Le Président Emmanuel Macron s'est rendu ce mercredi à Saint-Malo.
Dans le cadre de l’initiative lancée le 28 octobre au Palais de l’Élysée, et dans la continuité des échanges organisés à Toulouse, Arras et Mirecourt avec les lecteurs de La Dépêche du Midi, La Voix du Nord et du Groupe EBRA, le chef de l’État a poursuivit le cycle de discussions consacré aux enjeux démocratiques à l’épreuve des réseaux sociaux et des algorithmes.
Le Président a échangé à cette occasion avec des lecteurs du groupe Ouest-France, quatrième étape d’une série de rencontres avec les lecteurs de la presse quotidienne régionale destinée à nourrir ce débat au plus près des territoires.
A l’occasion des dix ans de l’accord de Paris sur le Climat, le chef de l’Etat a également abordé les conséquences de la désinformation en matière climatique.
Revoir les échanges :
10 décembre 2025 - Seul le prononcé fait foi
Échanges entre le Président de la République et les lecteurs de Ouest-France
Animateur
Bienvenue, bonjour à toutes et à tous, et bienvenue, Monsieur le Président de la République, bienvenue, évidemment, pour cet échange sur les réseaux sociaux, sur la démocratie à l'épreuve des réseaux sociaux. On a globalement une quinzaine de questions qui nous ont été envoyées par les... Alors, on a reçu, évidemment, beaucoup plus. Il a fallu qu'on les sélectionne. Je précise que l'Élysée et vous-même, vous n'avez pas eu les questions en main. Ce sont des questions qui ont été choisies par la rédaction de Ouest-France. Nous allons aborder quatre thématiques, donc une demi-heure chacune. Thématique sur la démocratie, avec en ligne de mire, évidemment, les futures élections, notamment les élections municipales. On parlera d'environnement, avec notamment, j'allais dire, la science mise en doute à travers les réseaux sociaux. On parlera des réseaux sociaux et des jeunes, et puis on terminera sur les réseaux sociaux versus les médias. Pour ouvrir cet événement, je donne la parole au président du directoire de Ouest-France, François-Xavier Lefranc.
François-Xavier LEFRANC
Monsieur le président de la République, bonjour, merci d'avoir proposé cet échange avec les lectrices et lecteurs des médias en région, puisque ce n'est pas la première date en fait. Vous êtes aujourd'hui en Bretagne, à Saint-Malo, pour rencontrer nos lecteurs, nos lectrices du groupe SIPA Ouest France, que dirige Fabrice Backhouche ici présent, donc Ouest France bien sûr, Groupe Actu, qui est un ensemble d'une centaine de titres sur l'ensemble du territoire national, mais également le public de Novo19, la chaîne généraliste nationale créée par le groupe Ouest France et au passage la première chaîne nationale créée un peu loin de Paris sous le bon air breton.
Bienvenue à vous. Nous allons parler des réseaux sociaux qui nous ont été légués à la fin du 20e siècle avec une belle promesse de liberté. On allait enfin pouvoir tout dire à tout moment à la Terre entière. Plus rien ne devait retenir les mots ni les images, quoi qu'ils disent et quoi qu'elles montrent. Nous avons ouvert notre espace conversationnel à tout vent. Les réseaux numériques diffusent en permanence le meilleur, mais aussi le pire tout ce que la nature humaine est capable d'inventer, comme mots, et de produire comme images. Ils ont libéré la parole de personnes opprimées, mais leur activité a aussi contribué à détruire des personnes.
À l'entrée du XXe siècle, n'avons-nous pas finalement accepté l'inacceptable, en acceptant le fait que ces réseaux n'étaient pas responsables de ce qu'ils diffusent, pas responsables devant la loi, contrairement aux médias. Je voudrais simplement rappeler rapidement qu'en France, les médias sont encadrés par la loi, c'est vrai depuis la Troisième République, la loi de 1881 notamment, il y en a eu d'autres, que la loi a prévu le développement de médias libres, elle a également prévu la protection des citoyens devant les éventuels débordements des médias. Concrètement, les journalistes professionnels sont évidemment responsables de ce qu'ils écrivent, et dans chaque média, une personne, directrice de la publication, est pénalement et personnellement responsable de tout ce qui est écrit. Ce n'est pas vrai pour les réseaux sociaux. Les choses sont totalement différentes. Nous avons permis qu'ils se développent très librement, nous avons juste oublié la question de la protection des citoyens. Il y aura beaucoup de questions sur ce thème-là aujourd'hui. Des citoyens en payent le prix fort quand ils sont impunément menacés, harcelés, insultés, avec régulièrement des conséquences terribles.
Les réseaux sociaux ont pris une place gigantesque dans notre démocratie, quand aujourd'hui certains de leurs propriétaires affirment, en nous regardant les yeux dans les yeux, qu'ils refusent d'appliquer notre droit, qui ne serait, selon eux, que de la censure. Nous pouvons légitimement nous inquiéter pour l'avenir de notre démocratie. Heureusement, les choses avancent. L'Europe a prévu un certain nombre de textes qui devraient maintenant encadrer l'activité des réseaux sociaux, notamment le Digital Services Act. Encore faut-il qu'il soit appliqué. L'espace numérique ne peut pas être une zone de non-droit. La technologie qui avance à une vitesse vertigineuse peut nous apporter et va nous apporter des outils qui peuvent être formidables pour le développement humain. Mais à une condition, c'est que ces grandes entreprises respectent le droit, comme chacune et chacun d'entre nous sommes tenus de le faire. Voilà, Monsieur le président de la République, ce qui va nourrir les nombreuses questions de nos lecteurs et nos lectrices. Merci à vous.
Animateur
Merci. Donc, deux heures d'échange. On a donc sélectionné ou présélectionné une quinzaine de questions. Et bien sûr, si on a le temps, on prendra évidemment d'autres questions, parce que je sais qu'il y a pas mal de jeunes qui ont préparé des questions avec leurs professeurs. Donc, peut-être qu'on aura quelques minutes à leur accorder. On va commencer donc avec la première thématique qui s'appelle « Réseaux sociaux, démocratie et élections ». Pour chacune des thématiques, un journaliste du groupe SIPA Ouest-France, viendra évidemment planter le décor.
Animatrice
Monsieur le Président, bonjour à tous. À l'heure où la désinformation et les fake news n'ont jamais autant sapé les piliers de la démocratie, comment les échéances électorales à venir, les municipales bientôt et la présidentielle en 2027 peuvent-elles permettre aux citoyens d'exercer leur esprit critique et de voter sans être manipulés par les algorithmes et autres théories complotistes ?
Animateur
Alors un mot peut-être, sur justement ce que représente la désinformation sur les réseaux sociaux ?
Animatrice
Oui, selon une étude de Science Feedback de septembre 2025, qui a regardé TikTok, Instagram, X, Facebook, YouTube et LinkedIn, la désinformation n'est plus seulement isolée dans les recoins du web, elle est devenue un enjeu central du débat public. Dans cette arène numérique, TikTok, on peut le dire, est le pire des élèves. Toujours selon cette étude, entre mars et avril 2025, près d'un contenu sur cinq sur cette application contient des informations fausses ou trompeuses. 34 % des publications diffusent des discours haineux ou d'autres diffusant de fausses informations. C'est 32 % sur X. Facebook véhiculerait 13 % de fausses informations et 8 % sur YouTube. L'étude démontre donc que sur TikTok, essentiellement consulté par les plus jeunes et les plus vulnérables, les usagers sont 10 fois plus exposés à des contenus mensongers qu'un utilisateur de LinkedIn, par exemple, qui s'adresse plus spécifiquement à des adultes et dans un cadre plus professionnel.
Animateur
Quel sera l'impact des réseaux sociaux, notamment sur les prochaines élections, les municipales qui arrivent à grands pas ?
Animatrice
Oui, on considère qu'il y a plus que jamais un risque réel sur les municipales dès lors que les outils de manipulation de masse et des ingérences extérieures s'attaquent aussi aux communes. Même s'il faut le souligner, le lien de confiance avec le maire demeure encore assez solide. Mais pour combien de temps ? Face à des faux sites, par exemple, qui injectent des sujets polémiques, les médias traditionnels doivent être capables de garantir une information fiable, vérifiée et équilibrée. Cela implique d'être transparent, d'être réactif et que nous fassions collectivement le choix d'un traitement de qualité.
Intervenant
Merci. Tout d'abord, merci, Monsieur le Président, de vous être déplacé. C'est quelque chose, je dirais, d'assez motivant pour le citoyen de pouvoir échanger en direct avec vous, et même enthousiasmant, voilà. C'est mon point de vue. Lutter contre les déviances des réseaux sociaux. Je rentre tout de suite dans la substance, puisqu'on a peu de temps. Je pense que ça commence d'abord par lutter contre l'anonymat. C'est vraiment le problème, je crois, majeur des réseaux sociaux en général, l'anonymat. Alors, je reprendrai d'ailleurs à ce titre, parce qu'il y a des moyens, je fais d'ailleurs une proposition. L'article 11 de la déclaration des Droits de l'homme et du Citoyen, qui figure bien sûr en préambule de notre constitution actuelle, assez court mais très clair. « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf, à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
Alors justement, est-ce qu'il ne faudrait pas, tout simplement, mais tout a l'air toujours simple, que la loi détermine que désormais, l'anonymat constitue un abus ? Et ça rentrerait dans la catégorie qui serait donc sanctionnable. C'est la première proposition que je vous fais, et je vous demanderai bien sûr, c'est ma question, comment peut-on mettre en œuvre cette proposition si toutefois elle vous agrée ? Et si elle ne vous agrée pas, je serais très heureux d'entendre vos arguments, sachant, j'ajoute ici, évidemment que je ne détiens pas la vérité, je suis comme tout le monde, je cherche à m'en rapprocher tous les jours, et ce n'est pas facile.
Deuxième chose sous un angle plus positif. La première question, c'est sur l'angle de la sanction négative, l'anonymat. Le côté positif, vous l'avez souligné tout à l'heure, c'est la citoyenneté participative et comment la développer aujourd'hui. Moi, je reviens systématiquement aux penseurs que nous avons eus au XVIIIe siècle, qui sont très intéressants. Je pense à “Sapere aude” ose utiliser ton propre entendement, Emmanuel Kant, évidemment. Et je pense qu'il faut développer le discernement. J'ai 9 points. Je vous les propose par écrit, comme ça, vous aurez la possibilité.
Emmanuel MACRON
Merci. D'abord, merci, messieurs les présidents, pour l'accueil et l'organisation de ce débat. Monsieur le préfet de région, madame la rectrice, mesdames, messieurs, en vos grades et qualités, on dit mesdames, messieurs, et merci d'être venus jusqu'ici pour avoir ce débat, et je voulais avant tout commencer en vous présentant mes excuses pour le retard, qui n'est pas lié à un choix, à une volonté, mais au caractère un peu imprévisible parfois de l'actualité internationale, à 15h00 heure où on devait commencer notre débat, j'étais en mairie de Saint-Malo pour un appel téléphonique avec quelques collègues sur la question de l'Ukraine et le président Trump. Donc, on a eu ces 40 minutes de discussion pour essayer d'avancer sur un sujet qui nous préoccupe tous. Donc, pardonnez-moi, veuillez me pardonner pour le retard avec lequel je suis arrivé devant vous.
Je voulais vous remercier d'organiser ce débat et je trouve que vous l'avez parfaitement cadré, si je puis dire, en n'étant pas caricatural, c'est-à-dire les réseaux sociaux nous apportent énormément au quotidien, c'est une formidable avancée, ça permet d'accéder à de la connaissance, à comprendre des choses, d'alerter sur des situations, de faire circuler beaucoup mieux l'information, mais force est de constater qu'au fond, depuis la dizaine d'années que nous avons de recul, parce que ça s'est diffusé dans nos vies depuis 10 ans, des choses se sont passées qui doivent nous inciter aujourd'hui à prendre un tout petit peu de recul et, au fond, reprendre le contrôle de ces derniers. Quand on parle de nos enfants et de nos adolescents, parce que maintenant, on va y revenir, puisque c'est un des thèmes que vous avez choisis, on voit bien que ça a bousculé leur vie et ça a des vraies conséquences qu'on sait mesurer.
Ensuite, quand on parle évidemment du fonctionnement de notre démocratie, parce que de plus en plus de gens s'informent sur les réseaux sociaux, je l'avais dit, et en particulier chez les plus jeunes, et donc ça crée une concurrence déloyale, on reviendra sans doute sur ce sujet avec la presse, mais du coup ça structure notre démocratie, parce qu'une démocratie c'est aller aux élections, mais en s'étant forgée une opinion libre, et on se la forge de plus en plus sur les réseaux sociaux. Est-ce qu'elle est libre ? Qui la structure ? Comment ? C'est une vraie question démocratique. Et donc la réponse, elle n'est pas univoque, il n'y a pas une, si je puis dire, une réponse unique ou toute simple, mais elle passe sans doute peut-être par des interdictions, par des régulations. Parce qu'aujourd'hui, il n'y en a quasiment pas. Les premières, on les a mises en place et elles prévalent depuis un peu plus de deux ans et elles viennent d'être appliquées ces derniers jours pour ce qui est de la directive qui a été évoquée tout à l'heure, qui est le Digital Service Act à l'égard du réseau X, mais c'est la première fois, donc c'est le tout début. Donc, on a besoin parfois peut-être d'interdire, de réguler, à coup sûr d'éduquer, d'instruire, de comprendre, de remettre de l'esprit critique dans la société, et puis enfin, de continuer à innover pour reprendre le contrôle. L'innovation fait partie des manières aussi de redomestiquer tout ça, de la remettre au service d'une certaine idée de l'homme.
Donc fort de cette question, on va revenir, je pense, sur d'autres sujets d'ingérence, puisque le premier thème, si j'ai bien compris, est sur les élections qui arrivent. La question de l'anonymat, qui est la première question dans cette thématique, est beaucoup plus large, donc je vais y répondre, mais après, je reviendrai sans doute sur des choses plus spécifiques aux élections. Alors l'anonymat a apporté beaucoup de choses dans les réseaux sociaux, parce qu'il a permis à des gens dans des sociétés qui ne sont pas libres de pouvoir s'exprimer. En France, vous n'êtes pas attaqués aujourd'hui si vous vous exprimez sur un réseau social et que vous décidez de le faire sans anonymat. À coup sûr, seriez-vous universitaire ou citoyen, même au sein de l'Union européenne en Hongrie, vous auriez quelques difficultés à vous exprimer avec la même liberté s'il n'y avait pas l'anonymat. À coup sûr, encore plus dans des pays plus autoritaires où il y a les réseaux sociaux. Donc ça, c'est pour dire que l'anonymat dans un système qui est quand même mondialisé, même au niveau de l'Union européenne, a des avantages, en tout cas, et est difficile à totalement supprimer.
La deuxième chose, c'est que beaucoup de gens vous diraient : « l'anonymat, c'est ce qui a permis aussi à des gens d'être lanceurs d'alerte, à des gens qui ne veulent pas cacher leur identité, mais de partager tel ou tel contenu sans être totalement exposés, sans avoir la pression sociale. » Donc il y a eu, et on sait le mesurer, un intérêt de l'anonymat dans le fonctionnement libre des informations, de ce qui s'est fait sur Internet. À côté de ça, force est de constater que l'anonymat a désinhibé les choses. Parce que quand on ne voit pas votre visage, qu'on ne connaît pas votre nom, ça libère un peu la parole et ça peut inciter certains à dire n'importe quoi.
Donc, je ne pense pas que la levée immédiate de l'anonymat, je ne dis pas, moi, non plus comme vous, je n'ai pas forcément la réponse, la science infuse, mais j'ai écouté les arguments des uns des autres parce que moi, je pouvais aller au début, aller un peu dans votre direction. Je pense que c'est très compliqué. On n'aura pas le consensus au niveau européen pour le faire, et c'est très compliqué de le faire qu'en France et ça peut avoir des tas d'effets pervers de lever complètement l'anonymat. Mais il me semble qu'il faut, 1) accélérer le travail de la justice quand on veut la levée de l'anonymat pour poursuivre quelqu'un. On a déjà les voies et moyens, mais c'est encore trop lent. 2) Qu'est-ce qui vous pose problème ? C'est les gens qui abusent de l'anonymat. Je vous écoutais. Et donc là, on a des premiers instruments, mais il faut aller plus loin. Et ça, je pense que c'est la clé dans ce qu'on est en train de vouloir faire. C'est-à-dire qu'en fait, quand quelqu'un dit quelque chose de raciste, d'antisémite, d'homophobe, il faut pouvoir tout de suite exiger le retrait de ce contenu des plateformes et pouvoir poursuivre cette personne. En vrai, on a les bases légales, on ne les utilise pas assez. Parce que sur ces contenus-là, c'est inattaquable, on a la base légale, c'est déjà interdit. 3) Il faut activer la responsabilité de ces plateformes. On y reviendra souvent dans le débat, mais si Ouest France publiait dans un article ou dans ses courriers ou dans ses tribunes quelque chose qui est raciste, antisémite ou autre, à la seconde, le rédacteur en chef serait attaqué, parce qu'il a la responsabilité, et donc il serait mis devant les tribunaux. Il faut que ce soit pareil pour les plateformes. On a la base avec le DSA, mais il faut aller beaucoup plus vite et plus fort. Et donc là, il faut prendre – c'est dans le paquet qu'on prévoit à la rentrée janvier – des circulaires qui permettent d'aller dans ce sens.
Enfin, on y reviendra dans le deuxième thème, donc je ne veux pas être plus long, il y a la question des fausses informations et des gens qui disent des fausses informations avec l'anonymat. Ça, c'est beaucoup plus compliqué à réguler, ce n'est pas le juge qui peut dire si c'est vrai ou faux. C'est souvent le débat critique et la capacité à distinguer le vrai du faux. Donc, vous voyez, ce n'est pas blanc ou noir, mais si on veut avancer, simplifier les choses, je pense aller beaucoup plus vite sur la levée d'anonymat quand il y a un problème ; retirer, appliquer le retrait immédiat des contenus quand ils sont clairement des contenus haineux ou hors la loi ; et mettre en œuvre la responsabilité des plateformes. Ça me semble plus efficace que la levée immédiate de l'anonymat.
Intervenant
Ma question est simple. D'abord, merci, Monsieur le Président, d'être venu jusqu'à nous. En effet, il me paraît inenvisageable de réussir à éradiquer complètement les fake news, mais on doit pouvoir réussir à en diminuer l'efficacité. Ma question est simple. D'après vous, pour y arriver, quel est le meilleur moyen qui puisse allier efficacité et respect de la liberté d'expression ?
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. D'abord, ça a été dit dans l'introduction et c'est apparemment ce que vous pensez. Vous avez raison, ce n'est pas l'État qui peut faire ça. Et ça, je ré-insiste toujours sur ce point, parce qu'il y a eu parfois des débats ces derniers jours largement biaisés qui ont dit un peu n'importe quoi, y compris sur ce que j'avais pu dire. Je pense que ce n'est pas du tout le travail de l'État qui est de distinguer le vrai du faux. C'est précisément le travail d'une presse libre par la contradiction, la vérification, et puis après, pour d'autres sujets, ça peut être le travail des scientifiques, une parole scientifique à restaurer. Et vous avez raison. Il y a toujours eu ce qu'on appelle aujourd'hui des fake news, c'est-à-dire des fausses informations, des rumeurs. Des historiens, des sociologues, d'ailleurs, ont pu écrire sur ces sujets.
