28 mars 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Entretien de M. François Hollande, Président de la République, sur France 2 le 28 mars 2013, sur les défis et priorités du quinquennat.

David PUJADAS
Bonsoir, Monsieur le Président.
François HOLLANDE
Bonsoir.
David PUJADAS
Merci daccorder à FRANCE 2 ce grand entretien. On va tenter daller droit au but. Il y a de la déception, il y a de la désillusion : croissance zéro, chômage record, pouvoir dachat, déficits. Alors, où va la France ? Quel est le cap ? On va parler du rythme des réformes, de cette rigueur qui parait sans fin. On va aussi parler de sujets qui concernent directement les Français : les allocations, les retraites, la délinquance peut-être.
Mais dabord, un mot plus personnel, qui concerne vous et qui concerne lexercice du pouvoir. Pour le résumer, on pourrait dire que beaucoup se demandent si, dans ce qui ressemble à une tempête, vous avez lautorité, le tempérament pour tenir la barre dune main ferme ?
François HOLLANDE
Merci dabord pour votre invitation. Quand je me suis présenté à lélection présidentielle, je connaissais la situation du pays.
David PUJADAS
Vraiment ?
François HOLLANDE
Je savais la crise qui nous frappait, frappait lEurope. Je savais quil y avait depuis cinq ans une augmentation du chômage : un million de chômeurs en plus. Je savais quil y avait des déficits.
David PUJADAS
Vous ne lavez pas sous-estimée ?
François HOLLANDE
Comment laurais-je sous-estimée ? En revanche, ce que nous navions pas anticipé, cétait que cette crise allait encore durer plus longtemps que prévu. Alors, quest-ce que jai fait ? Jai simplement annoncé des mesures ? Non, jai mis en place une politique. Tous les outils sont là. Cest cette politique-là, tous les outils-là qui maintenant vont être mis en uvre pour atteindre lobjectif. Quel est lobjectif ? Parce que je suis lucide, je suis conscient, jai les yeux ouverts
David PUJADAS
Vous entendez ce qui se dit, vous entendez !
François HOLLANDE
Je regarde et jentends !
David PUJADAS
Où est le cap ? Où est la feuille de route ?
François HOLLANDE
Il y a un chômage qui progresse, continument, je lai dit. Sur les 60 derniers mois, 52 avec une augmentation du chômage. Donc, mon premier objectif et je lai affirmé, cest dinverser la courbe du chômage à la fin de lannée. Dinverser, ça veut dire quoi ?
David PUJADAS
Beaucoup pensent que cest un vu pieux !
François HOLLANDE
Ça veut dire quoi inverser ? Ça veut dire que ça va augmenter jusquà la fin de lannée nous en subissons encore les effets et puis, à la fin de lannée, nous serons dans une baisse du nombre de chômeurs. Est-ce que cest un vu ? Non. Ce nest pas non plus un pronostic. Cest un engagement et une bataille. Je la mène cette bataille et je vais y mettre tous les moyens. Les moyens, je ne vais pas avoir à les inventer, ils sont là. Il y a les emplois davenir nous allons en parler pour les jeunes, ceux qui sont sans qualification, ils seront 150 000 avant la fin de lannée.
David PUJADAS
Ça part lentement !
François HOLLANDE
Ça part lentement, mais ça arrivera sûrement !
David PUJADAS
Plus lentement que prévu !
François HOLLANDE
Ce qui compte, cest darriver à avoir autant de jeunes que nous en avons souhaité. Remettre le pied à létrier pour ces jeunes souvent des quartiers difficiles
David PUJADAS
Surtout dans le secteur public, ces emplois davenir !
François HOLLANDE
Oui, cela, cest fait pour le secteur public et le secteur associatif. Et puis, il y a le contrat de génération. Cela vient dêtre voté, mis en uvre, dès le mois de mars et cela va augmenter : 70 000 à 80 000 créations demplois pour les jeunes et de maintien des seniors, c'est-à-dire de ceux qui peuvent leur transmettre leur expérience, dans lentreprise. Mais je ne vais pas simplement mettre en uvre ces outils-là.
Jai également décidé, cétait au mois de novembre, de faire ce quon appelle le pacte de compétitivité. Cela veut dire quoi ? Parce que cest des mots, ce que les Français veulent comprendre, cest ce qui va se passer. Pour toutes les entreprises, en 2013, elles vont avoir une diminution de lensemble de leur masse salariale de 4%. Avec cela, ces entreprises peuvent investir, embaucher, exporter, faire tout ce que peut faire une entreprise quand elle laffronte, et elle affronte aujourdhui, lentreprise France, la compétition. Cela se met donc en uvre tout de suite. Mais je ne me suis pas arrêté là.
Jai créé une Banque publique dinvestissement. Pour quoi faire ? Pour quil y ait des moyens financiers qui soient apportés justement aux entreprises en fonds propres, en prêts, toute forme de participation pour les amener vers des filières que nous considérons comme stratégiques, prioritaires. Lesquelles ? La transition énergétique, les énergies nouvelles, la santé, léconomie du vivant, les biotechnologies, lautomobile, la voiture propre et puis aussi tout ce qui a trait au logement. Donc, on met en place cette politique.
David PUJADAS
La boîte à outils, on la entendu, on va parler de certains de ces outils en détail. Mais dabord, simplement, un mot. Quand vous dites « je nai pas sous-estimé la crise », on avait cru comprendre, on avait cru entendre que vous disiez « cette crise, elle est passagère », « la crise de leuro est derrière nous », vous aviez prononcé ces mots au début de lannée dernière, par exemple.
François HOLLANDE
Bien sûr. Quest-ce quon a réglé jusquà présent ? Jy ai contribué puissamment, cest précisément la crise de la zone euro.
David PUJADAS
Elle nest pas réglée, il y a eu Chypre encore récemment !
François HOLLANDE
Il y a encore Chypre, mais
David PUJADAS
Peut-être la Slovénie demain !
François HOLLANDE
Là, ce sont des pays de taille modeste, que nous traitons, non sans difficulté, compte tenu des excès du système financier.
David PUJADAS
LItalie est toujours fragile !
François HOLLANDE
LItalie, fragile
David PUJADAS
Cest un grand pays !
François HOLLANDE
Les mécanismes, là encore, ont été introduits depuis dix mois. Parce que je vous rappelle que je suis président de la République depuis dix mois, pas depuis dix ans. Je nai pas la responsabilité du pays depuis dix ans ! Depuis dix mois. Mais moi, je ne me défausse pas. Je suis là, je suis président, ce nest pas pour me mettre en contradiction avec mon prédécesseur, cest pour régler létat du pays pour le léguer éventuellement à mon successeur. Donc
David PUJADAS
Vous aviez fait pardon, Monsieur le Président les prévisions de croissance de plus de 1,5% pour cette année 2013 ou pour lannée 2014 et les suivantes On voit bien que cette croissance ne sera pas au rendez-vous, donc que cette crise est plus forte que ce que vous aviez imaginé.
François HOLLANDE
Quand je suis arrivé aux responsabilités de la France, les prévisions de la Commission européenne, de tous les instituts pour lannée 2013, cétait 1,2%. Moi-même, jai considéré que cette prévision nétait pas réaliste, cétait celle de mon prédécesseur, ce nétait pas réaliste. Je ne lui en fais pas reproche, tout le monde était sur cette hypothèse-là.
Jai déjà corrigé au mois de septembre en disant on ne fera pas 1,2%, on ne fera que 0,8 au mieux. Et puis, jai eu aussi la franchise de dire : mais non, finalement, on ne va pas faire 0,8 parce que lEurope est en récession, en ré-ces-sion. En Italie, Espagne, Portugal, Belgique, Royaume-Uni, ce nest pas une croissance que ces pays connaissent, cest une décroissance, une récession. Nous, on ne va pas sen vanter, on est croissance zéro, nulle. Quand on est en croissance zéro, on ne crée pas demploi. Donc, jai pris des mesures pour tenir compte de cette situation.
Quelle est ma priorité ? Quel est mon cap ? Ma priorité, je lai dit, cest lemploi, mais mon cap, cest la croissance, je veux que la France connaisse une croissance. Pourquoi une croissance ? Parce que cest la production nationale qui est en cause. Quand je vois les images, ce qui me heurte le plus, ce sont des entreprises qui ferment, ce sont des salariés qui ne comprennent pas ce qui leur arrive, ce sont les décisions douloureuses qui sont prises, parfois par des petites entreprises, où on arrête une activité ! Donc, jai ce devoir de remettre de la croissance.
David PUJADAS
Restaurer la croissance. Si on vous entend bien
François HOLLANDE
Donc, restaurer la croissance, cela veut dire quoi ? Renforcer la production nationale, la compétitivité ce que nous avons fait avec le pacte £ le crédit dimpôt qui va permettre aux entreprises davoir moins de charges et donc de pouvoir investir £ la Banque publique dinvestissement £ les filières industrielles £ et puis, aussi réorienter lEurope, parce que
David PUJADAS
On va en parler un peu plus tard, mais je voudrais marrêter à cette fameuse boîte à outils. Vous nous dites « tous les outils sont là », il ny aura plus de réforme dampleur pour la productivité, les outils sont là, il faut simplement les développer, on attend la croissance maintenant !
François HOLLANDE
Non. Les outils sont là, il faut les utiliser pleinement. Les entreprises, quelles prennent vraiment
David PUJADAS
Ils sont suffisants ?
François HOLLANDE
Je vais y venir ! Dabord, il faut les utiliser. Je ne suis pas simplement dans des effets dannonce. Les entreprises ont à disposition le pacte de compétitivité, le crédit dimpôt qui peut leur permettre dalléger immédiatement leurs charges salariales.
David PUJADAS
Alors, est-ce quon en dit un mot ?
François HOLLANDE
Là-dessus, la Banque publique dinvestissement est même prête à avancer largent nécessaire.
David PUJADAS
Lorsque Louis GALLOIS, qui est une référence à gauche maintenant, parlait dun « choc de compétitivité » pour ces entreprises
François HOLLANDE
Pas simplement à gauche, pour le pays !
