Le Président Emmanuel Macron a réuni les membres du gouvernement et les représentants des filières impactées par les mesures tarifaires annoncées par les États-Unis ce jeudi 3 avril 2025, au Palais de l’Elysée.
Le chef de l'État a insisté sur le fait que les annonces tarifaires du président Donald Trump sont brutales et représentent un choc pour le commerce international.
Il a souligné qu'il y aura bien évidemment une riposte française et européenne très rapide pour soutenir les entrepreneurs et l'ensemble des salariés des secteurs touchés.
Il a invité les représentants des filières à faire remonter des recommandations au niveau européen, en lien avec le ministère de l'Économie et les différents ministères sectoriels.
Il a insisté sur le fait que les Européens doivent rester unis et déterminés pendant cette période.
L'Union européenne, c'est 450 millions de consommateurs. C'est plus que le marché américain.
Enfin, il a indiqué que la réponse doit être apportée de manière solidaire, filière par filière, et qu'il est nécessaire de travailler au niveau français et européen pour accélérer les programmes d'investissement, de réindustrialisation et de simplifications, afin de demeurer compétitifs.
Revoir le propos liminaire :
3 avril 2025 - Seul le prononcé fait foi
Propos liminaire du Président de la République à l’occasion de la réunion avec les représentants des filières impactées par les mesures tarifaires annoncées par les États-Unis.
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs,
Merci de votre présence et de vous être rendus disponibles si rapidement. Je souhaite, avec le Premier ministre et les membres du Gouvernement ici présents, et avec le vice-président de la Commission européenne vous indiquer qu'il était important que nous puissions nous retrouver le plus rapidement possible après les annonces de la nuit dernière du président Trump qui sont un choc pour le commerce international, pas simplement pour l'Union européenne, la France, mais pour le bon fonctionnement du commerce.
Ceci implique évidemment une mobilisation française et européenne.
Je le dis ici, mobilisation pour l'ensemble de nos territoires, d'abord, parce que la liste qui est sortie hier soir est inquiétante pour plusieurs de nos territoires ultramarins, et elle supposera une mobilisation toute particulière du Gouvernement et du monde économique pour être aux côtés. Je pense à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui ont fait l'objet de tarifs exorbitants.
Evidemment, pour beaucoup de filières qui sont présentes autour de cette table et que vous représentez, certaines d'entre elles étant d'ailleurs déjà touchées par des mesures de représailles commerciales par la Chine. Je pense au Cognac et Armagnac et largement la viticulture et la viniculture qui sont particulièrement touchées et que nous continuons d'accompagner. Le voyage récent du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères a permis d'ouvrir, je fais cette parenthèse, quelques premières voies.
En tout cas, je veux ici dire très clairement pour les entrepreneurs et l'ensemble des salariés de ces secteurs que nous serons à leurs côtés pour apporter des réponses concrètes. Je vais y revenir.
La décision qui a été annoncée cette nuit est une décision brutale et infondée.
Elle est infondée parce qu'on ne corrige pas des déséquilibres commerciaux en mettant des tarifs. Et les bases de la théorie économique montrent le contraire, surtout quand les déséquilibres ne prennent pas en compte les services numériques, pour ne citer qu'eux. Au fond, cette décision va toucher tous les secteurs pour nos économies.
Sur les 500 milliards que les Européens exportent vers les États-Unis d'Amérique, à date, nous avons une visibilité sur plus de 70 % qui seront touchés par les tarifs, mais ceci, c'est en attente de ce qui est à confirmer, puisqu’on va avoir 20 % de tarifs pour tous les secteurs, sauf l’aluminium, l’acier, l’automobile, qui sont déjà à 25 %, la pharmacie, le bois et les semi-conducteurs sur lesquels les annonces vont suivre, mais qui seront vraisemblablement au moins à 25 %. Donc, on le voit bien, c'est un impact massif qui va toucher tous les secteurs de l'économie et de l'export européen, avec un enjeu pour la France qui est plus limité que pour certains autres pays, bien qu’il soit là et qui, pour certaines filières, va être massif.
Pour nous, c'est 1,5 % de notre PIB qui représente les exportations vers les États-Unis. Pour l'Italie, c'est plus de 3 % de son PIB. L'Allemagne, 4 %, l'Irlande, 10 %. Donc il y a des pays qui sont encore plus exposés que nous, mais ce n'est pas peu de choses. Surtout, nous aurons à prendre en compte, évidemment, les conséquences indirectes de ces mouvements. Parce que les tarifs sont massifs sur la Chine, l'Inde et plus généralement l'Asie du Sud-Est. Ce qui va créer des risques de potentiel déport de certains de ces produits et biens, qui va impacter très clairement nos économies et l'équilibre de certaines filières et de nos marchés.
Donc, au total, on le voit bien, c'est une ampleur qui est en tout cas inédite.
