3 décembre 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. François Hollande, Président de la République, et Mario Monti, Président du Conseil de la République d'Italie, notamment sur les relations franco-italiennes et sur les efforts en faveur de la Zone euro, à Lyon le 3 décembre 2012.

LE PRESIDENT : « Le trentième sommet franco-italien vient de se tenir. A bien des égards, il a été exceptionnel. Exceptionnel parce que c'était le trentième. Exceptionnel aussi par les sujets qui ont été traités ici à Lyon.
Si je voulais résumer ce qu'était la relation entre la France et l'Italie aujourd'hui, je dirais deux mots : unité et convergence. Unité dans l'action et convergence dans les positions et les propositions à l'échelle de l'Europe et du monde.
L'unité, nous l'avons manifestée tout au long de la journée à travers l'approfondissement de notre relation bilatérale dans des domaines variés. Pour la sécurité intérieure, un accord a été signé notamment pour lutter contre toutes les formes de criminalité, contre les infractions routières, contre l'immigration clandestine et pour avoir une meilleure organisation à nos frontières.
L'unité, nous l'avons également marquée sur des enjeux liés, aussi bien, à l'industrie de la défense qu'à la conception que nous avons de l'Europe de la défense. Une réunion appelée « Weimar plus » s'est tenue à Paris le 15 novembre dernier associant l'Allemagne, la France, la Pologne, l'Espagne et l'Italie et a concrétisé un certain nombre d'intentions et de projets que nous avons évoqués à nouveau aujourd'hui.
Unité, aussi, dans les domaines de l'Enseignement supérieur avec l'Université franco-italienne. Unité, encore, sur l'espace où nous avons ensemble obtenu un accord au plan européen qui donne des perspectives nouvelles.
Nous avons montré enfin, sur le plan économique et industriel, un certain nombre de volontés communes qui seront traduites à travers deux conseils créés, à ces fins, sur les questions industrielles et sur les questions économiques en général.
Nous avons aussi exprimé une grande convergence pour conduire ensemble un certain nombre de politiques à l'échelle de l'Europe.
C'est dans ce cadre-là que j'inscris le projet Lyon-Turin. C'est bien sûr une infrastructure considérable pour nos deux pays. Nous avons des relations commerciales : l'Italie est notre deuxième client et notre troisième fournisseur. Rien que pour cela nous devons avoir des liaisons ferroviaires qui correspondent à l'intensité de nos échanges. Cette infrastructure est très importante aussi sur le plan environnemental, dès lors qu'elle va détourner un certain nombre de flux de camions au profit du train. C'est également un enjeu bilatéral au sens où nos deux pays doivent mobiliser des financements.
Mais c'est également sur le plan européen que nous agissons. Cette liaison ferroviaire est une priorité européenne. La meilleure preuve, c'est que la Commission européenne nous apporte aussi bien sur les études -- à hauteur de 50% - que sur la réalisation -- à hauteur de 40% - les financements qui sont indispensables pour réaliser cette infrastructure.
Ce que nous avons fait ensemble sur le plan européen, aussi bien au Conseil européen du 29 juin que dans les réunions qui ont suivi, c'était pour défendre les intérêts de nos deux pays -- sûrement -- mais c'était aussi pour permettre une réorientation de l'Europe dans la direction de la stabilité et de la croissance. Dans toutes les réunions auxquelles nous avons participé et à tout niveau -- je remercie ici, au-delà du Premier ministre français, tous les ministres français et italiens --, tout ce que nous avons fait depuis des mois et des mois, c'est à chaque fois pour faire avancer l'Europe dans tous les domaines, y compris les plus difficiles comme l'union bancaire.
Nous y avons retrouvé un certain nombre d'avantages, aussi bien en terme de taux d'intérêt -- Mario MONTI en parlera -- qu'en terme de stratégie de compétitivité. Bref, ce sommet franco-italien est l'occasion de célébrer notre amitié, mais c'est aussi un engagement pour l'Europe que nous voulions manifester aujourd'hui.
Je terminerai sur les questions internationales qui ont été abordées par les deux ministres des Affaires étrangères, sur la Palestine et Israël où nous sommes préoccupés par les décisions -- qui ont été annoncées et qui, je l'espère, ne seront pas appliquées -- d'installer 3 000 logements sur des zones qui mettraient en cause la position fondamentale sur « les deux Etats » exprimée par la communauté internationale. Nous avons donc à travailler ensemble et nous continuons à le faire pour favoriser la reprise du processus de paix. De la même manière sur la Syrie, sur la Somalie et le Mali, nous avons adopté des positions communes.