David PUJADAS
Pour le pays. Il parlait dun montant de 30 à 50 milliards deuros. Là, vous « donnez », entre guillemets, 20 milliards dallègements aux entreprises pour diminuer le coût du travail. Cest quasiment le montant que vous leur avez pris avec les augmentations dimpôts. Est-ce que ce nest pas cest ce que disent les entreprises, beaucoup de chefs dentreprise
François HOLLANDE
Oui, ce ne sont pas nécessairement les mêmes entreprises. Cest vrai quon a demandé aux entreprises un effort de lordre de 10 milliards deuros et on leur a demandé cet effort essentiellement pour les plus grandes, celles qui étaient sur le marché international et qui avaient les moyens dassurer cet effort. Nous avons épargné les petites et moyennes entreprises.
Mais il y avait un redressement à faire, tout le monde devait y participer. Jai considéré que pour les années 2013 et 2014, toutes les entreprises françaises, dès lors quelles avaient un salarié, peuvent bénéficier de cet avantage, qui nest pas un cadeau, qui est un soutien. Parce que, moi, je veux renforcer la production.
David PUJADAS
Un soutien à la compétitivité, ce sera suffisant, daprès vous, pour restaurer en partie cette compétitivité ? Jai entendu aussi sur la BPI, bien sûr.
François HOLLANDE
Ce nest pas encore suffisant, il y a la Banque publique dinvestissement, il y a la loi bancaire parce que beaucoup dentreprises souffrent dun manque de crédit bancaire, donc nous devons leur apporter toutes les conditions pour trouver du crédit. Jai fait relever le plafond du Livret A pour quil y ait davantage dinvestissement, lépargne pouvant aller vers le logement, vers la construction. Mais je pense que nous pouvons encore faire davantage.
Ce soir, je vais dire aux entreprises que nous allons faire un « choc de simplification ». C'est-à-dire, je lai déjà proposé pour le logement, que lon va réduire de trois fois les délais pour les constructions, deux fois pour les contentieux cela, cest pour le logement. Je me suis dit : nous allons pouvoir trouver de la croissance aussi par la simplification, donc un choc de simplification.
David PUJADAS
C'est-à-dire, concrètement ?
François HOLLANDE
C'est-à-dire quaujourdhui, une entreprise, une petite, elle est obligée de faire envoyer à ladministration 3 000 informations par an. 3 000 ! Pourquoi ?
David PUJADAS
Demain ?
François HOLLANDE
Demain, il faut réduire de deux fois à trois fois ce chiffre.
David PUJADAS
Beaucoup lont promis, peu lont fait.
François HOLLANDE
Moi, je suis dans lobligation de faire. Je ne suis pas simplement dans une annonce permanente, je suis dans lobligation de réussir. Parce que le pays ne peut plus attendre. La différence entre la situation daujourdhui et celle quon a pu connaitre dans le passé, cest que la crise a été trop longue. Moi, jai le devoir de faire sortir la France de la crise. Donc, je vais y mettre tous les moyens. Je vous ai dit déjà toute la boîte à outils.
David PUJADAS
Mais vous nous dites : il ny en aura pas dautre, si ce nest la simplification administrative.
François HOLLANDE
Si, si Il y a encore beaucoup à faire ! Par exemple, sur la formation professionnelle, les chômeurs attendent parfois quinze mois vous entendez ? Quinze mois pour avoir une formation. Un quart des chômeurs attendent quinze mois, des chômeurs de longue durée ! Je vais proposer, avec les partenaires sociaux, quun chômeur sur deux puisse avoir une formation professionnelle dans le délai de deux mois, deux mois. Parce que cest une obligation.
On met donc en place des mesures pour les entreprises, on met en place des mesures aussi pour le marché du travail avec laccord vous vous rendez compte, un accord ! On peut le contester, on peut le critiquer passé entre les partenaires sociaux, les syndicats, pas tous, et le patronat, pour que les salariés soient mieux protégés et que les entreprises puissent avoir plus de souplesse lorsquil y a des difficultés de conjoncture.
David PUJADAS
Beaucoup ont salué cet accord, mais beaucoup se demandent sil sera retranscrit tel quel par le Parlement, dans la loi, strictement.
François HOLLANDE
Lengagement que jai pris devant les partenaires sociaux, ceux qui ont signé, cest que ce serait tout laccord, rien que laccord.
David PUJADAS
Même si une partie de votre majorité demande à ce quil
François HOLLANDE
Il peut y avoir des corrections qui améliorent. Toute correction devra être approuvée par les signataires. Cest donc un engagement fort. Pourquoi ? Parce que jai voulu faire confiance aux partenaires sociaux. Jamais vous vous rendez compte ! jamais il ny avait eu un accord entre partenaires sociaux sur cette question du marché du travail.
Pour les entreprises : compétitivité, marché du travail, choc maintenant de simplification. Pour les salariés : mieux protégés parce que cet accord va mieux les protéger par rapport aux plans sociaux. Pour quun plan social soit approuvé, il va falloir quil y ait un accord majoritaire dans lentreprise avec les syndicats. Sil ny a pas daccord majoritaire, cest ladministration du travail qui approuvera. Cela évitera tout ce qui se passe aujourdhui avec un certain nombre dentreprises qui licencient dans des conditions très douloureuses pour les salariés et même douloureuses pour les employeurs.
David PUJADAS
On va parler de lautre grand chapitre de la politique économique que sont les finances publiques. Mais deux points dabord sur cette compétitivité et sur la vie des entreprises. Beaucoup de chefs dentreprise sont troublés parce quils entendent des messages contradictoires. Cest vrai quil y a eu des messages contradictoires, quils ont pu penser quils nétaient pas les bienvenus : il y a eu laffaire des pigeons, il y a eu des propos de certains ministres qui laissent entendre que le chef dentreprise, finalement, ce serait un nanti et pas forcément le créateur de richesse
François HOLLANDE
Non.
David PUJADAS
Quest-ce que, vous, vous dites aux chefs dentreprise ? Est-ce quils sont les bienvenus ?
François HOLLANDE
Dabord, moi, je madresse à tous les Français. Jai besoin de tous les Français, quelle que soit leur place dans la vie économique et sociale. Jai besoin de tous, des salariés et des entrepreneurs, de tous ceux qui contribuent à lactivité, y compris de ceux qui ont travaillé beaucoup, qui peuvent encore donner beaucoup
David PUJADAS
Vous leur dites : « Je compte sur vous » !
François HOLLANDE
Je compte sur les entrepreneurs et je vais le montrer. Dabord, je lai déjà acté par les mesures de confiance que jai prises : ce pacte de compétitivité, la réforme du marché du travail, cela navait jamais été fait jusque-là. Jai été plus loin, on va investir dans les filières davenir, beaucoup de chefs dentreprise qui sont dans les secteurs porteurs.
Parce que, moi, jai confiance dans la France. La France est un grand pays, la France, cest un pays qui a une technologie très avancée. On en a encore fait la démonstration, aussi bien sur laéronautique que sur lautomobile ou sur les biotechnologies. On va donc investir dans les filières davenir. Donc, tous ceux qui sinterrogent : est-ce quon a une place encore dans cette compétition ? Est-ce quon ne va pas être débordé par les pays émergents ? Est-ce que lAllemagne nest pas plus forte que nous ? Non !
David PUJADAS
Il y en a certains qui partent aussi !
François HOLLANDE
Oui. Sur le plan fiscal, on la dit, il y a eu des mouvements ! Jai pris deux décisions. La première, cest sur la transmission dentreprise, la cession dentreprise, tous ceux qui ont créé une activité, qui, à un moment, parce quils ont atteint lâge ou parce quils veulent céder une entreprise à des salariés ou à dautres repreneurs, dans de bonnes conditions, on aménagera la fiscalité. Je mettrai à plat les choses pour que
David PUJADAS
C'est-à-dire ?
François HOLLANDE
Pour que ce soit plus simple et surtout moins coûteux pour ces chefs dentreprise.
David PUJADAS
Allègement de la fiscalité sur la transmission des entreprises
François HOLLANDE
sur la transmission et sur la cession, lorsque cest à des repreneurs qui permettent, bien sûr, le maintien, voire le développement de lemploi.
Deuxième proposition, cest pour donner un signe aussi je lavais annoncé dans la campagne sur ces rémunérations extravagantes ! Parce que, moi, jai confiance dans les chefs dentreprise, je pense quil faut quils réussissent parce que leur réussite, cest la nôtre. Mais, en même temps, quand il y a des rémunérations qui sont jugées très élevées
Javais souhaité quon introduise cette contribution de 75%. Le Conseil constitutionnel a pris une décision, je la respecte, donc je vais procéder différemment. Dans les entreprises, dabord, il doit y avoir une transparence des rémunérations. Dans les plus grandes entreprises, parce que cela ne se passe que dans les plus grandes entreprises, ces rémunérations au-dessus de 1 million deuros ! Dans les grandes entreprises : transparence ! Lassemblée générale des actionnaires sera consultée sur ces rémunérations. Lorsque la rémunération dépasse 1 million deuros, lentreprise aura une contribution à payer qui, toutes impositions confondues, atteindra 75%. Donc, je respecte pleinement lengagement que jai pris.
David PUJADAS
Donc, cest lentreprise qui prendra en charge
Franois HOLLANDE
Cest lentreprise qui prendra en charge, les actionnaires dailleurs en délibèreront ! Quelle est mon idée ? Ce nest pas de punir, ce nest pas dempêcher. Cest de dire : dans ce moment si difficile que lon traverse et que beaucoup est demandé aux salariés, est-ce que ceux qui sont au plus haut des rémunérations ne peuvent pas faire pendant deux ans, deux ans, cet effort ? Pour ne pas être sur le champ fiscal des ménages, on va le faire du côté de lentreprise.
David PUJADAS
Donc, ce nest pas le salarié qui paiera, cest lentreprise qui paiera.
François HOLLANDE
Ce sera lentreprise qui sera responsabilisée. Quel sera leffet de cette disposition ? Cest que beaucoup de grandes entreprises qui pouvaient être tentées de rémunérer certains cadres dirigeants, très peu dailleurs, plus de 1 million deuros, ces entreprises-là feront, jimagine, pendant deux ans sauf à payer cette contribution qui sera au plus de 75% feront en sorte, peut-être, dexpliquer à ces cadres dirigeants que mieux vaut, pendant deux ans, faire cette pause.
Dailleurs, il y a un exemple qui nous a été donné : laccord qui a été passé par RENAULT pour garder les sites en France et faire quil y ait plus demplois en France. Quest-ce quon a demandé au président de RENAULT ? De diminuer sa rémunération. Cest le même esprit.
