21 novembre 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. François Hollande, Président de la République, et Giorgio Napolitano, Président de la République d'Italie, notamment sur les efforts en faveurs de la Zone euro et sur les relations franco-italiennes, à Paris le 21 novembre 2012.

LE PRESIDENT : « C'est un grand honneur et un immense plaisir que de recevoir le président de la République italienne, parce que c'est le président de la République italienne et parce que c'est Giorgio NAPOLITANO. C'est la première visite d'Etat depuis 22 ans, c'est-à-dire depuis que François MITTERRAND avait reçu le Président Francesco COSSIGA. Nous voulions donc qu'il y ait cette rencontre exceptionnelle au moment où, dans quelques mois, le Président NAPOLITANO va quitter ses fonctions après avoir si bien servi l'Italie.
C'est aussi un immense honneur de recevoir un européen d'un prestige aussi grand. Toute la vie politique de Giorgio NAPOLITANO a été consacrée aussi bien à son pays qu'à l'Europe : à l'Europe à travers l'Italie et à l'Italie à travers l'Europe. Moi-même, je l'ai rencontré lorsque j'ai été, pour un temps très bref, député européen. Il occupait alors la fonction prestigieuse de Président de la Commission constitutionnelle.
Aujourd'hui encore, alors que nous exerçons des responsabilités de chef d'Etat, nous sommes pleinement engagés pour l'Europe. Il y a, c'est vrai, des épreuves et des rendez-vous. Les épreuves, ce sont celles que connait la zone euro depuis de trop longs mois. Nous devons tout faire pour lui permettre de trouver stabilité et croissance et, en même temps, de préserver son intégrité. Hier, un accord était tout près d'être trouvé pour la Grèce dans le cadre de l'Eurogroupe. J'ai bon espoir que nous puissions l'atteindre dans les prochains jours.
Le rendez-vous, c'est le Conseil européen. Je sais que l'Italie comme la France auront à cur de chercher un compromis autour de principes simples. Le premier, c'est que l'Europe doit être un espace de croissance et de solidarité -- dans un contexte budgétaire qui exige, certes, qu'il y ait une maîtrise de la dépense, mais avec le souci et la volonté de préserver les deux piliers de la construction européenne : la politique agricole commune et les fonds structurels de cohésion.
Nous avons aussi évoqué l'avenir de l'Europe : l'union économique et monétaire et également l'union politique qui doit suivre, selon le principe que la France a fixé : celui d'une intégration solidaire où chaque étape d'intégration doit aussi être une étape supplémentaire de solidarité.
Nous avons également parlé de nos relations bilatérales. Il y aura à Lyon, le 3 décembre, le 30ème sommet franco-italien, un évènement très important. Les deux gouvernements auront à cur de poursuivre les relations qui existent déjà, de les approfondir et d'évoquer les grands projets d'infrastructure qui sont pour nous essentiels.
Enfin, nous avons évoqué la grave situation au Proche-Orient, encore assombrie ce matin par l'attentat qui a été perpétré à Tel-Aviv. Nous le condamnons et déplorons, une fois encore, que ce soient des victimes civiles qui soient les premières concernées. Nous appelons à un cessez-le-feu et à une trêve pour éviter qu'il y ait une escalade, la violence terroriste appelant la riposte et la riposte pouvant dégénérer dans un conflit ouvert.
La France et l'Italie ont conjugué, encore ces derniers jours, leurs efforts dans le cadre de la politique européenne et de sécurité commune. Des réunions se sont tenues pour qu'il puisse y avoir tous les contacts -- grâce à l'influence que nous pouvons avoir dans la région -- afin de plaider pour ce cessez-le-feu et pour qu'il puisse lui-même ouvrir une autre phase. Aujourd'hui encore, nous lançons un appel pour que -- au-delà du drame qui vient d'intervenir et qui appelle notre compassion et notre solidarité -- tous les efforts soient faits pour trouver cette trêve qui est maintenant indispensable.
