable, ce massacre chimique. Je lai dit suffisamment tôt et tout ce que nous avons depuis va dans le même sens.
Nous ne sommes pas les seuls à le dire et certaines analyses viendront confirmer cette position, cette affirmation. Dautres pays et notamment la Fédération de Russie contestent et prétendent je ninvente rien, le président POUTINE la encore rappelé dans sa conférence de presse que ce serait lopposition qui aurait gazé ses propres quartiers, sa propre population pour provoquer une intervention. Donc nous sommes, là, de ce point de vue, en désaccord.
Il y a une autre question qui a fait débat et, là aussi, cétait parfaitement légitime de savoir qui devait prononcer la condamnation, la sanction. Bien sûr que la France considère que ce sont les Nations Unies qui sont les seules instances légitimes, le Conseil de sécurité, pour prononcer les conclusions liées à une violation dun traité international, et pas nimporte lequel, le protocole de 1925, vieux de quatre-vingt-dix ans et qui a banni les armes chimiques.
Mais il se trouve et, de ce point de vue, nous avons eu plutôt confirmation de cette attitude que le Conseil de sécurité est bloqué depuis deux ans. Alors il y a certains pays qui disent : « il faut aller encore vers le Conseil de sécurité, nous verrons bien. » Et dautres qui disent : «posons-nous la question si le Conseil de sécurité continue de bloquer et empêche quil puisse y avoir la réponse adéquate, la réplique indispensable à une agression chimique. »
Voilà ce qua été le débat. Il na pas pu être conclu. Chacun peut ici le comprendre. Mais moi, je veux en tirer un certain nombre denseignements. Premièrement, le rapport des inspecteurs, il doit être délivré le plus tôt possible et ce sera un élément dappréciation.
Deuxième enseignement, il y a une exigence de la communauté internationale qui est de tirer les conséquences dune violation du droit international.
Troisième enseignement, le mieux serait que le Conseil de sécurité puisse être le cadre de cette condamnation puisque la mission des inspecteurs est une mission des Nations Unies et quà partir de là, ce devrait être là où la conclusion se tire. Si tel est le cas, tant mieux. Si tel nest pas le cas, une large coalition devra se former, se forme en ce moment même pour rassembler tous les pays qui nacceptent pas quun pays, un régime, devrais-je dire, puisse utiliser les armes chimiques.
Enfin, les Européens doivent travailler ensemble cest ce quils font en ce moment même et encore demain pour au moins se mettre daccord sur ces principes simples : nous devons prohiber les armes chimiques, nous devons condamner ceux qui les utilisent. En Syrie, les armes chimiques ont été hélas mises en uvre. Cest le régime qui en est responsable et nous aurons à en tirer toutes les conclusions.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je tire comme enseignement de ce G20. A tous égards, il aura été utile, très utile pour ce qui concerne léconomie, la croissance, lemploi, la régulation, la préparation de la conférence « Climat », la lutte contre lévasion fiscale.
Oui, cette instance qui avait été créée pendant la crise pour lutter contre la crise, cest une instance qui, maintenant, va être au service de la croissance et de lemploi et de tout ce qui pourra y contribuer, y compris le développement, y compris dans sa dimension climatique.
Et même, le G20 aura été utile pour rassembler des pays par rapport à la situation en Syrie et la France y aura contribué, à sa place, aussi bien pour les questions économiques que pour la question syrienne. Je suis prêt à répondre à vos sollicitations.
QUESTION - Bonjour Monsieur le Président. Vous êtes venu ici, vous lavez dit au G20 défendre la position de la France, y chercher des soutiens politiques en particulier auprès de vos partenaires européens. Alors ces soutiens, avez-vous le sentiment de les avoir obtenus, le soutien de qui ? De quelle manière, vous semble-t-il que la position de la France sur la Syrie sort renforcée de ce G20 ?