La question, c'est comment on leur tord le cou le plus vite possible pour éviter ou qu'elles deviennent les informations les plus largement crues, alors qu'elles sont fausses, ou, en quelque sorte, pour contaminer le jugement. La clé, c'est d'abord de redonner une place centrale à ceux dont c'est le travail, c'est-à-dire les journalistes et les organes de presse, parce qu'ils ont des professionnels qui ont été formés pour ce faire, ils ont une déontologie, une Charte déontologique. Je me souviens que c'est le cas pour Ouest-France. J'ai eu dans les mains cette Charte et j'en ai encore le souvenir. Donc les journalistes ont une Charte déontologique qui s'applique à eux-mêmes. Elle est vérifiée par des pairs. Et puis, ils ont une responsabilité qui peut être activée par la loi. Et donc la première chose, c'est de se dire où est l'information. Et ça, c'est une première remarque que je voulais faire qui vaut au-delà des élections, c'est peut-être à ce stade de la discussion qu'on soit bien clair sur qu'est-ce que c'est les réseaux sociaux et, au fond, à quoi ça sert.
Quand on parle des élections ou de l'information, le grand malentendu, il est là. Les réseaux sociaux ne sont pas faits pour nous informer. Et vous savez pourquoi ? Parce que vous n'avez jamais payé un réseau social pour vous informer. Or, l'information, si vous voulez qu’elle soit préparée par des gens qui vont aller faire une enquête, qui vont la vérifier, qui vont la contrôler, il faut bien qu'il y ait un modèle économique derrière. Quand vous achetez le journal, vous savez que vous payez pour avoir de l'information. Et puis, à côté de l'information, des éditoriaux, une ligne que vous suivez, mais vous payez. Et accessoirement, ils gagnent aussi de l'argent avec de la publicité, des annonces légales ou autres. Mais il y a un modèle économique, vous payez pour de l'information. Quand vous allez sur les réseaux sociaux, vous ne payez pas. Donc comment les réseaux sociaux gagnent de l'argent ? Pas en vous informant, ils gagnent de l'argent en vendant de la publicité individualisée. Ce n'est pas un gros mot, c'est leur métier, le modèle d'affaires des réseaux sociaux, c'est ça.
Donc, qu'est-ce qui, au fond, les conduit d'avoir le maximum de gens qui vont sur ces réseaux sociaux et de créer le maximum d'excitation ? Ils ne veulent pas vous informer. En tout cas, ils n'ont aucun intérêt à vous informer, ils n'ont aucun intérêt à ce que vous alliez chercher des arguments. Ils veulent qu'il y ait le maximum de mouvements, le maximum d'excitation, parce que c'est sur cette base-là qu'ils pourront avoir le maximum d'informations sur vous et vendre plus cher de la publicité individualisée qu'ils vont vous pousser. Ce n'est pas du tout une critique que je fais, je décris exactement ce que c'est. TikTok, X, enfin, tous les réseaux sociaux fonctionnent sur ce modèle économique. Ce qui fait, d'ailleurs, qu'ils ont pris beaucoup de publicité au secteur de la presse, qui est allée sur les réseaux sociaux, parce que, alors on leur dit, nous, on est beaucoup plus efficaces. Plutôt que d'envoyer la même pub à tous les lecteurs de Ouest-France, nous, on sait dire que lui adore la Formule 1, que Madame adore plutôt le cinéma, etc., et par les réseaux consultés, par les pages consultées, il va pousser cette information. Et donc les réseaux sociaux que nous consultons, dont nous parlons depuis tout à l'heure, leur modèle d'affaires, ça n'est pas de vous informer et de nous informer. Leur modèle d'affaires, c'est de créer de l'excitation pour pouvoir vendre de la publicité individualisée à des tiers.
Quand on a compris ça, on comprend que ce qui est le plus important, c'est de créer de la dépendance. C'est ce qui va motiver l'algorithme des réseaux. Et qu'ensuite, ce qui est beaucoup plus efficace pour créer de l'excitation, c'est de pousser des contenus qui sont choquants, qui vont vous faire réagir, parfois qui vont, de manière compulsive, vous amener à revenir. Alors pour les uns, ce seront des vidéos de chats, pour les autres, ce seront des contenus qui ont attrait à votre passion, qu'importe. Mais le plus bas dans l'excitation, c'est l'information, c'est l'argument, c'est le rationnel. L'émotion, ça crée plus d'excitation. L'émotion négative ou les choses addictives, ça en crée encore plus. Donc vous comprenez qu'on parle d'une infrastructure d'échange, quand on parle de nos réseaux sociaux, dont l'objectif dans tout ce qui la détermine n'est pas fait pour canaliser l'information ou vous pousser des bonnes informations. Il est fait pour que vous soyez dépendants, pour que vous y passiez le maximum de temps et que vous soyez au maximum excités.
Une fois qu'on a dit ça, c'est structurellement un propagateur potentiel de fausses informations. Donc, je recadre ça pour qu'on dise, bien, il ne faut pas se tromper, les réseaux sociaux, ce ne sont pas de manière native des lieux pour s'informer. Et ça ne le sera jamais, sauf le jour où vous avez un réseau social qui vous demandera de payer pour avoir de l'information, parce que ça veut dire qu'il y a des gens qui produiront cette information, parce que ça a une valeur, donc ça a un coût. Donc, on n'arrivera pas à régler ça si on ne se dit pas d'abord, l'endroit pour s'informer, c'est la presse, c'est le débat public, et l'information, elle a quand même une valeur, et donc elle peut avoir un coût à un moment donné. Elle a un coût individuel et elle a un coût collectif.
Une fois qu'on a dit ça pour essayer de réguler et de limiter les fausses informations, la première chose, c'est d'avoir la transparence et la loyauté des algorithmes. Je dois pouvoir savoir si j'ai un algorithme, parce que c'est lui qui va me pousser les informations. Est-ce que cet algorithme est biaisé ? Est-ce qu'il va avoir tendance à me pousser des fausses informations ? On a les débuts dans notre fameux DSA au niveau européen, mais on doit aller beaucoup plus loin sur la transparence des algorithmes.
La deuxième chose, c'est d'avoir la responsabilité des plateformes. C'est un combat européen. Maintenant, on a commencé avec le DSA, on doit pousser beaucoup plus loin qui est de dire : quand, de manière avérée, on vous a alerté sur le fait qu'une information pouvait être fausse, qu'après un contradictoire et une procédure qui est à déterminer, qui doit se faire entre pairs, il est avéré que vous n'avez rien fait, que vous avez laissé se propager et prendre de l'ampleur, votre responsabilité peut être mise en cause, exactement comme un éditeur de presse.
Et puis la troisième chose qui est très importante pour éviter la propagation des fake news, ce sont les faux comptes. Et ça, c'est le lien avec ce que disait Monsieur, sans doute plus important et plus prioritaire que l'anonymat, c'est d'exiger la disparition des faux comptes. Aujourd'hui, quand vous avez un compte sur les réseaux sociaux, vous ne savez pas dire forcément qui c'est, s'il a choisi l'anonymat, mais vous ne savez même pas dire si c'est une personne physique ou pas. Ce qui veut dire que vous pouvez avoir, et en particulier dans les situations électorales, des informations qui sont propagées où on vous dit, il y a 100, 150 000, parfois 1 million de personnes qui l'ont poussé, qui l'ont aimé. Donc ça commence à prendre une valeur parce qu'on est dans cette société qui se mesure quantitativement à travers les likes ou les retweets, etc., vous ne savez pas dire combien sont des personnes réelles. Et qu'est-ce qui se passe, de manière très simple ? Vous avez des gens qui achètent des faux comptes, ces fameux bots, ces fermes à trolls, et qui l'achètent pour manipuler l'espace informationnel, et donc propager massivement une fake news. Ceux qui font de l'ingérence étrangère dans notre pays aujourd'hui utilisent ça à plein.
Et donc, il y a des choses qu'on doit faire nous-mêmes qui sont liées, si je puis dire, à la structure des réseaux sociaux, l'algorithme qui n'est pas transparent aujourd'hui, le fait qu'il n'y a pas de responsabilité et que ces réseaux ne sont pas faits pour nous informer. Et puis il y a des choses où on est beaucoup trop naïfs et qui sont massivement utilisées par l'ingérence étrangère, qui sont ces fameux faux comptes. Si on aborde ces trois sujets en ayant toujours à l'esprit que les réseaux sociaux ne sont de toute façon pas faits pour nous informer, on sera beaucoup plus efficaces pour lutter contre la propagation des fausses informations.
Intervenant
Bonjour, Monsieur le Président. Ma question porte sur la souveraineté numérique. On sait que les réseaux sociaux utilisés par les Français et les Européens sont des services numériques offerts par des entreprises américaines ou chinoises. Alors, je me demande, qu'est-ce que la France et l'Europe peuvent-elles faire pour garantir notre souveraineté numérique ?
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. Alors, le sujet de la souveraineté numérique, il est beaucoup plus large que les réseaux sociaux, mais ce que tu dis est tout à fait juste. C'est-à-dire que ces grands réseaux, ils sont non européens. Mais on a une chance, c'est que tous ceux qui, en Europe, les consultent et qui, du coup, leur font gagner beaucoup d'argent, parce que, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, ils gagnent de l'argent par la publicité qu'ils vendent sur nous tous. Ça, c'est dans notre main. Donc c'est aussi pour ça qu'on a un intérêt à réguler. Parce que si on ne régule pas, on délègue la totalité de nos émotions, de notre capacité à nous approcher de certaines réalités, parfois de nous informer, même si j'essaie d'expliquer que ce n'est pas le bon endroit pour, Et pour beaucoup de nos jeunes aussi, à découvrir parfois beaucoup de choses, on le délègue à ces entreprises qui sont ou américaines ou chinoises. Donc la souveraineté numérique, quand on parle des réseaux sociaux, elle se fait dans la capacité à réguler les contenus et donc à mettre des bornes et à dire c'est notre modèle, nos préférences collectives qu'on veut imposer.
Notre chance, notre force dans ce contexte, c'est précisément les presque 450 millions de citoyens européens qui sont touchés par ces régulations. C'est aussi pour ça que, même si parfois, c'est lent. Vous m'avez souvent entendu dire qu'il faut d'abord passer par l'Europe, parce que c'est au niveau européen qu'on a cette force de frappe. Et c'est ce qu'on a fait sous présidence française. On leur a imposé deux règles. Cette directive sur les services numériques, DSA, et la directive sur les marchés numériques, DMA, parce que certains aussi essaient de dévorer tous les autres et abusent de leur position dominante. C'est aujourd'hui la grande bataille, parce que vous l'avez peut-être vu ces derniers jours encore, mais les grands acteurs du numérique et en particulier américains, et parfois leur gouvernement, disent : « nous, on va exiger des Européens qu'ils suppriment ces règles parce qu'on ne veut plus les voir ». C'est un rapport de force qu'il faut assumer, et c'est ça, la souveraineté, parce qu'il se trouve qu'ils sont quand même dépendants de notre marché aussi, parce qu'ils y font beaucoup d'argent.
Donc la force, c'est que les Européens soient unis et qu'ils se disent, au fond, c'est les cerveaux, les émotions de nos enfants, on ne va pas les laisser filer comme ça, et c'est la santé de notre démocratie. Donc ça, c'est notre souveraineté. En fait, souveraineté réglementaire. Et puis après, il faut reconquérir des briques technologiques. C'est un peu toute la bataille qu'on est en train de mener sur l'intelligence artificielle, parce que ce que tu dis est vrai, on l'a perdue sur les réseaux sociaux. On n'a pas les acteurs alternatifs. Je ne peux pas vous dire, quittez toutes les plateformes américaines, on a une super plateforme française qui fait la même prestation à la même chose, ce ne serait pas vrai. Par contre, sur l'intelligence artificielle, c'est exactement ce qu'on est en train de faire, parce que ça, on peut encore. On se dit, certes, il y a les ChatGPT, etc., ces modèles, d'intelligence artificielle dite générative, qui produit du langage, là, on a un acteur français qui s'appelle Mistral AI avec Le Chat. Donc là, je vous dis, allez plutôt télécharger Le Chat que ChatGPT, parce qu'il est français. Qu'est-ce que c'est un modèle d'intelligence artificielle générative ? C'est juste un super ordinateur qui calcule très vite, qui a une énorme puissance, à qui on a fait lire le maximum de livres. ChatGPT, il a lu énormément de livres anglo-saxons, Le Chat, il a lu énormément de livres français. C'est mieux pour nous si on veut garder une souveraineté cognitive. Donc, ça on l'a, donc on va se battre pour garder, développer notre modèle d'intelligence artificielle générative européen.
On veut avoir des calculateurs, des supercalculateurs et des data centers européens, c'est ce qu'on est en train de faire là à plein, pour avoir ces capacités de calcul qui sont européennes. Et puis, on est en train de se consolider, et ça, c'est une stratégie au niveau européen avec les Allemands, pour avoir sur notre sol tous les éléments clés technologiques qui nous permettent de parler de souveraineté numérique. Il y a deux secteurs, quand on parle du numérique au sens large, où il faut reconquérir notre souveraineté parce qu'on l'a perdue ces dernières années, c'est les réseaux sociaux, c'est pour ça qu'il faut réguler, pour que nos règles s'y imposent, quand c'est nous dont il s'agit. Et c'est le cloud dont on parle, c'est-à-dire l'endroit où sont stockés nos données, où, là, ces dernières années, on a repris et réussi à pousser les Américains à revenir avec nous pour que ce soit régulé par les Européens, parce que nos données, c'est aussi un des vrais trésors du XXIe siècle, et on avait laissé tout filer uniquement côté américain. Donc là, on est en train de rebâtir des solutions européennes, et la France, sur ces deux combats, est aux avant-postes.
Animateur
Merci. On va passer à la deuxième thématique liée à l'environnement. Les réseaux sociaux, l'environnement, le défi climatique, avec, évidemment, la vérité scientifique qui est souvent remise en cause sur les réseaux sociaux.
Intervenant
Bonjour, Monsieur le Président. « La désinformation climatique est devenue une menace pour nos démocraties. Nous devons protéger la science et bâtir nos politiques sur des faits ». J'imagine que vous reconnaissez ces mots. Oui, ce sont les vôtres. Vous les avez prononcés à la COP 30 au Brésil il y a quelques semaines. Lors de cette prise de parole, vous avez pointé du doigt les prophètes du désordre, sans citer personne en particulier, mais on pourrait imaginer que Trump, Donald Trump pourrait faire partie de ces prophètes du désordre, lui qui multiplie les critiques contre la science et qui avait qualifié, il y a quelques mois, le changement climatique de plus grande arnaque que le monde ait jamais connu ou la plus grande arnaque menée contre le monde. En France, vous le savez, nous ne sommes pas épargnés par ces éléments de langage. De nombreuses personnalités politiques qui sont amplifiées par certains médias les reprennent et ciblent les scientifiques.
Alors, je vais citer les climatologues, les météorologues, les océanographes, les agronomes. Voilà, c'est en ligne qu'ils subissent toutes ces attaques dont vous en avez parlé tout à l'heure. Et ils sont victimes de pression, ils sont victimes de menaces, de harcèlement, avec la complaisance de ces réseaux sociaux. On va citer X, vous en parliez tout à l'heure, qui a été justement condamné. X qui utilise d'ailleurs son intelligence artificielle Grok pour amplifier justement cette désinformation, voilà. Donc, face à cette offensive mensongère acharnée qui n'épargne aucun réseau, j'ai parlé de X, mais évidemment il y a de nombreux autres réseaux qui y passent. Comment peut-on enrayer cette machine, cette machine qui affaiblit la confiance, qui brouille les faits et surtout qui retarde l'action.
Par ailleurs, dans ce contexte, votre parole, vos décisions peuvent aussi prêter à confusion, voilà. Vous dénoncez la désinformation climatique avec des mots très forts, comme vous l'avez fait lors de la COP. Mais les décisions que vous prenez au niveau climatique, au niveau de la biodiversité, de l'agriculture, peuvent sembler contraires, voire même contradictoires avec l'urgence climatique et avec les conclusions des scientifiques. Donc voilà, ces scientifiques justement l'ont noté et ont déploré ces prises de décision. Et on a même le Haut Conseil pour le climat, institution que vous avez créée en 2018, qui regrette un peu cette inaction climatique.
Pour conclure, l'idée, c'est comment redonner du crédit à ces scientifiques pour qu'il y ait une vraie prise de conscience qui soit prise comme ils le demandent, et comment cesser de faire qu'eux soient des cibles, et surtout, quelle réponse leur apporter dans ce contexte. Je vous remercie.
Emmanuel MACRON
Bien sûr. Alors, parce que vous avez dit beaucoup de choses, peut-être que ça justifie que j'essaie de reprendre le fil pour essayer de vous dire comment je vois les choses. Qu'il s'agisse du climat, en fait, comme de la santé, qui sont les deux grands sujets ces dernières années qui ont fait l'objet d'une telle attaque, on vit dans un monde qui s'est transformé et qui a fait l'objet d'une forme, enfin où l'obscurantisme revient et où le complotisme est là. C'est les deux grands sujets. Je dirais le climat et la santé. En fait, quand je dis la santé, c'est un peu les vaccins. C’est deux sujets où vous avez eu ces dernières années une remise en cause de la science, derrière parfois une vraie agressivité, des menaces sur les scientifiques et des gens qui se sont écartés de l'esprit des Lumières. Et donc avec parfois un recul des pratiques. Je dis ça parce qu'on a aujourd'hui des familles françaises qui, par exemple, sortent de la vaccination parce qu'elles ont lu sur Internet, et vous avez des gens qui reculent sur l'adhésion au climat parce qu'ils ont lu sur Internet telle ou telle information.
Nous, on se bat, et c'est les citations que vous avez reprises, pour que les décisions soient prises sur une base scientifique, ouverte et indépendante. La France est intraitable sur ce sujet, et j'ai toujours été très clair, et les Européens sont intraitables sur ce sujet. C'est-à-dire, au fond, il faut qu'il y ait déjà une science qui puisse dire de manière totalement indépendante, académique, avec des gens qui ont la légitimité pour cela, c'est-à-dire qui se sont formés, qui ont lu des livres, fait des études, des recherches, qui sont reconnus par leur pairs, avec, là aussi, des certitudes, des incertitudes, des remises en cause. C'est le propre même de la science. Mais la science doit pouvoir être ouverte académiquement libre et pouvoir s'exprimer. Ça, c'est la base de tout. Et dans une société démocratique ouverte, c'est ce qu'il faut préserver.
En France, il y a la liberté académique. La liberté, c’est le président de la République ne dit pas, on n'a pas le droit de rechercher sur telle chose, ou cette recherche est bonne et cette recherche n'est pas bonne. Et ça, c'est le premier point que vous avez cité, et je veux ici le redire, parce qu'on se bat pour ça, et nous, Européens, on se bat pour ça. Au moment où on se parle, aux États-Unis d'Amérique, vous avez un Gouvernement qui dit : « rechercher sur, par exemple, la diversité, toutes ces formes, ça n'est pas bon, on coupe les mots. Rechercher sur le climat, ça n'est pas bon et c'est interdit ». Et ils ont coupé tous les financements. Et ils ont sorti ces mots-mêmes. Et il y a eu une pression sur les universités et les organismes de recherche. Donc ça, c'est la summa divisio. Et nous, on se bat pour ça on est aux avant-postes. J'ai tenu à la Sorbonne, il y a quelques mois, un sommet où j'ai invité les autres Européens en disant : on doit se battre pour cette science libre et indépendante. Et ça, on s'est toujours battus.