David PUJADAS
Alors, puisque vous parlez des impôts, il y avait eu un engagement de pris on va parler de la fiscalité de manière plus générale , il y avait eu un engagement de pris : après le choc fiscal de 2013, plus daugmentation dimpôt. Est-ce que, là, il ny a pas un problème de sincérité de la parole publique ? On voit que pour 2014, déjà, il y aura 6 milliards dimpôts supplémentaires parce que certaines ressources séteignaient après lannée 2012. Est-ce que vous pouvez dire ce soir, dans le reste du quinquennat, oui, il ny aura plus daugmentation dimpôt, on fera par la dépense ?
François HOLLANDE
Je vais parler dabord de lannée 2013. Nous sommes en 2013, ceux qui nous écoutent veulent savoir quest-ce qui va se passer, nous avons pris des décisions difficiles en 2012 pour 2013. Nous avons demandé aux plus hauts revenus, mais pas quaux plus hauts revenus, cest vrai
David PUJADAS
Tous les revenus, on a vu la diminution du pouvoir dachat, cest dû à laugmentation des impôts !
François HOLLANDE
Non. Cest dû à des décisions qui avaient été prises avant nous, pour 13 milliards deuros £ et par nous par moi donc, jassume toutes les responsabilités pour 7 milliards deuros. Parce que nous devions absolument garder lobjectif des déficits publics. La preuve
David PUJADAS
Alors que vous aviez laissé entendre que cétait les plus riches seulement qui paieraient cette augmentation dimpôt
François HOLLANDE
Oui, pour lessentiel, cela a été les plus favorisés. Mais jen conviens, il y a eu beaucoup de petites taxes qui ont été demandées
David PUJADAS
Est-ce que vous laviez dit pendant la campagne ? Parce que cest beaucoup ce quon vous reproche aussi souvent : il na pas dit ce quil fait aujourdhui.
François HOLLANDE
Si. Vous mavez suffisamment interrogé pour savoir que jai toujours dit que ce serait difficile pendant deux ans
David PUJADAS
Pour tout le monde ?
François HOLLANDE
Pour tout le monde.
David PUJADAS
Vous disiez pour les plus riches
François HOLLANDE
Pour les plus riches, je pense que cela a été un effort queux-mêmes ont regardé comme significatif, si jen crois un certain nombre de déclarations. Reportez-vous à certaines
David PUJADAS
Cela na pas forcément été compris
François HOLLANDE
A certains propos fracassants. Mais cest plus dur, je lai dit, cest plus dur ! Parce que quest-ce que javais comme solution quand jarrive : laissez filer le déficit ? Etre sanctionné par les marchés ? Bruxelles ? Je my suis refusé. Parce que jai le sens de lindépendance de mon pays, de la souveraineté.
David PUJADAS
Diminuer les dépenses davantage
François HOLLANDE
Diminuer les dépenses, je ne pouvais pas le faire en 2012, les budgets avaient été votés, je ne pouvais pas réduire telle ou telle dépense déjà en fait « dépensée ». Jarrive au mois de mai. Donc, pour 2012, on a pris des décisions qui ont des effets en 2013 et que les Français vont avoir à vivre.
Aujourdhui, on a moins de croissance que prévu, je pourrais dire : on va encore demander un effort supplémentaire. Eh bien non ! En 2013, on va faire des économies pour quil ny ait pas defforts de plus demandés aux Français.
David PUJADAS
Sauf les 6 milliards ?
François HOLLANDE
Non, cela, cest pour 2014. 2014 ! Jai annoncé, depuis la fin du mois de décembre dernier, quil y aurait une augmentation de la TVA en 2014 pour financer le pacte de compétitivité et la baisse des 20 milliards sur la masse salariale des entreprises pour leur permettre dembaucher. Donc ces 20 milliards, je dois trouver à les financer. Donc jai dit : une partie en économies £ une autre, cela sera laugmentation de la TVA au taux supérieur, le taux intermédiaire et une baisse de la TVA
David PUJADAS
Sur les produits de première nécessité
François HOLLANDE
pour que le pouvoir dachat des Français ne soit pas affecté trop. Donc jai déjà annoncé cela. Eh bien, pour 2014 en dehors de cette disposition pour les ménages, il ny aura aucune autre augmentation dimpôt.
David PUJADAS
Ni de taxe ?
François HOLLANDE
Ni de taxe Pour financer la Sécurité sociale, nous en reparlerons. Je parle de lEtat : il ny aura pas daugmentation dun autre impôt que celui que jai annoncé.
David PUJADAS
Et les collectivités locales ?
François HOLLANDE
Les collectivités locales, elles sont libres, maîtresses de leurs décisions. Elles doivent faire un effort £ je leur ai demandé de faire un effort parce que les dotations de lEtat vont être en diminution de 1,5 milliard. Chacun doit prendre sa part. Elles lont compris. Ce nest pas facile mais chacun est pris dans ce processus déconomie.
Comment faire, donc, pour quil ny ait pas daugmentation dimpôts ? Faire des économies, faire des économies.
David PUJADAS
Alors, jai une question très simple à vous poser
François HOLLANDE
Parce que faire des économies
David PUJADAS
jai une question très simple à vous poser là-dessus.
François HOLLANDE
cest la seule façon de ne pas défaire léconomie.
David PUJADAS
Cest ce que vous demande aussi la Cour des comptes. On en parle beaucoup de ces économies de dépenses publiques. Est-ce que vous pouvez nous citer, ce soir, une réforme qui fasse baisser de façon importante la dépense publique à ce jour ?
François HOLLANDE
La dépense de lEtat, on parlera après
David PUJADAS
La dépense de lEtat.
François HOLLANDE
de la Sécurité sociale. Dépense de lEtat : on va regrouper tous les achats que font les administrations.
David PUJADAS
Quelle économie ?
François HOLLANDE
Deux milliards. On va dématérialiser toutes les pièces. Vous avez vu, cela commence avec les déclarations dimpôts. Tout va être dématérialisé, une économie de plusieurs centaines de millions deuros. On va simplifier, je vous dis : le choc de simplification, ce nest pas simplement une économie pour les entreprises. Cela va être une économie aussi pour lEtat parce quon va demander beaucoup moins de pièces £ on va faire beaucoup moins de contrôles £ on va faire beaucoup moins de poursuites inutiles aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises que pour les collectivités locales. Le choc de simplification, il va aussi concerner les collectivités locales, toutes ces normes dont les élus sont las parce que cela leur coûte, parce que cela les ralentit Eh bien, ce choc de simplification, il va également permettre aux collectivités locales de faire des économies !
David PUJADAS
Alors, cela cest le fonctionnement.
François HOLLANDE
Alors
David PUJADAS
Est-ce quil y a dans les réformes de structure vous savez, on parle beaucoup des réformes de structure
François HOLLANDE
Oui
David PUJADAS
une réforme que vous allez faire ? Quand on regarde la Suède, le Canada, des pays parfois socio-démocrates, ils ont évalué les missions de lEtat
François HOLLANDE
Oui.
David PUJADAS
ils ont décidé de se passer de certaines missions, parfois de privatiser certains services £ que lon sache, la social-démocratie suédoise ne fonctionne pas si mal. Pourquoi la France ne fait pas la même chose ?
François HOLLANDE
Mais nous allons le faire ! Nous avons engagé, je vous rappelle, une mission dévaluation des politiques publiques : formation professionnelle, politique familiale, nous allons en reparler, politique à légard des collectivités locales, tout cela va donc être revu. Par exemple, la décentralisation. Ce nest pas simplement pour transférer des compétences. Cest pour éviter quil y ait des superpositions, des doublons que finalement chacun sajoute à la cause commune
David PUJADAS
Mais Monsieur le Président
François HOLLANDE
mais donc à la caisse commune.
David PUJADAS
on a le sentiment que ces doublons, ils ont été identifiés depuis longtemps.
François HOLLANDE
Bah, on va le faire !
David PUJADAS
Il y a des rapports de la Cour des comptes qui sentassent dans tous les tiroirs.
François HOLLANDE
Eh bien, cela va être fait. La différence, cest que moi, je ne suis pas dans le constat £ je suis dans laction. Et je vais vous donner juste un chiffre pour que chacun comprenne bien. Les dépenses de lEtat, elles ont toujours augmenté, toujours. Je ne parle pas simplement des cinq dernières années, je parle des trente, quarante dernières années. Toujours ! Cest-à-dire on dépensait lannée 2012 plus que lannée 2011. Lannée 2013, on va dépenser autant quen 2012. Autant ! Et lannée 2014, lEtat va dépenser moins quen 2013 : 1,5 milliard en moins. Pourquoi je fais cela ? Parce que toute économie que je réalise, cest un impôt en moins pour les Français qui leur sera donc épargné.
David PUJADAS
Est-ce que vous allez supprimer par exemple un échelon de collectivité locale ? On a la commune, la communauté de communes, le département, la région ?
François HOLLANDE
Dans la loi de décentralisation, il y aura linstitution des métropoles. Très important les métropoles ! Parce que maintenant, les collectivités doivent être à taille européenne.
David PUJADAS
Là, on rajoute, on nenlève pas !
François HOLLANDE
Non, non, cela va donc agréger des collectivités qui sont aujourdhui dans des communautés. Il y a même des métropoles qui vont absorber une partie des compétences des départements. Donc on fait ce travail. On le fait avec pragmatisme et on le fait avec respect, mais on le fait.
David PUJADAS
Alors, quelques exemples précis de dépenses et là, on ne parle pas forcément de lEtat mais peut-être des budgets sociaux. Les allocations familiales, est-ce que vous êtes décidé à en priver les ménages les plus riches ou à les réduire pour les ménages les plus riches ou bien à les fiscaliser ?
François HOLLANDE
Pour que chacun comprenne pourquoi on parle de la politique familiale, dabord, cest une grande réussite, la politique familiale française. Vous avez entendu le chiffre, pas simplement dû à des prestations
David PUJADAS
Cest la bonne nouvelle économique du jour, a dit Julian BUGIER !
François HOLLANDE
Nous avons, depuis des années et des années, le plus fort taux de natalité dEurope, la fécondité la plus prospère si je puis dire. Donc cest quand même un sujet de satisfaction. Cela tient en partie à la politique familiale. Alors quil faille faire des réajustements, aider mieux la garde des enfants, je le ferai. Mais il y a deux milliards de déficits, cest-à-dire que nous néquilibrons plus, depuis plusieurs années, la branche famille. Les recettes sont inférieures aux dépenses de deux milliards.
