Le Président Emmanuel Macron s'est rendu au Canada pour une visite officielle, mercredi 25 et jeudi 26 septembre 2024.

À cette occasion, le chef de l’Etat s'est rendu tout d’abord à Ottawa pour échanger avec Justin Trudeau, Premier ministre du Canada mais également rencontrer et débattre avec des représentants de la Francophonie, à moins de 10 jours du Sommet de la Francophonie qui se tiendra en France (Villers-Cotterêts et Paris), les 3 et 4 octobre prochains.

Les deux dirigeants se sont ensuite rendus à Montréal, dans la province de Québec, pour rencontrer des experts de l’intelligence artificielle à quelques mois du Sommet pour l’action sur l’IA, accueilli en France début 2025.

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26 septembre 2024 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe avec le Premier ministre du Canada, Justin Trudeau.

Emmanuel MACRON

Merci, Monsieur le Premier ministre. Merci, cher Justin, merci pour l'accueil chaleureux réservé dès hier soir à Ottawa et à Montréal aujourd'hui. C'est un très grand honneur pour ma délégation et moi-même de rendre visite, pas simplement à un pays ami, mais avec lequel les liens sont fraternels et tissés génération après génération.

Je crois qu'on l'a ressenti encore avec beaucoup de force en juin dernier, quand vous nous avez fait l'amitié d'être présent aux commémorations du 80ᵉ anniversaire du Débarquement sur les plages de Normandie, et Juno Beach est gravée dans nos mémoires.

Maintenant, nous sommes de tous les combats, dans les enceintes internationales où nous agissons, comme le Premier ministre vient de le dire, main dans la main, qu'il s'agisse du G7, et l'année prochaine, le Canada aura la présidence et la France prendra le relais, ce qui est un élément de coordination important, comme nous l'avions fait il y a quelques années ensemble, à l'OTAN comme à l'OIF et encore à New York, lors de l'Assemblée générale des Nations Unies.

Cette fraternité franco-canadienne, elle est mise à l'épreuve, en tout cas, elle est testée par les nombreuses crises. Je crois pouvoir dire que nous avons une vision commune et une action commune face à celles-ci, et je veux vous en remercier. Le Canada et la France partagent la même détermination à soutenir l'Ukraine. Et je veux dire ici combien, pour les Européens, votre engagement, malgré l'océan qui nous sépare, n’est pas simplement apprécié, mais déterminant dans la guerre que mène le peuple ukrainien pour résister à l'agression russe et sauver son territoire. Et donc, soutenir l'Ukraine aussi longtemps et autant que nécessaire. Et face à cette guerre d'agression, nous avons réagi avec résolution et vous avez vraiment incarné, Monsieur le Premier ministre, cette action et nous continuerons de le faire dans la durée.

S'agissant de la situation au Proche-Orient, notre position est très claire et je me retrouve dans les propos que vous venez d'avoir. Nous demandons un cessez-le-feu immédiat à Gaza comme sur la ligne bleue. À Gaza, le calvaire de nos otages et des Gazaouis n'a que trop duré. Un plein accès humanitaire doit être garanti, il ne l'est toujours pas, et cette situation insupportable doit enfin cesser. Je compte sur tous nos partenaires pour mettre la pression nécessaire et nous accompagner, pas simplement en mots, mais en actes, et travailler à une perspective politique.

Nous en avons discuté avec le Premier ministre. Nous sommes l'un et l'autre convaincus que c'est la solution politique et celle des deux États qui, seule, peut donner une paix durable dans la région. Mais la prolongation de la guerre à Gaza favorise une extension régionale du conflit extrêmement préoccupante dont le Liban est la principale victime aujourd'hui.

Le nombre de victimes civiles des frappes israéliennes au Liban de ces derniers jours est absolument choquant et je veux ici redire notre solidarité au peuple libanais. La France, qui a toujours été claire et évidemment, a fermement condamné, et de manière systématique, toutes les frappes et les agissements du Hezbollah, qu'ils touchent d'ailleurs les populations libanaises elles-mêmes et Israël, la France s'oppose à ce que le Liban devienne un nouveau Gaza. Israël doit cesser ses frappes, et le Hezbollah, sortir de sa logique de représailles.