Mais ce sur quoi je veux insister au début de cette réunion, c'est que l'ampleur, et le caractère négatif est avant tout pour l'économie américaine. Et une chose est sûre, avec les décisions de cette nuit, l'économie américaine et les Américains, qu'il s'agisse des entreprises ou des citoyens, sortiront plus faibles qu'hier et plus pauvres. Et je pense qu'il faut le marteler. Et nous, il faut tenir, je vais y revenir, parce que ces décisions, elles ne sont pas soutenables pour l'économie américaine elle-même.
L'impact sur l'économie américaine est immédiat, là où il va mettre plusieurs années à être tangible dans les économies européennes. Mais surtout, il est bien plus massif sur les premières analyses, autour de deux points de PIB. Et donc, on voit bien que ce n'est pas soutenable si nous savons nous organiser, c'est-à-dire être à la fois réactifs, unis et organisés. C'est au fond cela dont il s'agit. La réponse doit venir de l'Europe.
J'étais à l'instant avec la présidente Von Der Leyen, qui est en Ouzbékistan, pour les discussions entre la sous-région et l'Union européenne. Très clairement, elle est en train de concerter la réponse des Européens, puisque c'est une compétence de la Commission, pour à la fois répondre à ces vagues tarifaires, et puis prendre en compte les conséquences indirectes que j'évoquais.
En termes de méthode, la riposte européenne se fera en 2 étapes, parce que riposte, il y aura, de manière claire. Je le dis pour que ce soit clair pour tout le monde.
La première riposte aura lieu mi-avril. Elle portera sur les taxes déjà décidées, en particulier sur acier et aluminium. Et les difficultés qui avaient pu apparaître sur des premières listes ont pu être corrigées. Les réponses qui arriveront dans les jours qui viennent seront des réponses qui sont sur le premier paquet : acier, aluminium.
La deuxième réponse, plus massive, celle aux tarifs annoncés hier, se fera à la fin du mois, après une étude précise, secteur par secteur, et un travail avec l'ensemble des États membres et, évidemment, des filières économiques. Alors là aussi, et pour cela, c'est ce que je voulais qu'on commence à organiser à l'échelle de la France, on a besoin de vous.
D'abord, je vous invite à faire remonter au niveau européen, en lien avec le ministère de l'Économie et vos différents ministères sectoriels, avec le ministère du Commerce extérieur, toutes vos demandes et recommandations éventuelles. Et c'est important de pouvoir relayer tout de suite en temps réel. Je vous demande aussi de bien vouloir vous coordonner avec vos homologues européens pour faire remonter un travail unifié, fort et résolument européen. Et je pense qu'il est très important d'être très clair, nous, filière par filière, mais de tout de suite essayer de jouer européen pour pas qu'il y ait, si je puis dire, d'échappée solitaire.
Au fond, nous avons besoin, dans cette phase, de rester unis et d'être déterminés. Et je le dis aussi parce que je sais ce qui va se passer, les plus gros auront tendance à jouer solo. Et ce n'est pas une bonne idée. Si la réponse aux tarifs qui viennent d'être remis par l'administration américaine, c'est de faire des concessions immédiates ou d'annoncer des investissements pour pouvoir négocier des exemptions, c'est une très mauvaise idée. Parce que nous avons une force. C'est un marché de 450 millions d'habitants. C'est ça, l'Europe. L'Union européenne, c'est 450 millions de consommateurs. C'est plus que le marché américain. Et donc si les Européens jouent groupés, c'est-à-dire préparent la réponse, qu'elle est unifiée, qu'elle est proportionnée, mais qu'elle est réelle, et que derrière, toutes les filières jouent de manière cohérente avec une vraie solidarité de filières, à ce moment-là, nous saurons avoir ce qui doit être notre objectif, qui est le démantèlement des tarifs.
L'objectif, c'est évidemment qu'on apporte une réponse mais avec un terme à tout cela. Nous devons montrer que c’est par la négociation qu’on arrivera évidemment à démonter les tarifs qui ont été annoncés ces dernières semaines et en particulier ces dernières heures, et que nous, on démonte les nôtres. Nous sommes dans la vertu du commerce. Mais simplement, on n'est pas naïfs, donc on va se protéger. Mais j'insiste sur l'importance de la réactivité, de bien préparer la réponse filière par filière et d'être unis, et surtout qu'il y ait une solidarité dans chaque filière. Donc je pense que ce qui est important, et c'est tout le travail qu'il faut faire par filière, c’est que les investissements à venir ou que les investissements annoncés ces dernières semaines, soient un temps, suspendus, tant qu'on n'a pas clarifié les choses avec les États-Unis d'Amérique. Parce que quel serait le message d'avoir des grands acteurs européens qui se mettent à investir des milliards d'euros dans l'économie américaine au moment où ils sont en train de nous taper. Donc il faut qu'on ait de la solidarité collective. Au-delà de cela, je veux qu'on puisse avancer tous ensemble sur un agenda.
