19 décembre 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Hollande, Président de la République, notamment sur les relations franco-algériennes, à Alger le 19 décembre 2012.

Mesdames, Messieurs, mon voyage en Algérie était attendu. Cest le premier que je fais ici comme Président de la République, le premier dans cette région. Cest un voyage qui vient en 2012 à un moment forcément symbolique, 50 ans après lindépendance de lAlgérie. Ce voyage attendu, espéré, redouté, je ne sais comment il faut lappeler. Ce voyage était nécessaire. Il vient comme un aboutissement, mais aussi comme le temps dun nouvel âge que je veux engager entre la France et lAlgérie, 50 ans après.
Je remercie le Président BOUTEFLIKA pour non seulement son invitation, mais aussi son accueil. Je salue le peuple algérien qui ma réservé avec enthousiasme, chaleur, une hospitalité remarquable. Je veux aussi reconnaître le travail qui a été mené par les deux gouvernements. Avant même que je ne vienne ici, pas moins de cinq ministres du gouvernement de Jean-Marc AYRAULT sont également venus en Algérie. Et nous pouvons signer avec le gouvernement algérien bon nombre daccords dans tous les domaines.
Ces accords doivent avoir un sens, une signification. Il ne sagit pas seulement de faire en sorte que nous améliorions pour un temps notre coopération. Ce que je veux définir avec lAlgérie cest un partenariat stratégique dégal à égal et qui permette justement dentrer dans le nouvel âge de la relation entre la France et lAlgérie.
Il y aura donc une déclaration damitié et de coopération, cétait la meilleure formule pour nous dire ce que nous avions non seulement à nous déclarer, notre amitié, mais surtout à engager et à préparer. Ce document sera suivi par un autre qui est le document cadre du partenariat et qui est un programme de travail sur cinq ans dans les domaines économique, financier, culturel, agricole et même de défense et avec toujours lidée daméliorer la formation, daccompagner les technologies et de pouvoir servir les intérêts et de lAlgérie et de la France.
Nous avons des liens et jy reviendrai demain lors du discours que je prononcerai devant les deux assemblées. Nous avons des liens, des relations qui sont à la fois humaines, économiques, culturelles et que nous devons amplifier.
Il y a une vérité à dire sur le passé. Il y a surtout une volonté à prononcer pour lavenir et ce voyage il est sur lavenir. Il est pour engager une mobilisation de nos deux sociétés, au-delà de nos deux gouvernements, pour les Français et pour les Algériens. Une page se tourne, mais nous pourrions en écrire tellement dautres.
Pour illustrer le déplacement et cette visite, il y a bien sûr ce que nous aurons à faire sur le plan des discours, ce que je ferai donc demain. Mais il y a aussi des annonces très fortes, par exemple la décision de Renault douvrir une usine pour construire des automobiles non seulement pour le marché algérien, mais pour lensemble du continent et avec cette volonté de co-production que les ministres ont présenté, cest-à-dire capacité à pouvoir faire que ce qui va être produit ici serve aux Algériens, mais que ce que nous pourrons également donner comme apport, comme encadrement, comme technologie, voire comme produit semi fini, serve aussi à lAlgérie et à la France.
Nous avons également une responsabilité, la France et lAlgérie. Nous sommes deux pays respectés dans le monde avec des principes pour la politique extérieure qui nous réunissent et nous en avons avec le Président BOUTEFLIKA donné un témoignage et une illustration sur les deux ou trois sujets qui sont pour nous les plus préoccupants. Le premier sujet cest de faire en sorte que ce qui se passe en Syrie puisse aboutir enfin à une transition politique, faire en sorte que nous puissions lutter contre la prolifération nucléaire. Mais surtout lutter contre le terrorisme dont lAlgérie a suffisamment souffert pour nous livrer sa douloureuse expérience. Et aujourdhui, un terrorisme sest installé au Mali, pas simplement quau Mali et avec une confusion, avec un trafic de drogue et le trafic darmes.
A partir de là, nous avons voulu soutenir tous les efforts de la communauté internationale, mais aussi du Mali pour lutter contre ce terrorisme et préserver lintégrité territoriale du Mali.
Nous sommes en convergence avec le Président BOUTEFLIKA. Lui et moi, nous pensons quil convient de faire du dialogue politique, de faire tout pour quune négociation puisse permettre au Mali de recouvrer son intégrité territoriale, mais uniquement avec les mouvements ou les forces qui se séparent du terrorisme, voire luttent directement contre le terrorisme. Nous sommes pour que le gouvernement malien, le Président du Mali et larmée du Mali travaillent pour permettre la réunification.
