19 mai 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Point de presse de M. François Hollande, Président de la République, notamment sur la croissance économique, le nucléaire iranien, la situation en Syrie, l'aide à l'Afrique et sur la Zone euro, à Camp Round Meadow (Etats-Unis) le 19 mai 2012.


Le G8 vient de se terminer et je veux retenir trois grandes décisions, ou en tout cas, trois grands engagements issus de cette réunion, à laquelle je participais pour la première fois.
La première grande orientation, celle que je voulais donner, et je n'étais pas le seul à avoir cette intention, c'était de mettre la croissance au cur de nos discussions. C'était de l'inscrire à l'agenda des prochaines réunions, qui viendront soit dans le cadre européen (le conseil informel du 23, le conseil européen qui doit décider des mesures pour la croissance), soit dans le cadre du G 20, à la fin du mois de juin.
Cette volonté de croissance a été retenue dans le communiqué final, et elle a été placée devant l'exigence aussi de rétablissement des comptes publics, sur laquelle je n'ai jamais porté la moindre réserve. Comme je le disais ce matin, il ne peut y avoir de croissance sans confiance, et il ne peut y avoir de confiance sans croissance. Si des engagements ont été pris, depuis déjà plusieurs mois, pour le rétablissement des comptes publics dans beaucoup de pays et si ces obligations sont d'ailleurs, pour l'essentiel, respectées, en revanche la dimension de croissance manquait jusqu'à présent. Le mot figurait bien dans un certain nombre de textes mais il ne se traduisait pas concrètement en termes de mesures. La discussion, dans ce G8, a été très franche, très directe entre les participants. Et nous sommes arrivés à la conclusion d'inscrire la croissance au rendez-vous des principales rencontres internationales et européennes des prochains mois.
Il y aura aussi, de la part des pays, dans leurs domaines de compétences propres, la traduction concrète de cette intention, de cette orientation, de cette volonté, de croissance. C'est ce qu'attendent les opinions publiques mais aussi les marchés. Ceux-ci en effet se sont mis à douter, notamment dans les dernières semaines, de la capacité qu'auront les Etats de respecter leurs engagements de réduction de déficit sans une activité supérieure à ce qu'elle est aujourd'hui. C'est le premier enseignement que je tire de ce G8 : la volonté de croissance et l'inscription de cette priorité dans les rendez-vous qui nous attendent pour les prochaines semaines.
La deuxième orientation que je retiens, c'est une démarche commune sur les deux grands sujets de préoccupation par rapport à la paix.
D'abord l'Iran, c'était l'objet de la discussion d'hier soir. J'ai voulu donner une chance à la négociation tout en rappelant la fermeté, qui a toujours été celle de la France et que je partage. Je réaffirme la garantie qui doit être donnée par l'Iran de ne pas utiliser la technologie nucléaire à des fins militaires.
La rencontre qui se tiendra à Bagdad le 23 mai sera très importante. Soit l'Iran manifeste une démarche de transparence, répond à toutes les questions qui lui sont posées, et donne les instruments de vérification, soit nous serons encore dans une période de tension. Chacun sait qu'elle peut avoir des conséquences extrêmement dommageables. Là-encore, il était très important de nous retrouver ensemble. J'ai fait en sorte d'en créer les conditions.
Le deuxième sujet de préoccupation, c'est la Syrie. Il y a eu l'appui de la mission de Kofi Annan et également la pression sur Bachar el-Assad. La Russie, dont vous savez les réticences par rapport à toute intervention ou à toute décision plus ferme du Conseil de sécurité, a bien voulu agir aussi auprès de Bachar el-Assad pour lui faire comprendre la nécessité d'une transition politique.
Donc, la deuxième conclusion de ce G8, c'est une commune attitude, une commune démarche, qui, d'ailleurs, est gage d'efficacité face aux dossiers iranien et syrien.
Enfin, le troisième enseignement, la troisième conclusion, c'est que le G8 a affirmé une solidarité, pas simplement entre les participants, mais à l'égard des pays du printemps arabe - ce que l'on appelle le partenariat de Deauville, c'est-à-dire la Tunisie, le Maroc, la Jordanie, la Libye, l'Egypte - de façon à ce que ces pays puissent accomplir leur transition démocratique et, en même temps, qu'ils puissent avoir les conditions de leur propre développement et de leur croissance.
Nous avons également affirmé notre solidarité à l'égard de l'Afrique. Une rencontre s'est tenue au déjeuner, qui a permis de faire le point sur la sécurité alimentaire et la lutte contre la faim. La France y prend sa part, notamment par des crédits publics pour l'Ethiopie, pour le Ghana, pour la Tanzanie. Il y a aussi un partenariat d'entreprises privées, avec des fonds venant de marchés privés, pour contribuer à un investissement local qui puisse être source de croissance dans ces pays.
Au-delà de ce processus, j'ai insisté sur la nécessité d'augmenter l'aide alimentaire. La France fait son devoir, mais d'autres pays devraient l'accompagner davantage, par rapport à la zone Sahel. L'objectif est que les pays touchés par une déstabilisation puissent recevoir le soutien indispensable pour l'alimentation de leurs populations et leur développement.
Il y a eu, toujours dans le registre de la solidarité, un engagement, qui a été rappelé de manière commune, par rapport à la lutte contre le réchauffement climatique et à la suite de Durban pour le rendez-vous de 2015. J'ai, ainsi, rappelé ce qu'étaient les engagements du gouvernement que j'ai formé il y a quelques jours dans la lutte contre le réchauffement climatique et notamment un plan pour l'isolation des logements, une priorité donnée aux énergies renouvelables et la diversification de notre production énergétique.