Voilà ce qu'est la belle relation entre la France et l'Italie : unité d'actions, convergence de positions.
Un mot pour terminer et pour saluer la personnalité de Mario MONTI. Il fait beaucoup pour son pays -- mais il ne m'appartient pas de le dire -- et il fait beaucoup pour l'Europe. Je ne sais pas s'il se verra consacré par l'Académie des Sciences Morales et Politiques -- une réunion importante est prévue cet après-midi --, je ne suis pas là pour faire des sélections ou attribuer des distinctions. Mais je veux simplement dire à Mario MONTI que c'est un grand Européen ».
M. MARIO MONTI : « Mille mercis Monsieur le Président, cher ami François. Ces derniers mois notre coopération a effectivement été très intense. Il s'agit d'une coopération entre deux pays et deux gouvernements animés d'un esprit spontanément européen. Je crois qu'ensemble nous sommes en train de poser des pierres, si j'ose dire, qui renforcent nos deux pays et qui constituent également une matière essentielle pour la construction de l'Europe.
Nous le faisons dans le sens de la méthode communautaire qui a été lancée et inventée par ce grand Français, Jean MONNET. En même temps, nous le faisons en essayant d'expliquer à nos opinions publiques pourquoi tout cela est fait dans l'intérêt de nos pays. La construction d'une Union européenne efficace, fondée sur des valeurs, des résultats et des solutions aux problèmes, est essentielle.
Je me souviens clairement de la collaboration qui a commencé avec l'arrivée de M. HOLLANDE à l'Elysée. Je me souviens des rencontres avec d'autres collègues, Chefs d'Etat ou de gouvernement. Je me souviens des réunions que nous avons eues à Rome avec Mme MERKEL et avec M. RAJOY. Nous essayons toujours de faciliter les décisions du Conseil européen afin d'arriver à des solutions concrètes sans devoir reporter et reporter encore.
L'Union a besoin de décisions concrètes. C'est pour cela que nous saluons les conclusions unanimes de ce sommet. Pour arriver aux conclusions du Conseil, une nuit entière est parfois nécessaire ! Les conclusions du Conseil européen de juin -- grâce à l'engagement de M. HOLLANDE soutenu du côté italien -- ont permis d'arriver à un pacte européen pour la croissance pour la première fois.
Grâce à notre engagement conjoint, grâce au dialogue très intense qui a mené à l'unanimité avec Mme MERKEL et avec les autres, nous avons envisagé quels pouvaient être les mécanismes destinés à stabiliser les obligations d'Etat à l'intérieur de l'Union européenne.
Deux échéances très importantes se présentent devant nous lors du Conseil européen des prochaines semaines. Il faudra enregistrer des progrès, en particulier en ce qui concerne l'architecture de l'union bancaire. Il faudra, d'autre part, indiquer les prochaines étapes pour une véritable Union Economique et Monétaire.
Par la suite, en 2013, un nouveau Conseil européen devra terminer les travaux qui ont démarré au Conseil européen de novembre. Il s'agira de décider du cadre financier pour les prochaines années.
Comme M. HOLLANDE l'a indiqué, il y a une grande convergence et unité entre la France et l'Italie. Les deux pays soutiennent une croissance qui se fonde sur la discipline budgétaire. Mais, en même temps, la discipline budgétaire n'est pas une condition suffisante. C'est pour cela que le cadre disciplinaire doit être accompagné par des initiatives concrètes. L'une de ces initiatives concrètes est justement la liaison à grande vitesse entre Lyon et Turin.
Il y a bien d'autres projets communs que nos ministres ont pu préparer sur des sujets spécifiques. Les différents accords qui ont été signés et qui ont été brièvement présentés par M. HOLLANDE sont importants. Je ne souhaite pas revenir là-dessus. Néanmoins, il y a des aspects tout à fait essentiels pour notre vie économique et pour la politique internationale. L'échange de vues entre nos ministres des Affaires étrangères a été très intéressant comme l'échange entre les Chefs d'Etat et de gouvernement. Nous allons prochainement nous revoir à Oslo.
