4 novembre 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-saoudiennes, la situation politique au Liban et en Syrie et sur le nucléaire iranien, à Djeddah (Arabie saoudite) le 4 novembre 2012.


LE PRESIDENT -- Mesdames et Messieurs, je voulais d'abord remercier le Roi Abdallah pour l'accueil ainsi que les autorités saoudiennes qui m'ont permis de définir un partenariat stratégique avec l'Arabie saoudite qui, je le rappelle est le premier partenaire de la France dans le Golfe, notre premier fournisseur de pétrole, notre premier client dans de nombreux domaines et avec lequel nous avons des relations aussi approfondies sur le plan politique et culturel. L'intérêt de ce voyage, bien sûr trop court, qui sera suivi d'un autre plus long au court de l'année 2013, c'était d'établir des relations personnelles avec le Roi que j'ai rencontré pour la première fois mais aussi avec le Prince héritier, les principaux ministres avec lesquels nous étions déjà en étroite relation, non seulement mon gouvernement mais moi-même puisque j'en avais reçu plusieurs à l'occasion de leur déplacement en France.
Nous avons aussi eu des conversations qui nous ont permis de confirmer notre étroite convergence de vue sur l'ensemble des questions intéressants la région. D'abord notre attitude par rapport à ce qui se passe en Syrie, notre condamnation des exactions du régime, notre exigence d'une transition politique, notre soutien à l'opposition, qui se réunit en ce moment même à Doha et dont j'ai dit qu'elle devait se doter d'un gouvernement et porter à sa tête une personnalité consensuelle. Nous avons aussi dit combien il était important que la communauté internationale se mobilise pour venir en aide aux réfugiés, aussi bien en Jordanie qu'en Turquie ou au Liban et faire en sorte que l'aide humanitaire puisse être prodiguée, que les zones libérées puissent être protégées. L'attitude que j'ai définie depuis déjà plusieurs mois se trouve ici confirmée du côté des autorités saoudiennes.
S'agissant du Liban, ce matin, je me suis entretenu avec le président Michel Sleimane et nous avons appelé à la stabilité, à la sécurité, à l'intégrité du Liban. Avec le Roi Abdallah, nous avons mis en garde tous ceux qui voudraient déstabiliser ce pays qui a besoin aujourd'hui de retrouver de l'unité à travers le dialogue, qui doit intéresser toutes les forces politiques. Nous avons constaté là-encore l'étroitesse des relations entre nos deux pays, la convergence de nos positions, l'affirmation d'une volonté commune.
Enfin sur l'Iran, dont nous analysons, aussi bien le Roi que moi-même, la volonté d'accéder à l'arme nucléaire comme une menace pour toute la région et pour le monde, d'où la position que nous pouvons présenter en commun, de sanctions pour dissuader le régime iranien d'aller plus avant dans sa recherche de l'arme nucléaire, mais également notre disponibilité pour une négociation dès lors qu'elle est réelle, qu'elle est voulue, qu'elle est sincère. Plus largement, entre le Roi et moi-même, nous avons les mêmes principes qui sont ceux de la stabilité, de la sécurité mais également sur le plan économique, de la croissance. Je rends hommage aux autorités saoudiennes de bien comprendre qu'à mesure qu'il y a moins de pétrole iranien en circulation, il doit y avoir plus de pétrole pour approvisionner le monde et que le prix doit être maîtrisé. C'est l'intérêt des consommateurs mais aussi des producteurs, et dans cette période où la croissance est au ralenti, chacun doit y prendre sa part pour la relance et pour la reprise. Les Saoudiens en ont fait la démonstration. Je rappelle que l'Arabie saoudite est membre du G20 et qu'elle se sent pleinement responsable de ce que nous devons faire sur le plan de la coordination des politiques économiques.
Enfin, je vous l'ai dit, nous aurons l'occasion lors d'un prochain déplacement que je ferai ici, en Arabie saoudite, plus long que cette simple visite de discuter des relations économiques entre nos deux pays. Nous n'avions pas voulu confondre les exercices. Aujourd'hui, c'était de politique qu'il s'agissait. C'était de confiance réciproque. C'était également de volonté commune. C'était également un moment important où nos deux pays rappelaient leurs liens historiques et leur volonté de les approfondir, tel est le sens de ma visite. Je pense utile pour la France, utile pour la région et utile pour la suite de nos relations entre nos deux pays.
QUESTION -- Monsieur le Président, l'opposition syrienne est réunie au Qatar actuellement pour former un gouvernement provisoire, est-ce que vous pensez que cela accélérera le départ de Bachar al-Assad ?