Il y a une voie diplomatique. Elle est exigeante. Nous sommes prêts à y contribuer avec les États-Unis, c'est ce que nous avons proposé aux parties prenantes hier, et garantir la sécurité des populations de part et d'autre, ainsi que le retour des populations civiles dans leurs foyers. Dans ce contexte, nous pourrions y revenir dans le cadre des questions, nous n'oublions pas aussi le peuple haïtien, dont la vie quotidienne est ravagée par la violence des gangs. Le chemin vers un retour de la sécurité passe par un renouvellement du mandat de la mission internationale, un engagement plus important de l'ONU et également un engagement de tous.

Je veux saluer vraiment le rôle très important que joue le Canada, saluer la CARICOM aussi et l'implication de pays qui se sont penchés sur ce dossier avec nous, et l'implication aussi du Kenya, qui a mené un effort considérable. Et à vos côtés, nous prendrons les actions utiles en termes de sanctions ou d'équipement, comme nous l'avons discuté nous-mêmes et au sein des instances européennes. Mais au-delà de ces conflits, l'urgence porte aussi sur nos grands dossiers internationaux. Et là-dessus, Canada et France sont affinitaires, comme on dit.

Le climat et la biodiversité sont au cœur de notre agenda, dans notre transition nationale, mais dans les combats que nous menons à l'international. Le Canada a joué un rôle déterminant pour la réussite de la conférence sur la biodiversité, l'année dernière, et la France aura à reprendre le flambeau avec la Conférence des Nations Unies sur l'océan, l'UNOC, prévue en juin prochain à Nice. Nous visons d'ailleurs à ce qu'il y ait une ratification par plus d'une soixantaine de pays du fameux traité BBNJ, qui a été véritablement l'une des réalisations concrètes de l'agenda que vous avez poursuivi.

Nous avons, dans cette perspective, adopté une feuille de route commune qui vise à améliorer les connaissances sur l'océan, Monsieur le Premier ministre en a rappelé plusieurs des éléments, en particulier les expertises réciproques, l'appui de l'expertise de l'Ifremer pour ce qui concerne la France, et s'engager dans une meilleure protection de l'océan et favoriser l'innovation dans le cadre de projets franco-canadiens. Cette même volonté de mettre l'innovation au cœur de notre partenariat, nous la retrouvons sur le sujet de l'intelligence artificielle. Le Premier ministre a parfaitement décrit la situation. Nous avons deux écosystèmes, à la fois de recherche et entrepreneuriaux et de financements, qui sont extrêmement actifs, qui sont compétitifs.

Nous sommes lucides aujourd'hui sur la place prise par les États-Unis d'Amérique et par la Chine, mais notre volonté par une feuille de route bilatérale, par les échanges, et nous avons eu des gens admirables grâce à votre invitation et je vous en remercie encore, autour de la table, à l'instant, nous voulons avancer sur les partenariats très concrets d'innovation, de développement et de recherche.

Nous voulons aussi contribuer à construire un cadre éthique international de l'intelligence artificielle qui rende ces innovations compatibles avec nos modèles démocratiques et pleinement au service de l'humanité. C'est ce qui nous avait motivé, lors de votre G7, pour mettre en place le Partenariat mondial pour l'intelligence artificielle, poursuivi lors du G7 français en 2019. Et c'est ce même chemin, avec l'appui des organisations internationales compétentes, je pense aux Nations Unies et à l'OCDE, que nous souhaitons poursuivre dans les mois à venir.

La France aura en effet le sommet sur l'intelligence artificielle qui se tiendra en février prochain. Vous aurez ensuite votre G7, puis nous aurons le nôtre et nous poursuivrons avec détermination et cohérence sur ce chemin.

Innovation aussi en matière de transition énergétique : nos deux pays ont vocation à développer des chaînes d'approvisionnement plus résilientes, notamment via des projets dans le secteur des métaux critiques. Nos industriels de l'aéronautique et du ferroviaire travaillent également sur la décarbonation des moyens de transport. Et afin de resserrer ces liens d'innovation économique, vous l'avez rappelé, le Canada sera l'invité d'honneur du salon VivaTech l'année prochaine, ce qui sera un moment important.