J'aimerais terminer en indiquant que nous venons de décider -- suite à une proposition que j'ai présentée à M. HOLLANDE -- que le prochain sommet bilatéral, qui aura lieu en 2013 et qui sera organisé en Italie, se déroule à Turin. Nous soulignerons ainsi, encore une fois, le sujet fondamental de la rencontre d'aujourd'hui.
Je tiens à remercier encore une fois M. HOLLANDE de cette relation fondée sur une estime réciproque, je crois pouvoir le dire. En tout cas, j'ai une grande estime pour M. HOLLANDE. Je tiens à remercier M. HOLLANDE pour la forte contribution qu'il a pu donner à la construction d'une nouvelle Europe. Notre intention est de continuer sur ce chemin et je pense que la France et l'Italie continueront sur ce chemin. Merci ».
QUESTION : « J'ai une question concernant la liaison Turin-Lyon. Pourriez-vous préciser les temps de réalisation de cet ouvrage ? Et pourriez-vous nous donner des détails concernant le financement ? »
LE PRESIDENT : « Sur la durée, un certain temps ! Sur le financement, nous avons une clé de partage entre la France et l'Italie qui a été intégrée dans l'accord que nous allons présenter. Sur la participation de l'Europe, c'est donc 50% pendant la période des études -- des études comportant déjà un certain nombre de travaux -- et 40% ensuite. Les 50% sont acquis. Les 40% du volume des travaux -- estimé en euros 2010 pour 8 milliards et demi pour les tunnels -- demanderont que l'Italie et la France continuent leur travail de conviction. Beaucoup dépendra aussi du budget européen.
Quand nous parlons dépenses européennes et de leur niveau souhaitable, nous avons à l'esprit l'Italie comme la France, des infrastructures telles que le Lyon-Turin. Cela dépendra donc, à la fois, du volume de dépenses que l'Europe envisagera de consacrer pendant la période 2014-2020 et de notre capacité à obtenir cette clé de 40% pour les engagements européens ».
M. MARIO MONTI : « Je tiens à ajouter tout simplement que si nous arrivons à être convaincants, il sera bien plus probable que l'on arrive à cet objectif de co-financement européen. Mais cela vaut également si on fait une lecture inverse, c'est-à-dire si nous arrivons à dépasser les obstacles qui se sont présentés au niveau national, cela demande bien évidemment de la détermination, mais cela demande également la capacité d'expliquer la finalité de ce programme.
Si nous arrivons à faire tout cela, nous pourrons défendre un financement conséquent et il s'agira d'un usage des ressources européennes à bon escient. Car, si ces ressources étaient utilisées uniquement au sein des budgets nationaux, elles n'obtiendraient pas le même résultat. Monsieur HOLLANDE et moi-même tenons à souligner l'importance des investissements au niveau européen, qu'il s'agisse d'investissements privés ou financés avec des partenariats publics/privés. Mais nous soutenons également, dans certains cas, des investissements publics qui augmentent la demande des biens et des services et qui en même temps représentent la clé pour augmenter la capacité de production et l'offre.
Même vis-à-vis des penseurs les plus austères de la discipline budgétaire -- ce qui vaut pour nous également -- cela ne provoque donc pas des goulots d'étranglement généré par l'inflation. Bien au contraire, cela est positif pour l'offre. Il y a beaucoup de choses qui sont en jeu, pas seulement, liées aux transports »
QUESTION : « Comprenez-vous Monsieur le Président, l'inquiétude des salariés d'Arcelor-Mittal après le plan présenté par le gouvernement ? La nationalisation provisoire avait été présentée comme un moyen de pression... Le ministre du Redressement productif, ici présent, aurait présenté sa démission, est-ce que vous le confirmez ? »
LE PRESIDENT : « Je confirme que le dossier d'Arcelor-Mittal n'a pas été évoqué dans le dossier franco-italien, même si nous avons pu parler de la situation de nos industries automobile et sidérurgique. Nous tenons à avoir, là-encore, des ambitions industrielles dans nos deux pays et avec des coopérations si elles sont possibles.
