29 mai 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. François Hollande, Président de la République, et Thomas Boni Yayi, Président de la République du Bénin et Président de l'Union Africaine, sur les relations franco-africaines et sur la situation au Mali et en Syrie, à Paris le 29 mai 2012.

LE PRESIDENT - Mesdames, messieurs, j'ai accueilli ce matin le Président Thomas BONI YAYI à la fois Président du Bénin, pays avec lequel la France est en relation d'amitié, et président de l'Union africaine. C'est le premier chef d'Etat africain que j'accueille ici à l'Elysée depuis mon élection.
C'est un symbole, double symbole. D'abord de reconnaissance de ce qu'est la démocratie béninoise, qui est exemplaire dans le continent africain, et symbole également de la considération que je porte à l'Union africaine. Les trois principes qui guident ma relation avec l'Afrique sont les suivants. D'abord le principe de bonne gouvernance, c'est-à-dire de développement de la démocratie partout en Afrique avec des conditions qui doivent être celles du pluralisme et d'une lutte contre la corruption. Le second principe et je rejoins ce que le président béninois porte lui aussi, un pacte de croissance et de développement pour le continent africain qui doit lui permettre non seulement de connaître une activité économique rapide, c'est le cas aujourd'hui, mais un plein développement. Et une reconnaissance aussi de ce continent dans les instances internationales qui, jusqu'à aujourd'hui, ne lui ont pas fait suffisamment de place et je pense notamment au G20. Et enfin c'est la stabilité du continent africain, sa sécurité, or nous sommes confrontés à plusieurs conflits d'importance et qui peuvent avoir des conséquences pour l'Afrique mais aussi pour l'ensemble du monde. Et ma préoccupation a été appelée sur la situation au Sahel et nous avons échangé nos informations et aussi nos conceptions de ce que devrait être pour la zone Sahel une pleine sécurité. Aujourd'hui c'est le Mali qui est frappé et le Mali doit retrouver à la fois son ordre constitutionnel, son intégrité territoriale et la paix et nous aurons là encore à agir ensemble. Voilà les trois principes que je voulais définir à l'occasion de ma rencontre avec le président de l'Union africaine. Principe de bonne gouvernance, principe de développement économique, principe de stabilité et de sécurité.
Enfin nous avons pu échanger le président béninois et moi-même sur la force de la relation entre nos deux pays et dans les prochaines semaines nous aurons à travailler sur l'accord qui doit lier nos deux pays pour leur développement respectif. Merci en tout cas pour cette visite qui a été celle de la chaleur, chaleur des relations personnelles et de l'amitié et aussi de la reconnaissance que je voulais donner à l'Union africaine.
M. BONI YAYI -- Merci beaucoup, président HOLLANDE, le président démocratiquement élu et je crois que c'est au nom du continent africain que je suis venu transmettre mes félicitations sur le continent, saluer la grande démocratie de la République française, une démocratie qui, une fois de plus, nous a donné une leçon et je crois que l'Afrique s'en est réjouie. Je suis venu également comme le président l'a indiqué, lui faire part au nom du continent, disons des grands chantiers et je me félicite de ce que le président vient d'indiquer et en réalité l'Afrique est à l'honneur et le président a rassuré plus d'un. Et le continent africain suit de très près cette audience. Parce que quand même son représentant qui est venu et qui a été le premier à tenir cette séance de travail avec le président en dépit de son agenda extrêmement chargé. Je voudrais également, président, dire qu'en réalité le contraire nous aurait surpris pour la simple raison que le continent africain c'est le plus proche aujourd'hui de l'Europe et si nous voulons tenir compte disons des questions d'actualité, c'est également une question d'amour, les liens séculaires, l'histoire par la culture et cette partie de ce continent c'est-à-dire l'Afrique francophone qui partage la même langue que la France.
Je suis venu dire avec lui que nous puissions procéder à la relecture de notre histoire avec la France et le continent. Et je suis venu également lui indiquer que je voulais énumérer les grands chantiers du moment, du continent et je suis heureux puisqu'il vient de tomber d'accord, nous avons attiré son attention sur le fait que l'Afrique c'est le combat pour la démocratie. Nous lui avons fait part de cette unité qui est en train de se consolider autour d'un certain nombre de valeurs. Ces valeurs sont la paix, la sécurité du continent, la meilleure gouvernance dans tous les domaines. Et cette démocratie est celle-là qui doit nourrir, qui doit habiller, qui doit éduquer et qui doit soigner. Et elle ne doit pas s'acoquiner avec l'impunité, la corruption, elle doit absolument cultiver les principes d'obligation de résultat, d'obligation de transparence des comptes.