Je rappelle que le Président Giorgio NAPOLITANO va rester autant de jours qu'il le voudra -- trois jours pour la visite d'Etat -- et qu'il prononcera cet après-midi une allocution très importante à l'Assemblée nationale. Nous nous retrouverons ce soir pour un dîner d'Etat qui rassemblera des personnalités italiennes et françaises, heureuses et fières d'accueillir à Paris -- pour cette visite exceptionnelle -- le président de la République italienne ».
M. Giorgio NAPOLITANO : « Merci Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, merci pour être présents à cette conférence de presse.
Je suis profondément touché par l'accueil qui m'a été réservé et par l'invitation qui m'a été adressée de me rendre en France, pour une visite d'Etat, après une longue période en tant que président de la République italienne. Cette visite est un honneur et une occasion pour remercier tout d'abord Monsieur le Président HOLLANDE et Monsieur le Président de l'Assemblée nationale pour l'occasion qui m'a été donnée de m'adresser à la principale institution représentative de la France républicaine cet après-midi.
Je pourrais ajouter des commentaires d'ordre personnel mais je tiens à dire que, pour moi comme pour d'autres italiens, l'expérience politique et culturelle de la France a représenté un élément essentiel de ma propre formation et de ma « croissance » -- si je peux dire -- en tant qu'homme politique.
Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois avec François HOLLANDE. Il y a un lien personnel entre nous, un lien d'amitié et d'estime réciproque. Ce qui nous lie aujourd'hui est le développement des relations bilatérales, sans aucun doute, mais aussi un fort engagement pour favoriser les nouveaux développements de la construction européenne lors d'une période qui est très difficile, une période de crise, de désenchantement, de perte de confiance.
Nous constatons que les citoyens s'éloignent de la construction européenne, c'est pour cela que nous devons réagir. Nous devons réagir également sur les fausses représentations faites de la construction européenne. Nous devons fournir des réponses efficaces pour légitimer le processus décisionnel. Nous devons être de plus en plus proches des citoyens. Nous devons essayer de les impliquer dans les choix européens.
Je suis heureux d'être en France à un moment où, entre la France et l'Italie, une extraordinaire synergie se réalise. Je parle en tant que président de la République italienne. Le président de la République italienne n'est pas un président « exécutif » mais je me trouve à côté d'un président qui a de larges pouvoirs exécutifs et qui représente une institution différente de la nôtre. Mais je suis très concerné par les efforts accomplis par le gouvernement italien et je suis heureux de cette synergie qui prend plusieurs formes.
Tout d'abord, d'un point de vue politique, le débat au sein des institutions européennes -- et en particulier au sein du Conseil européen -- s'est élargi. Il s'est ouvert, il a été enrichi grâce à l'impulsion conjointe de la France et de l'Italie. D'autre part, la France et l'Italie ont été d'accord pour aborder la question de nouveaux engagements concrets visant à la relance de la croissance et de l'emploi en Europe.
Nous sommes engagés de façon très sérieuse afin de garantir la consolidation budgétaire, le redressement des finances publiques en Europe, afin de protéger et de sauvegarder la monnaie unique : l'euro qui a constitué la conquête la plus avancée dans le processus d'intégration.
En même temps, nous estimons qu'il faudra bientôt mettre en uvre toutes les initiatives utiles afin de favoriser une relance de l'emploi le plus rapidement possible afin de répondre aux préoccupations, aux inquiétudes des citoyens, des travailleurs de nos deux pays. Je pense que nous aurons encore la possibilité de nous exprimer sur ces sujets d'actualité qui sont également des projets pour la construction européenne. Il faut réfléchir à ce qui sera nécessaire pour progresser dans l'union politique.
Nous devons agir dans le cadre des relations internationales. Nous croyons dans l'engagement que nous avons souscrit à partir du traité de Maastricht. Nous croyons donc dans une politique extérieure commune de l'Union européenne.