LE PRESIDENT -- La France est très attachée à ce que l'opposition syrienne se constitue en gouvernement pour accélérer la transition, pour donner une légitimité à toute l'opposition, opposition extérieure, opposition intérieure et pour aussi s'assurer que c'est bien une transition démocratique qui est en jeu, de façon à ce qu'il n'y ait pas de risque pour l'après Assad, d'un chaos en Syrie, argument qui utilisé d'ailleurs par certaines puissances pour refuser l'évolution ou pour la freiner. Il est tout à fait décisif que l'opposition se structure et soit soutenue dans cet effort de regroupement et de légitimité. Donc, ce qui se passe à Doha est regardé avec une grande attention. Faudrait-il ensuite trouver une personnalité qui puisse qui puisse représenter cette transition ? L'opposition la recherche et nous devons la soutenir dans cette démarche.
QUESTION -- Monsieur le Président, la position française aux côtés de l'opposition libyenne était extrêmement active mais la position française aux côtés de la révolution syrienne était quasiment celui de spectateur. Certains disent qu'il y a des armes qui arrivent par voie de terre d'Iran en Syrie. Pourquoi est-ce qu'on ne donne pas des armes en soutien à l'opposition syrienne, à la révolution syrienne ?
LE PRESIDENT -- Vous savez la grande différence qu'il y a parmi d'autres entre la situation en Syrie par rapport à celle qui existait il y a maintenant plus d'un an en Libye. Pour la Libye, il y avait une résolution du Conseil de sécurité et donc une action qui pouvait s'engager avec la légalité internationale comme levier. Tel n'est pas le cas, je le regrette, pour la Syrie compte tenu des vetos répétés qui se sont plusieurs fois manifestés au Conseil de sécurité des Nations unies. Nous devons aider l'opposition. Nous devons l'aider sur le plan politique, nous devons l'aider sur le plan humanitaire. Reste la question des armements dont vous parlez, là-dessus ça doit être une volonté de la communauté internationale en tout cas de celle qui veut que nous puissions trouver une solution en Syrie. Mais j'y reviens, cela suppose qu'il y ait un gouvernement provisoire, qu'il y ait une opposition qui se structure. Pour que si des armes soient un jour livrées directement, ce soit à une opposition dont on serait sûre de l'utilisation qu'elle fera de ces armes, telles sont donc les conditions que nous posons. D'abord, une condition politique, qu'il y ait un gouvernement provisoire, et ensuite qu'il y ait une décision de la communauté internationale.
QUESTION -- Monsieur le Président, en ce qui concerne la révolution syrienne, c'est devenu une affaire de conflit international ou de surenchère politique. Si les massacres se poursuivent en Syrie, est-ce qu'il est possible de protéger le peuple syrien en dehors du cadre du Conseil de sécurité des Nations unies ?
LE PRESIDENT -- Ils sont pour l'essentiel de la responsabilité de Bachar al-Assad. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'exactions de l'autre côté et nous les condamnons chaque fois qu'elles existent, ces exactions. Mais celui qui, aujourd'hui, prolonge la situation, c'est le régime syrien. Est-ce que nous pouvons envisager une action en dehors du cadre du Conseil de sécurité des Nations unies ? Non, mais nous pouvons prot??ger les populations civiles. Nous l'avons plusieurs fois exprimé. Nous sommes prêts à protéger les zones libérées en Syrie.
QUESTION -- Vous avez dit tout à l'heure que s'il y avait moins de pétrole iranien, il fallait qu'il y ait plus de pétrole saoudien. Est-ce que le Roi a pris en la matière des engagements précis ? Quelles sont, vous, vos attentes en la matière ?
LE PRESIDENT -- De toute façon, les sanctions, les embargos, font qu'il n'y a plus, qu'il ne devrait plus y avoir de pétrole iranien en circulation. A partir de là, il y a une responsabilité collective, nous devons éviter qu'il y ait par le jeu des sanctions, une sanction qui soit imposée au monde tout entier et notamment à l'économie et à la croissance. Je dois saluer, je l'ai fait auprès du Roi, je le fais devant, la presse, l'attitude de l'Arabie saoudite qui maintient voire même augmente ses quotas de production permettant aux prix d'être maîtrisés. Hélas, les prix sont affectés aussi en ce moment par les perspectives économiques maussades pour ne pas dire négatives. Mais dès lors qu'il y aura dans les mois qui viennent une reprise de la croissance, il est très important qu'il puisse y avoir aussi un marché pétrolier qui puisse être équilibré. Je sais que les autorités saoudiennes auront à cur d'être partie prenante de la reprise de la croissance.
QUESTION -- Quelle est votre évaluation de la façon dont les Nations unies traitent de l'affaire syrienne ? Est-ce qu'il y a une initiative française concernant la révolution syrienne ou la situation en Syrie ? Quelle est l'état de la coopération militaire entre le Royaume d'Arabie saoudite et la France ?