Innovation aussi en matière de sécurité et de défense. Nous avons échangé sur nos objectifs dans ce secteur avec la même volonté de disposer de capacités militaires pour faire face aux grands enjeux d'aujourd'hui et de demain.

Cette feuille de route, ce partenariat stratégique renforcé que nous avons adapté, va nous permettre des coordinations plus étroites, en particulier en Europe et en Indo-Pacifique, et nous allons intensifier les échanges sur les besoins en matière d'équipements de défense et lutter ensemble contre toute forme d'ingérence étrangère.

Innovation, enfin, dans le secteur des industries culturelles et créatives. Nous savons à quel point Montréal occupe une place à part dans le monde du jeu vidéo, tandis qu'Ottawa accueille aujourd'hui l'un des plus grands festivals internationaux d'animation et a choisi la France comme invité d'honneur, secteur sur lesquels nous sommes, vous le savez, très engagés, créatifs, et où nous avons non seulement des grandes entreprises, mais beaucoup de jeunes qui les rejoignent.

Enfin, je ne saurais terminer mon propos sans parler de Francophonie, à quelques jours du sommet de l'Organisation Internationale de la Francophonie que nous avons l'immense honneur d'accueillir à Villers-Cotterêts. L'histoire canadienne nous rappelle que les francophones, en particulier minoritaires, sont animés d'une volonté à toute épreuve pour transmettre cette langue aux futures générations et pour en maintenir l'usage. Je l'ai encore mesuré ce matin dans la rencontre tenue à Ottawa. Alors, pour être à la hauteur de cette histoire, il est de notre devoir, en lien avec les autorités fédérales et les provinces, de tendre la main et justement, de permettre à tous ceux qui le veulent, de rejoindre la famille de la Francophonie. C'est la raison pour laquelle nous avons aussi soutenu l'ouverture d'un nouveau lycée français à Halifax, dans les provinces atlantiques, tandis qu'un nouveau projet pourrait voir le jour dans les années à venir à l'ouest.

Dans un pays qui a trois océans pour frontières, je propose de voir plus grand.

Il faut désormais changer d'échelle et mobiliser encore davantage de financements privés au service de cette Francophonie. C'est ce que nous voulons faire. Un Institut français du Canada va poursuivre cette mission pour que tous ceux qui veulent participer à cette aventure puissent y contribuer. Mais je veux personnellement vous remercier, Monsieur le Premier ministre, pour votre vigilance sur ce sujet à l'OIF, évidemment, mais dans toutes les enceintes internationales. Je peux ici en témoigner. J'ai toujours eu à mes côtés un Premier ministre du Canada qui, constamment, a manié les deux langues et constamment, a réservé sa place au français. Je vous en suis infiniment reconnaissant.

Monsieur le Premier ministre, cher Justin, les crises internationales, le climat, la biodiversité, l'intelligence artificielle, nos partenariats bilatéraux, la Francophonie… Nous n'avons pas été complets. Nous avons déjà sans doute été trop longs. Mais à coup sûr, nous avons une amitié nourrie par cette histoire si singulière qu'il y a entre nous de langue, de culture, faite aussi de drames et à laquelle nous tenons. Et vous l'avez dit, l'amitié entre nos peuples a nourri une amitié entre nos nations, des feuilles de route exigeantes entre nos gouvernements et une amitié personnelle entre nous dont je me félicite. Merci infiniment pour l'accueil de ces deux jours.

Merci beaucoup.

Animatrice

Merci beaucoup, Monsieur le Président. Nous allons maintenant commencer à la période des questions : deux questions de la délégation des médias français et deux questions de la délégation des médias canadiens.

Journaliste

Vous avez tous les deux, au nom de vos pays, appelé hier à une trêve de 21 jours pour mettre fin à l'embrasement, on va dire, du Liban. Comment réagissez-vous à la fin de non-recevoir qu'a exprimé M. NETANYAHOU ce matin, en considérant que son armée devait poursuivre avec toute la force nécessaire les frappes et les combats au Liban ? Que faut-il faire pour essayer de ramener Israël à la raison ? Est-ce que vous considérez que cette fin de non-recevoir est définitive ? Et que suggérez-vous, par exemple, aux États-Unis pour, pour contraindre M. NETANYAHOU à accepter cette trêve ? Merci.