Enfin, la France est partie prenante de linitiative qui va conduire le Conseil de sécurité à prendre une résolution qui ouvrira la possibilité aux Africains dintervenir aux côtés des Maliens pour les aider à retrouver la stabilité et lunité. Mais ce sont les Africains qui sont les seuls à pouvoir décider et à mettre en uvre, même si la France, -je lai plusieurs fois affirmé-, aura à donner son appui logistique et de formation.
Et lAlgérie joue un rôle très important à la fois pour lutter contre le terrorisme mais aussi pour favoriser la négociation politique, inséparable, donc, de ce que nous avons à faire sur le plan sécuritaire.
Voilà mesdames et messieurs, ce que je voulais dire en propos liminaire.
Je suis venu avec une délégation importante composée à la fois de responsables politiques, non seulement ceux qui sont membres du gouvernement, mais aussi dautres, dont histoire est liée à lAlgérie, ou qui ont des responsabilités en lien avec ce pays, notamment Jean-Pierre RAFFARIN qui était chargé, cétait déjà vrai avant même mon élection de la relation avec lAlgérie sur un certain nombre de points. Je suis venu avec une délégation aussi délus locaux qui ont des liens avec lAlgérie, des coopérations, des jumelages. Je suis venu avec des responsables économiques très importants, des chefs dentreprises de grandes, mais aussi de petites entreprises. Elles sont conscientes quici en Algérie, il y a des potentiels considérables, mais à condition dêtre les meilleurs dans beaucoup de domaines, télécommunication, infrastructure, énergie, automobile je ne vais pas les citer tous et toutes. Mais nous ne demandons rien, nous ne demandons aucune faveur. Ce nest parce que nous sommes dans une relation damitié que nous aurions des privilèges, il ny a pas de privilèges. Nous voulons simplement être au service de léconomie algérienne de la même manière que nous espérons que les Algériens peuvent être au service de notre propre économie. Nous en avons besoin. Puis nous avons à mener des politiques ensemble sur la Méditerranée, autour de la Méditerranée.
Et puis cette délégation est aussi composée de personnalités culturelles, artistiques qui peuvent avoir des origines ici en Algérie ou qui aiment lAlgérie. Cest aussi un symbole de savoir qui maccompagne. Il y a tant de personnes qui sont intéressées par ce qui se passe en Algérie. Par ce que nous pouvons construire ensemble France et Algérie, par ce nouvel âge. Il y a dabord les Algériens eux-mêmes, il y a aussi beaucoup de Français qui ont, avec lAlgérie, une relation humaine, singulière, particulière, parfois douloureuse. Et cest justement, parce quil y a cette relation exceptionnelle que nous devons faire un partenariat dégal à égal.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
QUESTION Apparemment Monsieur le Président, les usines darmement subissent la même crise que les autres sociétés économiques et industrielles ce qui engendre lencouragement ou plutôt la création de foyers de tension. Comment pensez-vous établir des relations tournées vers lavenir, comme ne cesse de le répéter ces jours-ci votre ministre des Affaires étrangères avec notre pays dont les frontières sont menacées, tout en sachant que limplication de la France nest pas à démontrer.
LE PRESIDENT Nous avons à définir des relations pour lavenir. Nous sommes là pour préparer lavenir, mais lavenir dépend dabord du présent, des conditions de sécurité, de stabilité, de léquilibre dans région ce dont vous parlez. Donc, nous avons à régler les sources de conflit qui existent quelques fois depuis très longtemps, parfois depuis moins longtemps. Nous avons à faire en sorte quil ny ait pas de tension entre les pays du Maghreb. Nous savons aussi ce qui se passe, dans les printemps arabes. Tout cela fait que nous ne pouvons pas simplement discuter entre Français et Algérien. Nous avons à porter une politique, qui sur bien des points est commune. Parce que la France et lAlgérie sont deux pays qui, au-delà de leur propre histoire, ont une responsabilité pour la méditerranée. Ce qui permet de parler du sujet de lunion pour la méditerranée. Vous vous souvenez de linitiative qui avait pu être prise. Lidée mérite dêtre retenue, mais elle doit être repensée. Et la France et lAlgérie doivent en être par leur situation, par leur position, par leur conception commune si je puis dire des moteurs. Donc nous allons y travailler.
Jétais il y a quelques semaines à Malte, à ce que lon appelle la rencontre « cinq + cinq » et nous avons beaucoup réfléchi sur la manière de rapprocher Europe et Maghreb, ce qui suppose que lEurope soit unie et que le Maghreb le soit aussi. Nous savons que ce nest pas si simple.
Cest cette responsabilité commune que nous voulons évoquer au cours de ce déplacement.