Une fois qu'on a cette science libre et indépendante, ensuite, il y a l'action publique qui se construit dessus. C'est pour ça que vous n'avez pas été précis dans votre interpellation, parce que vous avez donné le sentiment que j'étais ambigu par rapport à cette défense. Non. Non ! Mais en vrai, on prend tous les jours des décisions. Est-ce que, pour autant, un politique peut prendre toutes les décisions que les scientifiques demandent ? En réalité, non, parce que c'est ça, gouverner. C'est que vous êtes obligés de prendre des décisions et des arbitrages entre des contraintes multiples. C'est-à-dire que vous avez des scientifiques qui vont vous dire : « il faut aller vers zéro, par exemple, intrant au produit phytosanitaire ». Et puis, à côté de ça, vous avez d'autres scientifiques, à juste titre, qui vous disent : « il faut préserver la souveraineté alimentaire du pays ». Et si vous faites zéro phytosanitaire, vous allez complètement désarticuler votre agriculture et la perdre.
Donc, vous prenez des décisions qui ne satisfont jamais totalement tout le monde, mais qui sont des chemins. Et donc, les scientifiques, ils sont dans leur rôle. Et ce que vous avez dit, pour moi, est la parfaite illustration de ce qu'on fait, qui est la force des démocraties. Je défends la science libre et ouverte. Elle éclaire les décisions du Gouvernement. Le Gouvernement prend chaque jour des décisions qui prennent en compte ça, mais d'autres contraintes de notre vie : la vie industrielle, la vie agricole, d'autres intérêts qui sont parfois alimentaires. Parce que si j'allais au bout de ces demandes parfois d'aller vers zéro phytosanitaire, qu'est-ce qu'on fait ? On peut, ce qui est arrivé dans certaines filières, totalement supprimer la filière et importer des produits qui viennent de l'étranger parce qu'on n'en produit plus chez nous, qui, eux, ne respectent plus ces règles. C'est plus compliqué qu'on y croirait.
On est obligé de trouver des solutions qui sont le mieux possible. Et après, on met en place des organes indépendants qui peuvent dire : « vous avez fait une part de chemin, mais elle n'est pas suffisante, vous n'avez pas été bon là, avec notre critère ». Puis après, vous allez traverser la rue, comme dirait l'autre, puis vous vous regardez de l'autre côté de la rue celui qui n'était pas d'accord du tout, il dit : « moi, je ne suis pas non plus tout à fait d'accord avec ce que vous avez fait, parce qu'avec mes critères, vous m'avez empêché de produire 100, je ne produis plus que 70 ou 80 parce que vous m'avez mis des règles ». Mais c'est le chemin qu'on fait. Mais je veux faire ce distinguo entre les décisions qu'on prend qui sont fondées sur la science, mais qui peuvent ne pas suivre à 100 % la science parce qu'on doit faire constamment des compromis dans l'organisation de la vie de la cité, et le fait de contester une science libre. La France, elle défend de manière inattaquable la liberté académique ouverte et même la possibilité d'être critiquée dans son action par la science.
Maintenant, permettez-moi toutefois de vous dire que depuis 9 ans que je suis Président de la République, la France n'est plus dans l'inaction climatique. Vous avez utilisé ce mot qui a été un mot pour lequel la France a été condamnée par un jugement qui a porté sur la période 2015-2018. Vous reconnaîtrez que j'ai été élu en mai 2017. Et donc, elle n'a pas porté sur mon action. Quand j'ai été élu, on réduisait d'1 % nos émissions de CO2 par an. Le premier quinquennat, on est passé à 2 %, on est revenu, on a doublé. Les 3 premières années de ce deuxième quinquennat, on est passé à plus de 4,5 %. Nous sommes revenus dans notre trajectoire pour ce qui nous concerne, et il a été acté, y compris... Il y a des tas de choses qu'on doit faire mieux, et je me bats encore, et on va sortir dans quelques jours de la stratégie nationale bas carbone. Néanmoins, on ne peut pas nous dire qu'on est dans une action. Sinon, plus rien n'a de sens. Parce que sinon, des exécutifs comme le nôtre, qui, depuis des années, se battent pour améliorer les choses, en faisant porter parfois beaucoup de contraintes sur nos industriels pour qu'ils décarbonent leur production. Ici, vous avez le groupe Roullier, dans cette ville, qui a dépensé des millions d'euros sous la pression collective pour décarboner sa production. Vous avez des agriculteurs. Demandez-leur si on ne leur a pas demandé des efforts ces dernières années. Ils ont mené une vraie révolution pour baisser leurs émissions. Alors ce n'est pas encore assez. Mais ne dites pas qu'on n'a rien fait, sinon vous allez décourager tout le monde. Et surtout parce que là, factuellement, ça n'est pas vrai.
Intervenant
Je lis via, bien sûr, mon abonnement Ouest-France sur la COP26, également via d'autres réseaux, mais je ne m'instruis pas des réseaux sociaux. J'ai suivi votre conseil. Donc, elle s'est tenue dans un contexte marqué par l'urgence climatique, souligné par les projections très sombres du programme des Nations unies pour l'environnement. Vous y étiez. Comment engager un sursaut démocratique capable d'accélérer la transition climatique et tout ceci à l'épreuve des réseaux sociaux ?
Emmanuel MACRON
Vaste programme. D'abord, les réseaux sociaux, ça a été très bien dit par Monsieur juste avant, ils diffusent aussi beaucoup de vérités scientifiques. La difficulté qu'on a, vous l'avez dit dans votre cadrage, c'est qu'on a environ un tiers des contenus, c'est variable selon les réseaux, mais qui diffusent des fausses informations climatiques et on a une montée, Monsieur évoquait tout à l'heure le réseau X, on voit bien qu'on a de manière délibérée l'algorithme qui pousse des contenus climato-sceptiques. Donc, il y a un affaiblissement dans certaines sociétés, en tout cas, il y a une démarche organisée par certains parce qu'ils ont aussi des connexions idéologiques qui est un peu de saper cette confiance.
Maintenant, si on est honnête, c'est aussi beaucoup de gouvernements qui ne s'engagent pas assez. Je ne dis pas, nous, qu'on est parfait, je défendais mes résultats à l'instant, mais on peut toujours faire plus, il faut toujours faire plus. On a simplement des problèmes de conflits d'usage, de difficultés à avancer sur certains sujets, mais il faut sans relâche relancer parce que je crois pouvoir vous dire, en tout cas de là où je me trouve et pour avoir reçu la semaine dernière les scientifiques du GIEC, vous savez, le GIEC, c'est le groupe d'experts qui a été rassemblé par les Nations unies, c'est des experts du climat du monde entier. Donc, il y a plus de 600 experts qui sont les plus reconnus qui se réunissent dans le GIEC et c'est lui qui, en quelque sorte, nous a donné les bases. L'accord de Paris qui a été signé, ce sera 10 ans vendredi, l'a été sur la base des rapports du GIEC. Et donc, la meilleure manière de ne pas tomber justement dans l'inaction climatique et de répondre à cette urgence, c'est de continuer de s'appuyer sur la science.
Et que nous dit la science ? Que disent les scientifiques du GIEC ? 1) les Accords de Paris ont permis de faire bouger les choses, c'est-à-dire là où la trajectoire, il y a 10 ans, elle était partie vers les 4 degrés, on n'en est pas là. 2) on s'était dit, on doit aller vers 1,5, malheureusement, on va les dépasser. Et c'est sans doute dans les années à venir qu'on va les toucher. Donc ça veut dire qu'il y a eu un effort, il y a eu une prise de conscience, il y a beaucoup de choses qui ont été faites, mais ça ne va pas assez vite. 3) Ils nous disent, il va y avoir des dérèglements, et donc il faut concentrer l'action.
Maintenant, je pourrais ici faire un débat de plusieurs heures, mais pour essayer de vous dire quelle est l'action possible et où est la priorité d'action pour nous, c'est accélérer la sortie du charbon pour tous les qui la mènent. Donc, on a des États très importants : la Chine, l'Inde, le Vietnam, l'Indonésie. Plus vite, ils vont alors… parce qu'ils continuent à monter en charbon en fait – c'est plus vite, ils atteignent leur pic de charbon et ils commencent à baisser, plus vite on aura des résultats concrets sur les émissions. Donc priorité numéro un, sortir du charbon. Et donc les conduire à aller vers les uns le gaz, mais au maximum le renouvelable ou le nucléaire, qui sont des énergies décarbonées, comme vous le savez, et réduire les besoins. Mais 1) c'est la sortie du charbon. 2) Le méthane, qui est vraiment une des émissions les plus agressives. Il se trouve qu'il y a beaucoup de fuites de méthane lorsque l'on prélève des hydrocarbures. C'est d'avoir une action renforcée sur ce point-là. Et 3) d'accompagner les pays clés, qui sont souvent des grands émergents, pour les aider à financer leur transition énergétique.
Et puis après, que tous les pays les plus riches, dont les nôtres, suivent leur chemin. Et donc là, on voit bien, au sein de l'Europe, on a une hésitation, il y en a beaucoup qui se disent, bon, c'est déjà assez dur, on va lever le pied, on va faire moins d'efforts. On voit bien que dans nos débats, on a ces conflits, ce qui était décrit tout à l'heure des débats publics est tout à fait vrai. Donc on doit continuer de s'appuyer sur la science pour dire, on a fait déjà des choses, mais il faut continuer et pas baisser le pavillon, pas baisser l'effort.
Dernier point, c'est qu'on a quand même appris ces dernières années que le combat pour justement le climat était inséparable de celui pour la biodiversité. Et donc océans et forêts qui sont des combats jumeaux. Pourquoi ? Parce que ce sont des puits de carbone. C'est des puits de carbone qui sont malheureusement de moins en moins efficaces pour nos forêts parce que le dérèglement climatique commence à les toucher. Donc voilà. 1) Défendre la science libre. 1) Lutter contre la désinformation sur les réseaux sociaux quand elle pousse des contenus climato-sceptiques. 3) essayer d'expliquer qu'on a un plan d'actions concrètes, que certes, ce n'est pas parfait, mais enfin, qui nous permet de faire des progrès et que déjà les 10 ans écoulés nous ont permis d'en faire des premiers, même s'ils ne sont pas suffisants.
Intervenant
Bienvenue à Saint-Malo. Monsieur le Président, je vais aller un peu dans le sens de la première question. J'aimerais attirer votre attention sur la sauvegarde des milieux naturels qui me paraissent trop souvent sacrifiés. Que ferons-nous lorsque notre PIB progressera de 3, 4 ou 5 %, mais que l'air ambiant sera chargé de PFAS, que nos océans seront plus riches en microplastiques qu'en faune marine, tandis que l'eau douce ne sera plus potable ? C'est déjà en partie le cas et de façon irréversible. Les réseaux sociaux sont le vecteur du complotisme et certains outre-Atlantique, déjà cités, prétendent même que le changement climatique est la plus grande arnaque du monde. Qu'en pensez-vous ? On revient, désolé, ça fait un peu doublon avec la précédente question.
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. Non, mais ça me permet de revenir peut-être sur ce sujet, plus large que les simples émissions de CO2, et revenir là-dessus. D'abord, vous l'avez dit, il y a une idéologie qui combat ce que j'ai appelé une internationale réactionnaire, qui en fait combat un peu, enfin combat même résolument, la science libre et ouverte, qui combat l'apport de cette science en matière de santé, le vaccin, et tout ce qui a permis quand même d'améliorer la santé publique ces dernières décennies, et qui combat en effet le climat. Pourquoi ? Parce qu'il contrarie des intérêts financiers et économiques, soyons honnêtes. Et parce que vous êtes un pays où il y a beaucoup d'intérêts dans la production d'hydrocarbures, et quand même les États-Unis, c'est le grand changement que beaucoup n'ont pas vu ces 15 dernières années. Les États-Unis, qui dépendaient du pétrole et du gaz qui venaient du Proche et Moyen-Orient, est devenu un grand pays producteur avec la technique dite du fracking. Et donc ils défendent leurs intérêts. On peut défendre ses intérêts. Simplement, on ne peut pas défendre ses intérêts en disant des mensonges aux gens.
Et donc c'est là où on est en désaccord profond et qu'il faut se battre pour préserver la parole des scientifiques. Sur la biodiversité et les sujets du plastique, puisque vous les avez cités, je veux répondre au fond. D'abord, la France, elle a une histoire en la matière. On est un des premiers pays qui a créé le Conservatoire du littoral, qui fait un travail remarquable, dont c'est l'anniversaire d'ailleurs cette année. Les parcs naturels, qui ont été une innovation française, on a protégé notre espace en France bien avant les autres. Et on a été aux avant-postes, c'est l'initiative qu'on a prise avec le Costa Rica et quelques autres il y a quelques années, avant la COP biodiversité qui a été entre Kunming et Montréal, pour avoir 30 % de nos aires marines et terrestres qui soient protégées, et qui a été vraiment un combat. On a réussi à l'imposer dans cette COP biodiversité, et la France, elle le met en place pour elle-même, protection et super protection. On a encore annoncé au sommet de Nice cette protection. Et puis, on a réussi à compléter tout ça à Nice, lors du sommet des Nations unies sur les océans, où là, on a enfin réussi à faire ratifier quelque chose qu'on attendait depuis des décennies, c'est un traité qui va réguler la haute mer. Parce que figurez-vous que les deux tiers de nos espaces maritimes dans le monde, les deux tiers, c'était le Far West, il n'y avait aucune régulation. Et donc même quand on protégeait les nôtres, c'était un petit peu ridicule, on ne protégeait pas le Grand Large. Maintenant, on a un cadre juridique pour le faire.
Où est-ce qu'on a encore beaucoup de boulot à faire ? Le sujet des PFAS, qui est fondamental et qui est un sujet aussi de santé publique, vous l'avez évoqué, mais qui est en fait plus large que tout ce qu'on se dit, et la question du plastique, je vais y revenir. La France, grâce à l'action collective, vraiment des associations, des collectivités locales, nous tous, elle a été aux avant-postes pour commencer à sortir du plastique à usage unique. On a été un des premiers pays au monde, si ce n'est le premier, à imposer que dans les fast-foods on n'ait plus le plastique jetable, à imposer. Qu'est-ce que je n'ai pas entendu à l'époque ? Enfin, on l'a fait. Et on a commencé à sortir de ce plastique à usage unique. On a commencé à aller vers le recyclage. Moi, je crois beaucoup à aller aussi, avec les collectivités locales et réussir à sortir, à améliorer les choses. Maintenant, on doit se battre pour un cadre, qui est le traité plastique, qui a échoué l'été dernier. Et là, on l'a relancé justement avec quelques discussions. Pour moi, la priorité de l'année qui vient, c'est qu'on se donne un cadre pour, en effet, engager les pays clés sur la lutte contre le plastique comme on l'a fait, le faire au moins à l'échelle de la Méditerranée si on n'arrivait pas à avoir un traité international. Et donc on a, là aussi, progressé ces dernières années, pas assez encore, il faut relancer le combat. Mais la France, elle est aux avant-postes de la protection, et ça, depuis des décennies, de son espace. Maintenant, on doit continuer, plastique, PFAS, particules, pour véritablement que la qualité de l'air, la qualité de notre eau et la préservation de la biodiversité et de nos espaces continuent de s'améliorer.
Intervenant
Bonjour, Monsieur le Président. Dans les acteurs du réchauffement climatique, on a toujours tendance à citer les centrales à charbon, la voiture, l'avion, les usines et aussi les serveurs qui servent justement à collecter, à stocker les milliards d'informations qui circulent tous les jours. Autant sur le charbon, vous l'avez cité, les voitures, etc, on essaie d'engager des actions pour corriger le tir et autant sur les serveurs j'ai l'impression qu'on part sur une fuite en avant qui va être encore augmentée avec l'intelligence artificielle. Quelle pourrait être la solution sur ce sujet puisque de plus en plus on stocke et on fait circuler de l'information. Est-ce qu'on pourrait peut-être aussi au niveau européen, par défaut, toutes les informations qui circulent, les imposer comme éphémère sur un jour, sur une semaine, et qu'elles disparaissent d'elles-mêmes ? Ce qui éviterait de les propager, de les repropager, de les recollecter quelques temps plus tard.
Sur tous les sujets, que ce soit les mails sur WhatsApp, sur Facebook. Pourquoi pas, par défaut, avoir des informations éphémères qui partent d'elles-mêmes ? Et si vraiment on veut sauvegarder quelque chose qui est très intéressant, on fait l'action de sauvegarder. Alors qu'aujourd'hui, c'est par défaut, ça reste ad vitam æternam, ça prend de la place et les serveurs ne font que se saturer eux-mêmes.
Emmanuel MACRON
Merci. Alors peut-être pour la clarté des débats, puis pour les plus jeunes, essayer d'expliquer comment ça se passe. En fait, on consomme de l'énergie tout le temps pour se chauffer, pour se déplacer, et en effet, on consomme pour les services numériques, parce que vous consommez quand vous faites des actes, c'est-à-dire à chaque fois que vous regardez une vidéo, que vous envoyez un mail, que vous cliquez, que vous envoyez un message sur X, et puis on en consomme aussi pour l'intelligence artificielle et ces grands calculateurs. Je vais y revenir.
Donc tout ça, ce sont nos usages d'énergie. Alors si on veut réussir la bataille contre le dérèglement climatique, on doit faire plusieurs choses et c'est la stratégie qu'on a définie, qui est basée totalement sur la science, qui est le fruit d'un rapport de l'Agence internationale de l'énergie et de notre régulateur qui s'appelle RTE, notre agent de réseau, en fonction de nos besoins et autres. 1) on doit réduire, faire de l'économie d'énergie partout où on peut, l'effacement, c'est-à-dire mettre des capteurs, avoir des appartements intelligents ou des maisons intelligentes, réussir à faire de l'effacement énergétique. La meilleure énergie, la moins coûteuse, c'est celle qu'on n'utilise pas. C'est un peu votre idée. Je vais revenir là-dessus. 2) c'est d'électrifier nos pratiques. C'est-à-dire dès qu'on consomme de l'énergie, plus on va vers l'électrique, plus on réduit l'utilisation d'énergies qui sont en fait beaucoup plus polluantes que notre électricité. Et 3) c'est d'améliorer ce qu'on appelle le mix électrique énergétique, c'est-à-dire comment on fait l'électricité, à base de quoi ? On a une chance en France, c'est le nucléaire, ce qui fait que quand on utilise 100 d'électricité, 75 viennent du nucléaire, et le reste du renouvelable, etc, et très marginalement du thermique. Et on va finir en 27 de fermer complètement nos centrales thermiques. Donc on a un mix qui est très décarboné en France. Et ça, c'est une chance.