On fera donc des économies. Mais il y a deux principes que je vais fixer tout de suite pour que cela soit bien au clair : il ny aura pas de fiscalisation des prestations familiales parce que cest absurde. On ne va pas donner dun côté pour reprendre de lautre, non !
David PUJADAS
Et une réduction ?
François HOLLANDE
Deuxièmement, on va garder luniversalité des prestations familiales, des allocations familiales pour être précis. Mais que les plus hauts revenus aient les mêmes allocations familiales que les plus bas, non, cela sera revu.
David PUJADAS
Les retraites. Est-ce quil y aura un allongement de la durée de cotisation ou est-ce quil y aura une désindexation des pensions sur lallongement de la durée de cotisations ? On a senti que même à gauche, il y avait des gens, Henri EMMANUELLI £ Jean-Marie LE GUEN qui semblaient dire quil fallait
François HOLLANDE
Pourquoi « même à gauche » parce que
David PUJADAS
parce que pendant longtemps, la gauche a semblé refusé cet allongement !
François HOLLANDE
Non. Ce quon a refusé jai été à un moment dans cette situation dopposition, il ne faut jamais être systématique dans lopposition, cétait vrai hier, cela peut être vrai aujourdhui mais ce que javais refusé
David PUJADAS
Cest un regret que vous exprimez parfois ?
François HOLLANDE
Non. Ce que javais refusé, cétait linégalité, cest-à-dire que ceux qui avaient cotisé longtemps, on leur demandait de cotiser encore davantage et cest la raison pour laquelle, dès mon arrivée, ceux qui avaient fait leurs 41 années de cotisations, ils ont pu partir à 60 ans. Pour moi, cétait un principe de justice fondamental.
David PUJADAS
Et aujourdhui pour le régime général ?
François HOLLANDE
Aujourdhui, pour ceux-là, pour ceux qui auront cotisé longtemps, ils doivent pouvoir partir à temps. Mais comme on vit plus longtemps, lespérance de vie sallonge. Très bien, il va falloir avoir des durées de cotisations plus longues. Cela sera lobjet de la négociation avec les partenaires sociaux. Vous me posez une question précise, je vous réponds précisément.
Mais nous nen aurons pas fini pour autant parce que, aujourdhui, malgré la réforme qui était annoncée comme la dernière il faut toujours se méfier de ceux qui disent « cest la dernière, cest la dernière ». Jévite donc de faire moi-même cette annonce. Mais vous avez dit « cest la dernière », on a 20 milliards deuros de déficit en 2020. 20 milliards deuros ! Et on en a forcément dans les prochaines années. Donc il va falloir faire un effort aussi pour 2014, 2015. Les partenaires sociaux ont été très responsables puisquil y a eu un accord sur les retraites complémentaires
David PUJADAS
Complémentaires.
François HOLLANDE
Et franchement avec des mesures très courageuses parce que douloureuses.
David PUJADAS
Il peut servir dexemple.
François HOLLANDE
Parce que justement il a été fait sur un certain nombre de critères qui concernaient les retraites complémentaires, il faudra faire différemment pour le régime de base.
David PUJADAS
Mais sur le principe de la désindexation, cest-à-dire de la diminution des pensions ?
François HOLLANDE
Pas pour les petites retraites, cest impossible.
David PUJADAS
Mais pour les autres, ce nest pas exclu.
François HOLLANDE
Pas pour les retraites de base. Cest impossible que nous soyons dans une remise en cause de ce qui est le droit fondamental pour les retraités davoir le maintien de leur pension. Il y aura donc une discussion sur les paramètres, tous les paramètres : cotisations, indexation et allongement de la durée de cotisation.
David PUJADAS
Est-ce que lindemnisation du chômage sera réformée ? Vous savez ce que lon dit, la France est très généreuse notamment pour les plus hauts revenus et notamment pour la durée dindemnisation ?
François HOLLANDE
Cela, cest une négociation entre partenaires sociaux. Vous savez que cest lUNEDIC qui en a la responsabilité maintenant cest Pôle Emploi mais cest lUNEDIC partenaires sociaux. Il y aura donc cette négociation. Quest-ce que je veux ...
David PUJADAS
Cela peut être un frein à lemploi pour vous ce régime aujourdhui ?
François HOLLANDE
Quest-ce que je veux, moi, comme réforme si javais un conseil à donner aux partenaires sociaux ? Cest quil faut que le système dindemnisation encourage le retour vers lemploi et que lon puisse même avoir des systèmes dindemnisation qui se cumulent davantage quaujourdhui avec la reprise dun emploi à temps partiel, même à temps partiel. On aura donc à revoir ces procédures, y compris dailleurs ce que lon appelait le RSA-activité qui était lidée de Martin HIRSCH, qui était une bonne idée et qui na pas véritablement fonctionné. Donc il va falloir que lon donne cette incitation, plus forte quaujourdhui, à la reprise du travail.
David PUJADAS
Vous ne prononcez pas le mot mais vous redoutez lassistanat ?
François HOLLANDE
Je me méfie de ces mots parce que cest toujours laisser penser que celui qui touche une prestation ny aurait pas droit ou serait un fraudeur potentiel. Vous savez, celui qui est chômeur aujourdhui, il ne la pas voulu. Le million de chômeurs des cinq dernières années, ce nest pas un million de gens qui se seraient précipités à Pôle Emploi pour avoir une indemnité, non.
Il va donc falloir aussi faire cette réforme de la formation professionnelle. Ce que je veux, cest que ceux qui sont au chômage puissent se dire : cest une difficulté mais je vais avoir une chance, je vais avoir une espèce de contrat on va peut-être faire dailleurs cette procédure, ce contrat avec Pôle Emploi je suis à Pôle Emploi, je vais me former, je vais me qualifier, on va men donner les moyens et je vais pouvoir retrouver un emploi plus rapidement
David PUJADAS
Dernier point précis sur les dépenses parce que lheure tourne. Là, on ne parle plus des budgets sociaux mais bien du budget de lEtat, la Défense. Vous avez vu quil y a un débat très important. Il y aura des économies, si on la compris, de toute façon. Le ministère de la Défense souhaite des économies limitées : en gros 181 milliards, si on a bien compris, sur cinq ou six ans à partir de 2014. Bercy souhaite des économies plus fortes. Est-ce que vous avez arbitré ce débat qui est important pour la souveraineté de la France ?
François HOLLANDE
Juste un mot, une réflexion. On me dit : « il faut faire des économies et montrez que vous allez faire des économies ! » Je parle de politique familiale : « pas touche à la politique familiale » et je le comprends, cest un bien commun. On parle de la Défense. La Défense, cest un peu plus de 30 milliards deuros
David PUJADAS
Par an
François HOLLANDE
par an. Donc sur 282 milliards de dépenses de lEtat, cest important. On me dit : « attention, on ne touche pas à la Défense ». Si je suivais tous ceux qui me disent : « il faut faire des économies mais on ne touche pas à tel ou tel bloc de dépense », je ne ferai plus rien.
Sauf que sur la Défense, je suis chef de lEtat, chef des Armées. Jai pu apprécier la qualité de notre outil militaire. Jai pu lapprécier dans lintervention de la France au Mali, nous en reparlerons. Je sais ce quest lindépendance nationale, parce que la France, cest un grand pays. Il peut décider seul, y compris daller sauver un pays comme le Mali. Il na pas besoin de demander lautorisation à qui que ce soit. Nous avons une arme nucléaire. On peut penser ce que lon veut de cette arme nucléaire. Je sais quil y a un certain nombre de nos concitoyens qui y sont hostiles. Moi, je leur dis : cest notre garantie, cest notre protection ultime
David PUJADAS
Il faut la conserver en létat ?
François HOLLANDE
Il faut la conserver et même la moderniser. Et enfin, on doit protéger notre territoire parce que ce qui est un fait, hélas, que je constate, cest que les menaces, elles augmentent et les budgets militaires, ils diminuent.
David PUJADAS
Ces trois missions là
François HOLLANDE
Il faut donc : autonomie de décision £ protection du territoire £ dissuasion. Il faut maintenir. Et donc lannonce que je vous fais pour éviter que ce débat continue de se dérouler même sil est légitime, puisque cela sera le débat de ce que lon appelle la loi de programmation militaire nous dépenserons en 2014 exactement le même montant quen 2013. Et nous avons été bien défendus en 2013 £ nous serons bien défendus en 2014.
David PUJADAS
Et ensuite ?
François HOLLANDE
Et ainsi, ce sera la même somme qui sera donc affectée à loutil de défense
David PUJADAS
Pour la loi de programmation en 2014/2020 ?
François HOLLANDE
pour la loi de programmation.
David PUJADAS
ce sera la même chose ? 2019, ce sera la même chose ?
On va parler de lEurope et clore ce chapitre économie. Si on vous a bien entendu, vous nous dites que les outils sont tous là, il y en aura quelques-uns de nouveau
François HOLLANDE
Oui.
David PUJADAS
Vous nous avez parlé des normes, vous avez parlé de la formation mais grosso modo, vous dites aux Français ce soir : les outils sont là, les voiles sont levées, on attend que la croissance revienne pour nous pousser !
François HOLLANDE
Non, non, non ! Si on attend la croissance, pas sûr quelle arrive ! Il faut aller la susciter. Il y a ce que lon appelle les leviers de la croissance. Les leviers de la croissance, cest quoi ? Cest être plus compétitif que les autres, doù le pacte que jai passé avec les entreprises. Trouver de la croissance, cest être sur les meilleures filières, doù les investissements que nous faisons. Trouver de la croissance, cest avoir des secteurs du logement, de lartisanat qui soient dynamiques. Cest pour cela que jai pris des mesures exceptionnelles. Et je continuerai
David PUJADAS
Après avoir relevé le taux de TVA sur le bâtiment ?
François HOLLANDE
Je nai rien relevé du tout !
David PUJADAS
De 7 à 10, les taux intermédiaires !
François HOLLANDE
Non, non ça cétait pour 2014 mais ceux qui ont relevé le taux de TVA sur le bâtiment, ce sont nos prédécesseurs qui lont passé de 5,5 à 7%. Moi, jai fait tout de suite
David PUJADAS
Enfin le bâtiment, il y a un plan pour le bâtiment
François HOLLANDE
Mais jai fait tout de suite baisser .