Comme Monsieur HOLLANDE l'a indiqué, le durcissement de la crise au Moyen-Orient nous appelle à intervenir encore plus. Au cours de plusieurs décennies, l'Italie a toujours condamné le terrorisme. Nous sommes solidaires d'Israël qui se voit attaqué mais nous sommes prêts et proches des victimes des deux parties à Gaza et en Israël. Nous sommes absolument convaincus qu'il faut rouvrir les perspectives d'un processus de paix au Moyen-Orient. Nous travaillerons afin de mettre fin à ce conflit qui nous trouble et qui représente un point fondamental pour la politique internationale aujourd'hui. Merci ».
QUESTION : « J'ai une question pour les deux Présidents. Monsieur Hollande, vous avez parlé de la réunion de l'Eurogroupe de cette nuit. Vous avez dit que l'Eurogroupe était presque arrivé à un accord et que vous étiez confiants pour la prochaine rencontre. En réalité, le résultat de la rencontre d'hier soir n'a pas eu un résultat positif, surtout à cause de l'Allemagne. Vous ne craignez pas que l'opposition allemande soit trop résolue et qu'elle risque de mettre en danger la stabilité financière de l'euro ? Et qu'est-ce que vous pensez pouvoir demander à l'Allemagne de garantir le renforcement et la stabilité financière de l'euro ? ».
LE PRESIDENT : « Vous avez raison de dire que même si nous avons été prêts d'un accord il n'y a pas eu d'accord. Ce qui compte, c'est l'accord. Mon devoir c'est de le chercher et de le trouver, parce que c'est trop important. Pour la Grèce d'abord qui a fait tous les efforts qui lui ont été demandés. Son gouvernement a pris la responsabilité de faire une nouvelle fois voter un plan sérieux - mais douloureux. Cela fait déjà tant de mois que cela se produit en Grèce avec toutes les conséquences que l'on sait. Mais mon devoir c'est également de trouver un accord pour l'Europe parce que, si nous n'arrivons pas à apporter les moyens nécessaires pour la Grèce, il y aura un doute sur l'intégrité de la zone euro. J'irai donc jusqu'au bout de cette volonté de trouver un accord.
Vous avez raison de dire aussi que le problème de l'Europe, c'est qu'il n'y a pas que la France, sinon on y arriverait -- et encore, dans certaines situations, on peut se poser la question. Mais nous devons convaincre d'autres et il n'y a aura d'accord que si, entre la France et l'Allemagne, nous parvenons à avoir ce compromis. J'y veillerai dans les prochaines heures encore et dans les prochains jours. Vous savez, à un moment, chacun a ses questions de politique intérieure -- je les respecte -- mais il y a un intérêt supérieur à tous les autres, c'est celui de l'Europe. Je suis sûr que la Chancelière aura à cur de préserver sa coalition -- c'est bien légitime -- ainsi que les conditions d'acceptation d'un accord en fonction des exigences budgétaires et en même temps de l'intérêt de l'Europe ».
M. Giorgio NAPOLITANO : « Souhaitez-vous que je réponde aussi ? Tout d'abord je tiens à rappeler qu'il y a eu une période -- elle n'a pas été très courte -- pendant laquelle on a discuté du maintien de la Grèce à l'intérieur de la zone euro. Plusieurs positions ont été exprimées et, à un moment donné, on a pu dire « le mot de la fin » grâce au Président de la Banque centrale européenne, Mario DRAGHI. La Grèce est à l'intérieur de la zone euro et l'euro est une monnaie que nous sommes tous décidés à conserver : les institutions européennes, la Banque centrale européenne en particulier, comme cela a été dit par son Président.
Etant donné que vous avez fait référence à l'opposition allemande, je tiens à rappeler qu'il y a eu des prises de position, de la part de représentants allemands, qui estimaient qu'il était hors de question que l'on parle de l'exclusion de la Grèce de la zone euro. Je pense que cela est l'essentiel. Bien sûr, il faut tirer des conséquences comme Monsieur HOLLANDE le disait, étant donné que la France a un rapport particulier d'entente avec l'Allemagne. Pour sa part, l'Italie fera valoir ses propres arguments et essaiera de contribuer à une solution rapide et claire concernant les rapports avec la Grèce ».