Donc nous, qu'est-ce qu'on va continuer de faire ? D'essayer de moins consommer d'énergie partout où on le peut en étant intelligents, d'électrifier nos pratiques, c'est tout ce qu'on fait, les transports urbains, on va être de plus en plus vers les transports collectifs, mais aussi vers l'électrification de ces derniers pour vous passer du fossile, et puis c'est continuer à baisser le thermique pour avoir une électricité qui est produite avec 100 % nucléaire et renouvelable. C'est ça, la bonne stratégie. Donc c'est celle qu'on va continuer à faire. Dans ce contexte-là, on a un problème de souveraineté numérique qui a été bien pointé tout à l'heure.
En vrai, aujourd'hui, notre problème à nous, c'est qu'on n'a pas assez de serveurs et de calculateurs sur notre territoire, et donc nos capacités de calcul, nous, Européens, on les a déléguées aux Américains et à d'autres. Ce n'est pas super non plus. Et avoir vos données qui sont retenues à l'autre bout des États-Unis ou ailleurs, ce n'est pas super rassurant, je vous le dis comme je le pense, parce qu'à un moment donné, s'ils décident de changer les règles ou s'ils disent : tiens, vos données en santé qui sont stockées à l'autre bout du monde, je vais décider de les vendre à un prestataire de service ou à un assureur, je ne suis pas sûr que je pourrais totalement le bloquer. Donc, notre souveraineté numérique, elle exige d'avoir plus de capacité de calcul et de stockage chez nous. Donc ça, c'est une mauvaise idée d'aller en arrière. Maintenant, comment on doit faire ?
On doit réussir à avoir des pratiques plus frugales sur le plan de l'utilisation du numérique. Et donc, vous avez raison. D'abord, nous tous, comme citoyens, là, il faut se dire, à chaque fois qu'on est sur les réseaux sociaux, qu'on clique, qu'on envoie un message, un mail, ça a un coût énergétique. 2) Avoir des bonnes pratiques, et ça, c'est plutôt les prestataires et dans les contrats, de limiter le stockage exigé. Et certains prestataires vont d'ailleurs dans le sens de ce que vous dites, et on a de l'innovation qui permet de faire ce que vous dites et qui a commencé à être mis en œuvre. Et 3) Il faut aller vers des modèles plus frugaux d'intelligence artificielle. Et c'est d'ailleurs la force de Mistral que j'évoquais tout à l'heure par rapport à d'autres. C’est que Mistral, c'est un modèle, pour le dire de manière simple, qui, pour obtenir le même résultat, fait un peu moins de calculs que les autres parce qu'il essaie de mieux cibler. Et donc, il est moins gourmand en capacité de calcul pour obtenir un même résultat qu'un de ses compétiteurs américains. Parce qu'il était, comme on est parti un peu plus tard, on essaie d'être plus malin.
Cette frugalité de l'intelligence artificielle, il faut la valoriser. Et on doit la valoriser comme citoyen parce qu'on peut faire la transition climatique en faisant la transition technologique et numérique. Il faut juste, c'est comme partout, essayer de trouver le bon équilibre. Donc, je pense qu'il ne faut pas réduire nos capacités de stockage et nos capacités de service parce qu'on en a besoin pour notre souveraineté, mais il faut, par l'innovation, réduire le stockage inutile, réduire les stockages de données totalement inutiles, vous avez raison, favoriser les pratiques éphémères quand elles sont acceptées, agrées, et qu'on a la bonne technique d'innovation, et avoir des modèles plus frugaux. C'est ce sur quoi on avance.
Animateur
Troisième thématique, alors ça, c'est une thématique relativement importante. Et notamment, il y a beaucoup de jeunes qui sont tout ouïs, qui vont vous écouter puisqu'on va parler des réseaux sociaux et de l'impact sur notre jeunesse. Alors, pour planter le décor, je vais demander à Camille Da Silva. Elle est journaliste, elle est responsable du Dimanche Ouest-France et puis elle est membre du réseau Éducation au Média. Camille, on t'écoute et ensuite, on donne la parole aux lecteurs.
Camille DA SILVA
Comment parler de l'un sans évoquer l'autre ? Ils ont presque grandi ensemble. D'un côté, TikTok, Instagram, X, toutes ces applications qui composent nos réseaux sociaux. De l'autre, il y a les jeunes, une population trop vaste, trop hétéroclite pour être contenue en un seul terme. Mais accordons-nous au moins sur le fait que ces jeunes sont pour partie mineurs, qu'ils sont donc les citoyens de demain, ce qui en fait un public sensible, car en construction. En préparant ce texte, en repensant à tous ces jeunes que je peux rencontrer dans le cadre de mon travail et qui ont de plus en plus tôt des téléphones entre les mains, il m'est venu une image, celle d'un adolescent qu'on aurait installé à bord d'une Formule 1 alors même qu'il n'a jamais conduit. Parce que c'est ça, le numérique aujourd'hui : de la vitesse, une autoroute de possibilités, mais aussi le risque d'un crash si on perd le contrôle.
Alors, en vous disant ça, loin de moi l'idée de simplement pointer du doigt les réseaux sociaux. Je suis d'ailleurs la première à les utiliser, comme vous, Monsieur le Président. Je sais qu'ils peuvent être formidables, créer du lien, réussir là où nous avons longtemps échoué. Je pense par exemple au mouvement #MeToo, né d'une libération de la parole derrière les écrans, qui a finalement réussi à faire évoluer la loi en faveur des femmes.
Les réseaux sociaux ont en cela l'incroyable pouvoir de transformer le réel. Mais comme bien d'autres pouvoirs, il attise les intérêts. Il y avait une utopie au fondement d'Internet, celle d'une grande bibliothèque de savoirs gérée par les gens, pour les gens, loin de la rigidité des institutions. Mais qu'en est-il à l'heure du capitalisme, avec ces géants qui monétisent le temps de cerveau disponible des plus vulnérables, armés d'algorithmes addictifs, avec ces jeunes qui, sans même s'en rendre compte, sont devenus des produits, parfois même au détriment de leur santé, avec ces plateformes où la raison se fait éclipser par l'émotion, où la violence, la radicalité ou encore la désinformation sont légion, car génératrices de toujours plus de clics ? Est-ce cela que l'on espère pour des citoyens en devenir ? Est-ce cela que l'on veut pour la société de demain ?
Face à ces réflexions, Monsieur le Président, vous avez récemment annoncé l'interdiction des téléphones au collège. Certains vont plus loin, comme l'Australie, en interdisant les réseaux sociaux aux moins de 16 ans. Mais n'y a-t-il pas d'autre voie ? Qu'en est-il de l'éducation aux réseaux sociaux ? Quelle politique publique pour favoriser une information vérifiée et développer l'esprit critique ? Car il existe des remparts, ils sont déjà là, j’en vois au moins trois : la famille, l'école, les médias.
Mais tous sont bien désemparés, car laissés seuls face à des outils qui les dépassent, des règles du jeu établies sans eux et des financements qui ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Nos lecteurs vont maintenant pouvoir vous adresser leurs questions quant aux jeunes et aux réseaux sociaux, Monsieur le Président.
J'espère, pour ma part, que nous répondrons à celles-ci : Va-t-on enfin venir en aide à cet adolescent qu'on a installé à bord d'une Formule 1 et qui a déjà enclenché le contact ? Va-t-on lui donner les outils et l'équipement nécessaires pour remporter cette course qui semblait pourtant perdue d'avance ? Je vous remercie.
Animateur
Monsieur le Président, on va vous laisser la parole dans un instant. Vous allez évidemment pouvoir réagir aux nombreuses remarques qui ont été faites. Mais avant cela, pour ouvrir cette séquence, je voulais que l'on écoute le témoignage d'une mère de famille qui s'appelle Emmanuelle Pouédras. Alors Emmanuelle, où est-ce que vous êtes ? Voilà, on va vous donner un micro. Il nous a semblé, évidemment, particulièrement important d'écouter ce témoignage, car il ouvre parfaitement le danger des réseaux sociaux sur notre jeunesse. Emmanuelle, on vous écoute.
Emmanuelle POUÉDRAS
Je vais essayer. Déjà, je commence par : Merci, Ouest-France, de m'avoir invitée. J'ai reçu l'invitation hier à 16h. J'ai traversé la Bretagne et je suis là. Il y a beaucoup de jeunes, c'est super. Je suis, en effet, Emmanuelle, j'habite à Lorient. Et Monsieur le Président, vous le savez, mon fils de 15 ans s'est donné la mort. Il a sauté d'un pont de 14 mètres la semaine de la rentrée scolaire, en 2024. L’enquête enfin, une enquête, je ne sais pas, puisqu'il n'y a eu aucune réquisition sur son téléphone. On nous a rendu le téléphone en nous disant : désolé, il est verrouillé, on ne peut rien faire.
Mais comme je suis une maman, comme je me suis battue pour faire famille, comme peut-être beaucoup d'entre vous et peut-être d'autres demain, j'ai dit : je ne peux pas rester comme ça. Et donc, j'ai mené mon enquête, pas à travers son téléphone, mais à travers d'autres éléments. Et j'ai découvert l'impensable.
Mon fils, il était cyberharcelé par des camarades de classe qui, la journée, tout se passait bien. Et puis, dans leur chambre, ils l'insultaient, le traitaient de « grosse merde », ont lancé des sondages pour connaître ses orientations sexuelles. Ils l'ont insulté en le traitant de « Gabriel Attal ». Et quand j'ai découvert tout ça, ça se voit peut-être encore un peu, ça a provoqué une paralysie faciale sous le choc. Et puis, par hasard, au détour d'un mail, de sa boîte mail, qu'est-ce que je découvre ? Alors qu'on l'avait interdit, qu'on avait dit parce que je suis avertie sur le sujet, les réseaux sociaux, ce n'était pas OK chez nous, on en parle avant. Et là, je découvre qu'il a TikTok. Et là, j'ouvre le fil TikTok. Parce qu'évidemment, ni TikTok, ni Instagram, ni tous les autres, pendant 6 mois que j'ai mené l'enquête, n'ont répondu positivement à ma requête.
Grâce aux médias, merci les médias, je porte mon combat. On a porté plainte. Première enquête, il n'y en a pas eu. On a porté plainte. Aujourd'hui, je n'ai pas un récépissé du parquet me disant : on a reçu votre plainte. C'est important de poser tout le contexte, parce que j'entends, je vous suis, je suis la ministre, évidemment, je sais qu'il y a des choses qui se préparent, mais là, maintenant, concrètement, qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce qu'on fait pour ces milliers de dossiers de cyberharcèlement qui sont bloqués au parquet, à droite, à gauche ? Qu'est-ce qu'on fait pour ces familles qui ont besoin d'aide ? Le 3018, ils le connaissent. Comment c'est possible qu'on me demande, à moi, en train de faire le deuil, comment c'est possible qu'à moi, je sois obligée de mener l'enquête ? Comment on peut enquêter sur le décès d'un enfant de 15 ans sans faire de réquisition sur son téléphone ? Moi, je vous le demande, Monsieur le Président, qu'est-ce que vous allez faire pour que tous ces dossiers s'arrêtent et que, enfin, ils soient traités.
La question de l'âge, 15 ans, pas 15 ans, moi, je ne sais pas. Les médias me posent la question. À 20 ans, on peut être immature et être en danger et être fragile. À 14 ans, on peut avoir clairement la capacité critique de dire : ça, c'est du réseau social, je ne vais pas y aller ou je ne vais pas croire. Mon fils pensait se divertir sur les réseaux sociaux. L'État n'a rien fait. Ça fait 10 ans, je ne sais plus exactement, qu'on a les réseaux sociaux. L'État n'a pas protégé toute une génération.
Je vous ai écrit pour vous rencontrer, parce que j'ai plein de choses à dire, je viens du marketing. Donc, j'ai quitté le marketing pour ce que vous aviez expliqué, des dérives, je ne pouvais pas être maman et travailler au marketing. Moi, j'ai besoin de vous rencontrer. Mon fils de 18 ans qui va voter dans 3 mois, il a besoin de comprendre que l'État l'entend. Donc, qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce que vous allez imposer comme mesure immédiate vis-à-vis des parquets, vis-à-vis des plateformes, pour qu'enfin, elles accompagnent les familles endeuillées ? Et puis, pour que vous vous souveniez quand même de nous, je vous dépose une photo de Clément avec nos coordonnées.
Emmanuel MACRON
Oui. Merci d'abord d'avoir eu le courage de faire ce témoignage parce que vous avez parlé pour malheureusement beaucoup de familles et de mamans qui ont vécu ce drame. Donc, merci à vous. On se parlera après et je ne veux pas ici, dans le public et autre, parler d'une enquête particulière et d'une instruction telle que vous l'avez décrite. En tout cas, il semble qu'il y ait des éléments aberrants, et donc, on va regarder avec vous l'ensemble des services de l'État qui sont impliqués pour qu'en effet, les choses puissent être clarifiées et que vous ayez, évidemment, la réponse à tout cela.
Donc ça, vous avez mon engagement et on va se voir juste après. Ensuite, on a une justice, indépendamment de votre cas, si je puis dire, mais qui est très mobilisée sur ce sujet. On a maintenant qualifié pénalement le cyberharcèlement, enfin, la loi ces dernières années, si je puis dire, malheureusement, parce que c'était un peu un continent caché. Il y a 10 ans, ça existait, le harcèlement, on n'en parlait pas.
On a, ces dernières années, pris ce sujet parce qu'il est aussi sorti. Il est aussi sorti, d'ailleurs, pour partie, grâce aux réseaux sociaux. Vous avez évoqué, Madame, tout à l'heure, l'égalité femmes-hommes qui a été relayée par les réseaux sociaux. C'est vrai aussi pour le harcèlement. C'est d'ailleurs ce qui fait que, depuis le début de notre débat, il ne faut pas qu'on soit manichéen quand on parle des réseaux sociaux. Il y a le meilleur et le pire. Mais le harcèlement, c'est un continent qui était caché, qui s'est révélé. Face à ça, on s'est mobilisés.
D'abord, on a formé les programmes pHARe, les enseignants, maintenant, il y a dans nos collèges, dans nos lycées, dans nos écoles, on a des enseignants, on a une communauté pédagogique qui est beaucoup plus formée, qui est vigilante. On doit maintenant améliorer le dialogue avec les parents, parce que c'est dans chaque détail qu'il faut traquer les choses.
On forme aussi nos jeunes, je parle sous le contrôle de Madame la rectrice, mais qui doivent justement faire partie de cette communauté de vigilance, au fond, pour ne pas laisser les autres dans ce comportement du pire, qui est d'aller insulter un élève. Et il y a le fameux 3018 que vous avez évoqué, qu'on a maintenant généralisé, qui permet de lutter contre le harcèlement et le cyberharcèlement. Parce que ce à quoi on assiste souvent, il semble que c'est différent pour votre fils, mais c'est que c'est le harcèlement à l'école qui continue par les réseaux, par les boucles WhatsApp… C'est souvent ça. Et donc, apparemment, lui, c'était le cyberharcèlement constant, mais ce n'était pas le cas physique.
Mais donc, on a créé les instruments pour essayer de faire ça. Maintenant, qu'est-ce que derrière, on doit faire ? C'est mettre en œuvre les textes qu'on a aussi votés, parce que sur ce sujet, on a voté les textes. Un enfant qui harcèle, c'est lui qu’on écarte de l'école, ce n'est plus l'enfant qui est harcelé qui doit partir. On a créé une responsabilité de l'enfant et des parents qui harcèlent, et on a créé aussi une responsabilité sur les plateformes, ce qui fait qu'aujourd'hui, par la loi française, un enfant qui harcèle, on peut l'interdire de réseaux sociaux et le chasser. Maintenant, là, il s'est passé quelque chose qu'il faut qu'on clarifie pour votre fils, mais tout ça pour vous dire qu'il y a beaucoup de choses qui ont bougé, mais c'est une vigilance de chaque instant, et c'est des cas individuels, et c'est à chaque fois des détresses terribles. Et cette lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement, on ne lâchera rien.
Et donc on va se voir après, je vous promets, pour ce qui est du combat pour votre fils et de votre combat pour vous et votre famille. Merci à vous. Moi, je voudrais répondre de manière très directe, au fond, à la question que vous avez posée en reprenant votre métaphore. Mon enfant, s'il est dans une Formule 1 et qu'il allume le contact, je n'ai pas envie qu'il gagne la course, j'ai juste envie qu'il descende de la voiture. Je vais être très cash avec vous, j'ai juste envie qu'il descende de la voiture. Je veux d'abord lui apprendre le code, être sûr que la voiture fonctionne, lui apprendre à conduire sur une autre voiture, et puis après, quand il sera en âge et qu'il a compris comment ça marche, pouvoir accéder. Mais je ne vais pas lui permettre de réussir la course. Donc, vous avez compris dans quelle direction on va. Au fond, qu'est-ce qui s'est passé depuis 10 ans ? Et je dis, tous les pays du monde qui ont les réseaux sociaux ont été confrontés à la même chose.
Nous, adultes, on a été dans la même chose, on a tous pratiqué les réseaux sociaux. Vous l'avez dit, vous comme journaliste, moi comme Président, vous comme candidat, vous le faites tous comme citoyen. Et puis, c'est une innovation technologique, on a vu tout ça, c'est une opportunité. Au fond, on est devenu une société, il faut dire aussi les choses, où il y a eu cette pression croissante : d'abord, d'occuper nos enfants, parce que ça commence là. Ça commence avec les écrans avant les réseaux sociaux. Prenez un train, un enfant fait du bruit, tous les regards se portent vers les parents, il n'y a pas besoin de parler pour supplier les parents de lui donner très vite un écran pour qu'il arrête de faire du bruit. En fait, on sait maintenant que c'est mauvais. La première chose, je prends dans l'ordre, on sait aujourd'hui parce que ça a été scientifiquement établi, il y a une commission qui nous a rendu le travail il y a un an, les écrans avant 3 ans, c'est une catastrophe. C'est une catastrophe pour le développement affectif, cognitif, donc il ne faut pas mettre un écran. Il faut au maximum le limiter avant l'âge de 6 ans, même si c'est pour occuper.
On doit réapprendre à vivre avec nos enfants dans la société, à ce qu'ils fassent du bruit : c'est nous qui devons nous adapter. C'est comme ça. Et aux parents, de bien les élever. Ça ne peut pas être l'écran diversion en permanence, il faut le limiter au maximum avant 6 ans. L'écran, il faut être proportionné dans son utilisation dans les méthodes pédagogiques. Je dirais que la France, on était quand même plutôt prudent : on n'est jamais passé au tout-écran comme les scandinaves. Les scandinaves, qui l'avaient fait, sont en train de revenir en arrière. Ça, on le sait, c'est ce qu'on va appliquer, ce qu'on a commencé déjà à appliquer et que les messages aux familles soient super clairs sur ce qu'on sait, parce que c'est prouvé scientifiquement. Là, c'est la même manière. J'ai utilisé la même méthode, c'est-à-dire qu'on a pris des scientifiques pour bâtir un consensus. Jusqu'il y a quelques mois, il n'y avait pas de consensus absolu là-dessus. Il y avait d'ailleurs beaucoup de désaccords entre les spécialistes. Tout ça s'est consolidé.