Sur la question que vous posez sur l'inquiétude des salariés, le gouvernement de Jean-Marc AYRAULT et moi-même avons répondu. Premièrement, il n'y aura pas de plan social. Deuxièmement, il y aura des investissements sur le site. Et troisièmement, il y a cette volonté de porter le projet ULCOS sur la table de la Commission européenne avec la perspective, à ce moment-là, de pouvoir travailler sur le site de Florange avec un vrai projet industriel sur cette filière.
Pour le reste, tout le gouvernement est mobilisé pour permettre à ce plan d'être pleinement appliqué et donc respecté. Tous les moyens de droits seront utilisés si tel ne devait pas être le cas. Mais je me place dans l'hypothèse où tout sera fait pour que ces trois objectifs puissent être atteints. Tout le gouvernement est solidaire par rapport à ces décisions ».
QUESTION : « Une question pour le Président HOLLANDE. Je me demandais si vous avez eu l'opportunité de suivre hier les élections primaires de la gauche italienne et si vous avez un souhait à faire à Monsieur BERSANI que vous avez d'ailleurs rencontré, il n'y a pas longtemps, à l'Elysée ? Monsieur MONTI -- bonne nouvelle pour l'Italie ! -- le « spread » est descendu en dessous des 300 points. Est-ce que cela est dû aux décisions prises vis-à-vis de la Grèce, ou bien est-ce que les élections primaires ont pu avoir une conséquence ? »
LE PRESIDENT : « Je parlais d'une grande convergence de vues entre la France et l'Italie. Cela vaut également pour la presse ! C'est-à-dire poser des questions qui ne sont pas dans le sommet. Mais, c'est la loi du genre, nous n'avons pas parlé de la question des primaires du centre gauche, même si nous aurions pu donner, en matière de primaires quelques illustrations -- je n'irai pas plus loin -- de ce que nous avons fait en d'autre temps. Mais ici, c'est une rencontre entre Chefs d'Etat et de gouvernements et nous n'avons pas à évoquer de situation politique intérieure.
Pour le reste, j'aurai sans doute des contacts avec Monsieur BERSANI, mais aujourd'hui, ce n'était pas le cas ».
M. MARIO MONTI : « Moi, j'ai eu le contact avec Monsieur BERSANI, hier soir à 20h30, quand je l'ai appelé pour le féliciter de son résultat brillant lorsqu'il a commencé à être clair. Je n'ai pas réfléchi aux causes qui pourraient expliquer la très appréciée baisse du « spread ». Mais cette rencontre de l'Italie avec la France est effectivement favorable à un rapprochement encore plus fort entre l'Italie et l'Allemagne, pas seulement en terme politique -- parce que nous nous entendons très bien -- mais en terme de taux d'intérêt.
La journée d'aujourd'hui est positive en ce qui concerne le « spread », parce qu'effectivement nous avons pu aller en dessous de 300 points. Mais je peux vous avouer que pour moi, il y a un niveau de « spread » de 287 en points de base qui représente un point très significatif que j'espère bientôt atteindre.»
QUESTION : « M. le Président français, M. le Président du Conseil italien, vous parliez tout à l'heure de la décision d'Israël de construire de nouvelles colonies à Jérusalem et en Cisjordanie. Ce matin l'ambassadeur israélien a été convoqué au Quai d'Orsay. Je voulais savoir si la France comptait prendre d'autres mesures -- et éventuellement des sanctions commerciales -- et si l'Italie avait aussi décidé d'adopter une position similaire. Je voulais aussi demander votre réaction aux propos d'Angela MERKEL, la Chancelière allemande, sur l'effacement possible de la dette grecque. Elle a eu pour la première fois des propos assez ouverts dans la presse dominicale allemande ».
LE PRESIDENT : « J'ai d'abord exprimé -- après que le ministre des Affaires étrangères français l'ait fait -- notre grande préoccupation relative à ce qui a été annoncé par le gouvernement israélien : l'installation de nouvelles colonies -- 3 000 logements -- avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir sur le processus de paix.
Nous -- et je parle de nos deux pays -- nous voulons qu'il puisse y avoir une reprise des négociations et le plus tôt sera le mieux. Dès lors, nous considérons que les mesures qui ont été annoncées sont contraires au dialogue et qu'elles doivent être rapportées. Effectivement, le ministre des Affaires étrangères a convoqué l'ambassadeur israélien pour lui signifier notre point de vue.