QUESTION Monsieur le Président, est-ce que vous pensez que lAlgérie est imperméable aux printemps arabes qui se sont développés autour dans la région et deuxième question, sur la Syrie. Visiblement vous dites quil y a convergence entre vous et le Président BOUTEFLIKA, mais il y a quand même une différence dapproche très claire entre la position algérienne sur la Syrie et la position française. Est-ce que vous pouvez un peu développer cela ?
LE PRESIDENT Le point daccord, cest sur la mission qui a été confiée par les Nations Unies à Monsieur BRAHIMI en qui nous avons grande confiance et qui doit chercher des solutions pour la transition politique. Là, nous nous retrouvons.
Ensuite, sur la coalition que nous, nous avons reconnue. Il y a une différence, et je la respecte, mais nous nous avons considéré quil fallait, dès lors que nous souhaitions une transition, quil y ait bien un interlocuteur légitime qui représente la Syrie demain, cest le choix que nous avons fait.
Sur lautre sujet, moi, je ne veux pas me mêler des affaires intérieures mais, ce que disent les Algériens cest quils lont déjà vécu il y a longtemps, le printemps arabe.
QUESTION Une question sur un sujet que vous allez aborder demain sur un sujet très délicat, celui de la question mémorielle. Est-ce que des voix sélèvent en Algérie pour réclamer une repentance de la France, pour réclamer des excuses de la France ? Est-ce que ce sera la teneur du message que vous délivrerez demain au Parlement algérien ?
LE PRESIDENT Quil y ait des voix qui sélèvent, il y en a partout, et en France et en Algérie, par forcément pour dire la même chose. Ce qui compte cest ce qui nous est demandé, à la fois par les autorités algériennes, elles nous disent, nous vous faisons confiance, cest à vous de trouver les formes et les mots et moi, jai toujours été clair sur cette question : vérité sur le passé, vérité sur la colonisation, vérité sur la guerre avec ces drames, avec ces tragédies, vérité sur les mémoires blessées. Mais en même temps volonté de faire que le passé ne nous empêche pas de faire le travail pour lavenir. Le passé doit, dès lors quil est reconnu, nous permettre daller beaucoup plus vite, beaucoup plus loin pour préparer lavenir, cest ce que je dirai demain aux parlementaires algériens et au-delà aux Français et aux Algériens.
QUESTION Vous aviez dit avant cette visite que vous évoqueriez tous les sujets. Avez-vous parlé avec les président BOUTEFLIKA des moines de Tibhirine, que vous a-t-il dit ?
LE PRESIDENT Je lui en ai parlé, puisque jai dit que tous les sujets seraient évoqués et celui-là fait partie de la sensibilité qui est forte, compte tenu de la tragédie, et le président BOUTEFLIKA mais vous linterrogerez, ma dit quil avait donné toutes instructions autant quil est possible à la justice pour aller jusquau bout de lenquête.
QUESTION Donc, sil faut dire, sil faut reconnaître la vérité, est-ce que sur les moines de Tibhirine il faut aussi demander pour que le passé ne repasse pas, est-ce que lon doit aussi faire la lumière sur cette question ? Oui, parce que les autorités rouvrent le dossier pour quil y ait une autopsie, je crois que vous avez reçu une lettre des parties civiles en ce sens. Mais avez-vous une réponse claire ?
LE PRESIDENT Ma réponse, elle est on ne peut plus claire, cest à la justice algérienne, avec la justice française de faire toute la lumière sur ce qui sest produit.
QUESTION La révision de la loi de janvier 2010, dite Loi Morin portant sur lindemnisation des victimes des essais nucléaires français est-elle envisageable, sachant que les conditions quelles posent pour indemniser les victimes sont extrêmement restrictives ? Par ailleurs, où en est le dossier ou la question de la détermination des sites contaminés dans le Sahara et aussi les opérations de décontamination de ces sites algériens ?
LE PRESIDENT Sur ce point-là, les démarches sont engagées, elles se poursuivent et nous ferons là aussi la transparence, cest le principe que jai posé, la transparence.
Quant à la loi de 2010 que vous avez évoquée à juste raison, qui prévoit une indemnisation des victimes des essais nucléaires, elle doit être appliquée pleinement. Et sil apparaît quil y a des conditions qui ne permettent pas à des victimes de faire leurs droits, nous regarderons comment faire. Mais pour linstant, je veux que cette loi soit pleinement appliquée, elle ne la sans doute pas été avec la détermination nécessaire.
QUESTION Quand vous dites que les Algériens ont vécu il y a longtemps le printemps arabe, que voulez-vous dire par là ?
