30 août 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Point de presse conjoint de MM. François Hollande, Président de la République, et Mariano Rajoy Brey, Président du Gouvernement du Royaume d'Espagne, notamment sur la crise de la Zone euro, à Madrid le 30 août 2012.

LE PRESIDENT - Mesdames, Messieurs,
Je veux, à mon tour remercier le président Rajoy pour son invitation. C'est vrai que c'est la première fois que je viens ici en Espagne depuis que je suis devenu Président de la République. Nous avons le président Rajoy et moi-même de bonnes relations personnelles, et nos deux pays, des liens d'amitié.
Pour ce qui concerne le sommet bilatéral, il aura donc lieu le 10 octobre à Paris. Ca faisait trois ans qu'il n'y avait pas eu de rencontre à ce niveau et sous cette forme, et nous aurons l'occasion, nos deux gouvernements, d'aborder le 10 octobre des questions qui nous sont communes, sur les transports, sur également l'économie, la culture, la sécurité.
Nous avons aussi de bonnes relations, au-delà de ce que nous devons faire, entre nos deux pays, pour que la zone euro prenne les décisions qui sont attendues.
Nous avons, lui et moi, et d'autres heureusement, pris lors du conseil européen du 29 juin, de bonnes orientations. Sur la croissance, c'est le pacte qui a été noué à cette occasion. Sur la stabilité, c'est ce que nous avons arrêté comme dispositif permettant au mécanisme européen et à la banque centrale d'intervenir, mais également une bonne orientation pour approfondir l'union économique et monétaire et ça sera tout l'enjeu du conseil européen de la fin de l'année.
Mais avant la fin de l'année il y a un rendez-vous très important que les européens se sont donnés à eux-mêmes, et notamment les pays de la zone euro, c'est le conseil du 19 octobre. Je considère que c'est à cette date, dans ce cadre, après qu'il y ait eu déjà des réunions de l'euro-groupe, que nous aurons à prendre les décisions qui concernent la zone euro et j'allais dire des décisions durables. Cela fait trop longtemps que nous reportons un certain nombre de choix et que nous laissons les doutes s'installer. Il est vrai qu'il y a des raisons. Pour la mi-septembre il y a plusieurs évènements politiques qui vont avoir lieu, d'abord de savoir si le tribunal de Karlsruhe va autoriser le mécanisme européen de stabilité, c'est une question qui est posée en Allemagne. Il y a des élections aux Pays-Bas. Il y a aussi des rendez-vous, autour de la solidité du système bancaire. Il y a des travaux qui sont engagés dont les conclusions seront surement rendues au cours du mois de septembre. Il y a la Troïka qui doit remettre son rapport pour la fin du mois de septembre, au plus tard le début du mois d'octobre, permettant à la Grèce, de prendre un certain nombre de décisions au plan parlementaire. Bref, il y a des évènements qui sont préalables aux décisions mais une fois que les évènements seront connus les décisions devront être prises.
Le Président Rajoy et moi-même sommes attachés à l'intégrité, à l'irréversibilité de l'euro et je crois que c'est le message que nous portons chaque fois que nous nous rencontrons, nous les dirigeants de la zone euro parce que c'est notre responsabilité. C'est très important, que les peuples, mais aussi les marchés, puisqu'ils nous observent, soient convaincus de cette irréversibilité, de cette adhésion à un projet qui dépasse d'ailleurs la monnaie unique. Puisque c'est ce qui nous permettra d'engager une union plus profonde.
Alors qu'est-ce que cela signifie ?
Pour la Grèce d'abord, j'ai rencontré le premier ministre SAMARAS à Paris qui lui-même avait fait une tournée en Europe. J'ai eu la conviction que les grecs sont engagés dans un processus et qu'ils veulent faire la démonstration de la crédibilité. Nous aurons à regarder le rapport de la Troïka. Mais mon état d'esprit c'est de faire en sorte que si les grecs font cette démonstration des efforts menés, nous devons, au moment du conseil européen du mois d'octobre, permettre la poursuite de l'application du programme et qu'il n'y ait pas de doute sur la suite.