David PUJADAS
alors même quon relève ensuite le taux de TVA
François HOLLANDE
Jai fait tout de suite baisser la TVA sur le logement social à 5,5 et pour la rénovation thermique £ cest-à-dire tout ce qui va contribuer à améliorer le logement, éviter la précarité énergétique. Je ferai une mesure spécifique. Jai déjà annoncé 1 350 euros pour aider tous les particuliers en plus de tous les dispositifs fiscaux qui existent pour rénover leur logement sur le plan thermique. Sur la TVA, je regarderai très précisément ce sujet parce que je pense que cela peut être aussi un puissant levier pour lartisanat et pour le bâtiment. Je vais donc continuer à développer ces moyens. Mais il faut utiliser tout ce que nous avons mis sur la table pour les uns comme pour les autres. Cest la même politique : marché du travail, compétitivité, emplois davenir, contrats de génération, filière industrielle, nous avons tous les éléments plus la formation professionnelle. Je suis aussi conscient du problème du pouvoir dachat. Je nattends pas la croissance £ je la crée !
David PUJADAS
Mais vous nous dites ce soir, à crise exceptionnelle, ces outils là son suffisants face à cette crise-là ?
François HOLLANDE
Ces outils sont même exceptionnels. Vous vous rendez compte : 20 milliards deuros pour la compétitivité, une réforme du marché du travail, le contrat de génération qui va donner 4 000 euros à chaque employeur qui va garder un senior et qui va embaucher un jeune £ les emplois davenir (150 000 pour les collectivités locales et les associations qui vont prendre des jeunes qui sont sans qualification) £ la formation professionnelle que lon va revoir. Je suis conscient du problème du pouvoir dachat parce quon a eu les chiffres pour lannée 2012 avec des décisions prises durant cette période-là. Les Français manquent de pouvoir dachat. Difficile de leur en donner mais encadrer les loyers, cest leur donner du pouvoir dachat £ baisser le prix du gaz autant quon le pourra, ce sont aussi des moyens pour le pouvoir dachat £ lutter contre les frais bancaires cela sera la loi bancaire, cest la loi bancaire, elle vient dêtre votée. Nous allons donc diminuer les frais bancaires, cest du pouvoir dachat.
David PUJADAS
Supprimer les exonérations sur les heures sup, ce nétait pas du pouvoir dachat !
François HOLLANDE
Ce nétait pas du pouvoir dachat et je lai fait parce que javais lobligation de redresser les comptes publics. Cela ne ma pas fait plaisir mais, en même temps, fallait-il encourager les heures supplémentaires quand il y a plus de 3 millions de chômeurs ? La question mérite dêtre posée et donc je lai tranchée comme je vous le dis. Mais je me dis : aujourdhui, il y a ce que lon appelle la participation. Elle est bloquée cinq ans. Je propose quelle soit pour tous ceux - 4 millions de Français- qui en ont lusage de ces accords de participation, quelle puisse être débloquée immédiatement sans pénalité fiscale £ cest-à-dire tous ceux qui ont un accord de participation qui veulent jusquà 20 000 euros lutiliser pour quelque achat que ce soit
David PUJADAS
Sans raison particulière ?
François HOLLANDE
Sans aucune raison.
David PUJADAS
Sils le décident quils puissent en disposer ?
François HOLLANDE
Pour acheter un bien, voiture ou tout autre, participer à un apport pour le logement, ils pourront le faire. Cela durera six mois. Cela permettra pendant ces six mois-là de débloquer une épargne pour laffecter à la consommation. Javance mais je veux surtout que les outils que nous avons mis en place soient pleinement utilisés et parce que je pense que grâce à cela, nous aurons de la croissance dès la fin de 2013.
David PUJADAS
Alors justement
François HOLLANDE
Cest lengagement que je prends, pas simplement attendre la croissance. Aller trouver la croissance par nous-mêmes grâce à nos leviers.
David PUJADAS
Donc vous aviez dit : deux ans defforts et puis, on redistribue ce que lon a gagné. Vous maintenez ce calendrier.
François HOLLANDE
Oui, deux ans pour redresser et trois ans pour nous dépasser £ parce que nous devons aller plus loin. Ce que je veux, ce nest pas simplement remettre de lordre dans les comptes publics, dans létat de nos entreprises. Ce que je veux, cest que les Français se disent : est-ce quil y a un espoir ? Est-ce que lon peut sen sortir ? Est-ce quon peut être les meilleurs ? Parce que peut-être, jai dû attendre dêtre chef de lEtat pour men rendre compte £ je voyage, nous sommes regardés, nous la France, attendus, espérés. En Europe, par exemple, on nen a pas beaucoup parlé
David PUJADAS
Alors allons-y sur lEurope !
François HOLLANDE
Quest-ce quon attend de la France ? Cest quelle dise quil fallait bien sûr remettre de lordre dans la crise financière, qui sétait produite à cause de tous les dérèglements des banques et dune finance non maîtrisée. Cest fait pour lessentiel. Reste encore Chypre mais cela vient dêtre réglé £ réglé avec des principes qui sont très importants, cest-à-dire on ne fait pas payer les déposants jusquà 100 000 euros.
David PUJADAS
Vous pouvez préciser à ce propos
François HOLLANDE
Cest très important
David PUJADAS
pour ceux qui nous regardent, est-ce que lon va, est-ce que lon risque de toucher à nos dépôts bancaires puisquil y a eu ce précédent chypriote même si finalement il a été retoqué ?
François HOLLANDE
Jamais ! Je peux être dautant plus affirmatif que nous avons fait voter une loi bancaire et cette loi bancaire anticipe sur ce que doit être lEurope. Lunion bancaire, cest-à-dire une supervision, on regarde les banques pour voir si elles ne font pas derreurs, si elles se comportent comme il convient. On peut intervenir lorsquil y a une difficulté ou une crise, cest ce quon appelle la résolution. On peut même les recapitaliser sans quil en coûte quoi que ce soit à lépargnant. Pourquoi ? Parce que dans la loi bancaire, comme cela sera dans le cas dans lunion bancaire, tous les dépôts jusquà 100 000 euros sont garantis.
David PUJADAS
Alors sur
François HOLLANDE
En France nous sommes totalement protégés.
David PUJADAS
Pas de crainte. Sur cette Europe-là, vous aviez dit
François HOLLANDE
Oui !
David PUJADAS
monsieur le président, pendant la campagne, « Je vais réorienter lEurope vers la croissance notamment avec cet ajout au traité européen. ». Presquun an après, lEurope est plus que jamais dans laustérité. Est-ce quil ny a pas là une parole qui a été dite et qui nest pas respectée ? Est-ce quil ny avait pas là un engagement un peu léger ?
François HOLLANDE
Mais non ! Il y a eu un engagement et une traduction. Dès les premières semaines, premiers jours même de mon entrée en fonction, jai pu, avec les partenaires européens, faire voter ce pacte de croissance (120 milliards deuros).
David PUJADAS
Mais comment se traduit-il aujourdhui ?
François HOLLANDE
Je veille à chaque Conseil européen à ce que sa mise en uvre soit effective.
David PUJADAS
On nen voit pas beaucoup la couleur.
François HOLLANDE
Vous en verrez la couleur puisque la Banque européenne dInvestissement, qui va faire les prêts et va donc faire ce qui permettra de mettre de la croissance, a été recapitalisée. Nous avons mobilisé des fonds structurels mais cela prend toujours trop de temps et jen ai assez du temps perdu. LEurope, cest ce qui nous permet dêtre solidaires mais cest tellement long dans les procédures que nous devons accélérer.
David PUJADAS
Vous le dites à qui ce soir ?
François HOLLANDE
Je le dis à tous nos partenaires et ils mont déjà entendu là-dessus. Nous devons aller plus vite y compris pour régler des problèmes comme Chypre ou autre
David PUJADAS
Et ils vous ont suivi ?
François HOLLANDE
ou la Grèce.
David PUJADAS
Et ils vous ont suivi ?
François HOLLANDE
Oui cest plus long
David PUJADAS
Est-ce que la France existe encore en Europe ?
François HOLLANDE
parce que je ne suis pas tout seul. Le problème, cest que je ne suis pas tout seul et avec beaucoup de gouvernements conservateurs mais je le fais.
David PUJADAS
Et surtout un gouvernement £ on a limpression que cest lAllemagne qui dicte ses lois à lEurope aujourdhui.
François HOLLANDE
Mais lAllemagne
David PUJADAS
Parfois avec les Pays-Bas comme sur Chypre
François HOLLANDE
Non ce nest pas vrai.
David PUJADAS
ou avec les Finlandais ? On a limpression que la voix de la France nest pas entendue.
François HOLLANDE
La voix de la France a été entendue sur le pacte de croissance £ elle a été entendue sur lunion bancaire, puisque cest à notre initiative £ lAllemagne la parfaitement admis. Nous avons pu aller vers ces règles-là qui nous protègent de la spéculation.
David PUJADAS
Pas sur le budget, pas sur laustérité ?
François HOLLANDE
La taxe sur les transactions financières : nous lavons introduite et les Allemands nous ont suivis. On est dans cette tension amicale avec lAllemagne qui, comme vous le savez, madame MERKEL na pas les mêmes idées que moi mais nous avons une obligation tous les deux : faire que lEurope puisse avancer. Nous avons maintenant un débat
David PUJADAS
Sur la rigueur.
François HOLLANDE
sur la rigueur, pas la rigueur. Je vais appeler laustérité, ce nest pas la même chose. Que les pays européens soient dans lobligation dêtre rigoureux, jen conviens parfaitement, la France en premier : être rigoureux.
David PUJADAS
Même si elle ne respecte pas ses objectifs ?
François HOLLANDE
Je vais vous dire pourquoi. Etre dans laustérité, cest condamner lEurope non pas à être en récession, cest la condamner à lexplosion £ parce que je vois ce qui se passe en Europe : les populismes montent, vous avez vu ce qui sest produit en Italie £ des mouvements extrémistes, voire même néonazis en Grèce. Je vois aussi des égoïsmes nationaux vous parliez du budget européen, je lai constaté sous mes yeux. La France sen est plutôt bien tirée £ on a maintenu la politique agricole commune. Jai maintenu les fonds pour les régions £ cela a été un marchandage où je me suis dit : « Mais où est lintérêt européen ? Où est cette aventure ? Jai donc cette obligation, parce que je suis le président de la France, de dire aux Européens et je le fais devant vous comme je le fais devant eux et devant les Français aujourdhui, prolonger laustérité, cest le risque de ne pas aboutir à réduire les déficits et la certitude davoir des gouvernements impopulaires dont les populistes ne feront quune bouchée le moment venu.