Mais nous ne voulons pas, aujourd'hui, rentrer dans une logique de sanction. Nous sommes plutôt dans un travail de conviction. Mais le moment est important. J'en appelle à la responsabilité. Je sais qu'il y a des élections en Israël au mois de janvier et je pense que tout doit être fait pour que ces élections se passent dans le meilleur contexte ».
M. MARIO MONTI : « Nous nous sommes retrouvés également en harmonie sur cette position. La décision prise par le gouvernement italien d'exprimer son avis favorable pour la résolution palestinienne à l'Assemblée Générale des Nations Unies est une façon de souligner, au Président Abou MAZEN et au Premier ministre NETANYAHU, une mise à jour dans le droit fil d'une ligne italienne. Nous voulons avoir une grande influence en agissant au niveau des relations internationales afin de pouvoir soutenir le processus de paix.
Cela ne nous conduit pas à une position qui ne serait pas respectueuse ou amicale vis-à-vis d'Israël. Au contraire, nous pourrions être une aide pour éclaircir les positions d'un côté et de l'autre afin de pouvoir faire aboutir ce processus de paix. Comme la France, l'Italie est très préoccupée de la décision israélienne concernant ces colonisations et se reconnaît parfaitement dans la déclaration du 2 décembre de notre Haute représentante, Mme ASHTON.
A chaque fois -- même si ce n'est pas toujours possible en politique étrangère -- que nous pouvons mettre en valeur, soutenir et prendre comme point de repère une position européenne, nous le faisons. Cette occasion est une opportunité pour le faire. La France et l'Italie se reconnaissent donc pleinement dans la position ferme exprimée par la Haute représentante, Mme ASHTON ».
LE PRESIDENT : « Sur la position de Mme MERKEL, elle vient après une décision déjà tout à fait significative à laquelle nous avons tous contribué : la décision d'apporter à la Grèce le soutien attendu après tous les efforts qu'elle-même avait accomplis. Il y aura sûrement d'autres étapes mais la première était essentielle. Cela me permet de dire que -- par rapport au sujets qui étaient les nôtres lors du Conseil européen du mois de juin où nous avions à régler à la fois l'urgence et en même temps préparer un cadre pour l'intervention des Etats si la Banque centrale décidait de nous accompagner -- nous avons en cette fin d'année réglé ces questions et notamment celle qui paraissait la plus difficile en l'occurrence la Grèce. Il y aura surement d'autres moments, mais le premier était essentiel et là encore, saluons la position de Mme MERKEL qui a été elle-même circonspecte, comme nous tous, et qui a fait le choix qui était à notre sens le meilleur ».
M. MARIO MONTI : « Si je peux, monsieur le Président, j'aimerai ajouter quelque chose parce que dans la question précédente on m'avait demandé si les accords concernant la Grèce pouvaient contribuer à la baisse du prêt italien. Je pense que oui, j'avais oublié de le dire ! Je pense que cela confirme d'ailleurs ce que nous soutenons depuis un an à savoir que le niveau de la dette publique italienne est haut et vient de loin.
La reconnaissance internationale concernant la politique économique italienne en cours est en marche. Il y a une reconnaissance générale du bienfondé de cette politique. La politique économique semble aller dans le bon sens et en même temps on est préoccupé pour les hauts niveaux de la dette à chaque fois qu'il y a une incertitude concernant la tenue de la zone euro. La Grèce a contribué à créer cette incertitude évidemment. Cela faisait augmenter le « spread ».
Maintenant, par la décision du Conseil européen du mois de juin et par la décision spécifique concernant la Grèce, tout semble s'apaiser. Effectivement nous avons pu en bénéficier et évidemment nous sommes encore à un niveau de « spread » qui n'est pas encore acceptable et normal. Mais c'est sûr que cela fait plaisir de voir qu'il commence à baisser.
LE PRESIDENT : « Oui, c'est très important de souligner que la remise en ordre de la zone euro bénéficie à tous les pays de la zone euro en terme de taux d'intérêt. Non seulement les taux d'intérêts sur la dette souveraine italienne baissent mais, par exemple, les taux d'intérêt sur la dette souveraine de la France n'augmentent pas. Nous sommes à des niveaux les plus bas historiquement, un peu plus de 2% sur les taux à dix ans.