LE PRESIDENT Vous avez vu quand même ce que ce pays a traversé comme épreuve, cest-à-dire un terrorisme qui sétait installé, le nombre de victimes, après un processus de réconciliation, de reconstruction et de rénovation. Je pense que le Parlement algérien va bientôt être saisi de la dernière étape de la révision constitutionnelle. Voilà, il y a des étapes, il ne mapparaît quil y ait eu en Algérie les mêmes évènements que dans dautres pays, cela ne sest pas passé de la même manière, chaque pays a sa spécificité, a pu connaître ses propres problèmes, ses propres difficultés, mais moi, je veux saluer le courage des Algériens dans ce qui sest produit durant toutes ces années et la manière avec laquelle ils ont réussi à rester unis et par rapport au printemps arabe, nous sommes conscients que cela a été un formidable espoir et qui doit maintenant être pleinement traduit sur le plan démocratique partout.
QUESTION - Comment la France a-t-elle vendu la marque Orangina aux Japonais puisquil sagit dune propriété algérienne ?
LE PRESIDENT Voilà une information dont je navais pas connaissance et dès que le gouvernement japonais va être constitué, je viendrais à sa rencontre pour essayer de faire ce que je peux « en secouant beaucoup ». Pour le reste, et là le sujet est un sujet pleinement français parce que moi, je ne considère pas que des pays étrangers doivent se préoccuper de la représentation de lIslam de France. Mais quil y ait des Algériens qui vivent en France et qui doivent pratiquer leur culte dans de bonnes conditions, je parle du culte musulman, oui, et cela renvoie, et là votre question est parfaitement légitime et pertinente à la représentativité du CFCM. Le ministre de lIntérieur y travaille pour que nous puissions avoir un CFCM qui soit unit, cohérent, légitime pleinement, respecté par tous et que nous puissions travailler, parce que nous avons besoin de cette représentation.
QUESTION Vous avez plusieurs fois indiqué dans votre propos liminaire vouloir engager lAlgérie et la France dans un nouvel âge. Est-ce à dire que vous revendiquez une rupture avec les pratiques de vos prédécesseurs, Messieurs CHIRAC et SARKOZY ?
LE PRESIDENT Il y a des âges, vous le savez bien, nous le savons tous qui ne sont plus les mêmes, après 50 ans, là je ne parle que pour moi. Il est nécessaire douvrir un nouveau temps, une nouvelle phase, une nouvelle période. 50 ans après une nouvelle période, nous sommes capables de jeter un regard lucide sur le passé, de faire lexpérience de tout ce que nous avons pu réaliser ensemble, la France et lAlgérie, donc, tous mes prédécesseurs, et puis, douvrir une nouvelle page et donc de travailler maintenant avec le souci daller plus vite, daller plus loin. Je pense que cest cela qui est demandé. Il y a tellement de besoins, tellement de ressources, tellement de volonté dagir ensemble que nous devons faire davantage que ce que nous avons fait jusquà présent et cela tient aux deux pays, parce que nous avons toujours attendu tellement lun de lautre que nous avons peut-être laissé passer un certain nombre dopportunités. Donc, maintenant, il se trouve, 50 ans après, lélection présidentielle française est arrivée à ce moment-là, que nous pouvons ouvrir la nouvelle étape, le nouvel âge de la relation entre la France et lAlgérie. Tout cela nest quune continuité, cest vrai, mais il se trouve que cest lépoque qui a changé.
QUESTION Monsieur le Président, vous allez vous recueillir sur la place Maurice AUDIN à Alger. Auriez-vous une réponse à la demande de sa veuve en rentrant sur Paris ?
LE PRESIDENT Dabord, jai effectivement souhaité avoir ce temps de recueillement et ensuite, jai demandé au ministre de la Défense de recevoir la veuve AUDIN pour que toutes les informations dont nous pouvons disposer puissent lui être communiquées, dans la transparence.
QUESTION Monsieur le Président, comme par enchantement, dun côté comme de lautre, on entend plus parler de laccord de 68, y aurait-il eu un compromis ? Vous venez dévoquer lUnion pour la méditerranée, vous savez très bien Monsieur le Président, que le préalable du côté arabe, cest le règlement du conflit israélo-arabe et du côté algérien, cest le règlement du problème du Sahara occidental. Y aurait-il du nouveau positif au niveau de lElysée après votre arrivée en tant que Président ?