David PUJADAS
Mais qui vous entend ?
François HOLLANDE
Ceux qui sont concernés, lEspagne, lItalie, le Portugal, la Belgique £ ils sont tous conscients quils ont fait des efforts et il fallait quils en fassent
David PUJADAS
Cela peut infléchir la position allemande ?
François HOLLANDE
La position allemande : elle est aussi consciente £ quand il ny a pas de croissance en Europe, quand il y a une récession, lAllemagne nest pas prospère. Notre dernier trimestre de lannée 2012, nous avons fait moins 0,3 £ eux, ils ont fait moins 0,6. Ils sont donc entraînés par ce mouvement
David PUJADAS
Est-ce que pour autant
François HOLLANDE
Sauf que nous, on a une situation
David PUJADAS
...ils vont changer de position ?
François HOLLANDE
Il faut argumenter et je ne ferai pas une politique qui conduise lEurope à laustérité. On est devant ce choix : est-ce que lon doit absolument atteindre nos objectifs dès 2013, les 3%. Ou est-ce que lon peut faire que cet objectif soit reporté à 2014 ? Vous avez vu tous les efforts que lon fait : économie, prélèvements qui ont été quand même
David PUJADAS
Conséquents.
François HOLLANDE
sérieux. Je dis donc : nous natteindrons pas les 3% parce que, si je forçais lallure, je casserais y compris lespoir de retour de la croissance.
David PUJADAS
Et la Commission vous a dit « oui » ?
François HOLLANDE
La Commission, je vais discuter. Je ne vais pas du tout prétendre quelle va signer le papier que je vais lui présenter. Je vais argumenter et je pense que cette prise de conscience existe. Et cest mon rôle, non pas simplement parce que je suis un président socialiste £ dailleurs, je ne suis maintenant plus président socialiste : je suis le président de tous les Français, président de la France. Mais parce que je suis justement le chef dEtat français et que cest le rôle de la France, tous les pays dEurope me disent : « il faut que vous teniez ce langage, il ny a que vous qui pouvez le faire » et madame MERKEL lentend aussi, elle est consciente parce quelle est Européenne.
David PUJADAS
Cela ne se remarque pas beaucoup !
François HOLLANDE
Je suis Européen. Cest parce que je suis Européen que je ne veux pas que lEurope soit la maison de redressement. Je suis pour le redressement, pas pour la maison de redressement.
David PUJADAS
Une défaite dAngela MERKEL ferait vos affaires en octobre prochain ?
François HOLLANDE
Non, je ne me mêle pas des affaires électorales des autres, ce que dailleurs jai demandé dans la campagne précédente. Quon ne se mêle pas des affaires de la France
David PUJADAS
Cela na pas été tout à fait entendu dailleurs la dernière fois !
François HOLLANDE
Je ne vais donc pas faire à dautres ce que dautres mont fait.
David PUJADAS
On parle du Mali. Question militaire, est-ce que lessentiel de la reconquête du territoire est accomplie. Est-ce que vous avez ce soir un jour, une date à nous donner pour le début du retrait de larmée française ?
François HOLLANDE
Oui, nous avons atteint nos objectifs. Cétait quoi nos objectifs quand jai pris la décision au nom de la France ? Cétait darrêter loffensive terroriste. Cest fait £ cela sest fait dans les premiers jours. Cétait ensuite, deuxième objectif, reconquérir les villes qui avaient été occupées par les terroristes. Cest fait £ je suis allé moi-même en faire le constat.
David PUJADAS
On en voit des photos.
François HOLLANDE
Avec un accueil de la population qui nous confirmait bien
David PUJADAS
Qui vous a touché.
François HOLLANDE
Que nous étions des libérateurs.
David PUJADAS
Vous avez dit : « Cest peut-être le plus beau jour de ma vie politique ».
François HOLLANDE
Oui cétait pour la France, pas pour moi. La France qui était un pays colonial, qui retournait - on pouvait en faire des commentaires - dans un pays quil avait autrefois occupé. Cette France a été regardée comme le pays de la liberté, comme le pays de lémancipation, comme le pays de la délivrance. Chaque Français doit en être fier. Et les soldats français doivent en être récompensés et remerciés. Nous avons atteint ce deuxième objectif : libérer les villes. Nous avions un troisième objectif : aller dans le réduit des terroristes, dans leur sanctuaire, dans des montages extrêmement difficiles daccès. Là encore, nos soldats ont été exemplaires. Ils y sont allés à pied avec 45 degrés de température. Jai suivi ces opérations
David PUJADAS
Vous avez les yeux qui brillent quand vous en parlez.
François HOLLANDE
Oui, parce que je suis en admiration devant ce qui a été fait. Certains en sont morts. Nous avons eu cinq soldats qui ont été tués. On a eu plusieurs blessés dont certains graves. Ils sont allés chercher les terroristes, y compris le chef des terroristes tué par un bombardement effectué par larmée française. Nous avons atteint, sauf, jy reviendrais, nous navons pas pu retrouver nos otages. Nous allons donc continuer de ce point de vue-là à faire cette recherche. Vous me posez donc une question : quand est-ce que nous allons maintenant - puisque nous avons atteint nos objectifs - réduire notre format ? A la fin du mois davril, nous nous retirerons, nous sommes un peu plus de 4000 £ et au mois de juillet, il ny aura plus que 2000 soldats français au Mali, dans le cadre sans doute dune opération de maintien de la paix de lONU. A la fin de lannée, un millier de Français seulement seront présents. Cela en bonne intelligence avec le gouvernement malien, mais nous aurons toujours des forces pré positionnées pour intervenir si cétait nécessaire.
David PUJADAS
Alors un succès militaire, mais une grosse incertitude politique : est-ce que la France va se trouver de fait engagée dans la construction dune nation malienne parce que, pour linstant, le gouvernement malien nest pas légitime £ il est issu dun coup dEtat. Il y aura des élections. Est-ce que la France travaille, par exemple - ce nest pas très politiquement correct de le dire mais est-ce que cest le cas - à trouver des candidats à la présidence malienne qui pourraient être élus et à refaire que ce pays puisse avoir son unité notamment entre les Touaregs et les ethnies, entre guillemets, majoritaires ?
François HOLLANDE
Non, le temps où la France désignait des chefs dEtat en Afrique est révolu.
David PUJADAS
Vous ne ferez pas cela ? Vous ne serez pas obligé de le faire comme les Américains ont tenté de le faire en Afghanistan?
François HOLLANDE
Ce nest pas forcément la bonne manière £ mais il y aura des élections. En Afghanistan, il y a eu des élections dailleurs. Mais nous voulons quil y ait des élections au Mali à la fin du mois de juillet. Nous serons intraitables là-dessus. Deuxièmement, il faut quil y ait ce dialogue avec toutes les composantes de la société malienne.
David PUJADAS
Qui est à la source de ce conflit pour une grande part
François HOLLANDE
Au départ, cela a été un prétexte et ensuite les Djihadistes terroristes sy sont engouffrés £ mais il faut régler les problèmes qui remontent à loin au Mali. Cest une affaire entre Maliens. La France y contribuera, mais avec les Nations Unies, avec les pays africains. Les pays européens continueront dailleurs de former les troupes maliennes pour assurer la sécurité du territoire. Nous avions un objectif : libérer le Mali avec le souci de maintenir, et surtout, de réinstaller la démocratie. Après cest une affaire entre africains.
David PUJADAS
Les otages, vous avez dit aux familles - parait-il - : « la France ne paiera plus, la France ne paie plus pour les otages ». Cest la vérité ?
François HOLLANDE
La politique de la France est quil ny a pas de versement de rançon.
David PUJADAS
Officiellement ces dernières années, et on savait quon se débrouillait pour quil y ait le versement dune rançon.
François HOLLANDE
Jai dit aux familles - et je comprends quelles en aient été émues et affectées -: « Comment pourriez-vous comprendre que, au moment où nous sommes en guerre contre les terroristes, nous leur verserions des sommes dargent pour quils achètent des armes contre nos propres soldats ? ». Cela ne veut pas dire quil ny aura pas de contact £ cela ne veut pas dire quil ny aura pas de négociation £ cela ne veut pas dire quon ne cherchera pas une solution. Mais, aujourdhui, il ne peut pas y avoir de versement de quelque rançon que ce soit. Je vous lai dit, dans le passé, il ny en a pas eues.
David PUJADAS
Est-ce que vous pouvez confirmer la mort de Philippe VERDON ?
François HOLLANDE
Je ne peux pas la confirmer, je nai pas la preuve. Le ministre Laurent FABIUS sest entretenu avec la famille, nous avons, hélas, des éléments qui nous conduisent à penser quil pourrait être mort. Vous vous rendez compte, tant quon nen est pas sûr, il y a toujours un fil. Tout ce que nous avons eu comme interception, comme renseignement, nous laisse plutôt penser quil aurait été tué.
David PUJADAS
Est-ce que vous avez des preuves de vie des autres otages et notamment de la famille avec quatre enfants enlevée au Cameroun, qui serait aujourdhui au Nigeria ?
François HOLLANDE
Oui, nous avons des preuves de vie mais nous ne savons pas exactement où cette famille est retenue. Nous savons que cest au Nigeria et nous cherchons tous les contacts qui nous permettent de pouvoir obtenir leur libération. Vous savez sur ces sujets là je ne dis pas cela pour manquer au devoir dinformation moins on en dit, mieux on agit.
David PUJADAS
La Syrie, la France exprime son souhait de livrer des armes, une certaine catégorie darmes aux rebelles. Même si lEurope naccepte pas, même si le reste de lEurope naccepte pas de lever lembargo. Est-ce quil ny a pas un danger à livrer des armes dont on ne sait pas si demain elles ne pourraient pas se trouver aux mains des Djihadistes. On dit : on peut marquer les armes. Est-ce que cest vrai ?
François HOLLANDE
Aujourdhui, il y a un embargo, nous le respectons. Cet embargo est violé par les Russes qui envoient des armes à Bachar El ASSAD. Cest un problème. Il y a eu près de cent mille morts en Syrie, avec une guerre civile qui se radicalisait, avec les Djihadistes qui saisissent cette opportunité pour porter des coups à Bachar El ASSAD mais en même temps prendre des marques pour la suite. Pour nous, il faut donc continuer la pression politique, militaire. Mais il faut aussi envoyer un message. Quel est-il ce message ? Il ne peut pas y avoir de livraisons darmes à la fin de lembargo, puisque cest au mois de mai. Sil ny a pas la certitude que ces armes seront utilisées par des opposants légitimes et coupées de toute emprise terroristes.