Et une question sur un tout autre sujet, si vous le permettez, celui des dernières violences à Marseille. Votre ministre de lIntérieur annonce un « pacte national », une réunion, une table ronde avec des élus sur place. Mais vous Monsieur le Président quel message voulez-vous adresser aux Marseillais après ces violences, ce soir, que comptez-vous, que pouvez-vous faire de plus pour améliorer la situation de Marseille ?
LE PRESIDENT - Je répondrai plus tard à votre question sur Marseille. Elle viendra, vous me le rappellerez si je venais à manquer à cette promesse. Je ne veux mintéresser pour linstant quà ce qui sest dit au G20 et à ce qua fait le G20.
Vous me demandez si la position de la France, pas seulement la position de la France, avait été comprise, entendue et notamment par nos amis européens ? Je rappelle que le G20 ce nest pas une réunion européenne, cest une réunion des pays qui représentent le monde daujourdhui même si ce nest quune partie même de la communauté internationale. Je pense quil y a une majorité de pays participants au G20 qui sont sur la position de la France et des États-Unis, c'est-à-dire le refus de larme chimique, sa condamnation et une riposte appropriée.
Pour ce qui concerne les Européens, proprement dit, ils auront à affirmer une position à travers les ministres des Affaires étrangères, aujourdhui voire demain. Déjà les ministres de la Défense se sont réunis. Quont-ils dit les ministres de la Défense européens ? Quil y avait bien eu larme chimique utilisée en Syrie. Et que les indices les plus convergents allaient vers la responsabilité du régime syrien. Cela ce sont les Européens qui ont commencé à le dire et qui vont continuer à laffirmer.
Après sur la question de lintervention je lai plusieurs fois rappelé, il y a des pays qui ont une responsabilité particulière. La France en est un, dabord parce quelle a les capacités militaires pour agir £ ensuite parce que je me suis déjà exprimé en disant que la France naccepterait pas que ce massacre chimique puisse rester impuni. Et donc nous allons maintenant attendre la décision du Congrès, du Sénat américain, de la Chambre des représentants, puis le rapport des inspecteurs et, au vu de ces éléments, jaurai à prendre des décisions.
Jai dit que jen informerai le pays, et ce que je peux ici vous confirmer cest que cette position est comprise notamment par nos amis européens.
QUESTION - Deux questions sur le calendrier, vous venez de dire que vous allez attendre le rapport des inspecteurs de lONU. Est-ce que cela signifie que vous excluez toute intervention éventuelle avant la publication de ce rapport ? Et lorsque vous évoquez la tentative de ralliement dun soutien européen à la position politique française, est-ce que, même question, si vous ne lobtenez pas, est-ce que vous envisagez dintervenir quand même ?
LE PRESIDENT - Quel est le calendrier ? Le Congrès aura à se prononcer à partir du 9 septembre aux États-Unis. Pour mêtre entretenu avec le président OBAMA il y a quelques minutes, il ma plutôt été indiqué que les votes ne pouvaient avoir lieu quau milieu de la semaine prochaine.
Pour ce qui concerne le rapport des inspecteurs, et cétait ce que nous demandions au Secrétaire général de lONU et ce quil a bien voulu essayer de faire obtenir de la mission, cest que le rapport serait connu. Je ne peux pas donner de date, ce nest pas à moi de la fixer, mais assez rapidement. Et que cela peut être aussi un élément dappréciation pour élargir la coalition qui devra se former. Après, puisque lONU est chargée de cette mission dinspection, les organes auront à en être saisis. Et cest à ce moment-là que des responsabilités devront être prises.
Les Européens, chacun a ses règles, chacun a ses traditions, chacun même a ses positions. Une fois rappelée la condamnation de lusage des armes chimiques, limputabilité claire maintenant qui peut être faire au régime, et ensuite de la nécessité dune sanction, je pense que cest lappui politique quon peut attendre de lEurope.