J'ai aussi insisté, je n'ai pas été le seul, sur les risques sur la volatilité du prix du pétrole y compris dans une perspective de croissance ou de reprise. Sans qu'il ait été question des réserves stratégiques, un moment évoquée par le président américain, nous avons convenu que tous les moyens devaient être utilisés pour, autant que possible, faire baisser le prix du pétrole.
Je vais partir pour Chicago. Nous nous retrouverons pour le sommet de l'Otan où il sera débattu de l'Afghanistan et de la position que j'ai prise et que j'avais pris soin de rappeler à mes interlocuteurs américains et à ceux de l'Alliance dans les jours qui ont précédé le sommet, encore hier avec le Président Obama. Car je considère que cette position est un acte de souveraineté et, en même temps, elle doit s'appliquer en bonne intelligence avec nos alliés et nos partenaires. J'ajoute que les effectifs résiduels, qui seront consacrés à des actions de formation ou de rapatriement des matériels au-delà de 2012, effectifs très limités, devront s'inscrire toujours dans le cadre de la mission, de ce qu'on appelle l'ISAF.
Par ailleurs, je vous l'indiquerai encore demain, la France et l'Afghanistan ont signé au mois de janvier dernier un traité d'amitié. Je dirai au président Karzaï, demain, que nous ferons ratifier ce traité, qui prévoit justement un certain nombre de soutiens, d'aides mais à des fins civiles.
Voilà, ce que je pouvais vous dire de ce qui a été notre participation à ce G8, à ce qui a été, je crois, une étape nouvelle, reconnue par tous les participants. Je ne peux pas faire la distinction par rapport à des réunions précédentes. Chacune a du être utile, mais celle-là a été nouvelle au sens où les questions économiques ont été amplement débattues. Je ne parle pas simplement, d'ailleurs, de celles qui concernent la zone euro, mais de la question de la croissance sur l'ensemble du monde car le ralentissement touche tous les pays du monde d'une manière différente. C'est bien cette volonté de croissance, pas simplement pour la zone euro, pas simplement pour le continent européen mais également pour le monde qui a été, ici, évoquée.
Je peux répondre à vos questions.
QUESTION -- Apolline de Malherbe, BFM TV. Vous n'avez pas mentionné dans ce petit compte-rendu Angela Merkel. Le New York Times dit ce soir, qu'on a eu le sentiment que c'était Angela Merkel face au reste du monde. Est-ce que ce n'est pas embêtant qu'elle puisse avoir ce sentiment d'isolement peut-être même humiliant ?
LE PRESIDENT -- Non, je n'ai pas eu un tel sentiment. La discussion a été franche, je vous l'ai dit. Elle a porté sur le thème de la croissance, mais les engagements budgétaires n'ont pas été remis en cause. Il n'y a pas de raison de penser qu'un pays a été isolé par rapport à d'autres. En tout cas, ce n'est pas ma conception. Si nous voulons avancer nous devons le faire avec tout ce qui compte en Europe, l'Allemagne forcément, et dans le monde. Mais c'est vrai que la dimension de croissance a été largement évoquée, soutenue, voulue et pas simplement par le Président Obama, par moi-même mais également par d'autres participants. Je veux évoquer Mario Monti. J'ai accepté -il en a fait l'annonce- que nous puissions avoir, avec justement Mme Merkel et Mario Monti, une réunion à Rome qui nous permettra d'aller encore plus loin dans la préparation de l'échéance du mois de juin pour le Conseil européen.
QUESTION -- Dans ce compte-rendu, vous n'avez non plus évoqué la Grèce. A la mi-journée, vous nous avez dit que vous souhaitiez et, vous avez dit à vos interlocuteurs, que vous souhaitiez qu'elle soit accompagnée, appuyée. Vous avez salué ses efforts mais est-ce que vous prenez un allégement des plans d'austérité que le gouvernement grec doit mettre en uvre ?
LE PRESIDENT -- Dans le communiqué final, il y a le rappel d'un souhait, que j'avais déjà exprimé lors de ma rencontre avec Mme Merkel mardi soir, que la Grèce reste dans la zone euro dans le respect des engagements qui ont été pris. Cela, c'est la condition minimale. Les engagements doivent être tenus. Mais j'ai ajouté que, si nous voulons que la Grèce puisse justement respecter ses engagements, faire confiance à des partis qui peuvent demain gouverner dans le cadre de la zone euro, nous devons accompagner la croissance ou, en tout cas, éviter la récession en Grèce. Ce qui suppose des mesures qui ne sont pas une remise en cause des obligations qui pèsent sur la Grèce mais qui permettent justement à ces obligations d'être davantage facilitées. Voilà ma position.
J'ai émis le souhait que des signaux forts soient adressés à la Grèce. Ces signaux, les voici : vous allez bientôt voter, c'est votre liberté, c'est votre souveraineté. Je souhaite que la Grèce fasse le choix de rester dans la zone euro. Pour créer les conditions de cette décision, avec les obligations qui en dépendent, il faut qu'elle ait tout le soutien qui peut lui être apporté par l'Europe, dans le cadre des politiques de croissance. La croissance que je revendique, elle vaut également pour un pays comme la Grèce. Cela signifie de ne pas l'enfermer seulement dans le corset de l'austérité. L'austérité, cela doit être, finalement, non pas une fatalité mais, en l'occurrence pour les Grecs, le moyen de se mettre en conformité par rapport à des engagements qui ont été pris.
Donc, il y a eu une discussion sur la Grèce. En définitive, d'un commun accord, puisque cela figure dans le communiqué, il y a eu ce rappel du souhait que la Grèce reste dans la zone euro et respecte ses engagements.