12 décembre 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de MM. François Hollande, Président de la République, et Mark Rutte, Premier ministre des Pays-Bas, sur les relations franco-hollandaises, la construction européenne et sur le mariage homosexuel, à Paris le 12 décembre 2012.

LE PRESIDENT -- « J'ai été ravi d'accueillir pour la première fois depuis mon élection, Mark RUTTE, Premier ministre des Pays-Bas. Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois dans ces Conseils européens depuis le mois de mai mais c'est la première fois que nous avons un échange aussi long et aussi fructueux.
Les Pays-Bas, comme la France, sont des pays fondateurs de l'Union européenne et nous sommes très attachés à la bonne marche de la construction de l'Europe.
Nous avons aussi été éprouvés par un referendum en 2005, où nos amis néerlandais comme les concitoyens français ont répondu « non ». Même si nous les avons incités à voter « oui ». Nous sommes donc amenés à comprendre ce qui a pu, à un moment, conduire nos peuples à voter en ce sens.
Nous sommes très attachés à l'Europe et à son projet. Nous étions présents l'un et l'autre à Oslo pour rappeler ce qu'a pu apporter l'Europe. Nous sommes soucieux que l'Europe puisse être orientée dans un sens qui soit compréhensible par les peuples, c'est-à-dire : la démocratie, le contrôle par nos Parlements et également une orientation qui donne de la stabilité, de la confiance et de la croissance.
Nous aurons, dans les deux prochains jours, à définir ce que nous voulons faire pour les prochains mois, à travers l'Union bancaire et l'Union économique et monétaire. Je pense que nous partageons les mêmes conceptions.
Nous sommes attachés à ce que l'Union bancaire puisse franchir une nouvelle étape avec une supervision de la Banque centrale européenne pour les pays membres de la zone euro ou pour les pays qui accepteraient d'avoir cette supervision £ tout en permettant une bonne organisation avec les pays qui ne veulent pas avoir la Banque centrale européenne comme superviseur.
Nous avons à réfléchir à l'approfondissement de l'Union économique et monétaire pour pouvoir engager de meilleures politiques de coordination et favoriser à la fois la stabilité et la croissance.
Nous avons aussi évoqué nos relations bilatérales. Elles sont excellentes et peuvent encore s'amplifier sur le plan économique et industriel. J'aurai l'occasion de me rendre bientôt, aux Pays-Bas pour essayer de comprendre ce que ce pays engage et comment nous pouvons tirer des leçons de nos expériences respectives.
Nous avons abordé la situation internationale avec une complète convergence de vue sur la Syrie. Nous avons reconnu très tôt la Coalition et nous sommes inquiets de ce qui se passe aujourd'hui en Syrie. Cette escalade de violence appelle une mobilisation accrue -- c'est en ce moment le cas à Marrakech-- des pays qui sont rassemblés autour du groupe des amis du peuple syrien pour apporter un soutien à la coalition et préparer la transition.
Nous avons aussi parlé du Mali, du Sahel, et nous souhaitons qu'il y ait rapidement une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies.
En raison de nos très bonnes relations et de notre convergence de vue sur les questions européennes, les Pays-Bas peuvent jouer un rôle dans le compromis que nous sommes toujours en train de rechercher entre la France et l'Allemagne ».
M. MARK RUTTE -- « Moi aussi, je dois dire que je suis très heureux d'être présent ce soir, je vous en remercie.
Je dois vous dire aussi que nos rapports, pour moi également, sont excellents. Ces rapports ne sont pas seulement excellents dans le domaine économique -- je ne peux pas oublier Air France et KLM, par exemple -- mais également dans le domaine culturel. Et il y a d'autres points qui pour nous sont importants en Europe, comme la sécurité, l'immigration. Ce sont des points qui sont pour nos deux pays très importants.
La supervision bancaire est également importante. Nous allons chercher à soumettre le plus possible de banques à cette supervision bancaire. Nous sommes conscients du fait que tous les pays ne pourront pas tout de suite être d'accord avec ce point de vue. Il faudra donc trouver un compromis.
Il y a bien entendu la croissance. La croissance est très importante et c'est le Président HOLLANDE qui dès son arrivée, le premier, a parlé de la croissance. Jusqu'à présent, nous avons beaucoup parlé de discipline budgétaire. Mais je dois dire que c'est la croissance, maintenant qui est importante parce que c'est la croissance qui nous donnera une baisse du chômage et plus d'emplois. Il y a la solidarité, un renforcement des liens et de la position de la Banque Européenne d'Investissement.
Il est vrai que j'ai demandé au Président HOLLANDE, de venir nous rendre visite aux Pays-Bas. Je peux vous dire qu'il a dit « oui », nous allons nous efforcer de trouver une date dans la première moitié de l'année prochaine ».
LE PRESIDENT -- « Je confirme mon « oui » à la proposition de Mark, pour venir aux Pays-Bas. D'ailleurs, nous ferons aussi une proposition pour la Reine, afin qu'elle puisse venir à Paris pour une visite d'Etat ».
QUESTION -- « M. le Président, M. le Premier ministre, merci de répondre à nos questions. M. le Président, vous avez dit que la crise de la zone euro est derrière nous. Beaucoup de gens en Hollande ne sont pas d'accord avec vous. Que pouvez-vous dire pour convaincre les sceptiques néerlandais ? M. le Premier ministre, êtes-vous d'accord avec le Président HOLLANDE, que la crise est derrière nous ? »
LE PRESIDENT -- « J'ai parlé de la crise de la zone euro parce que, il y a encore quelques mois, les questions qui étaient posées, c'était de savoir si la Grèce allait sortir de la zone euro, si l'Espagne allait connaître une crise, non seulement de son système bancaire mais de ses finances publiques à un point où il aurait fallu lui apporter des soutiens plus importants.