Ensuite, il y a le téléphone. Vous l'avez évoqué. En fait, on a fait des expérimentations à partir de 2017 dans nos écoles et collèges, et on a, depuis cette rentrée, généralisé l'absence de portable au collège. C'est-à-dire, de la cloche à la cloche, si je puis dire, le portable, il est dans le cartable éteint ou il est dans un casier. Chacun à l'organisation qu’il veut, mais il n'y a plus de portable au collège. Notre volonté, avec le ministre de l'Éducation nationale, c'est de faire pareil au lycée à la rentrée prochaine. Pourquoi ? Parce qu'on sait que ça trouble terriblement l'attention, ça crée des désordres en classe, ça désociabilise pendant les cours de récré. Il n'y a que des mauvais effets, et ça ne permet pas aux enseignants de bien faire leur travail, aux élèves de se fréquenter entre eux comme il le faut, et ça trouble beaucoup de choses. Sur le portable, on va aller au bout de ce combat. Les premiers retours sont très bons, et les pays qui ont fait comme nous ont des très bons retours. Je vous assure, c'est une bonne chose pour vous. Même si c'est ça porte des contraintes, ça ne veut pas dire absence de portable, parce que je vois des protestations du regard, des publics qui sont intéressés à ça. Ça veut dire que quand vous êtes à l'école, au collège, au lycée, le portable est éteint et dans le cartable. Quand vous ressortez, vous pouvez rappeler les parents, etc.
Troisième étape, il y a la question des réseaux sociaux, votre fameuse Formule 1. Pour moi, il y a eu 2 étapes. 2015, c'est le moment où ça se diffuse très largement. Et, on laisse les choses se faire, tous. Il y a eu une accélération terrible en 2020 pendant la période Covid, où, pas simplement pour nos jeunes, mais pour nous tous, le temps d'écran moyen a beaucoup augmenté. Ce qui fait qu'aujourd'hui, le temps d'écran moyen pour un jeune, il est de 4h 20 par jour. Alors, vous en avez peut-être qui disent, ça sera zéro pour moi. Il y en a peut-être qui vont me dire « moi, je fais 2h par jour ». Moi, j'ai croisé dans des débats, des rencontres que j'ai faites avec des collégiens, des jeunes qui m'ont avoué qu'ils passaient 6 heures par jour sur un portable.
Vous avez raison sur l'école, les médias, la famille, votre triptyque. Je suis totalement d'accord. D'abord, ce n'est pas juste parce qu'il y a des jeunes qui ont une famille organisée qui sera là, qui sera vigilante, mais vous avez des familles qui sont moins bien équipées, vous avez des familles à qui on n'a donné aucun conseil, puis il y a des enfants qui vivent avec des mamans solos, et puis, il y a des enfants qui vivent dans des familles éclatées. Donc, si on délègue ça à la famille, ce n’est pas juste, parce qu'on renvoie ça à des modèles différents. Et puis, on n'a pas donné de règles du jeu à la famille. On n'a pas dit, c'est bon, ce n'est pas bon. L'école, elle fait son maximum : on a mis des cours d'éducation aux médias et autres. Mais qu'est-ce que vous voulez vous battre contre 4h 20 d'exposition par jour ? Vous pouvez dire, je vais rajouter déjà des programmes qui sont surchargés, une heure d'instruction civique ou d'instruction aux médias par semaine ou par quinzaine. Vous n'avez aucune chance de vous battre face à 4h 20 d'exposition en moyenne par jour. C'est beaucoup trop.
On voit bien qu'au fond, le premier truc qui a été trouvé, c'est la pédale d'accélérateur sur votre Formule 1. C’est très, très dur de réapprendre le code et tout ça. En fait, on sait maintenant mesurer les choses. C'est pour ça que beaucoup de scientifiques n'étaient pas d'accord jusqu'à récemment, parce qu'il n'y a pas d'éléments de causalité parfaitement mesurés scientifiquement. On a fait travailler des sociologues, des psychiatres, des spécialistes de cognitif. Maintenant, on a des corrélations qui sont super claires, qui ont été faites par la Commission Écran, qui ont été faites l'année dernière par Monsieur HAIDT, un scientifique que vous avez peut-être lu, « Génération anxieuse », ce livre qu'il a publié sur nos jeunes. Il a fait beaucoup de corrélations, des travaux qui ont été faits récemment encore avec PISA, par l’OCDE. Plus on augmente le temps d'écran, plus les performances éducatives chutent. C'est terrible. Plus on augmente le temps d'écran, plus les problèmes de santé mentale augmentent. Depuis 10 ans, on a vu, à mesure que se diffusaient les réseaux sociaux chez nos jeunes, une épidémie de mal-être, de problèmes de santé mentale, une épidémie de troubles du comportement en particulier chez les jeunes filles. Pourquoi ? Parce que les réseaux sociaux ont diffusé des standards qui créent une honte de son propre corps, des complexes.
On a aujourd'hui un énorme problème de la relation et de l'égalité femmes-hommes. Vous avez justement dit que les réseaux sociaux ont permis l'émergence et la diffusion de MeToo. Dans le même temps, les réseaux sociaux chez nos jeunes font que la plupart de nos jeunes accèdent à une image de la femme d'abord par des contenus pornographiques à travers les réseaux sociaux, donc une approche extrêmement dégradante de l'autre sexe. Vous avez, au fond, tout ce qu'on ne veut pas, à quoi on a sur-exposé nos enfants à travers les réseaux sociaux, et il est clair que toutes ces corrélations montrent que les réseaux sociaux n'ont pas permis le meilleur. Donc pour le bon développement affectif, humain, cognitif de nos enfants, on ne peut pas les laisser aux réseaux sociaux.
Et on n'arrive pas à réguler, surtout si on n'envoie pas un message clair aux familles. Si on ne prépare pas à, d'abord, donner des certitudes, puis avoir un esprit critique. C'est pour ça que le consensus est en train de se forger, l'Australie vient de le faire. Nous, ce qu'on veut faire, c'est à 15 ans ou 16 ans. C’est ça qu'on doit affiner, parce que c'est clairement l'âge où il y a une maturité affective, où le cerveau atteint un niveau de maturité. Avant cet âge-là, de dire : on ne doit pas pouvoir accéder aux réseaux sociaux. Parce qu'en fait, on n'est pas prêt. D'ailleurs, ce qu'on a vécu, ma génération, celle de beaucoup qui sont dans cette salle aussi, et je le dis pour nos plus jeunes, parce qu'on n'est pas prêts, et parce qu'en fait, il faut envoyer ce message aux jeunes : il faut l'interdiction, parce que c'est ce qui va permettre aux familles d'avoir un guide, une règle, et de s'adapter, à nos jeunes de comprendre, parce que si on le fait de manière plus subtile, ça ne marchera jamais, parce qu'il y aura toujours une pression sociale. « Mon copain l'a, comment tu peux m'empêcher dans notre famille ? », « Je suis coupé du monde ».
Alors, comment on va faire ? C'est pour ça que ça nous a pris un peu de temps. C'est que d'abord, on s'est battu au niveau européen, parce que la vérification de l'âge ne peut se faire qu'au niveau européen, c'est une compétence européenne. Pardon, c'est un peu technique. Mais c'est comme ça parce qu'on a décidé de réguler nos réseaux au niveau européen, parce qu'on est un espace commun, et c'est comme ça qu'on est fort. On a obtenu de la Commission l'été dernier qu'on pourrait imposer une vérification de l'âge à nos réseaux sociaux, formidable pas en avant. On savait que ça marchait techniquement, pardon de la comparaison, parce qu'on l'avait fait pour les sites pornographiques. On a eu ce problème pendant des années, on avait des mineurs qui allaient sur les sites pornographiques. On a imposé à ces sites une vérification de l'âge pour qu'il n'y ait plus que des majeurs, avec des techniques qui sont éprouvées, qui marchent, ça fonctionne. Ils ne sont pas contents, mais ça fonctionne. Cette technique, on peut l'utiliser pour les réseaux sociaux. Les pays doivent définir la majorité numérique. Donc nous, ce qu'on veut faire dans les prochaines semaines, mais ça passe aussi par ces débats, parce qu'il faut que la conscience collective se renforce, parce que ça marche si tout le monde comprend ce qui est en train de se passer, c'est de dire : on va imposer à tous les réseaux sociaux la vérification de l'âge, et on va définir cet âge à 15 ans ou 16 ans. Dire, en dessous de cet âge, il ne peut pas y avoir accès aux réseaux sociaux. C'est la seule manière de protéger.
En parallèle de ça, qu'est-ce qu'on doit faire ? Consolider notre école, la formation des maîtres et l'école, d'abord pour transmettre des savoirs. Avant l'esprit critique, le rôle de l'école, c'est de transmettre, je dirais, des certitudes et des savoirs. S'il n'y a pas de savoir, il ne peut pas y avoir un esprit critique, et ensuite, on ne peut pas être confronté à tout et n'importe quoi. Donc, il faut le refaire dans le bon ordre. Avant d'apprendre le cogito cartésien, on a appris que 2 plus 2 faisait 4 avant de monter. Donc, on doit repartir des savoirs. L'école doit transmettre des savoirs fondamentaux et bien les consolider. Elle doit apprendre à réfléchir ensuite sur les médias et les réseaux sociaux à partir d'un certain âge, consolider l'esprit critique et préparer nos jeunes pour qu'à l'âge de 15 - 16 ans, avec l'accompagnement des familles, ils puissent aller sur ces réseaux. Dans l'entretemps, on veut aussi les améliorer, c'est toute la discussion qu'on a par ailleurs, pour qu'ils soient préparés sur ces réseaux sociaux et qu'on ait consolidé nos règles.
C'est la meilleure manière, je crois, de tirer les conséquences d'un consensus scientifique et de ce qu'on a collectivement appris ces dernières années. Cette bataille, je considère qu'elle est absolument fondamentale. Au fond, on va faire descendre un peu de la voiture et on va apprendre sur d'autres voitures qui vont moins vite, on va apprendre le code, pour filer votre métaphore, et on va protéger nos enfants dans cette phase parce qu'on est maintenant sûrs qu'en effet, la Formule 1 va très, très vite et qu'il y a des accidents qu'on doit pouvoir éviter. Beaucoup me diront : « D'accord, mais ça ne va pas marcher, il y a des gens qui vont y échapper. » D'abord, s'il y a une vraie vérification pour tous les réseaux sociaux de l'âge, non, il y a une règle. Après, si des familles veulent que leurs enfants échappent en leur donnant accès à des réseaux sociaux, j'ai envie de dire qu'elles prendront leurs responsabilités, mais je ferai une comparaison simple, c'est celle avec l'alcool. On a interdit l'alcool au mineur dans notre pays. Il y a des décennies de ça, ce n'était pas interdit. D'ailleurs, il y a des familles qui en donnaient aux enfants. On a dit, la science nous dit que c'est mauvais pour la santé publique, on l'interdit. Il y a peut-être encore des familles qui donnent à des enfants de 10 ans de l'alcool. Enfin, vous conviendrez avec moi que ce n'est pas la majorité des gens, parce que tout le monde a compris que ce n'était pas bon. Là, ce qu'il faut qu'on fasse, c'est qu'on envoie à toutes les familles et tous les jeunes un message : avant 15 - 16 ans, ce n'est pas bon. Voilà comment on va faire.
Animateur
Bienvenue. Je vous présente en deux mots. Vous êtes membre de l'association des parents d'élèves d'un collège, le collège Val de Rance à Plouër-sur-Rance. Au sein de cette association, vous travaillez pour reculer l'âge de détention du smartphone et pour limiter son usage par les enfants et les collégiens. Vous travaillez notamment avec un site internet qui s'appelle « Débranchons-les ». Vous avez une question qui rejoint un peu l'intervention du Président juste avant.
Intervenante
Merci d'être venu jusqu’à nous. Notre groupement de collectifs de parents a le souhait, par rapport à ce que vous avez dit là, d'inverser la norme qui est aujourd'hui d'équiper les enfants de plus en plus tôt et sans forcément des contrôles ou un apprentissage avec. De réduire la pression sociale aussi pour que les parents ne se sentent pas contraints, pour ne pas isoler leurs enfants, de leur donner un smartphone s'ils ne l'ont pas décidé, et donc de protéger nos enfants. Monsieur le Président, vous avez régulièrement pris position ces derniers temps sur les dangers des réseaux sociaux pour la jeunesse. Pourtant, ils restent omniprésents puisque dans leurs poches, constamment via leur smartphone.
Ma question est, à un an et demi de la fin de votre quinquennat, seriez-vous prêt à prendre devant nous aujourd'hui un engagement de faire voter d'ici la prochaine présidentielle, et même avant, une loi courageuse et utile afin de protéger efficacement nos enfants des dangers des réseaux sociaux ? On se questionne légitimement en tant que parents sur la question du timing. On a des pays comme l'Australie qui l'ont mis en place, c'est effectif à partir d'aujourd'hui. Par rapport à la loi qu'on vous demandait si vous étiez prêts à prendre cet engagement, laquelle serait-elle et avec quel budget ? Je pense notamment aux établissements scolaires qui manquent de budget pour tenir ces obligations d'interdiction de détention de smartphone dans les écoles, voilà. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, on a suffisamment de recul scientifique aujourd'hui. Des familles vivent de drames. Il faut qu'on agisse. Ça devient vraiment urgent et ça l'était déjà auparavant.
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup Madame et merci de votre engagement comme parent d'élève. Je vais en dire un mot. D'abord, on a tous appris ensemble ces dernières années, et on n'a pas rien fait, j'essaye de le rappeler. On a fait passer des textes contre le harcèlement et le cyberharcèlement. On a expérimenté et généralisé l'interdiction du portable au collège, ça s'est fait et on veut le faire maintenant pour le lycée. On a aussi passé des textes sur le contrôle parental pour l'achat de téléphone, comme vous le savez, qui a été une initiative des parlementaires il y a quelques années. Sur l'interdiction des réseaux sociaux, c'est un débat dont je me suis saisi à partir de 2022. On a lancé cette commission qui a été confiée à Monsieur Bronner, puis la commission Écran. Elle a rendu il y a un an et demi son travail, avec d'ailleurs des désaccords sur des points où on a affiné les choses, mais surtout où on devait faire bouger l'Europe pour pouvoir faire ce contrôle, cette vérification d'âge. Sinon, on ne pouvait pas passer de texte, on n'avait pas la manière de vérifier si vous aviez 15 ans, 16 ans, 17 ans ou 18 ans. Ça, on l'a eu l'été dernier. Donc, on n'est pas en retard. Je dirais même qu'en Europe, on est avec les Danois les plus en avance. On est ceux qui allons le faire. L'Australie, comme vous venez de le dire, est en train de le faire. La France fait partie des pays qui sont aux avant-postes sur ce sujet.
L'objectif, c'est de déposer un texte de loi du Gouvernement en début d'année prochaine et de le faire voter dans les meilleurs délais. Je peux très facilement prendre l'engagement qu’il sera voté avant la fin de ce mandat, parce que c'est ce que je veux faire et que je pense que c'est une question de responsabilité éducative et de santé publique. Une loi, elle ne fait néanmoins pas tout. Je voulais insister sur un point, l'importance, au-delà des enseignants, des parents d'élèves et des associations de l'éducation populaire, de toutes celles et ceux qui, à côté de la communauté pédagogique, jouent ce rôle. On a besoin aussi de vous tous d'être engagés. La loi doit donner une norme et l'État doit prendre ses responsabilités pour vous aider. Après, on a besoin de l'engagement de tous. Sur les équipements, très honnêtement, ce n'est pas quelque chose d'onéreux. On a fait les collèges là. Alors, ça dépend des départements pour les collèges et des régions pour les lycées. C'est des débats que le Gouvernement a avec les uns et les autres. Ce n’est objectivement pas des montants extrêmement importants et c'est aussi des questions organisationnelles. Il y a d'ailleurs, dans d'autres pays, des pays qui ont commencé à interdire. Est-ce qu'il faut des casiers partout ? Il y a aussi l'idée, vous éteignez, vous le mettez dans le cartable. Donc ce n'est pas forcément un coût énorme. Je ne pense pas que ce soit un élément qui va nous bloquer. C’est des débats qui, après, seront avec les départements et les régions, mais il y aura l'accompagnement qui prévaut. Ce n'est vraiment pas le sujet principal.
Il y a deux points qu'il faut mettre au débat. Je les glisse ici pour qu'on réfléchisse collectivement. Moi, je n'ai pas la réponse et j'ai demandé aussi une consultation. C'est qu'est-ce qu'on fait avec les messageries qui ont des agents IA ? Vrai sujet, pour n'en citer qu'un, META. Aujourd'hui, WhatsApp, c'est une messagerie, ce n'est pas un réseau social. Néanmoins, maintenant, il y a un agent IA conversationnel. Il y a beaucoup de jeunes qui commencent à échanger. Est-ce que c'est aussi dangereux que la Formule 1 ? En tout cas, ça peut aller vite aussi. C'est un vrai sujet qu'il faut qu'on se pose. Ça m'a été soulevé d'ailleurs par des parents d'élèves et des mouvements de l'éducation populaire. C'est pour ça que je pense à ça en vous voyant. Mais c'est un vrai sujet, puisqu'on doit aussi l'interdire, parce que ce n'est pas simplement une messagerie. La deuxième chose, c'est aussi tous les systèmes en ligne qui vont avec les jeux vidéo. Les jeux vidéo, c'est une chose. Mais vous avez des communautés en ligne parfois qui se font très, très jeunes. Là aussi, c'est une vraie question qui se pose par rapport à tout ce qu'on est en train de se dire sur l'attention, le rapport à l'écran, le rapport à des communautés virtuelles. Voilà. Je le mets là, c'est un débat qui n'est pas encore tranché. Mais merci beaucoup pour votre engagement et votre question. La réponse est donc, sans ambages, oui et dès janvier.
Intervenant
Bonjour, Monsieur le Président de la République. Compte tenu de ce que vous avez dit précédemment, pourquoi ne pas mettre un couvre-feu numérique plutôt qu'une interdiction pour les moins de 15 ans ou 16 ans ?
Emmanuel MACRON
Non, on reviendrait à des souvenirs qu'on n'a pas envie de revivre. On est d'accord. Ces fameux couvre-feux, d'ailleurs, étaient plutôt des grandes ouvertures numériques. D'abord, parce que le sujet qu'on pose pour les enfants et les adolescents, il ne se pose pas que la nuit. Néanmoins, vous avez raison, c'est que l'un des problèmes qu'on a, au-delà de tous ceux que j'ai évoqués, c'est que beaucoup de jeunes, en fait, ont des problèmes de sommeil parce qu'ils restent très tard sur le téléphone. Il y a des systèmes de couvre-feu qui existent déjà, il n'y a pas besoin de la loi ou de moi pour le faire. Alors Madame a des pratiques radicales, débranche le Wi-Fi, mais en configurant le téléphone, il y a des tas de parents qui le font et qui savent le faire le contrôle parental. Donc ça, ça existe déjà.
En vrai, ce qu'on est en train de se dire depuis tout à l'heure, c'est que même si on disait, il faut arrêter à 22h, 21h ou 20h, X heures par jour, ce n'est pas bon avant un certain âge. Ça crée de l'exposition à plein de contenus qu'on a énormément de mal à réguler, en tout cas, qu'on ne sait pas réguler aujourd'hui. Je dis ça, après des années où on a essayé le couvre-feu, parce que c'est des pratiques qu'on a favorisées, on a accompagné ça, on a mis, comme je le disais, le contrôle parental sur les téléphones, on a incité au contre-feu. Moi, j'ai tenu, je pense, une dizaine de réunions à mon niveau avec les patrons de ces plateformes pour qu'ils m'aident à réguler le contenu pour les jeunes et les adolescents. La réalité, c'est que pendant quelques années, ils ont un peu amélioré, et après, ils ont complètement lâché l'affaire et ils n'ont pas modéré même ces contenus. Donc, je comprends très bien ton point, mais je le dis sincèrement, ça n'est pas suffisant. Je sais bien que ça ne vous fait pas plaisir mais je pense qu'avant 15 ans, 16 ans, ce n'est vraiment pas une bonne chose. Ce n'est pas qu'une question de couvre-feu.