David PUJADAS
Est-ce quon peut lavoir cette certitude ?
François HOLLANDE
Pour linstant, nous ne lavons pas. Nous ne le ferons donc pas tant que nous navons pas la certitude quil y a aujourdhui un contrôle total de la situation par lopposition. Il y a encore des incertitudes puisque lopposition sest relativement divisée ces derniers jours. Mais en même temps je voulais envoyer ce signal-là : il faut faire cette pression-là. Parce quon ne peut pas laisser un peuple être massacré sans réagir. A lopposition de se structurer, de nous donner toute garantie. Aux Russes, de favoriser la négociation politique. A ce moment-là de permettre enfin le départ de Bachar El ASSAD.
David PUJADAS
On va essayer de conclure dans une dizaine de minutes. Il nous reste quelques sujets encore, sujets dactualité. Le mariage homosexuel, est-ce que les manifestations qui se sont déroulées le week-end dernier - qui risquent de se dérouler encore - la détermination des manifestants dune certaine manière et leur masse aussi pourraient changer votre décision ?
François HOLLANDE
Cette initiative législative sur le mariage pour tous nest pas venue de nulle part. Cétait dabord ma conviction, mais pas simplement la mienne. Cétait un engagement que javais pris. Cétait une égalité pour tous, des droits qui étaient donnés à tous, sans quaucun droit ne soit repris à dautres. Les couples hétérosexuels auront les mêmes droits : père, mère. Il ny a rien de changé pour ces couples-là. Cétait donc un principe dégalité. Cest vrai que ces débats de société sont toujours extrêmement clivants
David PUJADAS
Vous vous attendiez à une telle opposition ?
François HOLLANDE
Je me souviens du PACS, qui avait été aussi un moment très intense. Je me souvenais - même si jétais plus jeune - de ce quavait été le débat sur linterruption volontaire de grossesse. Je respecte ces contradictions qui existent dans la société française. Alors, quest-ce que je dois faire ? Je suis un président qui veut à la fois tenir mes engagements et, en même temps, qui a le souci de respecter et dapaiser. Quest-ce que jai décidé avec le Parlement ? Cest quil ny avait, dans le texte, que le mariage pour tous et ladoption dans certaines conditions. Cest tout. Je le redis ici, la PMA, la procréation médicale assistée - pour des couples dailleurs qui ne sont pas nécessairement homosexuels - ce nest pas dans le texte. Cest renvoyé au Comité national déthique, qui va donner un avis à la fin de lannée. Cette question-là nest donc pas intégrée dans le texte.
David PUJADAS
Sil dit non, le Comité déthique, vous ne ferez pas la PMA ?
François HOLLANDE
Je respecterai ce que dira le Comité national déthique.
David PUJADAS
Sil dit oui, vous la ferez ?
François HOLLANDE
Je verrai son avis, je ne vais pas préjuger. En tout cas, ce nest pas dans le texte. Quand on laisse donc penser quil pourrait y avoir subrepticement cette disposition, ce nest pas vrai. De la même manière, comme je vous lai dit, que père et mère, cest toujours dans le Code civil. Ensuite, il y a eu la gestation pour autrui, les mères porteuses. Cela restera interdit en France, tant que je serai président de la République. Voilà ce qui peut donc permettre - non pas de nous mettre daccord, je comprends quil y a cette opposition, quelle correspond à des visions spirituelles que je respecte - mais il y a un moment où il faut aussi accepter la légitimité du Parlement et du suffrage, avec le souci de trouver les apaisements nécessaires.
David PUJADAS
La délinquance, on a senti quil y avait peut-être une certaine incertitude sur la suppression des peines-plancher pour les récidivistes, c'est-à-dire ce minimum de condamnation auquel sexposent ceux qui récidivent. Est-ce que vous confirmez, ce soir, que ces peines-plancher seront bien supprimées ?
François HOLLANDE
Elles seront supprimées, mais quand on aura trouvé un dispositif qui permet déviter la récidive.
David PUJADAS
Vous lavez trouvé ?
François HOLLANDE
Oui, on va le trouver, bien sûr ! Parce que lobjectif, cest de traiter le problème !
David PUJADAS
Mais ce nest pas pour tout de suite !
François HOLLANDE
Il faut quon ait tous les moyens pour le faire ! Quest-ce qui se passe aujourdhui ? Aujourdhui, il y a des personnes qui sont en prison parce quelles ont fait un certain nombre dinfractions et, automatiquement, se retrouvent en prison. Ce nest pas forcément là où ces personnes devraient être. On devrait même plutôt les en prémunir. Et puis, dautres, qui devraient être en prison, qui ne sont pas jugés, qui ne sont pas suivis et qui commettent des actes de délinquance. Nous allons donc avoir des dispositions qui permettront de traiter la récidive £ pour que, justement, elle ne soit pas un risque pour la population. Parce que ce qui est insupportable pour nos compatriotes, qui subissent une violence £ de voir que celui ou ceux qui les ont attaqués, qui les ont agressés soient encore en liberté, même pas en prison, en liberté, ou reviennent dans nimporte quelle condition, non suivis ! Cela, ce sera terminé.
David PUJADAS
En ce qui concerne la laïcité, la Cour de cassation a rendu sa décision sur laffaire Baby Loup. Est-ce que vous êtes favorable à une loi qui règlementerait strictement le port des signes religieux, le port apparent, lexpression de signes religieux pour certaines catégories dentreprises, notamment celles qui sont en contact avec le public ou les enfants ?
François HOLLANDE
Là aussi, soyons précis. Pour laffaire de la crèche dite Baby Loup, il sagit dune crèche associative, avec des financements publics et où lemployée avait un signe religieux.
David PUJADAS
Un voile.
François HOLLANDE
Cette crèche ne voulait pas - elle lavait traduit dans son règlement intérieur - quil y ait ce signe religieux. La Cour de cassation a donc annulé le licenciement. Je comprends que ce problème puisse se poser. Dès lors quil y a contact avec les enfants, dans ce quon appelle le service public de la petite enfance, une crèche associative, pas une crèche privée avec des règles spécifiques et avec des financements publics, il doit y avoir une certaine similitude par rapport à ce qui existe dans lécole.
David PUJADAS
Il faut un texte de loi.
François HOLLANDE
Je pense que la loi doit intervenir. Le défenseur des droits, Dominique BAUDIS, a dailleurs saisi le Premier ministre sur cette nécessité. Ce que je veux, cest que la loi et les principes ne couvrent pas tout. Il ne sagit pas tout couvrir. Il sagit de regarder ce problème en particulier £ la petite enfance, laccueil des enfants dans les crèches est un service public. Il faut donc que nous posions des règles et il faut que ce soit un consensus.
David PUJADAS
Ce ne sera pas une loi contre lislam, elles sont souvent prises comme tel
François HOLLANDE
Non bien sûr Si on fait une loi générale, ce sera regardé effectivement dans tous les domaines £ dans des entreprises où il ny a pas nécessité à avoir un règlement intérieur qui interdise un signe religieux, quel quil soit. Mais là où il y a contact avec le public, mission dintérêt général, en loccurrence mission de service public, il doit y avoir une règle. Comme je veux le consensus - parce que je crois que cest notre intérêt justement pour que personne ne se sente discriminé ou lésé ou atteint - je souhaite que ce ne soit pas un débat politique £ que nous puissions trouver un texte qui fasse consensus. Je demanderai donc au Premier ministre, avec le défenseur des droits, de réunir les groupes parlementaires pour quun texte puisse être voté, y compris avec une commission qui en définira les moyens.
David PUJADAS
Dernier point et cela nous amène à la politique : le cumul des mandats. Cétait une de vos promesses, un marqueur de votre programme. La loi se fait attendre. Est-ce que cette loi sur linterdiction du cumul des mandats a une chance de voir le jour avant la fin de votre quinquennat ?
François HOLLANDE
La semaine prochaine, au Conseil des ministres, il y aura linscription de ce projet de loi de non cumul des mandats. Cela veut dire que les députés et les sénateurs ne pourront plus cumuler cette fonction avec la qualité de maire, président de conseil général, président de conseil régional et même dexécutif local. Cela se fera avant la fin de mon mandat. Cest une réforme qui était attendue, qui nest pas punitive, qui vise au contraire à renouveler, à aérer - je pense que les Français y sont très attachés. Ce sera donc la semaine prochaine en Conseil des ministres, au Parlement le plus vite possible et appliqué avant la fin du mandat.
David PUJADAS
Appliqué avant la fin du mandat. La démission de Jérôme CAHUZAC a sans doute été un coup dur pour vous et pour le gouvernement. Est-ce que vous maintenez votre estime à Jérôme CAHUZAC ou que vous estimez dune certaine manière avoir été mal informé ?
François HOLLANDE
Je fais confiance en sa parole. Quand il y a eu les premières révélations, il ma dit quil navait pas de compte, il la dailleurs répété devant lAssemblée nationale. Maintenant, un juge est saisi, plusieurs dailleurs et en principe - je le redirai pour toute autre affaire - cest lindépendance de la justice et la présomption dinnocence.
David PUJADAS
Pourquoi, dans ce cas-là, avez-vous accepté sa démission ?
François HOLLANDE
Parce que jai considéré que, dès lors quil y avait une procédure judiciaire, il nétait pas possible quun membre du gouvernement puisse être soumis à quelque influence que ce soit, donc soumis à une convocation chez un juge. Cétait lexemplarité que je voulais réaffirmer, chaque fois quil y a un membre du gouvernement qui est dans une procédure, il nest plus membre du gouvernement.
David PUJADAS
Cela vous a heurté, cela vous a troublé, vous qui défendiez « la République irréprochable » ?
François HOLLANDE
Je ne peux pas préjuger. Je nai pas dailleurs dit quil partait parce quil était coupable. Ce sera à la justice de le dire. Mais ce que javais déterminé, et ce nest pas la jurisprudence précédente, ce nest pas ce quon appelait la jurisprudence du mis en examen, il nest pas mis en examen, Jérôme CAHUZAC. Mais dès lors quil y a une procédure, il ne pouvait plus rester au gouvernement.
David PUJADAS
La mise en examen de Nicolas SARKOZY, cest une bonne nouvelle pour vous ?
François HOLLANDE
Pourquoi jaurai un jugement à porter ? Ce serait dailleurs inqualifiable comme président de la République !