La question qui était posée, c'était de savoir si les mécanismes que nous avions mis en place pourraient être enfin mis en uvre, puisqu'il y avait un doute sur ce qu'allait faire l'Allemagne par rapport à la constitutionalité qui était exigée pour ce mécanisme-là.
Ce que je constate, en cette fin d'année, c'est que la Grèce, sachant les efforts qu'elle a consentis et la surveillance qu'il conviendra toujours de mettre en uvre, nous allons lui apporter les fonds qui étaient nécessaires. L'Espagne a eu un soutien bancaire qui lui permet aujourd'hui, malgré toutes les difficultés qu'elle rencontre, d'être sûre qu'elle ne sera pas mise en cause pour ses finances.
Nous avons aussi des taux d'intérêt qui ont significativement baissé. La Banque Centrale Européenne, à la suite des décisions que nous avons prises au Conseil européen de la fin du mois de juin, a défini des règles d'intervention.
La crise de la zone euro, au sens de la question de l'intégrité de la zone euro, cette crise-là est derrière nous.
La crise, elle, n'est pas finie dès lors que nous avons des taux de croissances très faibles, du chômage et encore des déficits élevés. Nous avons à faire un certain nombre d'efforts de redressement de nos comptes publics, de compétitivité, de soutien de la croissance. C'est ce que nous allons faire en 2013.
Oui je le confirme nous sommes sortis de la crise de la zone euro mais nous ne sommes pas encore sortis de la crise économique que nous connaissons ».
M. MARK RUTTE -- « En effet, je suis tout à fait d'accord avec ce point de vue. Nous sommes sortis de la crise directe, de la crise de la zone euro. Mais cela n'empêche pas qu'il y ait encore beaucoup à faire. Je pense notamment au Portugal, à l'Irlande. On a pris beaucoup de mesures, on a fait énormément d'efforts dans toutes ces réunions et tous ces sommets que nous avons connus ces derniers temps. Nous avons fini par conforter la Grèce, le Portugal, l'Irlande et on espère que bientôt ces deux derniers pays pourront sortir des fonds de secours et pourront à nouveau être autonomes.
Je dois dire aussi que nous allons maintenant continuer nos efforts et notamment dans les deux jours qui viennent lors de cette conférence au sommet où nous allons beaucoup parler de la surveillance et de la supervision bancaire ».
QUESTION -- « Monsieur le Premier ministre, vous connaissez la France, mais surtout les Pays-Bas qui sont connus pour être un pays de grande avancée sociale, un pays où notamment le mariage homosexuel est chose normale. Comment voyez-vous-le débat qui est un débat assez difficile autour de cette question ?
Monsieur le Président, une question pour vous, le mariage homosexuel est donc sur les rails, la loi inclura le mariage et l'adoption. Qu'en est-il de la PMA, la procréation médicale assistée ?
LE PRESIDENT -- « Je vais peut-être répondre d'abord pour mettre à l'aise le Premier ministre des Pays-Bas !
Nous avons parlé de ce sujet au cours de notre entretien puisque les Pays Bas ont depuis déjà plusieurs années introduit le mariage pour tous avec aujourd'hui une acceptation et une réussite saluées par tous au-delà des sensibilités.
Je constate d'ailleurs que ce mouvement pour le mariage est aujourd'hui irréversible en Europe. J'entendais la proposition de M. CAMERON de proposer une législation comparable. Et ce mouvement va bien au-delà de l'Europe puisqu'un pays comme l'Uruguay a également décidé d'inscrire le mariage pour tous.
La France participe de ce mouvement, j'avais pris cet engagement au cours de la campagne présidentielle, un projet de loi a été présenté au conseil des ministres, il est maintenant au Parlement, il y a un débat qui s'engage et c'est légitime.
Il y aura donc pendant plusieurs semaines une discussion d'abord à l'Assemblée Nationale puis au Sénat, le texte tel qu'il a été préparé prévoit le mariage pour tous et l'adoption. Il n'intègre pas la PMA. Cette question- là sera sûrement débattue au Parlement qui en décidera souverainement.
Si j'avais été favorable à la PMA, je l'aurais fait intégrer dans le projet de loi. A ce stade, j'ai considéré que ce projet devait porter sur le mariage et l'adoption.
Et si le Parlement veut proposer des amendements et décide d'aller dans le sens de la PMA, le Parlement est souverain ».
M. MARK RUTTE -- « Je sais que c'est une discussion importante, que c'est un sujet éminemment sensible.
Aux Pays-Bas cela fait des dizaines d'années qu'on en discute. Depuis les années 70, on débat de l'avortement, de l'euthanasie, du mariage gay mais je pense qu'il s'agit là de quelque chose de différent pour chaque pays. Chaque pays se doit de suivre son propre chemin et ce n'est certainement pas à moi de dire quel chemin on doit prendre.
C'est une discussion très sensible. On l'a vu également aux Etats-Unis où M. OBAMA en a parlé pendant la campagne. Ce n'est pas moi qui vais vous dire quelle direction il faut prendre mais il faut en discuter, il faut en débattre ».