Moi, mon rêve, c'est que ça soit du temps de sport et du temps de lecture. Parce que ce à quoi on assiste en même temps dans nos sociétés, chez les plus jeunes, mais pas que chez les plus jeunes, c'est un recul très préoccupant de la lecture. Ça me permet de faire juste une petite remarque pour dire que ce n'est pas qu'un problème le soir-tard, mais c'est que toutes celles et ceux qui sont addicts aux réseaux sociaux lisent de moins en moins. Du coup, ça développe nos capacités d'abord de concentration, beaucoup moins qu'avant, nos capacités d'accéder à des raisonnements complexes, du coup, à nous confronter à des raisonnements scientifiques qui vont pouvoir nous éclairer qui sont en train de baisser. Nos capacités aussi à nous concentrer au travail et à évoluer et à être des citoyens pleinement formés. Donc, la formation d'esprit que ça a en s'exposant très tôt aux réseaux sociaux, au scrolling qui va avec, c'est-à-dire des contenus rapides, fait qu'on a un effondrement et de la lecture chez les jeunes, et même des films qui sont regardés, parce qu'on s'habitue à des formats qui sont très courts.
Je pense qu'il faut un peu ralentir tout ça, pour tout le monde, mais en particulier pour les plus jeunes, pour redonner du temps à la lecture qui est la plus formidable des choses, pour être libre, connaître, ressentir, pour sortir de la solitude. Le réseau social te renvoie à ta solitude, parce qu'en fait, tu vois plein de choses, tu es excité, mais t'es toujours seul derrière ton écran. La lecture te permet de sentir, d'abord de comprendre des paysages, des histoires, ce partage avec les autres. C'est la sortie de la solitude, la lecture, parce qu'elle t'ouvre à l'imaginaire et à quelqu'un d'autre qui va ressentir, qui va mettre des mots sur ce que tu ressens, qui est l'une des plus belles expériences humaines. Donc, en même temps, il y a tout ce qu'on se dit-là qui peut paraître comme une interdiction simplement, c'est une formidable libération du temps utile pour lire et pour faire du sport. C’est une formidable réouverture pour reprendre le contrôle un peu de vos vies, de vos émotions et de vos cerveaux, qui, sinon, être livré à d'autres. Donc le couvre-feu, ce n'est pas suffisant.
Animateur
Allez, je vous présente en quelques mots. Mère de 3 enfants, l'aînée à 10 ans. Vous dites que les réseaux sociaux et les algorithmes vous posent beaucoup de questions quant à l'impact qu'ils auront sur leur capacité à exprimer leur identité, leur intelligence et leur libre arbitre. Je précise que vous êtes auto-entrepreneur dans le numérique. Donc vous êtes au premier rang pour voir cette évolution sans limites et sans règles.
Intervenante
Merci beaucoup. Ce débat est vraiment extrêmement intéressant. Je suis contente d'en faire partie. Ma question, elle porte sur la cohésion sociale. Ça touche aussi à la démocratie, sur ce qui fait de nous un peuple distinct et qui est régi par des valeurs qui sont communes. Je m'interroge sur la façon dont on peut continuer à faire société quand les réseaux sociaux, les algorithmes, qui sont notamment américains, voire chinois, poussent, non pas les valeurs qui nous régissent, nous, en tant que République française, mais poussent plutôt un sensationnel, de la polarisation et du communautarisme. Donc, qu'est-ce que la France peut mettre en place pour s'assurer que l'on reste soudé en tant que peuple français, et notamment les jeunes, autour de valeurs communes ?
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup, Madame, pour cette question. Alors, c'est un peu le sous-jacent de tout ce qu'on se dit depuis tout à l'heure, et vous avez parfaitement raison. D'abord, de la même manière que j'ai dit tout à l'heure que les réseaux sociaux, en fait, n'étaient pas faits pour nous informer, en expliquant le modèle économique. Structurellement, les réseaux sociaux vont plutôt aux extrêmes et à la fracturation de la société, pour plusieurs raisons. D'abord parce que, comme je le disais, c'est des modèles d'excitation. Et donc, dans l'ordre de mérite, l'émotion est supérieure à l'argumentation et à la raison, et l'émotion négative est supérieure à l'émotion positive. Ce qui fait que, structurellement, ceux que vous allez plus entendre, pousser, qui vont être le plus exposés, ce sont ceux qui vont pousser ces émotions négatives, même s'ils ne sont pas majoritaires. Donc elles tirent aux extrêmes, elles ne sont pas un facteur de consensus. Et au fond, l'infrastructure des réseaux sociaux, elle est un peu anti-délibérative. Dans cette salle où on se regarde, on prend le temps de s'écouter et d'échanger, on a une structure même qui est délibérative. C'est-à-dire qu'on se regarde. Moi, je vois si vous êtes d'accord, pas d'accord, à peu près, il y a des trucs... On le voit dans le visage. Donc on va essayer de convaincre, on va s'écouter. Mais mécaniquement, sauf — parfois, il y a toujours des gens qui sont totalement réfractaires — mais vous allez créer, par un débat dans une salle, c'est vrai dans une salle de conseil municipal, c'est comme ça qu'on a créé la démocratie dans l'agora athénienne, vous allez créer du consensus par la discussion. Parfois, vous allez constater vos désaccords, mais vous n'allez pas tout de suite tous hurler en vous invectivant.
Les réseaux sociaux, c'est comme si un peu on rentrait tous avec des cagoules et on hurle tous en s'invectivant, et c'est celui qui dit les trucs les plus horribles qui gagne à la fin parce qu'il y a les autres qui le suivent plus en disant, celui-là, il est motivé. C'est un peu comme ça que c'est structuré. Donc ça part aux extrêmes, ça diffracte. Ce n’est pas bon. Donc structurellement, c'est favorable aux extrêmes et ça empêche la délibération qui va avec la démocratie. La deuxième chose, ça instille une défiance par tout ce qu'on a dit depuis tout à l'heure, parce que ça crée un univers informationnel où il est très dur de distinguer le vrai du faux. Et l'IA, l'intelligence artificielle, pardon, rajoute à ce trouble. C'est aussi pour ça qu'on doit la réguler, qu'on doit savoir quand c'est un contenu de l'intelligence artificielle.
Et là où, dans une société démocratique, c'est très bon d'avoir du doute, parce que le doute se nourrit de l'esprit, nourrit l'esprit critique, permet de réfléchir, si vous rentrez dans une défiance permanente, ça devient un problème, parce que vous n'avez plus confiance en rien. Et il n'y a plus de socle. Vous n'avez même plus confiance dans la parole scientifique, vous n'avez plus confiance dans aucune forme d'autorité qui permet de vivre ensemble. C'est le débat qu'on avait sur le climat. Et d'ailleurs, en même temps que les gens vont de plus en plus s'informer sur Internet, on ne l'a pas cité jusqu'alors, mais la grande différence entre la presse quotidienne régionale et la presse quotidienne et les réseaux, c'est que les gens ont plutôt confiance dans leurs journaux, mais ils sont plutôt défiants à l'égard des réseaux sociaux, même s'ils y vont beaucoup. Ils n'ont pas confiance. Et donc les réseaux sociaux créent une société de défiance, ça enlève du commun.
Et puis la troisième chose, ça nous enferme dans des bulles cognitives. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que vous avez tendance à suivre les gens qui pensent un peu comme vous, et les gens qui vous suivent, c'est généralement des gens qui pensent comme vous, qui trouvent que c'est ce que vous dites est sympa. Et donc en fait, ça nous met avec un biais permanent, c'est qu'on finit par se surinformer ou surcommuniquer avec des gens qui sont déjà d'accord avec nous. Et ce n'est pas un vrai débat comme dans cette salle, ce n'est pas un débat comme dans la rue, ce n'est pas un débat comme au café, ce n'est pas un débat comme dans la vie de la cité, parce qu'on est dans une bulle. Et ces bulles cognitives, d'ailleurs, font là aussi monter ceux qui sont les plus radicaux, qui, généralement, sont les plus suivis.
Ça, c'est ce qu'on constate dans les réseaux, c'est exactement comme ça qu'ils fonctionnent. Et donc vous voyez bien que ça détruit plutôt du commun. Et donc, dans la reprise de contrôle en quelque sorte de nos vies, de notre démocratie, la clé pour une nation comme la nôtre, mais c'est vrai de toutes les nations, c'est comment on remet du commun, qui n'est pas de l'unanimité du commun, c'est de se dire : on a des différences, on a des désaccords, on ne pense pas les mêmes choses, mais on a des bonnes raisons de vivre ensemble et d'être une nation.
La première, c'est de conforter les familles dans leur rôle éducatif, et donc de leur donner des règles claires, ce que j'ai dit, les écrans, les réseaux, pour protéger leurs enfants et aider nos familles à faire ce travail qui est le leur. Ensuite, c'est de consolider notre école dans son rôle d'instruction. L'école, elle ne peut pas tout faire, elle ne peut pas substituer nos familles, elle instruit. Mais c'est fondamental, et c'était le mot de Buisson, Ferdinand, c'est que l'école, elle transmet des savoirs, l'esprit critique, mais elle fait des Républicains. Et donc le rôle de l'école pour transmettre ce commun, il est clé. Et c'est aussi pour ça qu'on réinvestit en ce moment sur la formation des professeurs et que le rôle de l'école, son caractère, c'est une lutte de chaque jour à laquelle il ne faut rien céder. La troisième, c'est de consolider, et ça, à tous les âges de l'esprit critique, à l'école, mais aussi tout au long de la vie, et là, de le réinvestir, parce que c'est ce qui permet de mettre du commun, paradoxalement. Et la quatrième, c'est de défendre les valeurs de notre République, et donc de lui redonner de la vitalité. Et c'est pour ça que je vous remercie aussi et que je remercie la PQR et aujourd'hui Ouest-France, parce que ces débats permettent de faire du commun. Et donc, quelles sont les instances qui structurent sur le terrain ? Les associations, nos élus, et en particulier nos maires, la presse, les services de l'État, et donc tout ce qui structure la République dans ses fondements. Et donc ce socle, on doit le revigorer. Et donc la bonne solution, c'est aussi de remettre de la proximité et de la délibération dans nos vies. Et je pense que dans les prochains mois, ce qu'on doit faire pour accompagner tout ce mouvement et remettre du commun, c'est aussi cela. Les élections municipales seront aussi une occasion de le faire, je dirais, en termes réels et in vivo. Voilà quelques-uns des points pour ce qui ne va pas et ce qu'on doit continuer d'essayer de faire, ce qu'il faut consolider.
Intervenant
Bonjour, Monsieur le Président. J'aimerais révoquer le sujet de l'interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 15 ans, notamment sur la méthode utilisée pour vérifier l'âge des utilisateurs. Par exemple, s'il y a utilisation de la carte d'identité, cela pourrait poser des problèmes d'anonymat, certes entre les utilisateurs, mais aussi entre l'utilisateur et les plateformes. Avons-nous envie que des sociétés comme Meta détiennent dans sa base de données nos cartes d'identité ?
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. Question très directe. Il y a plusieurs méthodes pour le faire. Il peut y avoir la carte d'identité avec des règles de confidentialité. Et donc ça, ça fait typiquement partie, ça rejoint un peu la question de tout à l'heure. Mais dans les conditions d'utilisation, elle n'a pas l'autorisation de les garder, elle est garantie, on peut le vérifier. Néanmoins, il y a le selfie. On va utiliser aussi dans les techniques en garde Pronote, parce que c'est une plateforme nationale qui permet de vérifier l'âge et l'identité, qui ne donne pas votre numéro d'identité que vous connaissez bien et que vos familles connaissent et qu'on peut utiliser pour cet accès. Donc, il y a plusieurs techniques différentes qui existent, qui sont stabilisées, qui ont fait leur preuve. Donc 1) il n'y aura jamais uniquement la carte d'identité. Et 2) on a passé des textes, en particulier ce fameux RGPD, pour protéger vos données personnelles, votre vie privée face à ces géants du numérique. Et ça fait partie de ces souverainetés numériques évoquées tout à l'heure. C'est qu'on a déjà passé des régulations en européen qui sont très contestées par ces plateformes pour leur dire que vous n'avez pas le droit d'utiliser votre carte d'identité si c'était le moyen que vous preniez pour vérifier votre âge. Ce ne sera pas le seul moyen et vous êtes protégés.
Intervenant
Bonjour Monsieur le Président. Vous avez annoncé récemment vouloir interdire, enfin votre intention d'interdire les téléphones portables dans les lycées. Et pourtant, c'est un exercice qui a échoué au niveau carcéral. Donc je voulais connaître vos plans d'action. Pour moi, et ça n'engage que moi, mais le téléphone dans le cartable, le téléphone dans les casiers ou autre, ça n'engage que moi, ce n'est que de la poudre aux yeux. Ils sont futés, les adolescents, beaucoup plus que nous. Merci.
Emmanuel MACRON
Alors d'abord, on a mis déjà le contrôle parental sur les achats de téléphones, comme vous le savez, en posant des règles et autres. Après, le signal qu'on envoie, c'est que ce n'est pas une bonne idée d'avoir le téléphone au lycée et au collège. Donc déjà, on crée une norme. Il faut regarder ce qui se passe. C'est que depuis la rentrée de septembre qu'on le fait au collège. Et là, pour préparer les esprits, j'ai dit septembre prochain, on va le faire au lycée. On envoie un message clair aux parents qui, j'espère, va inciter le maximum de parents à ne pas du tout donner le téléphone à leurs enfants.
Néanmoins, j'entends aussi le message de certains parents qui disent : pour moi, c'est utile parce qu'il rentre ou elle rentre en bus. Je veux savoir quand il sort de l'école, pour l'organisation. Et ça, c'est respectable et il faut l'entendre, même si dans d'autres générations, on a su s'en passer. Mais la pratique maintenant est là et il peut y avoir un bon usage du téléphone. Moi, je crois simplement que quand on met une règle, qu'on l'applique. D'abord, vous avez raison, il y en a qui sont futés, mais il y en a quand même beaucoup qui acceptent la règle et l'autorité. Et ensuite, vous avez des professeurs, des CPE, des directrices et directeurs d'établissements qui savent la faire appliquer. Et les retours qu'on a, parce que les contrôles de notre directrice en collège depuis la rentrée, sont bons. C'est-à-dire que c'est plutôt respecté. Celui qui le sort, il suffit de le sanctionner tout de suite et de dire aux parents qu'il sera sanctionné. On confisque, on sanctionne, et voilà, il y a une escalade.
Donc moi, je ne partage pas du tout votre pessimisme, et je ne comparerai pas nos ados à des détenus. Moi, je suis choqué comme vous, on est tous choqués de ce qui se passe en prison. Soyons clairs, ce qui se passe en prison, pourquoi ? C'est que vous avez des gens au parloir, les familles, les proches ou les avocats qui filent des portables aux autres ou des gens qui les envoient. C'est aussi pour ça qu'on durcit fortement les règles et qu'aujourd'hui, on a créé des prisons où on fait de la fouille intégrale, où on fait de la surveillance vidéo. Donc, on durcit les règles, on s'adapte. Et croyez-moi, on va éradiquer ce truc-là. Mais c'est plutôt dans ce sens-là que je veux aller qu'en comparant. Voilà, je ferme cette parenthèse. En tout cas, moi, j'y crois. Je pense que c'est possible. Je pense que c'est faisable. Et est-ce que ça arrivera au zéro risque ? Non. Mais ça changera la norme. Et donc ça change les représentations des familles. Aujourd'hui, si on ne dit pas qu'il faut l'éviter, les familles sont laissées toutes seules, les profs sont laissés seuls. Et donc aujourd'hui, on laisse un prof face à sa classe, jusqu'à présent c'est le cas, quand il y a un élève qui sort son portable en classe. Là, on va dire, la règle est claire, c'est non. Et puis après, on va multiplier les contrôles. Donc, est-ce que le monde est parfait ? Non. Est-ce qu'on doit pour autant baisser la garde ? Jamais de la vie. Vous savez, les couteaux sont interdits depuis très longtemps à l'école. Il y a quelques mois, on a lancé une opération systématique de contrôle des couteaux devant l'établissement, et j'ai une pensée pour une femme formidable qui était là au moment d'un contrôle et qui, malheureusement, a pris un coup de couteau et est décédée, mais on a vu qu'il y a eu des milliers de couteaux qui étaient transportés. Est-ce que pour autant, il faut céder ? Ben non. Et donc, il faut aller voir les familles, leur dire que c'est inacceptable, responsabiliser nos enfants et nos adolescents, et être aux côtés des profs. En tout cas, une telle règle, elle aide les profs à faire leur travail, elle aide les directrices et directeurs, elle aide la communauté pédagogique à bien faire son travail. On ne peut pas le laisser tout seul. Et elle donne un message clair aux familles. Donc, je pense qu'elle va dans le bon sens, voilà.
Intervenant
Je crois simplement que le corps enseignant est en souffrance.
Emmanuel MACRON
Mais je suis d’accord avec vous.
Intervenant
Il n'est pas là pour faire appliquer des règles de sécurité.
Emmanuel MACRON
Non, mais le corps enseignant, il demande d'avoir des règles claires. On dit la même chose. Vous avez raison qu'il y a des enseignants pour qui c'est très dur. Mais si au niveau national, on ne dit pas que le portable est interdit au collège, je laisse l'enseignant de collège tout seul dans sa classe. S'il y a un élève qui sort le portable, il dit que ce n'est pas interdit. Là, si au sommet de l'État, on dit : « c'est interdit au collège et demain au lycée », le professeur n'est plus seul parce qu'il peut se réfugier derrière une règle nationale qui est assumée par le ministre, par les recteurs, par toute la hiérarchie.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que nos enseignants, ils souffrent parce que la société souffre et qu'il y a aujourd'hui des troubles et qu'ils sont confrontés à des difficultés que vivent des jeunes, des familles. Mais ils souffrent que parfois, trop souvent, on n'ait pas des messages assez clairs et une autorité affirmée. Ils souffrent quand la règle n'est pas claire, quand on ne les défend pas assez, quand on dit : « pour enseigner la laïcité, vous n'avez pas le droit d'être ennuyé, quand on réaffirme l'autorité du professeur, même quand ça ne plaît pas à tel ou tel parent qui vient le menacer à la sortie du lycée ». Donc, croyez-moi, face à cette souffrance, une règle claire, elle est protectrice. Et donc, ce qu'on est en train de se dire, c'est bon pour tous les professeurs de France. Et la mobilisation aujourd'hui de votre ministre, des rectrices et des recteurs, de nos directeurs d'établissement, des directeurs académiques, de toute ce qu'on appelle la communauté pédagogique, c'est de soutenir nos enseignants sur le terrain pour qu'ils puissent faire dans les meilleures conditions possibles leur travail, c'est-à-dire enseigner le contenu qui sont prévus dans les programmes, le faire de manière libre, le faire en étant respecté par les élèves et par les familles. Eh bien, une telle règle, elle va dans ce sens-là, parce qu'elle est nationale et qu'elle s'impose à tout le monde.