Je lui ai fait part de ce point essentiel et j'ai reçu des demandes, des commentaires très heureux. Naturellement la question de la stabilité, est essentielle. J'ai évoqué ce que nous sommes en train de faire. Par exemple au niveau des foyers de tensions, c'est-à-dire : la corne de l'Afrique, la Somalie, la crise libyenne. La crise au Sahel et la situation au Mali, sans oublier les répercussions également sur le Nord du Nigeria. Naturellement la question du Mali est une question fondamentale comme l'a indiqué mon cher ami François pour la simple raison que le Mali, ce qui se passe au Mali en réalité concerne le monde entier. Non seulement la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, l'Afrique dans son ensemble mais encore l'Europe, la France et le monde. Pourquoi ? Parce que trois priorités sont essentielles pour les démocrates.
Le renforcement du retour à l'ordre constitutionnel, les présidents Blaise COMPAORE médiateur et le président en exercice de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest s'investissent avec l'appui de l'Union africaine. Naturellement les problèmes de flottement que nous avons noté qui ont été soulignés découlent en réalité de la nature même et la complexité du problème qui se pose aujourd'hui au Mali. Donc le président français a enregistré que nous sommes préoccupés, le médiateur, le président en exercice de la conférence des Chefs d'Etats des pays membres de la CEDEAO, l'Union africaine nous sommes tous préoccupés par la nécessité du retour à l'ordre constitutionnel et faire en sorte qu'il y ait un gouvernement légitime. L'autre chantier, naturellement c'est la restauration de l'intégrité territoriale du Mali et enfin naturellement le péril terroriste qui aujourd'hui pratiquement n'épargnera personne. Il faut absolument la tolérance, j'attire l'attention du président, j'ai été porteur d'un message que je lui ai transmis, je ne rentrerai pas dans les détails, ce message il en a la teneur, et ce message n'est pas destiné à la presse.
J'ai également dit en deuxième point, en ce qui concerne le continent, les autres chantiers avec le renforcement de la gouvernance, nous avons la charte africaine de démocratie de gouvernance et des élections. Cette charte aujourd'hui est entrée en vigueur depuis le 15 avril, nous avons l'architecture africaine sur le service public et l'administration, nous avons les mécanismes africains d'évaluation par les pairs, autant de dispositions qui ont été prises aujourd'hui pour rassurer plus d'un dans le monde.
C'est la nouvelle Afrique qui prend conscience de sa responsabilité, qui a décidé de prendre en main son destin dans l'esprit de responsabilité et d'ouvrir maintenant les autres chantiers. D'abord les infrastructures pour rapprocher les Etats, les économies et les peuples africains pour que ce continent soit véritablement un pôle de croissance qui entraîne le monde. Nous en sommes convaincus. Par exemple l'énergie, d'ici l'année 2040, 60% des africains auront accès à l'électricité. Nous avons ce programme qui est de l'ordre de 40 milliards de dollars par an et nous avons un schéma de financement en insistant sur les ressources internes. Nous voulons prendre en main notre destin et c'est possible et je crois également que ce programme de développement des infrastructures aura nécessité plus de 60 milliards de dollars d'ici 2040 et cela concerne les transports, les télécommunications, l'énergie, l'eau, etc...
J'ai attiré l'attention du président sur la sécurité alimentaire. Nous avons un programme intégré de développement de l'agriculture en Afrique. A travers ce programme, nous voulons intégrer tous les programmes de développement de l'agriculture dans tous nos pays et recréer des réserves au niveau des communautés économiques régionales. Et nous voulons que les différentes initiatives qui sont prises au niveau du G8, en 2008 c'était l'initiative d'Aquila en Italie £ 22 milliards d'engagement de dollars, naturellement j'ai attiré l'attention du président sur le fait, que ces engagements n'ont pas été tenus et ceux qui ceux sont engagés n'ont pas pu donner 50% de leur engagement.
Dans la nouvelle alliance qui a été lancée sous les auspices du G8 qui vient de s'achever à Camp David, cette alliance pour la sécurité alimentaire, nous avons estimé que cette alliance doit pouvoir soutenir notre programme de développement de l'agriculture afin que l'on puisse enrayer la famine.
En tout cas, les dispositions ont été prises dans nos différents pays.
Merci beaucoup, François, pour ta disponibilité à aider le continent africain à avoir une place plus importante dans les relations internationales.