David PUJADAS
Cest un concurrent potentiel ?
François HOLLANDE
Dabord, il y a la présomption dinnocence, Nicolas SARKOZY est présumé innocent. Pas parce quil a été président de la République ou quil pourrait, demain, je ne sais pas, être de nouveau candidat - cest à lui de le dire, le moment venu dailleurs que, pour autant, il devrait être accusé, avant même quun juge ait prononcé un verdict. Il est mis en examen, il est présumé innocent. Le deuxième principe, cest que les juges doivent être respectés pour leur indépendance.
David PUJADAS
On ne peut pas critiquer une décision de justice ?
François HOLLANDE
Jen suis moi-même le garant comme chef de lEtat. Je suis garant de lindépendance de lautorité judiciaire. Chaque fois que quiconque met en cause un magistrat, je suis moi-même, en tant quinstitution, dune certaine façon obligé dagir. Cest la raison pour laquelle jai demandé à la garde des Sceaux de saisir le Conseil supérieur de la magistrature par rapport à des propos qui avaient été tenus à légard du juge GENTIL. Car, je ne peux pas accepter, quelle que soit la personne qui est mise en cause ou mise en examen, quun juge puisse être suspecté.
David PUJADAS
Mais lun de vos ministres a mis en cause une décision judiciaire lui-même, Manuel VALLS, lorsquil a critiqué la décision dont on parlait à linstant, de la Cour de cassation sur laffaire Baby Loup.
François HOLLANDE
Mais il peut dire : « Je regrette cette décision de la Cour de cassation ». Il na pas accusé un juge. Moi aussi, quand jai une décision, je ne peux pas la contester, quand le Conseil constitutionnel dit il ne faut pas procéder ainsi. Le Conseil constitutionnel simpose à tous les pouvoirs publics, y compris à moi-même. On est dans un Etat de droit. On peut donc dire : « Jaurais préféré quil fasse une autre conclusion », mais je dois la respecter. En aucune façon, un juge - cela vaut pour toutes les affaires - ne doit être mis en cause personnellement. Alors, sil a commis une faute, le juge, dabord, il y a les voies de recours, y compris pour une procédure dinstruction. Et sil a commis une faute lourde, il peut même être traduit de manière disciplinaire devant le Conseil supérieur de la magistrature. Je pense que les juges doivent être responsables, mais devant linstance, la seule, qui est le Conseil supérieur de la magistrature.
David PUJADAS
On approche de la fin de cette émission et je vous repose la question que je vous posais au départ, puisque vous ne mavez pas répondu sur ceux qui sinterrogent sur votre autorité. Je vous la repose dune manière différente. Il y a eu beaucoup de couacs, on a parlé de couacs au sein du gouvernement, des ministres qui ont exprimé des positions qui nétaient pas celles du chef du gouvernement ou de vous-même. Est-ce quil naurait pas fallu faire respecter lunité de la parole du gouvernement et prendre des sanctions ? Est-ce que ce nest pas votre autorité, là, qui est en jeu ?
François HOLLANDE
Un gouvernement, cest une équipe et il y a toujours des voix qui parfois peuvent être discordantes £ non pas parce quil y a des pensées différentes, mais, parfois, parce quil y a des expressions qui ne sont pas forcément heureuses. Je lai dit aux ministres, cest trop dur pour les Français, vous ne pouvez pas vous permettre
David PUJADAS
Mais ils continuent !
François HOLLANDE
Non ! Il ny en a pas eu depuis un certain nombre de semaines !
David PUJADAS
Depuis quelques jours !
François HOLLANDE
Vous ne pouvez pas - cela vaut pour moi aussi - quand cest dur pour les Français, commettre la moindre erreur, la moindre imprudence, la moindre expression malheureuse.
David PUJADAS
Le prochain, vous lui direz « dehors » ?
François HOLLANDE
Oui, mais il comprendra très vite ! Dailleurs, ce que je dis est une forme davertissement, cest trop dur pour les Français. Pour ce qui me concerne, vous dites la décision. Jen ai pris beaucoup de décisions ces dernières semaines, ces derniers mois, depuis que je suis là.
David PUJADAS
Vous savez ce quon dit : « cest un chef pour le Mali, ce nest pas forcément un chef pour le chômage ».
François HOLLANDE
Pour le chômage ? Je ne veux pas être jugé sur le Mali ! Les Français ne vont pas voter dans les prochains mois ou dans les prochaines années sur la politique internationale ! Cela compte, mais ce nest pas là-dessus que je serai jugé. Je serai jugé sur un seul critère : est-ce que jai fait réussir la France ? Est-ce que je lui ai permis davancer ? Est-ce que je lui ai donné confiance en elle-même ? Est-ce que jai pu valoriser ses atouts ? Est-ce que jai pu faire diminuer le chômage ? Si je ne lai pas fait, je connais la sanction. Quest-ce que je veux laisser comme trace ? Ne pas laisser une trace de celui qui a voulu durer, qui a voulu prolonger. Jai 58 ans. Ma vie, cest maintenant quelle se traduit sur le plan politique. Je veux réussir, pas moi-même, je veux faire réussir mon pays.
David PUJADAS
Vous les entendez, ces doutes, sur vous-même, sur votre autorité ? Vous avez entendu hier un député socialiste : « Quand on est président, on nest pas conseiller général, on change de braquet. » Ça vous touche ? Vous lentendez ?
François HOLLANDE
Pour être arrivé là où je suis, jen ai essuyé des coups. Jen ai enduré des attaques. Jai le cuir solide et jai les nerfs tout à fait froids, le sang-froid. Mes nerfs ne sont pas à vif. Parce que si je veux réussir, faire réussir la France, je ne dois pas être, au premier avis de tempête, en train de savoir comment je vais changer de cap ou comment je vais pouvoir tirer un bord.
David PUJADAS
Non, mais tenir un discours peut-être à la Winston CHURCHILL, disent certains, « du sang et des larmes » !
François HOLLANDE
Mais pourquoi allez faire du « sang et des larmes » ? Il faut donner espoir, au contraire ! Cest ce que je considère pour la France. La France a des atouts, on parlait de la fécondité, de la natalité, mais pas seulement ! Elle a des chercheurs, on connait des Prix Nobel, qui ont été encore récemment distingués ! Des innovateurs, des entrepreneurs qui font des choses formidables ! Des salariés qui se dévouent !
David PUJADAS
Donc, vous restez optimiste !
François HOLLANDE
Je ne suis pas optimiste au sens : « Tout irait bien, il ny a plus quà laisser faire » ! Au contraire, je dis : Quelle est ma responsabilité ? Ce nest pas de tout faire, pas de faire à la place des entrepreneurs, à la place des salariés, à la place même des ministres ou du Parlement. Ce que jai à faire, cest à mobiliser le pays. Vous dites « chef de guerre ». Je ne suis pas en guerre, on est en bataille. Je suis en ordre de bataille. Je suis le chef de cette bataille. Ceux qui sont dans les arrière-gardes pour regarder comment se déploient les forces, cela ne mintéresse pas. Quils restent comme spectateurs. Je ne suis pas spectateur, je ne suis pas commentateur de ma propre action. Javance, javance, non pas pour partir dans je ne sais quelle direction, parce que jai ce cap. Ce cap, je vous lai dit, cest la croissance. La croissance doit revenir parce que cest une condition essentielle de la cohésion sociale, de retour vers lemploi et aussi de la confiance du pays en lui-même, notamment de sa jeunesse. Jai fait toute la campagne sur la jeunesse, on fait des choses sur léducation, sur les emplois davenir, etc. Ce que je veux, cest que, au terme de mon mandat, la jeunesse ait pu avoir des chances supplémentaires, que la France en ait été investie.
David PUJADAS
Encore un mot là-dessus, ce quon appelle le « HOLLANDE bashing », vous le voyez, la Une des hebdos, les journaux, les critiques, ça vous touche, vous vous dites : « Je ne mattendais pas à une telle violence » ou vous considérez que cest le jeu démocratique normal ?
François HOLLANDE
Je pense que cest le jeu démocratique. Je connais les humeurs et les modes et jai suffisamment dexpérience pour ne pas en être affecté. Comme je vous lai dit, je sais ce que je veux faire. Je sais ce que je décide et je sais où on va arriver, c'est-à-dire à la réussite. Alors, je laisse faire, je laisse dire. Ce qui comptera, cest dêtre jugé sur les résultats. On nest pas jugé sur des discours. On est jugé sur des résultats. Des critiques, on men a toujours fait !
David PUJADAS
Là, on les entend particulièrement !
François HOLLANDE
Oui, oui, mais je les connais, cest les mêmes ! Cela ne ma jamais empêché datteindre mon objectif.
David PUJADAS
Est-ce que le hollandisme existe ? Est-ce quil est en train de sécrire ?
François HOLLANDE
Oui, dune certaine façon, ce nest pas à moi de lécrire. Cest à dautres de le comprendre. Cest quoi ce que je veux faire ? Cest dêtre exigeant, c'est-à-dire dêtre capable de tirer au plus haut le pays et en même temps dêtre dans lapaisement. Je trouve que, en ce moment, il y a une radicalité £ il y a une montée des excès £ il y a une violence, quon constate dans la rue, mais quon constate aussi dans lexpression. Je ne veux pas de cette République. Ma République doit être exemplaire et apaisée. Si je veux réussir à aller le plus loin possible, le plus haut possible avec la France, il faut aussi permettre ce rassemblement, cet apaisement, cette réconciliation. Bien sûr quune partie du pays ne mapprécie pas, pour des raisons politiques. Et alors ! Moi, jaime tous les Français. Je veux les emmener vers la réussite et jaurai besoin de tous. Mais pour cela, et cest le rôle du président de la République, il faut fédérer.
David PUJADAS
Merci, Monsieur le Président, davoir été notre invité
François HOLLANDE
Merci à vous ! Pardon davoir été aussi long !
David PUJADAS
Cest de ma responsabilité, surtout, mais cest vrai quil y avait beaucoup de thèmes et cela valait un peu la peine de déborder par rapport au temps que nous avions annoncé. On avait annoncé une heure
François HOLLANDE
Au moins, aucune question nest restée sans réponse.
David PUJADAS
Je lespère. Certaines peut-être, mais jespère quon aura aussi loccasion den reparler. Merci encore de nous avoir accordé cet entretien.
François HOLLANDE
A bientôt !
Merci.
David PUJADAS
Merci. Bonsoir.