Pour ce qui concerne les autres pays, je suis en Espagne, je parle de l'Espagne. Le président Rajoy a bien voulu m'exposer quelle était la situation de son pays. Des efforts importants ont été engagés, des sacrifices douloureux ont été consentis. Il ne m'appartient pas ici d'en juger. Des résultats sont déjà probants, mais néanmoins les taux d'intérêt restent trop élevés sur les dettes souveraines. D'où l'idée de ce mécanisme de fond européen de stabilité financière, jusqu'à ce que le mécanisme européen de stabilité soit validé. Que ces fonds puissent apporter aux banques lorsqu'il est saisi ou aux Etats lorsque cela lui est demandé, les moyens, les ressources pour trouver des solutions. C'est la responsabilité des états que de le faire. Et pour l'Espagne, c'est de sa souveraineté de décider du principe ou du moment. Et puis il y a la banque centrale, je respecte son indépendance mais j'entends ce que déclare son président, au nom d'ailleurs du collège qu'il préside, qui a pris une orientation et qui aura à la préciser dans les jours qui viennent. Tout cela doit nous permettre justement d'alléger les charges d'intérêts, les coûts des emprunts des pays qui ont fait l'effort et qui sont des économies très importantes de la zone euro.
Voilà pourquoi je pense que nous devons faire des choix fondés sur la responsabilité, le sérieux et la crédibilité mais aussi sur la compréhension de ce que doit être une économie, une économie de croissance, une économie qui permet aux peuples d'avoir confiance, et aux marchés de trouver l'occasion de placer des fonds sans risque. Et bien à ce moment-là, la perspective de l'union européenne sera considérablement renforcée.
Je veux terminer sur les deux sujets de politique internationale que le Président Rajoy et moi-même avons abordé au cours de ce déjeuner avec une complète similitude de points de vue.
Sur la Syrie, nous sommes l'un et l'autre, mais heureusement que nous ne sommes pas que l'un et l'autre, convaincus de cette nécessité, nous sommes convaincus que Bachar el-Assad doit partir pour qu'il y ait une solution politique en Syrie et pour cela la formation d'un gouvernement alternatif, d'un gouvernement provisoire est la condition. Ce n'est pas la seule. Il faut qu'il y ait une bonne compréhension des pays, qui aujourd'hui n'en sont pas encore convaincus, je parle de la Russie et de la Chine. Le départ de Bachar el-Assad n'introduira pas le chaos mais au contraire une solution ordonnée permettant à toutes les minorités d'être représentées. Nous devrons maintenir la pression. Aujourd'hui même au Conseil de Sécurité, Laurent Fabius a convoqué une réunion permettant justement qu'on regarde toutes les solutions, notamment en termes d'aide humanitaire, qui permettent de régler au moins la question des réfugiés et à travers les réfugiés de continuer la pression sur la Syrie, en tout cas sur le régime de Bachar el-Assad, et d'emmener tous les pays vers cette transition.
Sur le Sahel, j'en parle régulièrement depuis mon élection. Il est extrêmement grave, qu'il puisse y avoir dans un continent qui nous est proche, avec lequel nous avons tant de liens, une partie d'un territoire qui soit occupé par Aqmi ou des mouvements qui lui sont proches, qu'il y ait des recrutements d'enfants ou en tout cas d'hommes qui soient au service d'une cause terroriste, qu'il y ait, là dans cette partie, l'accumulation de trafics de drogues, trafics d'armes, enlèvements d'otages et avec des prolongements ailleurs au Mali , c'est-à-dire dans toute la zone ouest de l'Afrique et peut-être un jour sur notre propre continent. Voilà ce qui justifie une position de la communauté internationale, mais le préalable là encore, c'est que nous aidions le gouvernement malien à asseoir son autorité et que les africains eux-mêmes Cédéao, Union Africaine, décident de procéder à une intervention sous mandat bien sûr des nations unies.
