4 avril 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations économiques franco-marocaines, à Casablanca le 4 avril 2013.

Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Madame la Présidente de la Confédération générale des entreprises du Maroc a évoqué la qualité, lintensité de la relation entre la France et le Maroc. Elle na eu que peu de mal à parler de lhistoire de lhomme et de la femme qui concourent, chaque fois, au progrès au Maroc et en France.
Mais elle a insisté aussi sur le devoir quune telle relation exigeait de nous : être capables non pas de considérer que notre amitié nous donnerait des droits, pour nous Français, de venir ici investir ou conquérir des marchés £ ou que notre relation affectueuse ferait que le Maroc aurait des privilèges il nen demande aucun. Ce que nous avons à faire, cest de prendre en compte la réalité du Maroc daujourdhui et de faire quavec la France nous puissions avancer ensemble.
Vous avez pris les devants, Mesdames et Messieurs les chefs dentreprise puisque cest le troisième forum de lannée que vous organisez. Et donc je pense quil y a là comme une étroitesse de relation, une confiance réciproque et une capacité à avancer sur des projets. Je remercie dailleurs tous les intervenants qui ont fait rapport des réflexions qui vous ont animés tout au long de la journée.
Je veux donc partir du Maroc daujourdhui pour dire, au-delà de cette assemblée, que votre pays le Maroc nest plus un pays en développement, comme il était décrit il y a encore quelques années, mais que sous limpulsion de Sa Majesté et des gouvernements successifs, le Maroc est devenu un pays émergent. C'est-à-dire doté dinfrastructures solides, avec des pôles dexcellence dans lindustrie, dans les services. Pleinement intégré dans le marché régional, surement, mais le marché mondial aussi. Avec des entreprises puissantes, comme lOffice chérifien des phosphates, qui est le premier producteur mondial mais aussi dautres qui ont acquis la taille nécessaire pour aller sur les marché mondiaux.
Deuxième réalité, la France est le premier partenaire commercial du Maroc. Avec un niveau déchange élevé : huit milliards deuros. Nous sommes le premier client du Maroc et je lévoquais devant le Parlement, nous ne sommes plus le premier fournisseur et nous en sommes les premiers responsables. Nous ne devons jamais accuser les clients, nous devons dire que nous devons être meilleurs encore pour que nous puissions retrouver notre place. Mais néanmoins, nous sommes le premier investisseur au Maroc. Près de 6 milliards deuros au cours de la dernière décennie, 1 milliard deuros au cours de la seule année 2012.
800 entreprises présentes au Maroc ayant une relation avec la France, 100 000 salariés concernés : cest dire lampleur de la présence de la France. Cest dire aussi si la France a confiance dans le Maroc. Et elle la encore démontré au cours de ma visite et jen remercie tous ceux qui mont fait le meilleur accueil. A commencer par le Roi et le chef du gouvernement. Et le Parlement.
La France, une nouvelle fois avec lAgence Française de Développement, va pouvoir apporter des fonds et des prêts. Je rappelle que lAgence Française de Développement a un stock dengagements de plus de 2 milliards deuros. Elle intervient sur lensemble des plans sectoriels : le « Maroc Vert » £ la stratégie « Halieutis » pour les ressources aquatiques £ le plan démergence industrielle, le plan solaire bref nous sommes pleinement impliqués dans les projets du Maroc. Et nous avons des réussites qui nous font honneur, je pense à TangerMed, la ligne de TGV entre Tanger et Casablanca, le développement du tramway à Casablanca.
Alors partant de cette réalité un Maroc qui change, un Maroc qui connait la croissance, qui gagne une taille à léchelle de la région et du monde par rapport à une présence aussi significative de la France, la seule question à laquelle nous devons répondre cest : comment améliorer ? Comment avancer ? Comment progresser ?
Alors nous devons dabord réussir 3 évolutions :
- La première : amplifier le courant dinvestissements français au Maroc dans tous les domaines, dans tous les secteurs et à chaque fois avec une ambition technologique. Mais également susciter des investissements marocains en France. Cest-à-dire considérer que la relation est bilatérale et que des entreprises marocaines ou franco-marocaines peuvent avoir aussi intérêt à venir investir en France. Cela suppose une évolution de nos mentalités ici au Maroc comme en France.
- Deuxième mutation que nous devons accomplir : au Maroc sont présentes, je lai dit, de très grandes entreprises, quasiment toutes les entreprises du CAC 40 sont au Maroc. Certaines dailleurs depuis plus de 80 ans, comme Renault ou Air Liquide. En revanche, il y a trop peu de PME, ou dentreprises françaises de taille intermédiaire au Maroc. Et notre responsabilité celle des grandes entreprises, celle de la France cest daccompagner financièrement les investissements de ces PME £ et la responsabilité du Maroc, cest daccueillir ces PME. Nous devons faire en sorte quil y ait toutes les tailles dentreprises françaises présentes au Maroc. Là encore, je fais confiance à toutes les grandes entreprises françaises qui sont ici pour accompagner les plus petites.
- Troisième évolution, elle a été évoquée ici, cest lidée de la colocalisation. C'est-à-dire de permettre que tout investissement français au Maroc soit bénéfique à lemploi local mais aussi à lemploi français. Faire en sorte que les Français comme les Marocains regardent une entreprise qui sinstalle au Maroc comme une chance et pas simplement comme la recherche dun écart de coût du travail £ comme un moyen daméliorer la compétitivité globale et de créer des activités supplémentaires en France et au Maroc. Cest lidée très importante de co-investissements, de colocalisation. Si nous y parvenons alors nous pouvons créer une forme démulation, de confiance réciproque. Je sais aussi que beaucoup de jeunes Français issus de limmigration marocaine sont prêts également à faire ce choix, à venir investir dans lintérêt mutuel de nos deux pays.