Mais sur lintervention, si elle devait avoir lieu, dans le cadre de lONU ou hors du cadre de lONU si le Conseil de sécurité était bloqué, la France serait prête à prendre cette responsabilité. Je ne demande pas que dautres le fassent, mais elle sassocierait à une coalition qui pourrait se former dans cette perspective.
QUESTION - Vladimir POUTINE, lors de sa conférence de presse finale vient de déclarer quil soutiendrait militairement, donc il continuerait à soutenir le régime en cas dintervention militaire américaine ou française. Est-ce que ce sommet na finalement pas contribué à mettre Vladimir POUTINE de nouveau au-devant de la scène internationale ?
LE PRESIDENT - Nous sommes où ? A Saint-Pétersbourg. Qui est le pays qui nous invite, dailleurs dans des conditions tout à fait agréables ? Cest le président POUTINE. Il a présidé les débats. Cest dailleurs ce qui se passe pour chaque G8 ou chaque G20. Il a défendu ses positions.
Je les avais déjà entendues dans les rencontres que nous avions pu avoir à Paris et à Moscou, ces derniers mois. Elles navaient dailleurs pas changé, malgré laggravation de la situation en Syrie. Il avait au G8, vous vous en souvenez, cétait en Irlande du Nord, dit quil cherchait une solution politique, ce que dailleurs je le rappelle nous cherchons tous la solution politique. Cest aussi un point daccord.
Mais le jour même du G8, au moment où il se clôturait, il a annoncé quil allait continuer à livrer des armes au régime syrien. Et aujourdhui pour le G20 il en fait confirmation. Donc nous savons sa position. Il a même, puisque il en a dit lessentiel publiquement, prétendu que cétait lopposition qui avait utilisé les armes chimiques. Ce qui dailleurs permet déjà dacter que les armes chimiques ont bien été utilisées.
Lui, il pense que les armes chimiques ont été utilisées par lopposition je ne sais comment, puisquelle nen possède pas £ je ne sais pas quel projectile puisquils nen disposent pas. Tout cela pour justifier lintervention, avec des armes chimiques qui auraient gazé un quartier qui est plutôt tenu par lopposition. Cest la position de Monsieur POUTINE. Il la exprimée dans ce G20.
Donc, de ce point de vue-là, les positions sont restées les mêmes. Sauf que, depuis le G8 jusquà aujourdhui il sest passé un fait qui change la nature même du conflit syrien. Il était déjà horrible, il était déjà meurtrier, il était déjà grave dans ses conséquences, mais là, le 21 août, il y a eu des armes chimiques qui ont été utilisées. Cela en change la nature et cela appelle une réaction de la communauté internationale. Cest cela qui a changé. Et dailleurs le G20 la constaté. Nous naurions pas parlé de la Syrie de la même manière, sil ny avait pas eu la découverte que les armes chimiques avaient été utilisées. Et donc chacun aura à en tirer les conclusions.
Je reviens sur la solution politique. Il y a une formule qui est utilisée, par Barack OBAMA, par les Européens, par moi-même. Cest la suivante : il ny aura pas de solution militaire au conflit syrien. La solution, elle est politique. Mais laction militaire peut accélérer la solution politique. Cest cela quil faut bien comprendre.
C'est-à-dire que si des sanctions devaient être prononcées, si une riposte proportionnée limitée, ciblée, devait être décidée, y compris par la France, cela naurait pas pour objet de renverser le régime, en aucune manière dintervenir pendant des semaines et avec des troupes au sol, nous ne sommes pas du tout dans ce cas de figure. Mais cette réponse, cette réplique, cette riposte aurait pour conséquence daller vers la solution politique.
Ceux qui imaginent quon peut faire une solution politique avec un régime qui massacre, qui gaze et qui entend liquider ceux qui lui font opposition, sil pense cela, quil y aura une solution politique en laissant faire, cela fait maintenant près de deux ans que cela dure, et cela continuera. Mais cela ne continuera pas simplement en Syrie, cela continuera dans toute la région. Ce à quoi je me refuse.