Le président Rajoy et moi, ne sommes pas issus de la même formation politique, je n'apprends rien à personne. Mais, nous partageons nos points de vue, sur la question de l'avenir de la zone euro, et c'est ça l'essentiel, parce que nos deux pays sont liés l'un à l'autre et parce que nous avons le sens de nos responsabilités. Nous voulons qu'il n'y ait pas une réponse conjoncturelle aux difficultés de la zone euro. Nous voulons qu'il y ait des réponses aussi structurelles qui permettent d'en terminer avec cette période de doute, parfois d'atermoiement ou d'inquiétude. C'est d'autant plus important que finalement, c'est la croissance qui fait les frais de la perte de confiance.
Lorsqu'il y a des taux d'intérêts élevés. Lorsqu'il y a des plans d'austérité qui s'ajoutent les uns aux autres. Lorsqu'il y a un doute pour les investisseurs. Qui en pâtit ? D'abord l'activité économique, et donc l'emploi. A partir de là, c'est une spirale infernale.
Nous avons donc le devoir bien sûr de mettre en ordre les finances de chacun nos pays. C'est notre responsabilité et en même temps, nous devons tracer un cap, celui de pouvoir prendre les décisions dans le moment le plus opportun. Le moment est venu au conseil Européen du 19 octobre prochain.
Merci encore au président RAJOY pour son accueil. Je ne sais pas s'il est prévu des questions.
THOMAS WIEDER, LE MONDE - Monsieur le Président, vous venez de dire : c'est la croissance qui fait les frais de la perte de confiance. La question de la confiance se pose dans vos deux pays, l'Espagne et la France. Elle est posée par les opinions publiques, à des degrés divers, en cette rentrée. La popularité de vos gouvernements s'érode. Etes-vous prêts à assumer durablement une perte de popularité et peut-on gouverner dans la durée, sans l'adhésion d'une majorité de citoyens ?
LE PRESIDENT - Je ne sais pas si nos situations sont comparables et je me garderai bien de rentrer dans le détail. Mais ce qui est vrai c'est que, quand la croissance n'est pas au rendez-vous, quand il y a des efforts qui sont demandés, quand il y a de l'inquiétude, quand il y a des prix qui ne sont pas maitrisés, il y a forcément un doute qui s'installe dans les opinions publiques. Donc, mon rôle et je ne parle que de la France, c'est de pouvoir dire la vérité sur la situation. Sur la crise, elle est grave, la récession en Espagne, en Italie, dans la plupart des pays européens, la croissance nulle en France, le déclin de l'activité économique à un moindre niveau en Allemagne £ voilà la situation. Plus les déficits. Plus la compétitivité dégradée. Je dis la vérité aux Français. Nous allons mener une politique qui fera d'abord que nous allons redresser nos finances publiques, c'est le premier acte que nous allons poser. Ensuite il y a des discussions qui sont engagées pour faire que la compétitivité soit elle-même rehaussée. Et puis enfin nous avons à régler les problèmes au niveau de la zone Euro. Je ne me détourne en aucune manière de ces trois objectifs : sérieux budgétaire, croissance et emploi, compétitivité et puis mise au clair de nos choix dans la zone Euro de façon à ce que nous puissions dans les prochains mois, avoir des perspectives et donc de l'espoir. Le rôle du politique c'est de donner à la fois de la vérité, des perspectives et de l'espoir.