LE PRESIDENT Du positif, jespère bien quil y en a, mais je ne vais pas ici en parler, transformant cette conférence de presse en moyen de communication pour lopinion publique française. Mais je vais répondre précisément à vos deux questions. Il y avait un dossier qui traînait depuis plusieurs années, une révision de cet accord, on ne savait pas dailleurs dans quel sens le réviser, le réviser pour être plus restrictif, ce nest pas la position de lAlgérie, le réviser pour être plus ouvert, ce nest pas forcément la position de la France. Donc, nous nous sommes dit, cest un bon accord en réalité, est-ce que lon peut améliorer son exécution ? Oui, et cest ce que les deux ministres de lIntérieur ont convenu de faire : aller plus vite, être plus respectueux, traiter avec toute la diligence nécessaire sur le plan administratif dans les consulats les demandes de visas. Parce que je pense que le mot clé qui doit nous définir, nos deux peuples, cest celui de la dignité, de la reconnaissance, et nous avons, je lai dit des mémoires, mais nous avons aussi des vies, nous avons des relations humaines et à chaque fois cest le principe de dignité et de considération qui doit lemporter. Ce sera lesprit de lapplication de laccord de 1968.
Ensuite, vous mavez dit lUnion pour la méditerranée, elle ne peut pas avancer parce quil y a des préalables qui ne sont pas levés. Vous avez raison, cest la raison pour laquelle cela na pas marché, parce que ce nest pas dans lUnion pour la méditerranée que nous allons trouver la réponse au conflit israélo-palestinien. Ce nest pas non plus dans lUnion pour la méditerranée que nous allons nous mettre daccord pour la question du Sahara occidental. Ces questions-là doivent être traitées dans un cadre qui est celui des Nations unies et de la négociation directe pour Israël et la Palestine. Alors, est-ce que cest parce quil y a ces préalables que nous ne pouvons pas avancer ? Eh bien, nous allons prendre un autre cadre. LUnion pour la Méditerranée cela existe, mais nous allons prendre dautres moyens. Jai cité le dialogue 5+5, il y a le processus de Barcelone, donc, nous allons travailler ensemble la France et lAlgérie pour que la Méditerranée ne soit pas la grande oubliée. Si on regarde nos intérêts géostratégiques à lAlgérie et à la France. La France, elle est située comme vous le savez en Europe et elle regarde vers la Méditerranée, il y a dautres pays qui nont pas la même position géographique, lAllemagne qui regarde vers lest, cest bien légitime, donc nous, notre relation elle doit être bien sûre ancrée dans lEurope, mais elle doit être portée par une ambition qui est celle de la Méditerranée. LAlgérie, elle aussi elle regarde des deux côtés, dans le Maghreb, en Afrique et en même temps elle regarde vers lEurope du Sud, parfois en sinquiétant, parce que lEurope du Sud ne va pas forcément au mieux sur le plan économique, donc à nous de faire de cette Méditerranée une zone de paix, de sécurité, de lutter contre les trafics, trafics de drogue, cela cest un point très important la lutte contre le trafic de drogue, et qui touche tous les pays autour de la Méditerranée et nous devons aussi en faire une zone de développement, de coproduction et de croissance, voilà ce que nous avons à faire sur ce sujet.
QUESTION Laccord avec Renault a été annoncé à la veille de votre visite, est-ce quil y a eu des pressions politiques sur les négociateurs pour faire aboutir le projet ? Et deuxième question, vous invitez les algériens à venir investir en France, et sil y a la création dun fonds souverain algérien, est-ce quil serait possible à lAlgérie dinvestir dans des industries en France à lexemple de Peugeot qui connaît actuellement beaucoup de difficultés ?
LE PRESIDENT Nous sommes actionnaires, lEtat français, donc, nous avons été en tant quactionnaire consulté sur cette opération. Le ministre du redressement productif a été forcément, non seulement informé, mais aussi partie prenante. Mais il ny a pas eu besoin de faire pression, parce que cest un bon projet, un bon projet pour lAlgérie, un bon projet pour Renault et un bon projet pour la France. Je rappelle que ce sont des automobiles qui seront destinées au marché algérien, mais pas quau marché algérien, à dautres marchés extérieurs, et que ce ne sera pas une délocalisation, ce nest pas une usine qui part de France pour aller en Algérie et on aura même de lemploi en France parce quune partie des approvisionnements viendront de France. Donc, cest une opération où il ny aura, cela a été dit ce matin je crois par dautres, que des gagnants.
Ensuite, est-ce quun fonds souverain algérien peut venir en France investir. Tous les fonds sont les bienvenus en France pour investir. Et nous avons un fonds chinois, un fonds qatari et dautres fonds qui se sont mis en place, mais je ne vais pas demander aux Algériens de constituer un fonds souverain pour le bénéfice de la France, cest aux Algériens de décider sils veulent investir en France et sils voulaient investir dans une entreprise, ils pourraient le faire librement en fonction des règles en vigueur.