QUESTION - Au sortir de ce G20 vous avez pu apparaître isolé selon certains observateurs. Cela va être à votre retour en France peut-être plus difficile encore de convaincre lopinion. Envisagez-vous toujours un vote oui ou non sur cette question ? Et comment allez-vous tenter de convaincre lopinion française sur ce sujet ?
LE PRESIDENT - Alors, dabord, parlons des observateurs ! Les observateurs, cest une formule pour dire ceux qui commentent lactualité, jimagine. Faut-il encore quils regardent bien.
« Isolé » ? Je viens de prendre connaissance dune déclaration commune en marge du G20 de signataires qui reprennent les positions de la France, des États-Unis et dautres sur la condamnation de lattaque chimique, sur les preuves qui indiquent la responsabilité du gouvernement syrien dans cette attaque et sur la nécessité dune réponse internationale à cette violation grave des règles et des valeurs universelles. Vous verrez qui sont les signataires et après, vous me parlerez de qui est isolé et de qui ne lest pas.
Il nen reste pas moins lopinion. Je lentends, je lécoute, lopinion. Quest-ce quelle nous dit ? Elle nous dit : « On a déjà eu lIrak puis lAfghanistan puis la Libye. Est-ce quon est sûrs quon ne va pas encore une fois se mettre dans une aventure qui peut durer des mois, des années ? »
Quest-ce que je réponds ? La première décision que jai eu à prendre comme président de la République, cest de retirer plus vite quil navait été prévu nos forces combattantes dAfghanistan. Cela a dailleurs été la première conversation que jai eue avec le président OBAMA pour lui faire comprendre que nous considérions que nous pouvions, sans rien modifier de nos alliances, nous retirer dès la fin de lannée 2012. Je lai fait.
Ensuite, dois-je rappeler que la France, sur la guerre en Irak, enfin la deuxième, avait pris la position que lon sait et ny était pas allée et à juste raison ? Ce qui explique que nous navons pas forcément, comme dans dautres pays, à en faire lanalyse.
Enfin, sur la Libye, il y a eu une intervention. Je lai soutenue à lépoque. Et sil y avait eu un vote, jaurais voté parce que je considérais quil y avait un danger pour la population libyenne et pour lopposition libyenne dêtre massacrées. Ensuite, jai pu regretter quil ny ait pas eu le suivi, lencadrement, laccompagnement. Nous connaissons ce qui se passe aujourdhui en Libye.
Et donc, si je suis amené à prendre une décision sur la Syrie, ce nest pas du tout pour rentrer dans une aventure ou une procédure qui durerait avec nos forces armées engagées des semaines. Cest simplement par rapport à ce que je considère être la responsabilité de la France.
Si jétais simplement en train de regarder ce que sont les sondages, mais je navancerais sur aucun sujet ! Celui-là est plus grave encore que dautres ! Mais je suis le président de la République avec les missions qui me sont conférées par nos institutions. Et ce qui doit être uniquement mon obsession, le sens de mon action, cest : est-ce que cest utile à la France et est-ce que cest utile au monde ? Voilà ce qui va me déterminer.
QUESTION - Vous avez dit il y a quelques instants que vous aviez lintention dattendre le vote du Congrès mais aussi le rapport des inspecteurs. Alors, est-ce à dire que vous excluez formellement une intervention militaire en Syrie avant que ce rapport ne soit publié ? Et en avez-vous parlé avec celui qui est désormais votre plus proche et meilleur allié, le président américain, Barack OBAMA ?
LE PRESIDENT - Oui, je vous confirme que jai parlé à Barack OBAMA. En soi, ce nest pas une information. À chaque sommet, nous nous parlons. Il se trouve que là, nous sommes dans une situation où nous avons ce nest pas la première fois les mêmes positions.
Parce que je ne considère pas quêtre sur la même position que Barack OBAMA, ce soit un problème pour la France. Ce serait un alignement par rapport aux États-Unis ? Enfin, là aussi, jai montré suffisamment dindépendance desprit et la France suffisamment dindépendance pour ne pas être, là-dessus, en mauvaise conscience !