Emmanuel MACRON

Merci pour votre question. C'est évidemment aujourd'hui, au cœur de nos inquiétudes, préoccupations et de notre mobilisation. Je l'ai dit, je pense que la proposition qui a été faite et qui a été préparée, négociée avec le Premier ministre NETANYAHOU et ses équipes, à la fois par les Américains et nous-mêmes, est une proposition solide. Elle n'a pas été faite en l'air et je pense que ce serait une faute de la part du Premier ministre de la refuser parce qu'il prendrait la responsabilité d'une escalade régionale, évidemment de nouvelles victimes civiles au Liban, mais une escalade bien au-delà que nul ne maîtriserait. Je ne considère pas que les propos qui ont été rapportés et ceux qu'il a pu avoir devant vos confrères à New-York sont définitifs. Il y a une première réunion qui s'est tenue avec le secrétaire d'État BLINKEN il y a quelques heures à peine. Nous allons poursuivre les contacts et en étroite coordination avec nos partenaires américains, tous nos partenaires mobilisés, dont le Canada, et en échangeant à nouveau nous-mêmes avec les Israéliens, nous allons tout faire pour que cette proposition soit retenue. C'est celle qui nous permettra d'éviter toute escalade. C'est celle qui nous permettra de mieux maîtriser la zone sud, évidemment d'accéder à la demande légitime de toutes les familles qui ont été déplacées du nord d'Israël et qui veulent revenir chez elles, mais de le faire dans un cadre concerté avec des garanties, et aussi dans un cadre international. Et donc, nous poursuivons les échanges et nous sommes prêts, à nouveau, à appeler à une réunion du Conseil de sécurité pour formaliser cela.

Journaliste

Merci. Pour M. TRUDEAU et M. MACRON, c'est similaire à la question de mon collègue français. Maintenant que NETANYAHOU a refusé cette proposition de 21 jours, quelles mesures pouvez-vous mettre en place et à quel moment allez-vous activer un plan d'évacuation pour retirer nos citoyens du Liban ?

Emmanuel MACRON

Merci pour la question. Moi aussi, j'aimerais réitérer le fait que la France est épaule à épaule avec le Liban dans cette situation. Il n'y a aucune raison de faire face à autant d'attaques et voir autant de victimes civiles. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place cette proposition en collaboration avec les États-Unis, négociée avec les deux parties. Nous ne nous arrêterons pas là. Je ne crois pas que les premiers commentaires soient définitifs, les premiers commentaires d'Israël. Nous allons les encourager à s'engager et à mettre en place un cessez-le-feu pendant 21 jours, puisque c'est une occasion unique d'aller de l'avant de façon diplomatique afin d'assurer la sécurité des gens des deux côtés de la frontière. Ce que nous ferons, c'est de poursuivre le travail acharné avec les États-Unis auprès d'Israël et de nos partenaires afin d'avoir les meilleures garanties et le meilleur accord. Nous demandons aussi une nouvelle réunion du Conseil de sécurité afin de soulever cette question et augmenter la pression afin de mettre en place ce cessez-le-feu.

Journaliste
Bonjour. Monsieur le Président, ma question s'adresse à vous. Le meurtre de Philippine, 19 ans, suscite une émotion considérable en France. Votre ministre de l'Intérieur veut faire évoluer l'arsenal juridique. Est-ce que vous considérez qu'il y a une faille au niveau de la justice et est-ce que vous partagez son avis ? Et enfin, sur un tout autre sujet, Michel BARNIER était-il dans son rôle ? A-t-il fait une erreur lorsqu'il a appelé Marine LE PEN pour désavouer un autre membre de son Gouvernement, à savoir le ministre de l'Économie ?

Emmanuel MACRON

Merci beaucoup. Écoutez, je ne répondrai pas à votre deuxième question parce que je pense que ce n'est pas mon rôle de le faire, et encore moins ici. La première question, je vais simplement y répondre en vous disant l'émotion de toute la nation et, je crois, de toutes les Françaises et de tous les Français devant ce crime odieux et atroce et la douleur de toute une famille qu'il faut respecter, accompagner. Évidemment, la justice fera son travail. Évidemment, les services de l'État feront le leur. Mais je serai avant tout et simplement dans l'expression de cette solidarité et de cette affection de la nation. Pour le reste, le Gouvernement fait son travail, chaque ministre dans ses compétences, et il faut chaque jour mieux protéger les Français, mais le faire, le faire et moins dire.