LE PRESIDENT -- Je vais peut-être prendre plusieurs questions parce que le temps va nous manquer autrement.
QUESTION -- Monsieur le Président, l'opposition libanaise demande la démission du Premier ministre du Liban. Dans ce pays extrêmement polarisé, la France essaie de favoriser des rapprochements entre les deux camps. Est-ce qu'à l'issue de votre entretien avec le Roi Abdallah ici et peut-être les contacts que vous avez eu avec Saad Hariri, vous avez le sentiment que cette demande de démission du Premier ministre libanais pourrait être levée afin de favoriser le dialogue que vous souhaitez ?
LE PRESIDENT -- Une autre question et après je répondrai.
QUESTION -- Monsieur le Président, votre visite était extrêmement courte, au point qu'il semble que vous vous soyez concentré sur très peu de sujets. Quel a été le sujet principal lors de vos entretiens avec le Roi ? Quel est le rôle qui pourrait être joué par l'Arabie saoudite, à votre avis, afin de résoudre la crise syrienne ?
LE PRESIDENT -- D'abord, merci pour vos questions, pour votre curiosité, votre attention à l'égard des positions de la France. Je veux donc vous répondre directement et franchement. C'est la France qui est à l'initiative sur la Syrie depuis déjà plusieurs mois. C'est la France qui a pris ses responsabilités lorsqu'elle a présidé le Conseil de sécurité au mois d'août et qui a organisé à New York à la fin du mois d'août une réunion consacrée à l'action humanitaire pour définir une position commune. C'est la France qui a réuni l'opposition syrienne au début du mois de juillet pour parvenir à un regroupement, à un rassemblement. C'est la France qui a demandé la reconnaissance d'un gouvernement provisoire en Syrie. C'est la France qui a condamné le régime de Bachar al-Asssad et demandé son départ. C'est la France qui fait tout pour que soit accélérer la transition politique. C'est la France qui a demandé la protection des zones libérées. C'est la France qui a mis en place en Jordanie une aide humanitaire. C'est la France qui fait en sorte au Liban et en Turquie de trouver des solutions pour les réfugiés. Et nous continuerons parce que c'est notre responsabilité. La France a une histoire dans cette partie du monde. La France a aussi des liens avec les populations et notamment en Syrie. Et donc, la France utilisera toute son influence pour permettre la transition en Syrie. Nous souhaiterons être parfois davantage accompagnés et nous aurions préféré que le Conseil de sécurité se retrouve plus en accord avec nos positions mais nous ne lâcherons rien parce que nous savons que ce qui se joue en Syrie, c'est bien sûr le sort d'un peuple mais c'est aussi une conception des relations internationales.
Sur la coopération militaire, elle existe entre la France et l'Arabie saoudite. Elle est ancienne. Elle peut s'intensifier mais je n'ai pas voulu placer ma rencontre sur ce thème. Je n'ai voulu parler que de politique et j'ai voulu établir des relations personnelles avec le Roi, c'est-à-dire montrer une confiance réciproque dans ce que nous avions à faire, chacun à notre place, l'Arabie saoudite et la France. J'aurai l'occasion de revenir dans ce pays. Nous regardons ce que nous pouvons faire de plus, de mieux sur le plan civil comme sur le plan militaire. Mais là, il ne s'agissait pas de négocier quoi que ce soit, de discuter de je ne sais quel contrat. Nous n'avons pas abordé ces sujets. C'était d'abord des relations politiques et personnelles.
Il m'a été demandé ce que la France conseille aux Libanais. M. Hariri était présent lors du repas qui nous a été offert. Je connais sa position, c'est-à-dire un changement de gouvernement. Il n'appartient pas à la France de dire quel gouvernement les Libanais doivent se donner. En revanche, ce que la France peut faire, ce que la France doit faire, c'est convaincre les Libanais d'engager un dialogue politique et d'organiser leur unité parce que le régime syrien est tenté de déstabiliser le Liban. Tout ce qui lui sera donné comme prétexte sera utilisé. La responsabilité des Libanais, c'est de retrouver un consensus dans le dialogue, ce qui n'empêche pas les différences. Il y aura des élections pour trancher. Elles doivent se tenir au printemps prochain mais tout ce qui peut être fait pour préserver la cohésion sera bienvenu dans ce moment.
Quant à la France, elle soutiendra toute initiative et notamment celle du président libanais pour permettre ce dialogue. Je recevrais à leur demande toutes les parties prenantes, c'est-à-dire les partis démocratiques libanais.
QUESTION -- Vous avez rencontré des représentants de la société civile, quel a été le contenu de vos discussions et avez-vous parlé des droits de l'Homme avec le Roi et notamment aussi des droits de la femme ?
LE PRESIDENT -- Vous vouliez préciser votre question ?