En plus, Barack OBAMA est un dirigeant qui sest fait élire dans son pays justement sur un principe qui était de ne pas aller dans des interventions qui nauraient pas été maîtrisées. Et je rappelle quil sétait opposé à la guerre en Irak. Vous parlez dune compagnie ! Je préfère celle-là à dautres.
À partir de là, vous me demandez : « est-ce quon va attendre le rapport des inspecteurs ? » Oui, puisquil va arriver et que ce rapport des inspecteurs, même si vous savez que le mandat est limité puisque le mandat des inspecteurs, cest de savoir sil y a eu des armes chimiques ou il ny a pas darmes chimiques. Nous, nous savons déjà quil y a des armes chimiques mais cest important que les inspecteurs en disent encore davantage sils le peuvent. Donc, oui, nous allons attendre le rapport des inspecteurs, comme nous attendons la décision du Congrès.
Parce que là aussi, il navait jamais été question que la France puisse faire la riposte seule. Non pas quelle naurait pas été capable militairement de le faire, mais parce que nous considérons quune riposte par rapport à la violation dun droit international aussi fondamental que la transgression liée à lusage des armes chimiques appelle une coalition large.
Donc, quand Barack OBAMA a souhaité associer le Congrès à sa décision, nous avons considéré que cest un délai que nous pouvions prendre et qui correspondait dailleurs à cette remise du rapport des inspecteurs. Donc, pour nous, cétait assez cohérent dattendre et le Congrès et le rapport des inspecteurs.
Après, une fois que jaurai tous ces éléments-là, je madresserai à la Nation pour faire connaître mes décisions.
QUESTION - Est-ce que votre expérience militaire au Mali vous conforte dans lidée que lon peut être en première ligne seul ou presque seul et avoir raison quand même ?
LE PRESIDENT - Lorsque jai effectivement dans une situation différente où les terroristes avançaient sur Bamako et où il convenait dagir très vite demandé aux forces armées dintervenir pour empêcher cette agression et ensuite pour libérer le territoire du Mali, quai-je entendu ? Les observateurs. On va rester sur les observateurs et puis dautres aussi qui ne sont pas quobservateurs, qui ont été acteurs dans le passé et qui prétendent lêtre pour la suite !
Quest-ce que jai entendu ? « La France est seule, elle est isolée, elle na pas convoqué les Européens, elle na pas encore eu laccord formel des Nations Unies. » Imaginez que jaie pris cette précaution de dire : « Les terroristes avancent, ils sont bientôt sur Bamako mais nous allons demander une réunion du Conseil européen qui va prendre plusieurs jours, puis ensuite, une réunion du Conseil de sécurité qui va prendre plusieurs jours » Mais cen était fini ! Cen était fini du Mali ! Enfin du Mali tel quil est redevenu, cest-à-dire libre, indépendant, souverain et démocratique.
Ensuite, jai eu lappui des Européens qui ont soutenu et même accompagné et même encadré et formé les troupes africaines. Et je les en remercie de leur solidarité. De la même manière, le Conseil de sécurité nous a donné mandat.
Si je reviens, dans une situation différente, sur la Syrie, la responsabilité de la France est particulière : elle a des capacités militaires que dautres pays nont pas, elle a aussi une position nous sommes membre permanent du Conseil de sécurité. Combien dEuropéens sont membres permanents du Conseil de sécurité ?
A partir de là, jessaye de faire que les Européens se retrouvent, au moins sur la position politique, et puissent ensuite comprendre ce que nous aurons à faire. Jessaye de travailler le plus étroitement possible avec tous les Européens et dans le cadre autant quil est possible de lONU en sachant que pour lONU, il y a blocage.