QUESTION Pour revenir à cet accord de 68, le nouvel âge, cette nouvelle étape qui va souvrir, on va avoir limpression que ce sera plus facile de permettre la circulation des marchandises et des biens matériels que des hommes. Nous sommes en 2012, cet accord date de 68, est-ce quil ne serait pas temps dy voir vraiment une étape, parce que la population algérienne a beaucoup changé, parce que le niveau déducation a beaucoup changé, et parce que beaucoup plus dalgériens ont des visas rapidement, y compris pour aller pour quelques jours en France ?
Deuxième question. Aujourdhui, vous avez en France beaucoup de réussites individuelles franco-algériennes culturelle, économique, scientifique. Est-ce que ce réseau qui a réussi en France et en Algérie ne pourrait pas servir de nouvel axe dans ce nouvel âge justement ?
LE PRESIDENT Comme vous avez raison, toutes ces réussites, je ne vais pas les citer toutes, mais vous en avez évoqué de nombreuses sans les personnaliser. Réussite franco-algérienne, cest-à-dire dAlgériens venus en France parfois enfant devenu Français, pleinement Français, mais avec cette origine algérienne. Cest une chance formidable pour nos deux pays parce quil ny a non pas une perte didentité, il ny a pas une confusion, il y a au contraire un enrichissement. Et comment nous pouvons essayer de nouer ces relations ? Par des investissements qui peuvent se faire par ces Français dorigine algérienne ici en Algérie, mais il y a aussi Algériens qui ont envie de donner le meilleur deux-mêmes en France. Cest toute la question des visas pour des voyages artistiques, pour des séjours culturels, pour de la coopération scientifique ou universitaire. Alors, est-ce que laccord de 68 est un accord qui est très restrictif ? Oui il est restrictif puisquil vise à maîtriser, mais il est moins restrictif que dautres accords, chacun le sait. Tout est question dapplication, ce qui est insupportable cest dattendre très longtemps ou de ne pas pouvoir pour des brefs séjours avoir le visa qui permet juste de faire un spectacle, un film ou une recherche de stage, cela peut arriver
Donc, cest cela qui sera appliqué avec discernement et avec, je lai dit, respect. Je crois que cétait mieux de ne pas changer laccord. Si nous avions changé laccord, il y aurait toutes les interprétations, cest-à-dire ceux qui auraient dit vous voyez, on restreint encore davantage, ceux qui auraient dit au contraire on ouvre davantage nous inspirant de ce qui avait été décidé en 68. Cétait une période où il ny avait pas les problèmes de chômage daujourdhui. Mais nous le faisons avec discernement et respect.
QUESTION Pour revenir sur les questions de mémoire, vous avez parlé des signes, des mots, des gestes que la France est prête à faire, attendez-vous à linverse des signes ou quelque chose du côté algérien et en matière des droits de lhomme notamment, est-ce que vous attendez un signal ou une parole forte de la présidence algérienne ?
LE PRESIDENT Jai invité le Président BOUTEFLIKA à venir en France pour une visite dEtat au moment où il lui paraîtra possible de le faire. A ce moment-là, il aura aussi à sadresser à la France. Je suis ici en Algérie comme Président de la République, je madresse à lAlgérie, mais aussi à la France pour dire que je suis lucide sur le passé, je suis surtout désireux de faire avancer la France et lAlgérie, de donner une nouvelle impulsion, un nouveau souffle, un nouvel élan, ce que jai appelé un nouvel âge.
Sur les droits de lhomme, je recevrai un certain nombre de représentants de la société civile algérienne et jaurai aussi des discussions avec la jeunesse algérienne et je serai au parlement algérien demain. Les choses seront dites. Il y a toujours des améliorations à faire. Mais, comprenez bien quaujourdhui je ne viens pas faire la leçon, je viens dire tout ce que jespère de la relation entre la France et lAlgérie et tout ce que nous pouvons faire ensemble.
Vous savez, il se trouve que les communications entre la France et lAlgérie, au-delà de léchange humain sont tellement nombreuses. Je ne dis pas cela pour influencer les chaînes de télévision française, mais vous êtes très regardés en Algérie. La vie politique française est très connue en Algérie. Donc, il y a une espèce dintimité qui est créée et donc la question de la démocratie, des droits, je pense à une question présente partout et en Algérie il ny a pas de limites au droit de linformation. Il y a une presse libre, une presse indépendante, comme peu de pays les connaissent. Je veux la saluer parce que cétait aussi un combat pour cette presse de rester libre et indépendante pendant les périodes les plus éprouvantes de lhistoire algérienne.