Intervenant
Bonjour, Monsieur le Président, vous l'avez dit il y a de ça quelques instants maintenant, qu'il ne fallait pas s'informer sur les réseaux sociaux, que ce n'était pas l'endroit. Je pense que si on fait un sondage large, peut-être plutôt de ce côté-là où il y a des jeunes ou de ce côté-là, je pense que si on leur pose la question : où est-ce que vous informez, ce sera sur les réseaux sociaux. Donc, on a un véritable enjeu en tant que nous, médias, traditionnels, officiels, à pouvoir faire en sorte que les jeunes aillent plutôt s'informer chez nous, médias, que sur les réseaux sociaux. Cet enjeu, il est énorme pour nous, notamment puisque, en tant que chaîne de télévision Novo 19, nous avons un gendarme des médias, l'ARCOM, qui, évidemment, nous impose des règles de respect de la diversité, de l'inclusion, de savoir vérifier nos informations, nos sources. Et toutes ces contraintes-là, évidemment, nous permettent d'avoir une information vérifiée. Il y a un récent sondage de l'UNESCO en 2024 qui dit que près de deux tiers des influenceurs affirment ne pas vérifier leurs sources avant de les partager auprès de leur public. C'est-à-dire que la plupart des jeunes ou des personnes ici voient des informations chaque jour qui ne sont pas vérifiées. Comment faire pour qu'il y ait un gendarme de ces réseaux sociaux et que nous, médias, nous puissions aussi faire correctement notre métier. Comme vous le disiez, ce métier demande du temps, demande de l'argent, et il y a un véritable enjeu de modèle économique pour les médias aujourd'hui, quels qu'ils soient, presse écrite, radio ou audiovisuel, puisque beaucoup de nos contenus aussi sont pris, tels quels, par certaines personnes dans les réseaux sociaux, sans citer nos sources, et en prenant les informations que nous avons nous-mêmes vérifiées.
Et j'en arriverai au dernier point, qui, évidemment, est complètement corollaire, qui est ce fameux label d'information. On a hâte de vous entendre, Monsieur le Président, puisque tout a été un petit peu déformé, selon vous, de savoir, est-ce qu'il doit y avoir un label d'information pour que chacune et chacun, quand il voit un contenu sur les réseaux sociaux, puisque nous-mêmes utilisons les réseaux sociaux, évidemment, est-ce qu'on doit avoir un label d'information qui permettra à chacun et chacune de savoir que c'est un travail journalistique qui a été fait derrière et qui a été vérifié ? Merci beaucoup.
Intervenant
J'allais vous proposer de répondre sur, effectivement, cette question des labels, puisque ça a agité un peu le monde politique.
Emmanuel MACRON
Le landerneau.
Intervenant
Le landerneau, surtout le landerneau parisien. On vous écoute et puis après, on donne la parole aux lecteurs et aux lectrices.
Emmanuel MACRON
D'abord, j'ai mon voisin qui m'a rappelé, à juste titre, à l'ordre, parce que j'ai utilisé un acronyme tout à l'heure pour vous répondre en me disant RGPD. Il m'a dit : « je ne sais pas ce que c'est ». Quand j'ai dit qu'on protégeait et qu'on avait pris des règles, il a raison parce qu'il ne faut pas utiliser d'acronyme. Au niveau européen, on a pris des règles sur les réseaux sociaux. On a depuis tout à l'heure, et vous avez ouvert le bal en l'évoquant, on a une directive sur les services numériques qu'on appelle DSA, Digital Service Act, qui régule, permet de créer, va dans le sens de ce qu'on voudrait depuis tout à l'heure, mais qui ne va pas assez loin dans la pratique et qu'on voudrait durcir, mais qui commence à créer des règles de responsabilité et de transparence des algorithmes. Puis, on a créé une directive sur les marchés numériques, celle que j'évoquais aussi rapidement, DMA, pour réguler les acteurs, là, le marché, pour qu'il n'y ait pas des acteurs trop gros ou qui fassent de la prédation. Et puis, il y a ce fameux RGPD qui date d'un peu avant, qui est un règlement qu'on a pris au niveau européen pour protéger les données et la vie privée.
Donc, on impose à tous ceux qui opèrent en Europe, et donc, toutes les grandes plateformes, tous les grands réseaux, y compris d'ailleurs les messageries cryptées, de se conformer à des règles de protection de la vie privée et des données. Donc, c'est pour ça que je pouvais vous dire que, par exemple, ils ne peuvent pas utiliser votre carte d'identité sans votre accord, ils ne peuvent pas la stocker, etc. Ça, c'est lié à cette réglementation qu'on a prise au niveau européen. Voilà, je ferme cette parenthèse. C'était pour corriger mon impair de tout à l'heure.
Sur ce que vous avez dit, en fait, vous avez ouvert la question qu'on avait évoquée au tout début quand on parlait des municipales, de qu'est-ce que, au fond, le statut de l'information dans ce vaste monde des réseaux sociaux. Au fond, l'information, ça existe avant les réseaux sociaux, ça existera après, ça existe pendant. La question, c'est comment on en préserve le statut, parce qu'on a le sentiment d'être toujours face à des informations quand on est dans les réseaux sociaux, et tout se noie. J'ai expliqué tout à l'heure pourquoi ce n'était pas le bon vecteur, parce que ce n'est pas le bon modèle économique. Néanmoins, vous pouvez passer par les réseaux sociaux pour aller vers un journal. Je crois que l'un d'entre vous l'a dit tout à l'heure. Je vais sur une plateforme, enfin sur un réseau social pour rejoindre le site d'Ouest-France. Néanmoins, il faut faire attention parce que parfois, du coup, vous donnez de la publicité à un réseau social et vous ne la donnez pas à Ouest-France en faisant ça. Parce qu'en fait, ils sont garde-barrières, si je puis dire.
La clé, c'est qu'il y a des gens qui ont décidé de prendre leur responsabilité, de s'organiser pour produire une information en démocratie. Donc, ça, c'est un statut à part. Ce n'est pas un compte sur un réseau social quel qu'il soit. Ce n'est pas forcément même un site. C'est un journal, un titre de presse qui peut après être numérique ou papier parce que ce n'est pas contingent à la forme ou avoir une chaîne comme la vôtre et qui part des médias différents va organiser, des journalistes qui sont des professionnels, donc ils ont un diplôme, ils ont généralement une charte de déontologie qui va avec leur rédaction, et comme ça a été dit, depuis les lois qu'on s'est données au XIXe siècle, les lois de 1881 et après, une responsabilité comme éditeur. Ça, c'est un peu le gardien du temple. Parce qu'on avait des journaux qui existaient avant toutes ces lois, mais ces journaux n'avaient pas le même rapport à l'information parce qu'il n'y avait pas de responsabilité. Et souvent, ils étaient détenus par les plus riches. C'est pour ça aussi que tout le XIXe siècle, on a fait l'expérience démocratique de ce que c'était d'avoir des journaux qui n'avaient pas exactement le même rapport à l'information et à la vérité. Donc, c'est un apprentissage démocratique qu'on a fait avec le temps. Et puis, on a amélioré nos règles ensuite tout au long du XXe siècle, pour d'ailleurs accroître même les règles en termes de pluralisme vis-à-vis des chaînes et pour accroître les règles au moment de la période électorale, avec des périodes de silence qui sont observées, d'équilibre, etc. On a créé un système où vous avez des professionnels, où il y a un modèle économique, où il y a un système de responsabilité où on assure le pluralisme. C'est ça, le trésor de l'information libre et ouverte en démocratie.
Le grand risque du moment, c'est la confusion. Et donc, en réaffirmant ça, je vous dis simplement : « tout n'a pas la même valeur. » Et donc, quand vous allez consulter le site de quelqu'un, même s'il a 500 000 personnes qui le suivent. Ça n'est pas forcément de l'information. Et même si ça n'est pas un titre de presse, c'est quelqu'un qui va vous dire quelque chose. Alors si c'est un scientifique, il vous donnera peut-être le fruit de ses travaux. Si c'est un citoyen, il vous donnera peut-être son avis ou l'information qu'il a lui-même glanée. Mais ça n'a pas la même valeur qu'un site d'information avec une rédaction qui a tout système, justement, élaboré à travers le temps. Ce distinguo, il est fondamental si on ne veut pas tous se perdre. Et on va d’abord d'ailleurs devoir, sur le plan démocratique pour préserver nos élections, redurcir les textes, sans doute, dans les périodes électorales, parce que tout ce qu'on a imposé n'existe pas de la même manière dans les réseaux sociaux et le numérique, et on l'a vu dans nos récentes élections. Et on pourra revenir, parce qu'on n'en a pas parlé, mais on a aussi beaucoup appris des élections en Roumanie ou en Moldavie récemment qui ont fait l'objet d'interférences et de déstabilisations très profondes.
La difficulté du moment, c'est que se crée chaque semaine des faux sites d'information. Ça, il ne faut pas le négliger. Vous avez des gens qui créent quelque chose qui ressemble à un journal sur Internet, ce n'est pas du tout des journalistes derrière et autres. Donc ça, il faut faire la chasse à ce point-là, il faut faire attention. Et dans les exemples en Roumanie ou au Moldavie, ils ont truqué les élections en prenant le relais d'une centaine, même de milliers de faux sites d'information. Donc, il faut vous référer à des gens qui ont ce statut de titre de presse avec les responsabilités qui les accompagnent. Nous, ce qu'on doit faire, c'est justement consolider le modèle économique de ces dernières, éduquer aux médias, et travailler justement sur l'esprit critique de tous pour faire la distinction entre ce que sont ces titres de presse et le reste de l'information.
La question du label, elle rentre en jeu exactement là-dedans. Là où ça a été déformé, ce que j'ai dit, de manière, à mon avis, très impropre et par des gens mal intentionnés, c'est que je n'ai jamais parlé d'un label d'État. Jamais. Je n'ai jamais dit ça. J'ai même dit le contraire. Ce n'est pas le Gouvernement, quel qu'il soit, qui dit si Ouest France est un journal ou pas. Parce que si on faisait ça, on ne serait plus dans une démocratie, ce serait un régime autoritaire, c'est-à-dire que vous auriez un Gouvernement qui peut décider de la liberté de la presse, de ce qui est une bonne et une mauvaise presse, jamais de la vie. Le Gouvernement, il doit garantir, et la justice avec, le cadre sincère du pluralisme, la libre circulation des idées, de toutes les opinions et le bon fonctionnement, justement, de l'information par laquelle, on se forge une opinion libre pour les élections. Par contre, j'ai reconnu et encouragé une initiative qui vient de votre profession. C'est que votre profession, face à l'esprit de confusion que je décris depuis tout à l'heure, a dit : « on doit pouvoir distinguer ce qui sont des gens qui font vraiment le métier de journaliste de gens qui n'en sont pas. » Et donc, reporters sans frontières, qui est donc une organisation non gouvernementale organisée par des journalistes, avec, des gens dont le métier est de certifier, a créé un peu... Vous savez, c'est comme Bureau Veritas. Elle a créé un processus de certification indépendant en disant : « ils font bien leur métier de journaliste, c'est-à-dire qu'ils ont des professionnels dans leur rédaction, ils vérifient l'information, ils disent quand ils se sont trompés, ils donnent un droit de réponse. » Ça ne remplace pas la loi. Ça ne doit surtout pas être une loi, mais ils ont créé ce processus-là. Je ne sais pas, d'ailleurs, si vous, vous êtes certifié dans ce processus, mais je réagissais parce que vos collègues du groupe EBRA, donc dans le Grand Est, disaient : « nous, on a ce label qui s'appelle « JTI », pour Journalism Trust Initiative, donc l'initiative pour la confiance dans le journalisme. Je disais juste ça, ce sont des initiatives louables, parce que c'est des gens qui disent : « chez nous, on respecte la déontologie de la presse », mais en aucun cas, ça ne doit être un label d'État.
Donc, sur le rapport à la presse et à l'information ou à la fausse information, on tourne autour depuis tout à l'heure, ce n'est pas l'État qui peut décider, ce qu'il faut clarifier les règles pour distinguer qui est journaliste et qui ne l'est pas ? Ça ne peut venir que d'initiatives qui vous sont propres. Ça ne peut venir que de ce dialogue entre pairs et d'une clarté. Ça doit passer par une éducation aux médias et un esprit critique dans la société beaucoup plus fort pour que vous, vous sachiez faire la distinction quand vous regardez des pages. Et ça va prendre du temps, mais ça ne peut pas venir par l'interdiction ou par le label. Donc, vous m'avez permis de clarifier ce qui était une vraie fausse information poussée par beaucoup. Je n'ai jamais parlé de label d'État et je pense que ce serait la pire des solutions. Néanmoins, je salue les initiatives qui sont prises pour distinguer ce qu'est un titre de presse, avec les responsabilités et le professionnalisme qui vont avec, et n’importe quelle page qui donne des opinions, des avis ou parfois des fausses informations sur les réseaux.
Intervenant
Bonjour Monsieur le Président, merci. Donc ma question, comme dit l'autre, elle est vite répondue. Puisque depuis le début du débat, ça a permis d'avancer beaucoup sur le sujet. Donc, ma question est la suivante : les réseaux sociaux sont les outils puissants de communication et de démocratisation de l'information qu'ils véhiculent. Ils sont également devenus des caisses de résonance pour la désinformation, la manipulation des ingérences politiques. L'intelligence artificielle, en amplifiant ces phénomènes, a en fait une menace systématique pour nos démocraties, nos esprits critiques et l'avenir de nos générations. Or, malgré les législations existantes, les contournements restent trop faciles, les sanctions trop rares ou insuffisantes et les plateformes trop peu responsables. Quelle stratégie globale envisagez-vous pour protéger notre espace public, notre souveraineté informationnelle et surtout nos citoyens, notamment les plus jeunes, contre ces dérives qui fragilisent le vivre ensemble et la confiance dans nos institutions ? Je précise que je me suis aidé du Chat, de Mistral AI pour peaufiner cette question.
Emmanuel MACRON
Merci de cette belle illustration. Merci de l'avoir dit comme ça. L'intelligence artificielle permet d'aider, mais elle ne doit pas se substituer. Merci pour la promotion du Chat. On en a un peu parlé depuis tout à l'heure, mais en vrai, pour aller droit au but, comme on dirait dans une grande équipe. Moins régional.
Première chose, chasser les faux comptes. Je crois que la première chose pour sintériser cet espace, il faut interdire les faux comptes. On doit être sûr que derrière chaque compte, il y a une personne. S'il n'y a pas une personne, la plateforme doit nous le garantir. Ça, c'est quelque chose qu'on doit changer. Deuxième chose, créer une responsabilité des plateformes. On a commencé avec notre directive sur les services, on a commencé là, la première fois, les premières sanctions sur X. On doit aller beaucoup plus loin pour que véritablement quand on voit qu'il y a une responsabilité de la plateforme pour diffuser des fausses informations, elles puissent être activées et donc que ça leur coûte cher pour qu'ils soient obligés de modérer, de réguler et de vérifier. Troisième chose, transparence des algorithmes. Parce qu'en vrai, quand vous allez sur les réseaux sociaux, vous scrollez, vous voyagez, ce qui est en fait le cas de beaucoup de gens qui s'informent sur les réseaux, ce n'est pas vous qui allez chercher. Si vous allez sur le site ou si vous ouvrez le journal d'Ouest-France, il y a des gens qui ont trié l'information, qui l'ont hiérarchisée pour vous. Là, il y a quelqu'un qui va hiérarchiser sur les réseaux sociaux pour vous, mais vous ne le connaissez pas, vous ne savez pas ses préférences, ce n'est pas transparent. Transparence des algorithmes. On pourra savoir, du coup, quels sont les biais.
Je prends un exemple très simple, factuel, récent, pour vous montrer le danger de cette affaire, des chercheurs français, travaillant pour une start-up qu'on a fait travailler avec le ministère de l'Intérieur, Arlequin, Monsieur Micheron, ont fait ce travail, on crée des comptes totalement neutres sur TikTok. Ils se sont aperçus qu'entre le troisième et cinquième contenu scrollé, quand vous êtes un ado et que vous créez un compte, il va être un contenu salafiste. Parce que ça crée de l'excitation, ça pousse les choses. Donc, il y a un biais, on le voit bien, il y a un biais dans cet algorithme, ce n'est pas transparent. Pas de faux comptes, responsabilité des plateformes, transparence des algorithmes et enfin esprit critique, éducation de la population par ces débats et donc marteler, marteler, marteler le fait que les gens qui font l'information, ça s'appelle des journalistes, et qu'il faut des rédactions, des titres de presse pour faire justement ce travail, et que ce n'est pas quelque chose qui est ouvert à tout le monde, sans déontologie, sans règles, et que ce n'est pas la même chose que de lire la page même de quelqu'un qui a beaucoup de lecteurs. Donc éduquer à cela est fondamental. Je dirais que le dernier point pour y arriver et recréer du commun à cet espace, c'est de réguler le modèle économique qui vienne l'un à l'autre, parce qu'en fait, des milliards de publicités ont été enlevées à nos titres de presse, qui participaient du modèle pour aller sur ces réseaux sociaux, il faut pouvoir rééquilibrer ce modèle pour assurer la viabilité économique en parallèle de nos titres. Voilà.
Intervenant
Bonjour Monsieur le Président. D'abord, je voulais vous dire que je suis très honoré de pouvoir vous poser mes questions. Vous l'avez dit, les réseaux sociaux ne sont pas l'endroit pour s'informer. Malheureusement, beaucoup le font quand même et l'information circule sur les réseaux sociaux et tout le monde peut dire ce qu'il veut sans vérification. Donc je vais vous poser une question qui pose sur la liberté d'expression, une liberté fondamentale. Est-ce qu'on peut dire que les réseaux sociaux ou ailleurs, on peut dire tout ce qu'on veut sur les réseaux sociaux ou ailleurs au nom de la liberté d'expression, même des mensonges ? Et deuxième question, Monsieur le Président, comment peut-on faire pour limiter les fake news sans tomber dans la censure ? Merci.
Emmanuel MACRON
Alors, c'est le débat qu'on a un peu depuis tout à l'heure, mais vous y allez encore plus spécifiquement. Au fond, on voit bien tout le débat qui monte, même à l'international. Vous avez peut-être vu qu'aux États-Unis, ils nous attaquent sur toutes les régulations en disant, nous, on est pour le free speech, c'est-à-dire la liberté d'expression.
Monsieur a cité à juste titre tout à l'heure le préambule de notre Constitution et en fait même ce qui sort de la loi 1789. Notre démocratie, la République, elle s'est construite sur la liberté de conscience, mais aussi la liberté d'expression. Mais cette liberté, ce n'est pas une liberté absolue. Et d'ailleurs, aucune de nos libertés n'est absolue. La liberté, elle n'existe que dans des limites qui permettent de respecter la liberté de l'autre et une possibilité de vivre ensemble. Si j'ai une liberté absolue qui consiste à faire n'importe quoi et que cette liberté entrave votre liberté, très vite, on rentre en conflit. Et donc, c'est pour ça que la loi peut encadrer cette liberté dans des limites qui sont soumises à nos principes constitutionnels.