QUESTION -- Vous annoncez votre intention de recevoir toutes les parties dans un processus démocratique libanais. Est-ce que vous pouvez nous préciser dans quels contextes ? Est-ce que la France s'apprête à organiser un sommet, une réunion particulière ?
LE PRESIDENT -- Non, la France ne peut pas se substituer aux Libanais. Ce serait bon ni pour le Liban, ni pour la France. La France, elle doit soutenir tous les efforts qui sont engagés pour garantir la stabilité, la sécurité, l'unité des Libanais et du Liban. Si le Premier ministre actuel vient à Paris, je le recevrai. Si le leader de l'opposition, ce qu'on appelle le 14 mars vient à Paris, je le recevrai. L'attitude de la France, ça doit être de faire comprendre qu'elle est au service de l'unité du Liban et qu'elle évite toutes les menaces, toutes les tentatives de déstabilisation.
Je réponds ensuite aux questions de la conversation que j'ai eue avec le Roi. C'est une conversation qui a essentiellement porté sur la Syrie parce que c'est le sujet principal. Nous avons également abordé le Liban avec les principes que je viens de définir et également les sujets de l'économie mondiale car la France et l'Arabie saoudite sont membres du G20 et sont attachées à ce que la croissance, à ce que le prix des matières premières, à ce que les conditions de la reprise puissent être favorables à l'ensemble de l'économie mondiale. Nous avons cette responsabilité commune.
S'agissant des droits de l'Homme, des droits de la femme, nous en avons parlé avec le Roi. Il m'a dit les réformes qu'il avait engagées. J'ai également reçu des membres de ce que l'on appelle la société civile qui ont reconnu que depuis 2005 des étapes avaient été franchies, qu'il y en aurait sans doute d'autres et que notamment sur la question des femmes, des décision sont espérées.
QUESTION -- Quant en-t-il des solutions proposées afin de réduire les tensions dues au dossier nucléaire iranien ? Lors de votre prochaine visite, quelle sera le volume des coopérations ou des accords qui pourront être conclues entre les deux pays ?
LE PRESIDENT -- Sur l'Iran, malgré les sanctions, malgré les pressions, il n'y a pas eu encore les actes attendus de l'Iran, donc nous continuerons à exercer toutes les pressions nécessaires sur l'Iran pour que le pays ne renonce pas au nucléaire civil mais pour que ce pays renonce au nucléaire militaire parce que c'est une menace pour toute la région et pour le monde parce que nous sommes contre la prolifération nucléaire. Je souhaite que l'Iran vienne à la table des négociations avec de nouvelles propositions, avec une transparence permettant à l'AIEA de dire qu'il y a le respect de l'Iran de ses obligations internationales. Nous n'en sommes pas encore là et il n'y a pas de temps à perdre.
Sur l'autre question que vous me posiez, c'est-à-dire les coopérations, les contrats, les développements économiques, il y a aujourd'hui un certain nombre de dossiers, d'enjeux, les autorités saoudiennes les connaissent. Nos entreprises sont présentes. Nous avons des échanges importants ici, je le rappelai, c'est notre premier partenaire dans le Golfe. C'est notre second client au Moyen-Orient et nous devons être prêts à répondre à toutes les demandes qui nous seront adressées et avec l'efficacité et la transparence. Nous ne demandons rien pour nous même. Ce sont nos produits qui doivent être suffisamment excellents, nos prestations qui doivent être les plus élevées possibles pour que nous puissions accéder à la meilleure des façons aux marchés, aux offres saoudiens. Mais je vous l'ai dit, aujourd'hui, je n'ai pas voulu placer notre rencontre sur ce terrain-là. C'était une relation personnelle qui devait être établie et une confiance politique qui devait être posée. Mais c'est vrai que l'Arabie saoudite est un grand pays, que la France est son partenaire et pas le seul et que nous avons encore aujourd'hui rencontré une volonté commune pour agir dans cette région et plus particulièrement dans l'intérêt de nos deux pays.
QUESTION -- Monsieur le Président, à propos de l'Iran et de son programme nucléaire, vous venez de dire que la France souhaite qu'il fasse toute la transparence, qu'il coopère avec l'AIEA. Vous ne mentionnez pas la suspension de l'enrichissement de l'uranium et vous venez aussi de dire que l'Iran serait autorisé à garder du nucléaire civil mais pas militaire. Est-ce qu'il faut en déduire qu'on pourrait envisager de laisser à l'Iran une capacité résiduelle d'enrichissement d'uranium et que la France cesse de demander une suspension totale de l'enrichissement de l'uranium par l'Iran ?
LE PRESIDENT -- Les informations que nous avons, qui confirmeraient la volonté iranienne d'un enrichissement à 20% et au-delà pour nous comme pour la communauté internationale c'est totalement impossible à accepter.
Merci.