Nous souhaitons être membre à part entière et le président, vraiment, a promis d'intervenir auprès des autres membres du G20 pour que l'Union africaine en soit également membre au même titre que l'Union européenne et tous ici, ça permet de nous rassurer. Les questions de l'humanité concernent tout le monde, y compris le continent africain qui ne doit pas se sentir marginalisé ou non concerné par les questions de l'humanité.
J'ai évoqué la question de l'élargissement du Conseil de sécurité des Nations Unies et j'ai souhaité que sous la présidence de notre cher ami HOLLANDE, cette réforme soit accélérée. Nous avons demandé 2 sièges de membres permanents au conseil de sécurité, cette question n'est pas encore réglée. Je sais que cela a des répercussions avec les autres pays aujourd'hui émergents, mais en attendant qu'on trouve une solution, l'Union africaine, qui représente le continent africain, peut être acceptée au sein du conseil de sécurité. Et le président a écouté notre demande et je crois nous a rassuré.
Président, cher ami, merci pour votre accueil. Pour moi c'est un message très fort, d'avoir fait de ce jour, j'allais dire une journée du continent africain. Le continent africain est à l'honneur pour avoir été le premier à être reçu en plein cur du symbole de la démocratie de la France. Et je crois que je saurai transmettre nos remerciements à mes chers collègues et pour dire qu'en réalité le président François HOLLANDE a placé son mandat sous le signe disons de la réécriture ou la relecture de nos relations. Nos relations entre naturellement l'Afrique d'un côté, la France et l'Europe, liées par l'histoire, par la culture, par la langue en ce qui concerne cette partie francophone du continent. Et surtout pour que nous puissions mettre en place un pacte stratégique de stabilité et de croissance économique partagés au service du développement non seulement du continent africain, de l'Europe, mais du monde.
Et surtout nous croyons à l'amitié des peuples. Voilà, président, merci. Je repars extrêmement satisfait avec cette conclusion que l'Afrique est décidée à se prendre en main dans le sens des responsabilités et que ce partenariat que nous appelons de tous nos vux doit se fonder sur la solidarité, d'égal à égal et nous sommes convaincus que l'Afrique, très bientôt, sera un pôle de croissance qui va attirer le monde pour faire face à l'éradication de la pauvreté dans le monde. Encore une fois merci.
LE PRESIDENT - Merci, est-ce qu'il y a des questions ?
QUESTION- La question est adressée au président HOLLANDE. Monsieur le Président de la République, la France à La Baule avait subordonné son aide à l'instauration de la démocratie sur le continent africain, vous avez parlé de l'exemplarité de la démocratie béninoise, comment justement la France compte consolider cette démocratie au plan économique ? Comment la France compte également contribuer à la résolution des crises sur le continent notamment la crise malienne qui risque de déstabiliser toute l'Afrique de l'Ouest ? Merci.
LE PRESIDENT -Deux questions, la première, la démocratie fait partie pour nous des conditions mêmes de notre solidarité. C'est-à-dire que nous ne voulons rien imposer, mais nous considérons que là où nous sommes présents dans le cadre d'accords, les principes de pluralisme, de respect des libertés doivent être posés clairement. Et c'est la raison pour laquelle je me suis retrouvé entièrement dans la déclaration du président de l'Union africaine qui porte ses règles de gouvernance, de démocratie comme des règles prioritaires pour le développement du continent africain. Il a parlé d'écrire une page, oui nous allons l'écrire ensemble pour que la relation entre la France et l'Afrique, forte de son histoire, puisse se prolonger dans les prochaines années sur la base des principes de respect, de solidarité et en même temps d'exigence qui doivent être les nôtres, sans ingérence dans les Etats concernés.
Sur le second sujet, vous avez raison d'insister là-dessus, ça a été au cur de nos échanges, nous souhaitons que sur la base des principes qui ont été posés là encore, d'ordre constitutionnel pour le Mali qui soit reconstitué, d'intégrité territoriale, de lutte contre le terrorisme, qu'il puisse y avoir des efforts qui seront menés par les Africains eux-mêmes et donc d'abord par les organisations régionales. Que ce soit la CEDEAO et l'Union africaine, et ce que nous souhaitons c'est que ces institutions saisissent le conseil de sécurité et que le conseil de sécurité puisse définir un cadre qui permette justement au Mali et plus largement à la zone Sahel de retrouver la stabilité.
QUESTION - S'agissant du Mali, la France compte-t-elle participer à une force de maintien de la paix dans ce pays ? Et plus généralement sur les relations de la France avec l'Afrique, vous avez parlé de rupture pendant la campagne électorale, est-ce que cette rupture, d'autres l'ont promise avant vous, est-ce que cette rupture peut modifier nos relations avec un certain nombre d'Etats ? Je pense à des Etats où les conditions des élections ont été mises en cause, par exemple le Gabon, le Cameroun, ou d'autres Etats qui sont des alliés traditionnels de la France ?