Il n'y a pas de liberté d'expression qui soit absolue. Et d'ailleurs, toute l'histoire, on l'a créée. On a créé des journaux et leur liberté d'expression, elle est encadrée. C'est-à-dire que s'ils disent quelque chose qui est faux, j'ai un droit de réponse que je peux demander. Et même s'ils disent quelque chose qui nuit à mes intérêts ou qui me diffame, je vais les poursuivre devant le juge.
Premier point, ça n'existe pas sur Internet. Ce n'est pas vrai de dire qu'il y a la liberté d'expression sur Internet parce qu'il n'y a aucune responsabilité. Or, nulle part dans la vraie vie, il y a une liberté sans responsabilité qui va avec. Ça n'existe pas, ce n'est pas possible. Et donc le numérique doit faire exactement comme dans la vraie vie. Il y a une liberté d'expression formidable. Chacun peut s'exprimer librement sur les réseaux. Il y a une responsabilité qui doit aller avec, de la personne et de la plateforme. C'est ce qu'on dit depuis tout à l'heure.
La deuxième chose, et on n'a peut-être pas assez fait le distinguo depuis tout à l'heure parce que les questions ne nous ont pas permis de le faire, mais vous avez dit, je crois, des contenus blessants et puis des fausses informations. Il y a des contenus illicites et puis il y a ce qu'on appelle des fausses informations. Ce n'est pas la même chose. Les contenus illicites, c'est des choses qui sont vraiment interdites. Je l'ai évoqué tout à l'heure rapidement, mais par exemple, des propos racistes, des propos antisémites, des propos homophobes, il y a des choses que la loi interdit. Ça, on doit les retirer tout de suite. Et ça, on a la base légale pour le faire avec une plateforme qui s'appelle Pharos, on a des textes.
On a aussi pour les périodes électorales, je reviendrai après, VIGINUM. Mais donc ça, on peut le faire. Le problème qu'on a, c'est que les plateformes ne coopèrent pas assez. Et même quand il y a des contenus illicites, elles les laissent. Et on a énormément de mal à se retourner contre elles. On a créé les bonnes lois au niveau national, on a créé les bons opérateurs. Mais on a des plateformes qui ne coopèrent pas et on ne peut pas les sanctionner assez fort. Donc ce qu'on doit changer, c'est de les sanctionner beaucoup plus fort sur les contenus illicites. Sur les fausses informations, ce n'est pas la même nature, parce qu'en vrai, même si c'est un mensonge, on va le prouver à travers le débat. Alors, il y a plusieurs types de mensonges. Il y a les mensonges qui vont vous faire du mal et on voit bien qu'ils vont essayer de vous nuire, et puis après, il y a les mensonges sur des choses générales. Ça, il faut pouvoir les combattre par l'esprit critique et le dialogue. Ce n'est pas le même statut. Ça, c'est par l'esprit critique, c'est par la controverse, c'est par la libre circulation des choses, mais néanmoins, il faut qu'il y ait un système de responsabilité comparable à la presse qui soit mis en place pour ces plateformes et ces réseaux sociaux. Sinon, il n'y a aucun moyen de réguler, de créer les bonnes incitations pour qu'elles enlèvent ces fausses informations.
Après, dans le temps électoral, puisque vous me parliez de ça, pour la vie politique, on a créé des textes spécifiques pour éviter les ingérences étrangères. Et donc on a créé ce qui s'appelle VIGINUM, qui est une agence d'État qui contrôle pour voir s'il y a des ingérences, c'est-à-dire s'il y a des puissances étrangères qui viennent s'interférer pour pousser ces fausses informations qui vont soit nuire au pays, soit nuire à tel ou tel candidat. Et donc à ce moment-là, il y a une alerte, on le rend public, pour, en quelque sorte, que tout le monde puisse réagir et pour pouvoir retirer ces contenus. Ça, on le fait, ça marche.
Néanmoins, le problème qu'on a, c'est que les plateformes coopèrent beaucoup trop peu et qu'on a une base qui est un peu fragile parce qu'on regarde les conditions générales d'utilisation de ces plateformes. C'est ce que fait VIGINUM. Et donc là, elle dit, c'est une ingérence étrangère. Là, elle dit, ce n'est pas conforme à vos conditions générales d'utilisation. Donc, vous devez retirer ce contenu qui est de manière évidente un mensonge. Il y a des réseaux qui coopèrent, il y en a qui ne coopèrent pas du tout. Et donc, c'est ça qu'on doit renforcer aujourd'hui. Donc c'est pour ça qu'il faut changer.
D'abord, il faut durcir nos textes, davantage utiliser les textes existants. C'est ce qu'on va faire avec le garde des Sceaux à travers ce qu'on appelle les circulaires pénales pour demander aux procureurs et aux juges de s'en saisir davantage. Changer le droit européen pour durcir cela et permettre, justement, évidemment, d'être beaucoup plus efficaces pour retirer les contenus qui sont illicites et mieux réguler la lutte, enfin, mieux réguler, justement, ces fake news et créer des systèmes d'incitation et de responsabilité pour ce faire. Mais ça, c'est un autre système et c'est forcément plus lent. Pour la période électorale, réussir à être beaucoup plus contraignants avec les plateformes pour que notre vie démocratique ne soit pas faussée par ces ingérences étrangères.
Tout dernier point, on a créé quelque chose dans la loi il y a quelques années qu'on va aussi beaucoup mieux utiliser, qui est ce qu'on appelle le référé électoral, qui permet aussi de saisir le juge et de retirer tel ou tel contenu quand on est dans une période électorale. On l'a fait une fois en 2019. On va veiller à mieux l'utiliser, en particulier pour les élections municipales, parce que vous avez des maires sortants ou des candidats qui, parfois, sont face à des grandes attaques informationnelles, terribles fausses informations qui sont diffusées, ça peut fausser l'élection. Là, il faut que le juge puisse tout de suite retirer les choses, parce que ça fausse complètement l'élection, et le faire, donc, très vite. C'est sous le contrôle du juge.
Intervenant
Bonjour Monsieur le Président, merci de nous donner la parole. Merci aussi par l’occasion à Ouest-France de permettre ces échanges. Ma question, elle est assez rapide. Elle a déjà été évoquée par Clémentin, mais ça vous permettra d'aller un petit peu plus loin peut-être. Pensez-vous que l'Union européenne saura un jour être suffisamment forte pour réguler significativement le pouvoir des réseaux asociaux, qui sont l'un des fers de lance du soft power américain et chinois ? Et si oui, quand et à quelles conditions ? Je vous remercie.
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. On a commencé à le dire. On a commencé, et en vrai, on est les seuls à le faire. Les Américains ne régulent rien, les Chinois contrôlent tout. Et d'ailleurs, ce qui montre que c'est un sujet même, si je puis dire, de souveraineté cognitive, c'est que nos enfants et nos adolescents qui sont tellement sur TikTok, les Chinois qui ont créé TikTok, n'ont pas le même TikTok chez eux. Ils ont quelque chose qui est limité en nombre d'heures par la journée et qui ne donne que du contenu pédagogique. Donc vous voyez bien que c'est un enjeu de pouvoir. En fait, c'est un combat géopolitique.
Il y a l'unité de la nation, la protection de nos enfants, la protection de la démocratie, mais derrière tout ce qu'on se dit là, il y a un vrai combat géopolitique. C'est qu'en fait, il y a des gens qui ont compris qu'on pouvait faire beaucoup d'argent avec ça, plutôt les Américains, et des gouvernants aux États-Unis qui ont décidé de laisser ce truc privatisé. Et il y a une alliance avec l'international réactionnaire qui est de dire : nous, on croit dans le free speech et au fond, ils se sont alliés et ils se sont dit : vous nous laissez faire beaucoup d'argent et nous, on va pousser ce que vous voulez, c'est-à-dire on sera anti-climat quand vous voulez être anti-climat et on va pousser votre agenda.
Et puis, de l'autre côté, vous avez la Chine qui en fait un instrument de pouvoir. D'abord, elle voit que c'est dangereux, donc elle a interdit tous les acteurs américains chez elle. Elle a créé le sien, elle fait beaucoup d'argent à l'étranger avec nos jeunes, mais chez elle, elle a fait un contenu pédagogique. Nous, on est au milieu. Et comme souvent, c'est tout le défi de l'Europe, on s'est trop vus comme un marché, mais on doit être une puissance. Et une puissance, ça veut dire qu'on doit être beaucoup plus souverains. C'est le combat que je mène depuis huit ans pour l'Europe. Une Europe plus souveraine, ça veut dire qu'une Europe qui décide pour elle-même.
Alors, on n'a pas les acteurs, mais enfin, ces acteurs, ils viennent chez nous parce qu'on est un très gros marché. C'est une source de puissance. Donc on a commencé à réguler. Je vais vous dire, le test, c'est dans les mois qui viennent. Parce qu'après la réaction que X et que les dirigeants américains ont eue, après les déclarations du vice-président américain il y a quelques mois à Munich, la bataille est lancée. Ils vont tout faire pour faire plier les Européens.
Moi, je vais me battre de toutes mes forces pour que non seulement on tienne, mais qu'on puisse aller plus loin dans le sens qu'on évoque depuis tout à l'heure. C'est un vrai combat politique, au sens noble du terme, c'est-à-dire c'est un combat pour nos convictions, et c'est un combat pour savoir si les Européens veulent continuer d'être souverains d'un point de vue cognitif et démocratique ou s'ils veulent déléguer tout ça en disant : c'est trop compliqué, à d'autres, les Américains ou les Chinois.
Je pense qu'on serait fous de laisser faire, fous. Et donc le plus vite possible, on doit renforcer ces règles, c'est-à-dire faire appliquer nos directives, réussir à ce qu'il y ait des pénalités massives sur les acteurs qui ne respectent pas, et mettre en œuvre la lutte contre les faux comptes, la responsabilité des réseaux et la transparence des algorithmes de manière effective. C'est le combat des prochains mois et on ne lâchera rien. Mais moi, je crois que les Européens sont conscients. Je pense que tout ce qu'on a lancé là, et moi, je vais entraîner, là, dans les prochains mois mes collègues à le faire aussi dans leur pays, on le sent tous, même ceux qui consomment depuis des années les réseaux sociaux ou on sent que quelque chose ne va pas. Et en en prenant conscience, on voit qu'il y a une urgence à agir. Et donc je pense que ce réveil collectif, c'est aussi une sortie de l'état de minorité des Européens qui impose d'agir et d'être forts maintenant.
Intervenant
Merci. J'aimerais vous poser une question, Monsieur le président de la République. Vous faites des comparaisons entre les sites pornographiques et les réseaux sociaux, mais il existe quelque chose qui existe et qui permet justement aux jeunes d'aller sur les sites pornographiques qui s'appellent le VPN. Comment allez-vous faire pour interdire ou voire punir légalement les VPN sur la pornographie, mais aussi sur les réseaux sociaux puisque votre but est d'interdire les réseaux sociaux pour le moins de 15 ans ou 16 ans ? Moi, j'ai 14 ans, si j'utilise un VPN, je pourrais utiliser les réseaux sociaux. Quelle est votre contre-attaque face à cela ? Merci.
Emmanuel MACRON
Alors, vous avez raison. D'abord, et merci parce que la comparaison que vous avez faite est la bonne. Je les ai comparées sur la vérification de l'âge, mais je n'ai pas comparé par nature, mais c'est la vérification de l'âge. Vous avez parfaitement raison, ça existe.
Pourquoi je pense que malgré tout, c'est une bonne mesure et qu'est-ce qu'on peut faire pour contrecarrer ? Jusqu'à aujourd'hui, on ne donne pas de mode d'emploi aux parents. Donc les parents, on ne leur a pas dit : c'est bon, ce n'est pas bon, c'est interdit, pas interdit. Maintenant, on a donné un mode d'emploi. Donc les parents, ils vont être là pour beaucoup mieux contrôler. Ils vont se dire : il y a une norme, elle est décidée au niveau national, c'est passé dans la loi, donc ce n'est pas bon pour mon enfant. Jusqu'à présent, on n'était pas clair sur le sujet. C'est le premier truc qui change. Donc d'abord, je pense qu'il y a beaucoup d'ados, beaucoup d'enfants, beaucoup de parents, qui soit vont coopérer, c'est-à-dire ne vont plus y aller, soit vont le faire appliquer et ils vont contrôler.
Après, il y a les gens plus malins, ça rejoint un peu la discussion qu'on avait tout à l'heure, qui vont dire : moi, j'ai trouvé le truc pour contourner VPN. C'est tout à fait vrai. De la même manière, si je file la comparaison que je faisais tout à l'heure avec l'alcool, c'est interdit pour les mineurs. Il y a toujours des gens qui se débrouillent pour aller faire acheter par un copain majeur de l'alcool ou du tabac. Néanmoins, on a beaucoup, beaucoup baissé la consommation depuis que c'est interdit. Donc on va, et on l'a vu sur les sites pornographiques, on a beaucoup baissé parce que, malgré tout, la majorité ne vont pas chercher des VPN, c'est plus compliqué, il faut être plus malin, etc. Donc 1) je pense que ce sera super efficace, même s'il y a ces voies de contournement qui existent, vous avez raison. 2) on va essayer de responsabiliser les fournisseurs pour nous aider dans ce sens, parce qu'eux, ils peuvent nous aider en limitant les accès à ces fameux VPN. Quand les fournisseurs encouragent les VPN ou expliquent qu'avec eux, ce sera plus simple d'y aller, certains le font, ce n'est pas civique. 3) c'est pour ça que je mène la bataille européenne, parce que vous avez raison, si je le fais tout seul, vous pouvez aller chercher un VPN, parce que les pays frontaliers ne font pas la même chose.
Si c'est européen, c'est beaucoup plus compliqué. Et donc là, le combat qu'on va mener, c'est, je me suis engagé, dès début de l'année, la loi qui arrive, je la dépose en France pour qu'elle soit votée très vite. Mais en parallèle, on va créer une coalition d'États européens, en particulier, je voudrais tous les frontaliers, les autres, pour qu'ils nous suivent et qu'ils fassent la même chose, et qu'on arrive à ce que toute l'Union européenne fasse cette interdiction sur les moins de 15-16 ans. Et là, il n'y a plus la possibilité de contourner de la même façon, voilà. Mais c'est une très bonne question. Alors, Il y avait une question à côté de moi.
Intervenante
Bonjour Monsieur le Président de la République française. Vous dites que les réseaux sociaux nous poussent à nous renfermer sur nous-mêmes. Ce qui n'est pas totalement faux. Or les réseaux sociaux comme TikTok, par exemple, peuvent nous inciter à la lecture ou au sport. Enfin, ce qui est vrai. Enfin, voilà bref. Donc, n'y a-t-il pas un moyen pour que nos réseaux sociaux soient, entre guillemets, nettoyés et pour mettre en avant les bienfaits de nos réseaux, pour que les choses biens des réseaux soient plus en avant pour les jeunes ?
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. Alors d'abord sur la lecture, l'exemple que tu as pris, je dirais, on pourrait l'utiliser pour dire l'inverse. Plus tu vas passer de temps sur les réseaux sociaux, moins tu vas passer de temps à lire. Et ça, c'est plutôt vérifié. Donc je préfère que ce ne soit pas sur les réseaux sociaux, que tu suives les conseils de tes parents, de tes copains, de tes profs pour aller chercher tel ou tel livre et le lire. C'est beaucoup mieux. Je suis sérieux là-dessus parce que la lecture, je le disais tout à l'heure, elle est très importante pour pas simplement s'instruire, mais pour ton propre développement, pour ton émancipation, je crois, pour le bonheur individuel, mais pour aussi faire des citoyens bien éduqués.
Ce que tu dis, c'est un peu ce qu'on a essayé de faire ces dernières années, parce qu'on n'a pas rien fait face à ça. Je ne me suis pas d'un seul coup réveillé en disant qu'il faut interdire. On a essayé pendant des années. Dès 2018, moi, j'ai monté deux fois par an un sommet qu'on appelait Tech for Good, pardon pour l'anglicisme, mais on emmenait ces réseaux sociaux et ces boîtes de technologie pour dire comment on pourrait améliorer le contenu, mieux le réguler, pour nos enfants faire des choses.
La réalité, c'est qu'ils ne veulent pas le faire. Je ne vais pas te mentir, je ne vais pas passer par quatre chemins, ça ne les intéresse pas. Parce que ce n'est pas comme ça qu'ils gagnent de l'argent. Et donc, en leur mettant un maximum de pression, on avait obtenu qu'ils fassent ce qu'on appelle de la modération des contenus, c'est-à-dire qu'ils aillent regarder quand un contenu était adapté à un enfant ou pas, qu'ils aillent le retirer, qu'ils aillent justement nous aider à lutter contre le cyberharcèlement. Quand on a vérifié le nombre de modérateurs qui mettaient en langue française sur l'intégralité de leur réseau, selon les plateformes, c'était entre trois et sept. Ils se fichaient de nous. Donc ils veulent gagner de l'argent. Ce sont des entreprises privées. En vrai, compte tenu de ce qu'on sait, compte tenu du fait que, ce que tu dis, ils n'ont pas voulu nettoyer et séparer ce qui est bien et pas bien dans les réseaux sociaux pour vous, je serai irresponsable à dire : continuez à y aller, c'est super, et vous allez faire le ménage. Peut-être qu'il y a quelques fleurs au milieu de la décharge, mais je préfère que vous n'y mettiez pas les pieds. Je vous le dis sincèrement. Donc ils n'ont pas joué le jeu.
Pendant des années, on leur a donné cette chance, ils n'ont pas joué le jeu. Et c'est un peu une limite, ça rejoint les questions qu'on a depuis tout à l'heure, c'est que si on avait nos propres réseaux, on pourrait imposer, on aurait pu créer notre propre réseau avec des contenus pédagogiques. C'est une idée de souveraineté numérique. On ne les a pas encore. Alors je serais ravi, moi, qu'il y ait des innovateurs qui créent des entreprises et un réseau social adapté aux jeunes avec des contenus pédagogiques. Peut-être que ça va venir et qu'on peut encourager et ouvrir. À ce moment-là, on trouvera le chemin. Mais aujourd'hui, on n'a pas un acteur aussi fort que ces derniers, Français ou Européen, qui donne des contenus pédagogiques et où je pourrais dire : tu peux aller parce qu'il y a des conseils de lecture, des conseils intelligents, de la pédagogie et autres. Aujourd'hui, il y a des trucs super, mais il y a des trucs terribles. Et on sait quand même dire que ça n'est pas très bon pour ton développement personnel, pour ton équilibre, pour apprendre, pour devenir un adulte. Voilà.
Animateur
Merci beaucoup, Monsieur le Président. Malheureusement, j'aurais aimé et nous aurions tous aimé vous écouter encore longtemps, mais là, la pression est trop forte et donc je dois vous couper. En tout cas, merci beaucoup. On peut vous applaudir. Merci d'être venus. Et puis, on suivra effectivement la loi.
Emmanuel MACRON
Merci à vous. Merci, Mesdames et Messieurs. En tout cas, merci du temps que vous avez passé et pris. Et moi, je voulais simplement vous dire que derrière tout ça, il va y avoir des décisions, des lois, des textes, des combats européens, mais que tout ça ne vaut que si on arrive à mettre en mouvement la société. C'est-à-dire, tout ce qu'on se dit depuis tout à l'heure, c'est aussi une conscience civique et citoyenne. Et donc, voilà, chacun et chacune a son rôle à jouer. Merci beaucoup.