C'est donc bien parce qu'il y a eu un processus, à la fois, d'assainissement budgétaire sûrement, de stabilisation de la zone euro et de règlement des questions les plus urgentes et brulantes -- la Grèce -- que nous arrivons à ces résultats en terme de taux d'intérêt. Les résultats en terme de taux d'intérêt sont non seulement bons pour les Etats qui se financent moins cher, mais également pour les entreprises -- en tout cas pour celles qui peuvent accéder au marché financier par la voie obligataire. D'où l'importance que nous attachons à ce que les taux d'intérêt puissent se répercuter dans toutes les relations financières entre les banques et les entreprises.
Nous n'avons pas simplement un problème de taux à régler. Nous avons aussi un problème de liquidité, d'où l'importance de faire revenir des capitaux dans la zone euro. Ce qui a été fait depuis des mois permet de dire au reste du monde que la zone euro est sortie de la crise et que les capitaux peuvent s'y investir pleinement ».
M. MARIO MONTI : « Pour cela -- et après je termine ce dialogue un peu trop informel avec le président de la République française même si nous l'apprécions tous deux je pense -- il faut dire qu'il est important que la Chancelière MERKEL puisse assumer effectivement une approche pédagogique £ qu'elle puisse dire quelque chose qui bénéficie à la Grèce et à nous tous £ et qu'elle est disposée à soutenir pleinement, comme cela a été fait récemment, les décisions au Conseil européen, en pleine liberté, mais dans le cadre du Conseil ».
QUESTION : « Concernant l'accord sur la liaison Turin-Lyon. Cet accord sera-t-il présenté au Parlement ? Sur le chômage, sujet très important, les nouvelles données présentées par Eurostat sont très inquiétantes. Ce dossier n'a-t-il pas été un peu négligé au niveau européen ? »
M. MARIO MONTI : « Concernant la liaison ferroviaire Lyon-Turin, il y a déjà eu un accord le 30 janvier 2012 signé par Monsieur SARLOZY et moi-même, ainsi que par les ministres compétents. Cet accord sera présenté au Parlement italien pour ratification. D'un point de vue personnel, j'attends la décision souveraine du Parlement. Mais je pense qu'il n'est pas trop difficile d'expliquer les avantages de cet accord. Moi-même et monsieur PASSERA, nous l'avons fait devant des publics qui étaient moins prêts à écouter une réflexion concernant l'intérêt collectif.
Concernant les données en matière de chômage, malheureusement, elles s'inscrivent dans une série noire à laquelle on devait s'attendre. Dans tous les pays, nous engageons des réformes structurelles de façon à ce que le fonctionnement de l'économie soit amélioré. D'autre part, le sujet de la pauvreté est un sujet qui est négligé en Europe. C'est pour cela que nous avons salué le fait que depuis un an environ, l'Union Européenne ait inscrit dans ses objectifs la réduction du nombre de pauvres en Europe.
Je suis convaincu personnellement -- et je pense que Monsieur HOLLANDE partage mon point de vue -- qu'il faudra d'autre part, réformer les instruments de la politique européenne, notamment en ce qui concerne la coordination de la fiscalité, afin que les Etats membres arrivent à mieux redistribuer les richesses, en respectant les règles du marché unique ».
LE PRESIDENT : « Je réponds à mon tour aux deux questions. Sur le Lyon-Turin. Ce projet avait été inscrit comme prioritaire en 2001. Il y a plus de 11 ans. Aujourd'hui, lors de ce sommet franco-italien, nous décidons de passer à une étape supérieure. L'engagement que j'ai pris, c'est de pouvoir faire ratifier l'accord du 30 juin 2012 le plus vite possible. Le dernier Conseil des ministres a permis au gouvernement d'adopter ce projet. Il sera soumis au Parlement très prochainement. Je rappelle que ce projet a fait l'objet d'un accord y compris au sein du gouvernement.
Deuxièmement, il avait été dit et à juste raison, notamment par la Cour des Comptes en France, que ce projet manquait de pilotage. La France et l'Italie vont désigner un promoteur public qui sera chargé de réaliser les études et les travaux. Ce promoteur public sera créé dès l'année 2013.
Enfin, des travaux de reconnaissance géologique, aussi bien en Italie qu'en France vont pouvoir être menés. Nous sommes donc dans une phase nouvelle.