Si je voulais évoquer une dernière évolution, au-delà des trois que je viens de souligner comme nécessaires, cest lidée de considérer lAfrique comme un continent davenir, comme un continent de croissance. Et dès lors que nous en sommes convaincus, de faire en sorte que Maroc et France unissent leurs talents, leurs atouts, montrent une complémentarité avec la langue française comme patrimoine commun, pour aller chercher des marchés dans toute lAfrique. Cest lidée que vous avez développée.
Cela exige donc quun partenariat nouveau puisse sorganiser entre entreprises françaises et entreprises marocaines pour permettre doffrir les meilleures conditions aux pays africains, pour acheter nos produits, nos fabrications ou accueillir nos investissements. Pourquoi je pense que cela peut réussir ? Dabord parce que, cela a été dit, le Maroc est une plateforme qui est tout à fait essentielle sur le plan géographique. Parce que le Maroc a créé un climat de confiance avec les pays africains. Et parce que la France est également présente en Afrique, avec une relation si amicale quelle inspire, là aussi, une forme de travail en commun. Donc nous pouvons agir ensemble pour favoriser la croissance en Afrique et en tirer le meilleur retour pour nous-même.
Ensuite dans quels secteurs pouvons-nous faire davantage ? Au-delà des évolutions et des mutations que nous pouvons opérer, jen vois trois :
- Le premier, cest le développement durable et surtout laménagement des villes. Cest dailleurs pas simplement un sujet marocain, cest un sujet africain et de beaucoup de pays émergents. Parce que les villes grossissent avec une rapidité considérable. Ce qui génère des équipements également impressionnants. Nous, en France, nous avons cette expérience du développement urbain. Nous pouvons coopérer efficacement sur le traitement des déchets, jen ai eu la démonstration en inaugurant à Casablanca avec le Roi, la station dépuration de Mediouna. Mais nous pouvons également travailler ensemble sur les transports publics, sur laccès à leau, sur les grands aménagements pour concevoir les villes de demain. Là encore, le Maroc anticipe. Le Roi ma montré, sur une très belle maquette, ce que sera la ville verte de Zenata. Alors voilà un sujet où, Français et Marocains, nous pouvons travailler dans lintérêt du Maroc et également offrir une vitrine pour dautres développements.
- Deuxième domaine, les énergies renouvelables. La France et le Maroc ont un point commun : nos deux pays nont pas de pétrole. Donc, nous devons faire le pari des énergies renouvelables et des accords importants ont été signés au cours de ma visite et nous devons sur le solaire, sur léolien et sur lensemble des énergies renouvelables être capables, là encore, dêtre dans lexcellence. Nous pouvons développer des filières industrielles en France et au Maroc sur les nouvelles énergies ou sur lefficience énergétique. Car quand on construit des villes, mieux vaut que les habitations prévues soient les plus garanties par rapport au climat. Ici cest plutôt le chaud, nous cest plutôt le froid. Mais cest la même ambition : faire que nous puissions économiser lénergie.
- Le dernier domaine, cest lagroalimentaire. Là aussi, un accord important a été passé entre Sofiproteol et Danone pour réaliser des investissements au Maroc. Je souhaite que nous puissions tirer le meilleur parti de nos agricultures. Lagriculture française est non seulement dynamique, efficace, exportatrice, mais respectueuse de lenvironnement. Elle adopte des formes dexploitation très différentes selon les territoires et, là encore, elle peut être pour lagriculture marocaine un puissant soutien. Lagriculture, ce nest pas simplement des agriculteurs, ce sont aussi tout un système économique autour de lagriculture et vous avez, vous, une agriculture puissante avec une vocation à développer une industrie agroalimentaire de grande qualité.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais souligner. Prendre en compte la réalité du Maroc, encourager la présence française, montrer que nous devons évoluer dans nos comportements. Plus de PME, plus dinvestissements marocains en France, plus de colocalisation, plus de partenariats pour aller chercher ensemble la croissance en Afrique, faire le pari des énergies renouvelables, du développement durable, de lagroalimentaire et dernier message : former les jeunes.
Cest un devoir moral pour assurer aux générations suivantes une vie digne. Cest un devoir économique. Ce ne sera pas possible daller dans les nouvelles technologies sans avoir une jeunesse qualifiée et formée. Cest aussi un devoir commun parce que la langue nous réunit. Alors la France fera tous les efforts pour ouvrir ses établissements, pour accueillir des jeunes mais aussi pour les former ici au Maroc. Pour créer des coopérations entre universités, entre instituts technologiques, entre centres de formation professionnelle, dans tous les domaines. Jévoquais lagriculture. Mais ce que je sais, cest que si nous ne donnons pas espoir à la jeunesse qui souffre du chômage parce quelle est sous-qualifiée, mais qui souffre quelque fois du chômage même quand elle est qualifiée, alors nous prendrions un risque pour lavenir de nos pays respectifs.
Le message que jadresse aux chefs dentreprises et notamment aux chefs dentreprises de France, cest et ils le savent de faire aussi le choix dinvestir ici au Maroc pour la formation. Et de faire que les jeunes Marocains, quand ils voient des entreprises françaises, les considèrent aussi comme des entreprises amies et presque marocaines.
Merci.