QUESTION - Le président OBAMA, il y a quelques minutes dans sa conférence de presse, a expliqué quil était un peu plus difficile que prévu, semble-t-il, de réunir une majorité au Congrès. Jimagine que vous avez eu cette discussion. En cas de vote « non » au Congrès américain, que feront la France et les États-Unis ? Est-ce que vous lancerez quand même des représailles militaires sur la Syrie ?
LE PRESIDENT - Je ne peux pas répondre à la place du président OBAMA. Que ferait-il dans ce cas de figure ? Jimagine quil respecterait le vote du Congrès, sauf circonstance exceptionnelle. Mais, vraiment, je nai pas à mexprimer et donc je me refuse à le faire.
Quest-ce que ferait la France ? Je lai déjà dit. Elle ne pourrait pas avoir cette large coalition et elle aurait nécessairement à prendre une autre décision. Cette décision serait damplifier le soutien que nous avons à prodiguer à la Coalition nationale syrienne, cest-à-dire de lui donner tous les moyens de pouvoir faire cette pression militaire et permettre la solution politique. Donc nous ne serions pas dépourvus. Si nous ne pouvions pas réagir à lagression chimique, cela aurait au-delà de savoir ce que ferait la France des conséquences que vous devez avoir à lesprit.
Cela voudrait dire quun dictateur qui utilise larme chimique, qui massacre près de mille cinq cents personnes dont beaucoup denfants naurait aucune sanction de son acte. Cela voudrait dire, en Syrie ou ailleurs, que dautres dictateurs pourraient le faire en toute impunité. Cela voudrait dire quil ny a pas de respect dun accord international fondamental qui interdit lusage des armes chimiques. Cela voudrait dire que la prolifération connaîtrait un développement qui menacerait notre propre sécurité. Cela voudrait dire que, dune certaine façon, nous aurions abandonné notre rôle à léchelle du monde et que, loin davoir la paix, nous aurions toutes les conditions dun déchaînement de bon nombre de conflits.
Ce qui se joue aujourdhui, ce nest pas de savoir qui va intervenir ou qui ne va pas intervenir. Je préférerais que cela se fasse de la manière la plus large dans le cadre des Nations Unies. Cela veut dire : est-ce que nous préservons la paix ou pas ? Ceux qui disent : « Nintervenez pas en Syrie parce que nous voulons la paix » et ils sont de bonne foi , en réalité, laisseront des dictateurs faire la guerre à leurs peuples.
QUESTION - Vous avez comparé tout à lheure un petit peu avec la Libye. Lun des arguments effectivement, on va dire, des Russo-Chinois, cest de dire : bon, et sil y a une intervention, on va accompagner un processus politique. Qui va accompagner ce processus politique ? Comment ? Faut-il un processus comme au Kosovo, mettre sous tutelle la Syrie pendant un moment ? Bref, quest-ce qui se passe après ?
LE PRESIDENT - Ce qui est clair, cest que la réponse ne peut pas être simplement la riposte à la violation dun accord international et dune agression chimique. La réponse doit être un processus. Ce processus, cest de mettre toutes les parties prenantes autour de la table et davoir une issue politique.
Là aussi, le débat nest pas entre ceux qui veulent une solution politique et ceux qui nen veulent pas. Le débat est entre ceux qui veulent une solution politique le plus rapidement possible ou ceux qui prétendent en vouloir et la repoussent à chaque fois. Pour avoir une solution politique rapide, il faut quil y ait une pression militaire sinon le régime dASSAD considérera
Je vous renvoie à linterview du « Figaro ». On ne remerciera jamais assez « Le Figaro » pour son sens civique et davoir permis à lopinion française dêtre éclairée par linterview de ce dictateur. Maintenant, nous savons quil veut « liquider » son opposition, quil nest pas dans une démarche de solution politique, dans une démarche décrasement et de mensonge puisquil prétend quil na pas darmes chimiques alors que chacun sait que les stocks y sont nombreux.
Voilà pourquoi je pense que nous devons avoir et lexpérience libyenne est de ce point de vue éclairante un processus qui soit complet, cohérent et étalé dans le temps.