LE PRESIDENT - D'abord sur la question du Mali, nous sommes respectueux des décisions que prendra le conseil de sécurité des Nations Unies s'il est saisi par les institutions dont je parlais ou par le Mali lui même s'il retrouve son ordre constitutionnel. Vous savez que nous avons accueilli le président par intérim qui a été agressé dans son propre pays et qui est ici hospitalisé. Il y a un Premier ministre, mais il y a aussi une insubordination qui est en cours et qui doit cesser, donc nous demandons aux institutions qui ont justement la charge de cette responsabilité, la CEDEAO, je me suis entretenu avec le président OUATTARA ce matin et à l'Union africaine, de saisir lorsqu'elles jugeront le moment opportun, à mes yeux le plus tôt sera le mieux, le conseil de sécurité. Et c'est dans le cadre des décisions du conseil de sécurité que la France aura à envisager une participation, mais qui sera demandée par les instances dont j'ai parlé, conseil de sécurité, Union africaine, CEDEAO. Nous ne voulons pas rentrer dans un processus d'ingérence, mais en même temps, nous sommes conscients de la responsabilité qui est la nôtre collectivement, Européens et Africains. Je rappelle que nous avons des otages qui sont détenus aussi là-bas.
Sur les relations avec les pays de l'Afrique, j'ai dit les principes qui devaient être les nôtres et je les rappellerai autant que nécessaire.
QUESTION -- M. le Président la crise qui touche la zone euro, touche aussi les pays africains notamment ceux de la zone franc parce que vous savez très bien, le franc CFA est arrimé à l'Euro. Dans ces pays, les populations craignent de plus en plus une nouvelle dévaluation du franc CFA. La rumeur court. Qu'avez-vous à dire pour les rassurer et comment voyez-vous l'avenir du franc CFA par rapport à l'Euro ?
LE PRESIDENT -- Nous avons évoqué cette question avec le Président Boni YAYI parce que nous sommes liés Africains et Européens par l'importance de nos relations. Nous sommes liés aussi Français et Africains par la langue mais nous sommes liés aussi par la monnaie et vous avez eu parfaitement raison de le rappeler. Ce qui se passe dans la zone euro a des conséquences sur le continent africain et si je suis autant attaché au maintien de la zone Euro, à la stabilité de l'Euro, c'est parce que je pense aussi à ce que pourrait avoir comme effet une crise dans la zone Euro pour le continent africain. Stabilité ce doit être finalement le principe fondamental de nos relations car comment investir, comment commercer s'il y a un doute sur la valeur de la monnaie, et vous évoquez un risque de dévaluation qui pour moi n'est pas aujourd'hui présent.
QUESTION -- Une question sur la Syrie, M. le président HOLLANDE. Cela fait des mois que l'on attend une réunion des groupes des amis de la Syrie à Paris. Est-ce qu'elle aura lieu ? Quand aura-t-elle lieu ? Le cas échéant que pourrait-elle débloquer sur la situation et par ailleurs envisagez-vous une expulsion des diplomates syriens à l'instar de ce qu'a fait l'Australie ce jour même. Merci.
LE PRESIDENT -- Oui, j'ai eu une conversation hier avec David CAMERON, le premier ministre britannique, Laurent FABIUS ici présent a eu comme ministre des Affaires étrangères une discussion avec le Secrétaire général des Nations Unies et nous avons convenu d'un certain nombre de pressions à exercer sur la Syrie et parmi les décisions que nous avons prises, il y a effectivement l'expulsion de l'Ambassadrice de Syrie en France. Oui, aujourd'hui ça lui sera notifié. Il se trouve qu'elle est aussi Ambassadrice auprès de l'Unesco, que cela aura donc des conséquences sur la rapidité d'exécution de cette décision pour parler avec diplomatie mais c'est une décision non pas unilatérale de la France, c'est une décision concertée avec nos partenaires. Vous évoquez effectivement la réunion des amis de la Syrie et cela devrait avoir lieu eu début du mois de juillet. Nous cherchons la date qui permettrait de réunir le plus de participants possible.
Nous sommes également en discussion avec la Russie qui chacun le sait joue un rôle et je m'entretiendrais avec le Président POUTINE vendredi.
Voilà. Merci d'être venus.
M. BONI YAYI -- Merci beaucoup, merci bien.