Première chose, c'est qu'au fond, le constat américain est un bon constat, la réponse est mauvaise. Mais nous faisons le même constat. Il y a trop de désindustrialisations en Occident. La réponse, ce n'est pas de mettre des tarifs et de casser le commerce international, c'est d'être plus productifs en Occident. Et donc, nous devons travailler dans le même temps au niveau français et européen à accélérer nos programmes d'investissement, de réindustrialisation, nos simplifications, que beaucoup d'entre vous portent, française et européenne, et au fond, un agenda de simplification, de compétitivité, de réindustrialisation. Cette réponse, elle est essentielle dans la période, il faut l'accélérer. Au niveau français et européen, ça fait partie du travail que je veux qu'on conduise ensemble.
Ensuite, on doit assumer aussi l'agenda de décarbonation parce que c'est un levier d'indépendance. Je rappelle que quand on regarde notre commerce extérieur, son déficit, ses déséquilibres, il est aux deux tiers conduit par notre dépendance à des hydrocarbures et du fossile que nous ne produisons pas, mais que nous consommons. Donc tout l'agenda de décarbonation qu'on a enclenché, sur lequel on investit, est bon parce qu'il réduit la facture et la dépendance.
Troisièmement, on doit continuer d'accélérer au niveau européen sur aussi un agenda de protection commerciale. On l'a commencé sur les véhicules électriques chinois, et on assume. On en paye d'ailleurs les conséquences, nous, Français, parce que parfois on avait été identifiés comme les plus cohérents, donc ceux qui étions les plus vocaux. Mais je vais être clair, on ne peut pas demander à nos industriels de faire des transitions, ce que vous faites toutes et tous, et ne pas les protéger et en quelque sorte laisser de la concurrence déloyale s'installer.
Donc, on doit avoir un agenda de concurrence loyale. Nous, on n'est pas pour les tarifs arbitraires, mais on est pour la concurrence loyale, ce qui veut dire qu'on doit continuer d’avancer sur le juste contenu européen et des mécanismes de protection de nos secteurs industriels quand ils sont exposés à de la concurrence déloyale. C'est ce que nous traiterons, entre autres, à l'occasion du Conseil présidentiel du commerce extérieur le 13 mai prochain. C'est aussi ce qui continuera d'alimenter les travaux que nous aurons à bâtir.
Puis je souhaite qu'avec vous, on puisse porter aussi des initiatives sectorielles au niveau européen sur cet agenda, parce que c'est secteur par secteur qu'il va falloir analyser les conséquences, en particulier indirectes, de ce qui vient de se passer. Sur beaucoup de secteurs, on va être confrontés, je le disais il y a un instant, à des surcapacités sud-asiatiques qui, au fond, voyant enfermer le marché américain, en tout cas en prenant pour certains 30 à 40 % de tarifs, vont rediriger leur flux vers l'Europe. Ce n'est pas forcément quelque chose qu'on voit tout de suite sur lequel on est en train de se préparer, mais enfin, ce sont des mécanismes qui vont avoir sur certaines de nos filières, dans l'agroalimentaire, dans les services, des conséquences qui peuvent être massives. Et donc ça, je souhaite qu'on puisse le préparer avec vous.
Enfin, le but de la discussion d'aujourd'hui, c'est d'avoir un premier échange. Tout ça va être ensuite travaillé très étroitement pour préparer cette réponse européenne. Comme l'a dit la présidente de la Commission européenne et le vice-président ici présent, rien n'est exclu. Et donc tous les instruments sont sur la table : des réponses tarifaires pour faire face, l'activation de mécanismes qui sont à notre main, comme le mécanisme anti-coercition, la possibilité d'avoir des réponses sur les services numériques, où les États-Unis sont extrêmement bénéficiaires sur l'Europe, la possibilité de regarder aussi les mécanismes de financement de l'économie américaine. Il ne faut rien exclure à court terme, il faut faire ce qui est le plus efficace, le plus proportionné, mais qui en tout cas marque très clairement que nous sommes décidés à ne pas laisser faire, à ne pas avoir des filières qui sont victimes de ces tarifs et donc, à nous défendre et nous protéger.
Voilà ce qui nourrit aujourd'hui nos réflexions après quelques heures et le travail que nous avons lancé avec le Premier ministre, les membres du gouvernement ici présents, en lien très étroit avec la Commission européenne, dont je le rappelle, c'est la compétence.
Je ne serai pas plus long, je vais maintenant proposer qu'il y ait peut-être une expression du Premier ministre s'il a des choses à rajouter, et du commissaire, qu'on ait ensuite peut-être l'expression de toutes celles et ceux qui veulent ici porter des points particuliers et qu'ensuite les ministres puissent revenir sur chacun de ces points.
Merci.
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