QUESTION - En annonçant des semaines à lavance à Bachar El-ASSAD quil risque dêtre frappé, on imagine bien que le Président syrien ne reste pas là, les bras croisés, mais quil dissimule, quil disperse, quil cache, quil prend un certain nombre de mesures pour anticiper ce qui pourrait être une attaque. Est-ce quau fond, cette attente ne risque pas de nuire gravement à lefficacité de cette mission ? Et est-ce quon ne risque pas darriver à un moment où ce serait trop tard dune certaine façon ?
LE PRESIDENT - Certains pourraient dire que cela fait un an et demi quil dissimule, quil cache, quil sorganise. Sûrement a-t-il pris des dispositions depuis quelques jours. Nous ferions en sorte, pour la France, de ne viser que les cibles militaires pour éviter, justement, quil puisse laisser penser quil y aurait des victimes civiles.
Mais vous savez, un dictateur ne peut pas tout prévoir et la démocratie shonore davoir des temps différents de ceux des dictateurs. Mais les démocraties ne peuvent pas parce quelles ont des règles, parce quelles ont des procédures, parce quelles ont des temps, parce quelles ont du respect , ne peuvent pas être faibles. Leur force, cest justement le temps qui est nécessaire pour faire comprendre aux opinions publiques le sens des décisions à prendre. Et leur force, aussi, cest de faire respecter le droit.
Et puisque je parle de démocratie, puisque je parle du droit, puisque je parle de la force, il y a la question que vous mavez posée sur Marseille.
Le gouvernement, depuis un an, a mis des moyens supplémentaires, a décidé de mettre en place des zones de sécurité prioritaire, de lutter contre les trafics. Cela prend du temps, cela a des effets. La délinquance sur les quartiers où une zone de sécurité prioritaire a été mise en uvre régresse et cela bouleverse un certain nombre déquilibres ou de partages dans ces quartiers.
On voit bien quil y a une « guerre des gangs ». Le mot guerre nest pas dailleurs, dune certaine façon, usurpée même sil faut toujours avoir la mesure des mots. Mais il y a des règlements de comptes qui sont effrayants.
Je pense que cétait une bonne démarche, celle du ministre de lIntérieur, de favoriser le rassemblement, une forme de « pacte national » pour dire : « Marseille mérite mieux que cette image. » Et cest vrai parce que Marseille a un dynamisme, parce que Marseille a un rayonnement, parce que Marseille a accueilli en grand nombre des touristes, parce que Marseille a des capacités quil convient de mettre davantage en valeur. Cest le sens même de la métropole qui va y être créée.
Donc cest bien quil y ait ce pacte, y compris parce que nous sommes à la veille délections municipales. Il y a des concurrences multiples, y compris à lintérieur dun parti, et il vaut mieux mettre toutes les personnalités pour quelles aillent dans le même sens.
Faut-il mettre encore plus de moyens ? Oui, et le ministre de lIntérieur va le faire. Mais nous devons aussi penser que cette lutte va exiger de la patience parce quil sagit déradiquer des comportements qui sont installés depuis des années et je ne parle pas de décennies puisque Marseille a connu des violences pendant longtemps à travers, là aussi, un certain nombre dépisodes Il faudra du temps, de la patience, des moyens, mais il y aura des résultats. Nous les devons aux Marseillais.
Je pense à ceux qui sont et cest le plus grand nombre attachés à leur ville et qui vivent douloureusement limage quelle renvoie alors que tant de choses positives sy produisent. Quils sachent donc bien que la République est entièrement derrière les Marseillais pour quils en terminent avec ces moments extrêmement douloureux, où chacun peut craindre pour sa propre existence dès lors que des règlements de comptes se passent en pleine rue.
Tout sera fait dans les règles, dans le respect de la loi. Tout sera fait et ce quil faut, cest extirper les trafics et notamment le trafic de drogue dans ces cités. Merci.