Journaliste
Bonjour. M. TRUDEAU, une question pour vous. François LEGAULT dit que l'immigration sera la question de l'urne aux prochaines élections fédérales. Il dit que vous l'avez échappé sur ce dossier. Qu'est-ce que vous auriez pu mieux faire ? Mais juste avant, dans un autre ordre d'idée, pour vous, M. MACRON, que se passerait-il avec le CETA ? Est-ce que sa mise en œuvre complète est en péril ? Et sur un autre sujet, la laïcité de l'État, votre ancien Premier ministre, Gabriel ATTAL, avait fait un plaidoyer assez vibrant au Québec pour la loi sur la laïcité de l'État québécoise. Est-ce que vous partagez son appui à la démarche québécoise ?

Emmanuel MACRON

Alors, la deuxième question. Moi, je ne m'immisce pas dans les débats hors de France, mais je compte sur nos amis québécois pour aider à expliquer le modèle français, déjà parce que je constate qu'il est souvent mal compris à travers le monde. Et le modèle de laïcité à la française n'est pas un modèle d'exclusion des religions. La laïcité, je le rappelle souvent en citant BRIAND, c'est une loi de liberté. C'est ce qui fait que peu m'importe votre religion, rien ne justifie de vous détourner des lois de la République, mais ce faisant, je vous permets de croire, de ne pas croire, etc. Mais citoyennes, citoyens, c'est l'espace dans lequel nous vivons. La France ne prétend pas imposer ce modèle à travers le monde. Elle entend simplement qu'il soit parfois mieux respecté quand les esprits s'échauffent. J'ai pu souvent lire ces dernières années, lorsque nous avons eu à connaître des moments où les esprits s'échauffaient, dans le monde anglo-saxon, beaucoup de critiques pour caricaturer, transformer ce qu'est la laïcité à la française. Voilà. Si elle inspire, je m'en félicite, mais chacun doit poursuivre son modèle de manière démocratique pour savoir comment on essaie de bien vivre, et c'est le fruit de nos histoires. Pour ce qui est du CETA, je veux vous rassurer, c'est un très bon accord et moi, je suis confiant.

Je vais vous dire pourquoi. D'abord, c'est un accord qui a été signé par mon prédécesseur, donc ça veut dire que les formations politiques qui le soutiennent sont d'accord. C'est eux qui l'ont signé. Ensuite, quand moi, j'ai été élu, il y a eu de longs débats en France, comme vous le savez. Je veux saluer vraiment l'engagement du Premier ministre TRUDEAU et de vos services, des ambassadrices et ambassadeurs successifs. On a fait un très gros travail, des rapports, un débat parlementaire exemplaire. Nous avons accepté la mise en œuvre provisoire qui est quasi totale, comme vous le savez aujourd'hui, avec un vote positif de l'Assemblée sur la base d'un très grand travail qui donne beaucoup de visibilité, avec des standards environnementaux inédits. Si quelqu'un est contre le CETA aujourd'hui, c'est quelqu'un qui ne veut plus jamais faire d'accords de commerce avec qui que ce soit parce qu'il est au meilleur standard de ce qu'on a ratifié. Ensuite, les esprits se sont échauffés, ce qui arrive dans la vie politique.

Mais j'invite ceux dont l'esprit s'est échauffé à regarder les chiffres, parce que beaucoup de gens ont dit : "Le CETA, ce n'est pas forcément [inaudible]." Mais comme vous le savez, il y a eu un vote ensuite au Sénat qui a été une alerte. Mais je suis convaincu que même ceux qui, à ce moment-là, ont voté, alors même que ça va revenir à l'Assemblée, regarderont la réalité. Et pour le secteur agricole français, c'est un bon accord. J'ai confiance dans l'esprit de raison et la lucidité de tous les dirigeants, où qu'ils soient, pour regarder les choses telles qu'elles sont. Voilà, donc je veux ici vous dire que moi, je soutiens de là où je suis le CETA, que je suis confiant que le chemin qui se poursuivra en France et en Europe permettra, en effet, l'adoption définitive. Maintenant, il y aura du débat démocratique et parlementaire. Je le respecte, il doit se tenir. Mais on a fait un très gros travail ensemble pour l'améliorer, pour le mettre aux meilleurs standards, et les rapports provisoires qu'on a eus et l'évaluation montrent que les craintes qui s'exprimaient en 2017 2018 ont été levées et que la réalité des chiffres montre que c'est un bon accord. Je ne peux pas mieux vous dire.