QUESTION Au sujet du Mali, vous avez parlé de convergence entre lAlgérie et la France, au-delà de ce langage diplomatique, est-ce que pourriez détailler ces convergences sachant que la France voudrait appuyer logistiquement une intervention et que lAlgérie refuse toute idée dintervention au Mali.
LE PRESIDENT Non, ce nest pas vrai. LAlgérie est, et nous aussi, en faveur de la négociation politique et elle est pour la lutte contre le terrorisme. Cest ce qui nous unit. La lutte contre le terrorisme ne peut pas accepter quAQMI sinstalle sur une partie du Mali et impose sa loi. La négociation politique est indispensable parce quil y a des groupes, on les appellera les touaregs ou avec dautres noms correspondant à leur mouvement qui doivent être réinsérés dans un processus politique. Après, sur lintervention elle-même, cest le Conseil de sécurité qui va en décider, ce nest pas que la France. Cest le Conseil de Sécurité des Nations unies et ce Conseil de sécurité va laisser les Africains, je dis bien les Africains eux-mêmes notamment la CEDEAO décider dune intervention en soutien du gouvernement malien qui lui-même a la seule légitimité pour en décider. Voilà ce qui nous rassemble.
QUESTION Concernant le nombre de chefs dEtat, de chefs dentreprises qui vous accompagnent.
LE PRESIDENT De chef dEtat, je suis le seul,
QUESTION Concernant le nombre de chefs dentreprises qui vous accompagnent, il y en a une quarantaine ? En 2007, lors de la dernière visite dEtat de Monsieur SARKOZY, il y en avait une centaine, on voit que le nombre a été réduit. Alors est-ce que cest le contexte de crise qui fait quaujourdhui en 2012 la France perd du terrain en matière commerciale ? Puis, le deuxième point concernant la région, votre prédécesseur avait effectué une tournée maghrébine, Tunisie, Maroc, Algérie, là vous ne ciblez que lAlgérie. Pourquoi ?
LE PRESIDENT Alors le nombre de chefs dentreprise, je ne veux pas faire un concours ni même dire quil y aurait ici la qualité quand il y avait la quantité, puisque ce sont souvent les mêmes. Nous, ce qui nous a paru nécessaire, cest que ces chefs dentreprises dabord, puissent être en relation avec dautres chefs dentreprises ici en Algérie. Il y aura demain un forum économique qui permettra justement cette relation, cette liaison et ce travail. Ensuite, cela correspond à des projets qui existent. Mais ce qui va compter, au-delà de cette visite, cest la qualité de la relation entre la France et lAlgérie, la volonté de donner une suite, mais également la performance des entreprises françaises. Je lai dit tout à lheure. Les entreprises françaises, elles ne demandent pas des droits, elles nont aucun droit, simplement le devoir dêtre les meilleures dans les compétitions qui sont organisées et face à des besoins que nous connaissons ici en Algérie et qui sont importants.
Voilà pourquoi ils sont là et ce nest pas pour des raisons déconomie budgétaire. Jaurai pu utiliser cet argument, mais je considérais que cétait la bonne dimension et surtout le bon esprit.
Sur lautre question, pourquoi commencer par lAlgérie. Parce que je voulais commencer par lAlgérie. Pour le 50ème anniversaire de lIndépendance, cétait un temps qui était là. Parce que je considère quavec lAlgérie, nous avons des choses à nous dire et surtout des choses à faire. Et enfin, parce que jai moi-même une relation avec lAlgérie, personnelle, et parce que je sais que cest très important pour beaucoup de nos concitoyens français la relation avec lAlgérie. Et pour lAlgérie, finalement, une attente très forte à légard de la France. Pour autant, moi jai la volonté davoir de bonnes relations avec tous les pays du Maghreb du printemps arabe ou pas du printemps arabe. Tous les pays du Maghreb. Jirai donc au Maroc au début de lannée prochaine et également en Tunisie, parce que je veux avoir les meilleures relations possibles avec lensemble des pays du Maghreb.
QUESTION Monsieur le Président, le traité damitié entre lAlgérie et la France a été abandonné par Paris depuis longtemps. Aujourdhui, vous avez lancé quun pacte damitié et de coopération sera signé entre lAlgérie et la France. Est-ce quon peut savoir si ce document est une continuation pour le traité 2003 qui na jamais été signé. Et pourquoi vous dites aujourdhui que ce nouvel âge nest pas une rupture avec la France de SARKOZY, de CHIRAC Est-ce quon peut savoir aussi si la question de la mémoire sera posée dans ce traité ?
