Le chef de l’État a présidé, ce 25 août 2024, la cérémonie du 80e anniversaire de la Libération de Paris, place Denfert-Rochereau, en présence de la maire de Paris.
À l’occasion de cette cérémonie, organisée par la ville de Paris, le Président Emmanuel Macron a commémoré l'engagement de toutes celles et ceux qui se sont levés contre l'occupation et contre le nazisme.
Paris fut libéré par tous ceux qui partageaient une certaine idée de la France, unis par un credo : la grandeur de la France, pour la liberté du monde. pic.twitter.com/k8FF1f5SZe
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) August 25, 2024
Il a rappelé l’aspect universel de cette opération française, conduite avec le concours des alliés de la 4e Division d’infanterie américaine pour libérer Paris, préservée grâce à l’influence du consul de Suède et des décisions du gouverneur militaire allemand de la garnison du « Grand-Paris ».
Il a salué également la dimension populaire de la Libération de la Capitale, acquise par la convergence des forces mobilisées, asseyant la légitimité politique de la France libre et sa capacité à exercer son autorité sur son territoire, ainsi que son aura symbolique, saluée dans de nombreux pays et ressentie jusque dans les prisons allemandes et les camps de concentration.
Quand Paris fut libéré, la joie déborda largement l’enceinte de la ville. Elle fut la joie d’un pays. Elle fut la joie du monde. pic.twitter.com/WjV4Obir2p
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) August 25, 2024
Revoir la cérémonie :
25 août 2024 - Seul le prononcé fait foi
Discours du Président de la République à l’occasion de la cérémonie du 80e anniversaire de la libération de Paris.
Merci beaucoup Madame la Maire, chère Anne,
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Madame la Présidente de l’Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Monsieur le Secrétaire d’Etat espagnol,
Mesdames et Messieurs les ambassadrices et ambassadeurs,
Monsieur le Président du Comité international paralympique,
Monsieur le Vice-président du Conseil d’Etat,
Madame la Défenseure des Droits,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Procureur général auprès de la Cour de Cassation,
Monsieur le Chef d'État-Major des Armées,
Monsieur le Délégué national de l’ordre de la Libération,
Messieurs les Préfets,
Madame la Présidente du Conseil régional d’Ile-de-France,
Messieurs les Chefs d’Etat-Major des Armées,
Monsieur le Gouverneur militaire de Paris,
Monsieur le Directeur général de la Gendarmerie nationale,
Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames et Messieurs les Présidentes et Présidents d’associations,
Mesdames et Messieurs les représentants des familles,
Parisiennes, Parisiens,
Chers amis,
Il y a 80 ans, jour pour jour, au soir du 25 août 1944, quand le général de Gaulle entra dans Paris enfin libéré, il gagna d’abord l’Hôtel de Ville, au milieu d’une foule en liesse. Et le président du Conseil National de la Résistance, Georges Bidault, vint le trouver. Il voulait lui demander de proclamer solennellement la République devant le peuple rassemblé. Et le Général refusa, il refusé avec ces mots : « La République n’a jamais cessé d’être. La France libre, la France combattante, le Comité Français de la libération nationale, l’ont, tour à tour, incorporée. »
Non, la République n’avait pas cessé d’être. Le Général l’avait sous ses yeux.
La République était autour de lui, gravée dans chaque meurtrissure de l’hôtel de ville, criblée de balles et pavoisée de drapeaux tricolores. La République était à la préfecture de police, foyer de l’insurrection occupée depuis six jours par 2000 policiers résistants. La République était sous nos pas, à 26 mètres de profondeur, dans le ventre de Paris, là où les FFI du colonel Rol-Tanguy avait installé leur état-major, boyaux fortifiés, tapissés de plans et de cartes. Sous les pavés, le courage.
La République se dressait, par-dessus les toits, avec la tour de la Sorbonne aux encorbellements brisés, pleine de crevasses qui prouvaient quatre jours de combat sans répits. La République saignait au croisement du boulevard Saint Michel et du boulevard Saint Germain, « le carrefour de la mort », maculé de flaques écarlates, et sous les arcades de la comédie française remplies d’un amoncellement de corps. La République était dans ces rues éventrées, de Montmartre à Vincennes, de Belleville à République, où des Gavroche de dix à quatre-vingt-dix ans, femmes et hommes, grands et petits, avaient entassé des pavés, des gravats et des baignoires pour bloquer les chars.
Voilà ce que les soldats de la 2e DB et le général de Gaulle découvrirent quand ils pénétrèrent dans Paris, il y a 80 ans. Sous leurs yeux, dans la capitale, le visage de la France résistante. Le visage de Paris qui n’avait pas attendu leur arrivée pour lancer l’insurrection.
Ce 25 août 1944 sonnait la fin d’un cauchemar de 1532 jours. D’un temps que les plus de quatre-vingts ans peut-être vous conteront.