JOURNALISTE - Bonjour. Tout d'abord, une question pour vous deux. Hier, monsieur DRAGHI a dit qu'il y a des moments où il faut prendre des décisions exceptionnelles. Pensez-vous que l'heure est venue de prendre ce genre de mesures exceptionnelles ? A Monsieur le Président HOLLANDE, j'aimerais lui demander s'il pense que l'Espagne devrait faire appel à l'aide européenne et si la Banque centrale européenne doit acheter de la dette de façon illimitée ? A monsieur RAJOY, j'aimerais savoir, j'aimerais qu'il réponde aux accusations, aux insinuations selon lesquelles le gouvernement va retarder cette demande d'aide jusqu'aux élections de la Galice et du Pays Basque. A la veille de l'entrée en vigueur de la TVA, de l'augmentation de la TVA et des nouvelles réformes, est-ce qu'il y aura d'autres augmentations d'impôts, est-ce qu'il y aura d'autres réformes ? J'aimerais bien qu'il réponde puisqu'il a dit qu'il disait la vérité.
LE PRESIDENT - Ne comptez pas sur moi pour rendre plus compliquée encore la tâche de monsieur DRAGHI. Toute déclaration, que l'un ou l'autre pourrait faire, dans un sens ou dans un autre, ne conduirait pas nécessairement à lui laisser sa responsabilité. Moi, je demande simplement l'application des décisions que nous avons prises lors du Conseil européen du 29 juin, qui effectivement permettent, dans des circonstances exceptionnelles, qu'il puisse y avoir des interventions. Après, c'est à la Banque centrale européenne de traduire ce message, compte tenu de ses propres objectifs. Je rappelle que parmi les missions de la Banque centrale européenne, il y a la stabilité des prix, mais il y a aussi la politique monétaire. Quand nous constatons qu'il y a des écarts de taux d'intérêts d'une telle ampleur, sans justification économique, ça peut donc être une justification pour une intervention au nom des objectifs de la politique monétaire. Je n'en dirai pas davantage. L'application des décisions du Conseil européen et faire en sorte que monsieur DRAGHI, compte tenu de ce qu'il a déjà annoncé, puisse donner davantage de précisions le 6 septembre. Ceux qui sont le plus attachés à l'indépendance de la Banque centrale européenne devraient respecter les mêmes principes que ceux que nous appliquons aujourd'hui.
Deuxièmement, vous me posez la question : Quand est-ce que l'Espagne doit faire éventuellement une demande d'aide au Mécanisme de stabilité ? C'est la responsabilité pleine et entière de l'Espagne. Je peux comprendre que l'Espagne puisse de toute façon attendre qu'il y ait les clarifications qui sont indispensables.
Vous connaissez les évènements que j'ai rappelés et qui vont avoir lieu. Quand est-ce que va intervenir le mécanisme européen de stabilité ? Que va dire la cour de Karlsruhe ? Quelle va être la position de la Banque Centrale Européenne ? Quels seront les conclusions des groupes de travail sur les banques ? Une fois que toutes les informations seront données, ce sera à l'Espagne, comme à d'autres pays de savoir ce qu'elle a à faire.
Je veux terminer sur le fait qu'il y a des politiques qui sont menées en Europe et qui sont rudes. Le président du gouvernement espagnol évoquait trois points de TVA, trois points. Et un certain nombre des décisions sur la fonction publique et sur des prestations. C'est dur pour la population mais cela a des conséquences aussi sur les autres pays. Car même si la compétitivité de l'économie espagnole s'améliore, il y a moins d'importations et donc pour l'économie française, c'est moins d'exportations. Nous sommes le premier partenaire économique et commercial, la France avec l'Espagne. Donc nous sommes liés.
C'est pourquoi je souhaite qu'il y ait non seulement des décisions qui soient prises dans les meilleurs délais mais que nous puissions, conformément à ce que nous avons décidé le 29 juin, mettre en place, des mesures budgétaires, variables selon les pays, puisque tout le monde n'est pas dans la même situation. Je rappelle que la France, dans sa dette souveraine, emprunte à des taux qui sont très inférieurs à ceux des espagnols, mais nous avons aussi à mettre de la croissance, à mettre de l'activité économique, à mieux coordonner nos politiques économiques. Voilà ce sur quoi nous avons convergé aujourd'hui.