Monsieur le Président, le placard franco algérien pullule de dossiers très sensibles et intéressants, la question de la mémoire, la circulation des personnes, la crise au nord du Mali, le Sahara occidental, le business, avec quel ordre classez-vous ces dossiers Monsieur le Président ?
Vous êtes le troisième chef de lEtat français a effectué une visite dEtat en Algérie. A chaque fois, ces visites ont été porteuses despoir, à chaque fois ces espoirs ont été déçus, notamment beaucoup pour les Algériens. Est-ce quun Président de gauche fera mieux que ces prédécesseurs de droite ?
Il y a en France des personnalités qui ont un lien très forts avec lAlgérie ? Je pense par exemple à Enrico MACIAS, est-ce que vous espérez quun jour Enrico MACIAS pourra revenir en Algérie, est-ce que vous avez parlé de cela éventuellement avec le Président algérien ?
Le gouvernement français affiche une volonté daccompagner des entreprises françaises désirant investir en Algérie. Cela ne rentrera-t-il pas en contradiction avec un souci de limiter les délocalisations ?
Monsieur le Président jai une question qui paraît plus ou moins explicite, est-ce que vous allez reconnaître au nom de la France les crimes commis durant la période coloniale et est-ce quon ira vers la repentance ou demander des excuses ?
LE PRESIDENT Alors, je vais éviter les répétitions. Première question, elle est importante, le traité damitié avait été évoqué en 2003 et en réalité, il na jamais été signé, encore moins ratifié. Et cela a été une source de malentendus. Je parle du passé et plutôt que de chercher un traité damitié avec toutes les questions qui auraient été nécessairement posées et qui nauraient peut-être pas été réglées puisque cela na pas été finalement concluant, nous avons préféré une autre méthode beaucoup plus simple, beaucoup plus forte, beaucoup plus efficace qui est une déclaration damitié, de coopération et un document cadre de partenariat. Ce qui nous est apparu plus fort ce nest pas de nommer les mots, cest de nommer les actions. Lamitié cela se démontre, cela se prouve et les paroles qui doivent être prononcées, elles ne sont pas dans un traité, elles sont dans les discours que je peux faire.
Donc, la méthode a changé. Vous minterrogez sur la continuité, là, il y a un changement de méthode, un changement de moment et un changement de contenu. Changement de méthode, une déclaration un document cadre. Changement de moment, nous sommes 50 ans après, un nouvel âge commence. Et un changement de contenu, parce que nous allons signer un nombre daccords dans tous les domaines aussi bien léconomie, la production que le domaine culturel, scientifique et même sur le plan de la langue nous commençons à retravailler sur le français.
Ensuite, le placard, moi je ne suis pas là pour ouvrir les placards, je suis là pour que nous construisions une nouvelle maison ensemble, cest-à-dire que nous puissions travailler avec lespoir de bâtir et pas simplement de faire que nous ne puissions pas avancer parce quil y aurait trop de sujets. Vous me demandez quel est le sujet le plus important, cest lavenir. Ce déplacement il est fondé sur lavenir. Ensuite sur le passé, vérité ai-je dit, reconnaissance de ce qua été un système, le système colonial, jaurai à mexprimer, mais je ne viens pas ici, ce nest ni ce qui mest demandé, ni ce que je veux faire, faire repentance ou excuse. Je viens dire ce quest la vérité, ce quest lhistoire.
Ensuite, sur Enrico MACIAS, je ne peux pas vous répondre précisément. Je pense quil peut être invité par les autorités algériennes. Je ne sais pas quel est son souhait, mais je nai pas de réponse à votre question.
Sur les débats qui resurgissent régulièrement et qui ont été cités. Je pense que sil y a un sens à donner à la qualité de laccueil que jai reçu, cest que nous sommes conscients de ce que nous avons à faire, à porter ensemble.
La gauche, puisque cest la question qui est posée, elle est aussi dans lhistoire, elle a aussi sa part dans lhistoire. La vérité elle vaut aussi pour ce qua été la gauche dans lhistoire. Mais il se trouve quil y a eu beaucoup despoirs déçus, peut-être de part et dautre dailleurs, de visites qui avaient été annoncées, qui devaient se traduire. Je veux être respectueux. Ce nest pas une visite qui fait une relation, cest un travail constant, une méthode qui doit être éprouvée par le temps et cest une volonté.
Donc, un voyage, je ne sais pas si celui-là sera jugé comme réussi, je lespère. Pour moi, le premier jour en témoigne. Mais un voyage doit ouvrir une période. Cela ne peut pas résumer une relation. Cest ensuite que nous devons donner toutes les preuves de cette réussite.