Le Président de la République a échangé avec François Legault, Premier ministre du Québec, avant d’aller à la rencontre de la communauté française au Canada, l’une des plus grandes communautés françaises installées dans le monde.

Revoir le discours :

27 septembre 2024 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président Emmanuel Macron à la communauté française au Canada.

Emmanuel MACRON

Merci beaucoup monsieur le Premier ministre, cher Justin, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les ambassadeurs, mesdames et messieurs les élus, monsieur le député, cher Roland, mesdames et messieurs les élus consulaires français également ici présents, mesdames et messieurs en vos grades et qualités, chers amis.

Merci pour tes mots, Justin, et pour l'accueil. Et je suis très heureux d'être de retour parmi vous. Ça m'avait manqué. Et en fait, me souvenant du voyage de 2018, et depuis hier, étant à vos côtés, nos amis allemands ont un proverbe qui dit, « heureux comme Dieu en France ». [rires] Façon de célébrer notre art de vivre, etc. Et je me disais, en étant avec vous depuis hier, « Heureux comme un Français au Canada ». [applaudissements] Parce qu'il y a ici quelque chose de formidablement américain, mais d'irréductiblement européen et réciproquement. Un attachement à des valeurs communes, vous venez de le rappeler admirablement, monsieur le Premier ministre, un attachement à une certaine idée de la liberté, à des valeurs démocratiques qui doivent toujours être défendues, à une justice sociale et une équité, un souci de l'environnement que nous portons l'un et l'autre et que vous incarnez ici. Et puis, il y a cette capacité à défendre et aimer la France depuis ici. Et nous, Français, qui nous battons toujours pour défendre nos intérêts avec une forme de fierté légitime, que d'aucuns qualifient négativement, à tort, mais voilà, qui sommes fiers de cela, c'est une récompense extraordinaire de voir les Canadiens défendre et la langue et les valeurs et les cultures et l'histoire comme vous le faites.

Je voulais vous le dire avec beaucoup de gratitude, une immense gratitude. Donc, je me sens bien parmi vous. [applaudissements] Notre histoire est enracinée à travers les siècles. Votre aventure familiale, cette odyssée que vous avez rappelée, en est l'un des témoignages. Et je sais qu'aujourd'hui, parmi nous, beaucoup d'entre vous ont des noms encore marqués par la France et des destins encore marqués par ces traversées. Et vous l'avez rappelé, Juno Beach résonne aussi dans nos oreilles et nos mémoires, et nous savons, de l'autre côté de l'océan, ce que notre liberté vous doit avec beaucoup d'émotion, et nous l'avons ré-évoqué en juin dernier ensemble, faisant écho en particulier à Léo MAJOR, ce tireur d'élite légendaire que redoutaient tant les Allemands. Mais ce n'est pas que l'histoire, vous l'avez dit, le lien qui nous unit est fait aussi des femmes et des hommes qui sont là et qui, chaque jour, l'entretiennent. C'est pour ça qu'à l'invitation, monsieur le Premier ministre, je l’en remercie, mais avec votre participation à tous, je voulais vous remercier très sincèrement.