Sur le chômage -- et il y a un lien car réaliser de grand travaux d'infrastructures a des conséquences sur le plan économique -- l'augmentation du nombre de demandeurs d'emplois en France est continue depuis 18 mois. Cette tendance est hélas à l'uvre dans tous les pays européens. Nous devons tout faire pour que cette courbe puisse s'inverser. J'ai moi-même dit que nous avions cet objectif d'ici la fin 2013. Mais d'ici là, nous allons encore subir des augmentations du nombre de demandeurs d'emploi avec toutes les conséquences que cela a.
J'en tire plusieurs conclusions. La première, c'est que chaque fois que nous pouvons éviter un plan social, c'est un succès. C'est ce que nous avons fait sur un cas récent et c'est ce que nous allons continuer à faire quand nous le pouvons. Ce n'est pas toujours facile parce que nous sommes face à une conjoncture très difficile et certaines entreprises n'ont pas toujours préparé la mutation. D'autres qui l'ont pourtant menée affrontent des retournements de conjonctures.
Le second devoir du gouvernement, c'est de préparer la compétitivité. C'est ce qu'a fait le Premier ministre avec son gouvernement. Les ministres se sont tous mobilisés pour que nous ayons tous les dispositifs -- et pas simplement en terme de coût du travail même si ce sera fait vite dès le début 2013 -- sur l'innovation, sur la recherche et sur les filières industrielles. C'est ce que fait le ministre du Redressement productif.
Nous avons aussi à faire que les jeunes ne soient pas les victimes de cette période d'où les mesures exceptionnelles que nous avons prises pour les « emplois d'avenir » ou le « contrat de génération ».
Enfin, il y a ce que nous avons à faire et que l'Italie a engagé : la sécurisation de l'emploi par une réforme structurelle. Une négociation a lieu en ce moment. Elle n'est pas facile. Puisque l'occasion là encore m'en est donnée, j'appelle vraiment les partenaires sociaux à faire les actes indispensables si nous voulons être capables, à la fois, de donner de la souplesse mais aussi de la protection. C'est un effort que chaque pays doit faire mais également que l'Europe doit accomplir.
L'Europe doit être sérieuse sur les politiques budgétaires des pays qui la composent. Mais elle doit être audacieuse sur un certain nombre de politiques industrielles que nous pouvons mener ensemble ou sur des politiques de croissance. C'est en ce sens -- nous en avons parlé à ce sommet -- que le pacte de croissance doit être pleinement mis en uvre et dans des domaines tout à fait différents.
Quant à la pauvreté, et j'en terminerai là, nous sommes conscients que quand le chômage augmente, la pauvreté augmente et touche des populations qui jusque-là en étaient préservées. Il y aura à la fin de l'année une réunion pour que nous puissions trouver les meilleures réponses à cette situation de pauvreté qui touchent notamment les familles monoparentales et les enfants ».
QUESTION : « Une question industrielle. Je crois savoir que vous avez abordé le dossier EADS pendant ce sommet. En quoi l'Italie pourrait être associée à ce projet ? Un accord pourrait-il être envisagé dans les semaines qui viennent ? Qui est pressenti pour la présidence du Conseil d'administration, par exemple ? »
LE PRESIDENT : « EADS n'est pas un sujet franco-italien. C'est un sujet franco-allemand et aussi espagnol. Nous ne l'avons évoqué que pour informer nos amis Italiens de cette perspective. Dès lors qu'il n'y a pas eu la fusion entre BAE et EADS -- pour des raisons que chacun connait -- EADS va changer quant aux participations des Etats. C'est la volonté de l'Allemagne de se substituer par une banque publique à Daimler.
Nous aurons donc à reconstituer un pacte d'actionnaires. Nous y travaillons. Un accord est proche. Il n'est pas encore complètement signé et il doit permettre de donner, là encore, de la stabilité mais également aussi une démarche d'avenir. C'est à ce moment-là que nous pourrons regarder avec d'autres entreprises -- et notamment une grande entreprise italienne -- ce que nous pourrons faire en terme de coopération mais nous n'en sommes pas là. Quant à la composition des organes de direction, nous n'avons pas encore réglé cette question, mais cela viendra.
Je voulais vous annoncer quand même une nouvelle, c'est que Mario MONTI vient d'être élu à l'Académie des Sciences Morales et Politiques et je l'en félicite chaleureusement ».