La résistante Geneviève Callerot s’est éteinte à 108 ans, après avoir mené une riche et longue vie d’agricultrice et de romancière.
Elle emporte avec elle un petit morceau de France, d’une certaine France dure à la peine et à l’intimidation, tendre à la beauté du monde, aussi prompte à lever le poing face à l’oppression qu’à tendre la main.
Née en 1916, elle connut ainsi deux guerres mondiales, dix-sept présidents de la République, fut le témoin des mutations du monde rural, et de la société française, de l’arrivée de l’eau courante dans son village périgourdin de Saint-Aulaye, de l’accès des femmes au droit de vote. Mais c’est l’Occupation qui marqua à jamais son existence, et la révéla à elle-même, alors qu’elle avait quatorze ans. La ligne de démarcation passait non loin de sa maison. D’un seul bloc, sa famille se tourna vers la Résistance, et s’engagea dans un réseau de passeurs qui reliait le village de Ribérac, en zone occupée, à celui de Montpon, en zone libre.
À trois reprises, Geneviève fut surprise par les Allemands. S’ils furent deux fois contraints de la relâcher faute de preuves suffisantes, la troisième arrestation lui valut plusieurs semaines de prison. Rien n’y fit : la jeune fille reprit chaque fois de plus belle son combat pour la liberté, et participa à l’évasion de deux cents personnes en deux ans, hommes ou femmes, vieux ou jeunes, Juifs, blessés de guerre britanniques ou américains, auxquels elle sauva la vie dans un héroïsme anonyme, et qui souvent ne surent jamais ce qu’ils devaient à cette adolescente.
Après la guerre, Geneviève continua à vivre dans le village de son enfance, où son mari et elle étaient métayers. Malgré leurs moyens modestes et l’âpreté des conditions de vie, elle n’abandonna jamais son amour profond de la terre qu’elle travaillait inlassablement, une terre nourricière dont elle n’avait de cesse de rappeler l’importance fondamentale et le respect qui lui était dû.
Celle qui n’avait jamais connu d’autre école que les enseignements prodigués à domicile par sa mère révéla dans les années 80 un talent insoupçonné de romancière. Petite, elle écrivait des romans avec son cousin Jean-Charles. Devenu humoriste et auteur à succès, il découvrit par hasard les nouvelles qu’avait continué à écrire sa comparse littéraire d’enfance, et y décela un potentiel rare. Soutenue par ses encouragements, Geneviève Callerot publia à 67 ans un premier livre consacré à une famille de métayers éprouvée par la guerre, Les cinq filles du Grand-Barrail. Cinq autres romans suivirent, qui entrelacent la petite histoire à la grande en prenant pour toile de fond cette société paysanne qu’elle connaissait si intimement et qu’elle savait chanter. Et parce que sa vie valait davantage encore qu’un roman, elle rassembla ses souvenirs en un livre, Deux filles sous la botte.
Le Président de la République salue une mémoire de la Résistance et du monde rural, qui continua après la guerre d’être une passeuse. Il adresse à ses proches, à tous ceux qui ont été illuminés par sa présence solaire, à ceux enfin dont elle a sauvé la vie, ses condoléances émues.