Ce lien, il est estudiantin, il est de recherche, il est académique, il est culturel, il est entrepreneurial, il est politique. Les femmes et les hommes que vous êtes portent la vitalité de ces relations bilatérales. Elles ont des siècles, elles se sont renforcées durant ces décennies, et je crois qu'ensemble, nous les avons beaucoup renforcées ces dernières années, parce que nous avons ensemble essayé de bâtir sur cette force existante, mais en essayant de relever, par ce partenariat, les défis du moment. Alors oui, nous sommes allés beaucoup plus loin sur les investissements croisés, et comme vous, je défends le CETA. Et donc, cet accord commercial qui a été bien négocié entre le Canada et l'Union européenne, il a été signé avant que je sois élu, nous l'avons confirmé, le Parlement l'a ratifié, l'Assemblée nationale l'a voté. Et quoi que vous puissiez entendre, et quelles que puissent être les péripéties, nous l'appliquons, comme convenu de manière provisoire aujourd'hui. Mais il est bon. Nous l'avons ensemble amélioré. Il est cohérent avec notre conviction dans l'économie ouverte et le climat. Il est juste des deux côtés. Et pour tous ceux qui le contestent en France, je les invite à regarder les chiffres, il est bon, y compris pour ceux qui le redoutaient. Et donc, vous avez devant vous un vrai défenseur, pas naïf, mais exigeant avec vous et convaincu de cet accord. Celui-ci vient servir un écosystème aussi que nous avons renforcé en matière d'innovation. Je sais tout ce qu'on doit à la French Tech ici, tout ce qu'on doit aussi à ce que nous avons bâti, en particulier sur l'intelligence artificielle, et je veux ici dire mon admiration pour les chercheurs, les entrepreneurs canadiens en la matière ; vous dire que vous avez de l'autre côté de l'océan des Français qui sont tout autant vibrants, ambitieux, et qui croient dans l'innovation et qui veulent que cette innovation de l'intelligence artificielle soit au service de l'humanité. Et au fond, il y a un chemin franco-canadien qui ressemble à ce que je disais au début de mon propos, qui croit dans l'innovation, mais qui croit aussi dans une éthique de l'innovation, qui veut que celle-ci soit au service d'une meilleure santé, d'une démocratie plus respectueuse, d'une productivité plus importante dans nos entreprises et qui veut, en quelque sorte, en effet, bâtir une intelligence artificielle au service de l'humanité.

C'est ce que nos G7 consécutifs en 2018 et 2019 avaient porté, et c'est ce que nous allons porter avec le sommet que la France organisera en février prochain, ton G7, puis le nôtre à nouveau. Là aussi, on a beaucoup avancé, et vous y êtes pour beaucoup. C'est la même chose en matière de recherche, en matière de bourse étudiante. Combien de jeunes sont là et heureux d'être là. Et combien nous voulons développer encore ces échanges croisés de recherche, d'étudiants de part et d'autre, mais aussi de femmes et d'hommes de culture. Dany LAFERRIÈRE est avec nous ce soir, mais il est dans la délégation française. [Applaudissements] Ce qui montre quand même le talent inédit d'un auteur haïtien que les Canadiens revendiquent et que les Français ont fait immortel. Il est une forme de métaphore de notre aventure commune.

Mais ce lien bilatéral, nous le renforçons encore et encore davantage dans des investissements que nous voulons aussi en matière d'énergie, de minerais critiques, de nucléaires. Vous êtes devenus d'immenses acteurs en la matière par aussi des investissements récents. Et nous voulons aussi le faire en matière de défense. Nous sommes dans un monde qui va investir de plus en plus. Nous avons des alliances communes, l'OTAN. Nous avons des engagements communs, et je veux saluer et remercier ton engagement au Sahel, à nos côtés. Vous avez été remarquable. Et nous le voyons, dans un monde de plus en plus bousculé, un partenariat de défense et de sécurité entre nos deux pays est clé. Et nous allons, sur cette base, faire encore davantage, je vais vous le dire avec beaucoup de force. Car oui, le monde dans lequel nous vivons est en grand chambardement. Nous vivons dans celui-ci. Nous avons affronté ensemble l'épidémie de covid, avec amitié, avec solidarité. À chaque fois que nous sommes touchés, nous nous aidons. Et nous partageons la même vision des choses. Et je dois vous dire que, alors que la guerre est revenue sur le sol européen, avoir un partenaire comme le Canada, qui, dès le premier jour, a été avec nous, n'a pas de prix. Parce que vous êtes la démonstration vivante que ce n'est pas une guerre qui concerne seulement l'Europe, mais bien nos valeurs communes, le respect de la Charte des Nations Unies et la possibilité de vivre en paix dans ce monde. Merci de cette solidarité. [Applaudissements]