LE PRESIDENT : « Le point positif, y compris dans la phase où nous sommes, c'est qu'il n'y a aucun doute sur la volonté des pays membres de l'Eurogroupe de préserver l'intégrité de la zone euro. Et notamment de la part de nos amis allemands : c'est leur conviction profonde et c'est pourquoi je reste confiant sur la suite du processus. Par ailleurs, nous n'avons pas à convaincre que les Européens. Je sais le rôle très important qu'a pu jouer, par exemple, la Banque centrale européenne, mais aussi le Fonds monétaire international. C'est aussi une part du travail qu'il nous reste à faire ».
QUESTION : « Selon des sources concordantes, c'est un français qui a été enlevé dans l'Ouest du Mali ce matin. Pouvez-vous nous confirmer qu'il s'agit bien d'un français ? De quelles informations disposez-vous à ce moment de la journée ? Est-ce que cela change la donne d'une intervention militaire là-bas par les forces africaines ? »
LE PRESIDENT : « Je confirme qu'il y a eu l'enlèvement d'un ressortissant français dans le Sud-ouest du Mali, c'est à dire dans la partie où il n'y avait pas le plus grand danger. Il n'en reste pas moins que nous devons tout faire pour retrouver notre ressortissant. Nous avons déjà averti tous ceux qui pourraient se trouver dans la région -- au sens large du terme -- de prendre toutes les précautions nécessaires, puisque précisément il y a une intervention militaire qui se prépare. Pour des terroristes, capturer un otage c'est un moyen de faire pression. C'est un moyen qui ne pèsera pas. J'ai déjà dit aux preneurs d'otages de nos six ressortissants, qu'il était temps - plus que temps - de les libérer. Et la France, dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité, soutiendra les Africains par des moyens logistiques et de formation -- dans le cadre européen d'ailleurs -- s'ils décident de cette intervention. Aujourd'hui, telle est bien leur intention ».
QUESTION : « Tous les Chefs d'Etats demandent des garanties sur l'avenir politique et par conséquence des garanties économiques de l'Italie. Aujourd'hui les sondages en Italie indiquent un avantage du centre gauche. Nous voudrions poser la question à M. HOLLANDE. A votre avis Monsieur le Président, estimez-vous qu'une coalition de centre gauche, guidée par votre ami M. BERSANI, pourrait garantir la stabilité politique et financière que tout le monde reconnait aujourd'hui et garantie jusque-là par M. MONTI ? »
LE PRESIDENT : « Je ne commente pas les sondages en France, je ne vais pas commenter ceux de l'Italie. Pour le moment, je travaille avec le gouvernement italien et les autorités italiennes et aujourd'hui avec le président de la République. Je n'ai pas à me projeter par rapport à des élections au mois d'avril. Je peux simplement dire que ce que nous faisons ici en France avec le gouvernement de Jean Marc Ayrault, c'est de faire en sorte que l'Europe sorte de la crise avec une politique de stabilité et de croissance £ c'est d'améliorer la compétitivité, lutter contre le chômage, redresser nos comptes publics. J'imagine, qu'en Italie, c'est la même volonté qui anime le centre gauche ».
QUESTION : « Vos propos hier sur le mariage pour tous, le mariage homo, ont suscité la polémique, ont sidéré même jusque dans les rangs de votre propre majorité. Certains parlent de mollesse, de recul, de discrimination. Je vais éviter le mot « couac », même s'il est la mode. Des associations pro « mariage homo » se disent consternées. Pouvez-vous clarifier vos intentions sur cette promesse de campagne car vos déclarations donnent l'impression que vous avez les pieds sur le frein sur cette réforme ».
LE PRESIDENT : « Je ne veux pas emmener le président de la République Italienne sur un terrain qui est pour l'instant français. Je trouverai donc un autre cadre pour vous répondre. Ce que j'ai dit simplement, c'est que la loi doit s'appliquer partout, dans toutes les communes de France ».