C'est la même voie que nous portons en ce moment sur le conflit au Proche-Orient, condamnant l'attaque terroriste du Hamas le 7 octobre avec clarté et force, reconnaissant le droit d'Israël de se défendre, mais, comme toute démocratie, en respectant le droit international, appelant dès octobre 2023 à un cessez-le-feu, essayant ensemble de bâtir une solution politique durable par les deux États. Et nous œuvrerons ensemble sur ce chemin dans les mois qui viennent. Et aujourd'hui œuvrant de concert pour protéger le Liban chéri de toute escalade régionale dans un moment si crucial.[Applaudissements] Alors, je vais vous le dire, qu'il s'agisse des guerres, qu'il s'agisse du changement climatique, du changement technologique, nous sommes là ensemble, venant d'une histoire lointaine, mais avec, au fond, une même vision du monde. Et c'est cela qui compte. Et avec la solidité de partenaires qui se connaissent, s'aiment, de ses cousins, qui avancent. Et même si les temps sont durs, même si tout cela nous bouscule, nous le faisons ensemble.

Et puis, je terminerai mon propos en vous disant que tout cela, évidemment, se fait au service d'une cause qui est plus grande que nous, la langue. Je vois, évidemment, nos amis québécois ici, nos amis acadiens. J'étais ce matin avec tous les francophones, y compris qui sont minoritaires, ces truchements, ces hasards de l'histoire, de dérangements en histoire successive, nous lient. Et ils nous lient dans cette espèce d'originalité de l'histoire qu'est la francophonie. Parce que la francophonie, ce n'est pas les Français qui l'ont voulue. Ne l'oublions jamais. Ce sont des présidents de pays à peine décolonisés qui ont voulu cette organisation pour dire : « Quoi qu'ayant décidé de nous décoloniser, nous voulons garder la langue », parce qu'il y a toujours un rapport de pouvoir à la langue. Et cette langue est très importante. Vous la préservez, et merci de cela. Et nous, nous avons besoin que vous continuiez. Ici, on fera tout ce qu'on peut pour que les enfants continuent à pouvoir apprendre en français, que les étudiants étudient en français, Mais c'est un trésor. Et je remercie Monsieur le Premier ministre, le Premier ministre du Québec, nos amis d'Acadie, tous les francophones qui sont là, d'être la semaine prochaine au Sommet de la francophonie qui se tiendra à Villers-Cotterêts, parce que nous allons continuer et avancer ensemble, à investir dans nos écoles, à investir dans les traductions, à investir dans la formation des maîtres de français partout à travers le monde, parce qu'on en a besoin, le continent africain, les Caraïbes, le Pacifique, à bâtir ce dictionnaire des francophonies qui ne concurrence pas le dictionnaire de l'Académie, loin de là, mais qui reconnaît les innovations littéraires de part et d'autre. Et puis, nous allons essayer aussi, dans l'appel de Villers-Cotterêts, de poser ensemble les principes que nous partageons pour l'intelligence artificielle, ceux que j'évoquais tout à l'heure. Oui, cette langue nous lie et cette langue nous dépasse. À Villers-Cotterêts, François Ier avait décidé de faire du français la langue de la justice et de l'administration. C'est ce qui a unifié le pays. Tenez-vous-le pour dit, la France est une par la langue, au premier chef. Elle a eu un pouvoir unificateur plus puissant que toutes les conquêtes et les guerres entre les suzerains et les vassaux. Et cette langue nous a échappé. Elle est en partage. Vous la faites vivre ici. Elle nous lie. Et la francophonie continuera de nous unir.

Voilà, mes chers amis, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire en étant parmi vous ce soir. Je ne vais pas tataouiner. Et je dois conclure en vous redisant l'amitié profonde qui nous lie, lui et moi, nous et vous. nos deux pays, nos peuples, et que cette amitié solide, nous en avons besoin plus que jamais, pour nous-mêmes et les défis que nous avons à relever, et compte tenu du monde tel qu'il va. Alors ce soir, je ne suis pas simplement heureux comme un Français au Canada, mais je suis conscient d'être chanceux d'avoir ici des amis comme vous, et conscient d'être chanceux d'avoir des Français ici qui servent cette amitié, qui servent la cause et se battent pour elle chaque jour. Merci. Vive l'amitié entre le Canada et la France ! [Applaudissements]

 

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