Le temps de Paris outragé. Le temps où, sur la tour Eiffel, flottait une croix gammée, comme elle flottait sur chaque mairie, chaque monument, chaque hôtel changé en Kommandantur.
Le temps de Paris humilié. Des statues détruites par l’occupant, des traits de bronze de Victor Hugo fondus pour en faire des canons nazis. Des privations et des semelles en bois, du retour des voitures à cheval, du jus de café noirâtres à base de glands, des tickets de rationnements pour 4 millions de Parisiens.
Le temps de Paris martyrisé. Temps du gouvernement Pétain reclus à Vichy. Temps des persécutions contre les juifs. Temps de La rafle du Vèl d’hiv qui arracha à leurs foyers 13000 juifs, dont 4000 enfants, arrêtés par la police française, et qui, assassinés, ne reverront jamais leur foyer. Temps des collaborateurs et des miliciens, complices de la Gestapo.
Mais Paris brisé, jamais tout à fait.
Car depuis le 18 juin 1940, beaucoup de Parisiens, tapis dans les caves ou calfeutrés dans leur salon, gardent l’oreille collée à la TSF pour percevoir, sur les ondes de Radio-Londres, malgré les brouillages allemands, la grande voix de la France libre, celle du général de Gaulle, mais aussi celles de Pierre Dac ou Maurice Schuman, qui chaque jour appellent à la Résistance.
Car dans l’ombre se concentrent, convergent, les forces de la résistance intérieure, prenant en tenaille l’occupant entre le débarquement de Normandie, le débarquement de Provence, et leur propre travail de sape. Vous en étiez, cher Edgar Morin, né Edgar Nahoum, vous qui avez pris pour nom de plume ce qui fut d’abord votre nom de résistance.
Car des volontés françaises se lèvent dès alors, pour lutter courageusement contre l'antisémitisme : ces voisins qui vous ont unanimement protégés, Hélène, avec votre famille, qui avez passé l'occupation cachés dans votre appartement ; ce policier français qui vous a fait évader, Sarah, avec votre frère, fuyant Paris pour un village de l'Yonne où d'autres Justes vous ont ouvert les bras. Et ce combat sans fin contre la haine, que nous devons aujourd’hui poursuivre.
Le Général de Gaulle se battait pied à pied, faisait jouer tout son poids politique face aux Alliés, appuyé par le général Leclerc, et convainquait Eisenhower, le 22 août, après plusieurs semaines de pourparlers, qu’on ne pouvait plus tergiverser : il fallait que la capitale fût libérée, et qu’elle fût libérée rapidement, quel que soit le risque de retarder la conquête du Rhin qui inquiétait tant les alliés. Si les libérateurs n’entraient pas dans Paris, l’insurrection des Parisiens qui venait de commencer allait tourner au bain de sang.
Aux yeux de De Gaulle, de Leclerc, de Rol-Tanguy, l’enjeu n’était pas tactique : il était politique, il était symbolique. Pourquoi fallait-il que Paris se relève, libéré par son peuple, avec le concours de la France entière et des armées alliées ? Parce que Paris ne devait pas brûler comme l’avait ordonné Hitler. Car la libération de Paris allait décider du visage de la France du XXe siècle. De la libération dépendait l’application des principes du CNR, dotant l’État des instruments de sa souveraineté, nationalisant l’énergie, créant la sécurité sociale, ouvrant enfin le droit de vote aux femmes.
De la libération de Paris dépendait son rôle dans le grand échiquier international à venir. De la libération de Paris dépendait la capacité de la France à parler au monde de demain.
Et quand Paris fut libéré, la joie déborda, et elle déborda largement l’enceinte de la ville. Elle fut la joie d’un pays Elle fut la joie du monde. La nouvelle franchit les frontières, par-dessus les océans et les barbelés, jusque dans les prisons et les camps de concentration du Reich.
En ce 25 août 1944 Paris devint une fête, et cette fête est celle de la liberté pour tous les peuples. Une certaine idée de la France et de l’Humanité, à laquelle chacun peut vibrer, de Paris à l’Amérique du Sud. Car on danse de joie, ce soir-là, dans les rues de Montevideo, en apprenant que Paris est libéré. On danse à la victoire des droits de l’homme sur le nazisme. On danse à la liberté, l’égalité, la fraternité.
Paris libéré n’a pas brûlé. Le commandant du Grand Paris, le général von Choltitz, n’a pas osé incendier la capitale. « Et Paris en colère, Paris retrouve la lumière », dit la chanson. Mais bien plus, Paris retrouve les Lumières. La France retrouve le feu des droits de l’homme.
Et 80 ans plus tard, dans notre été de flamme et de joie, cet été marqué par les échos funèbres de la guerre en Europe, cet été où les regards encore, pour d’autres raisons, se sont tournés vers Paris, capitale de l’universel, de l’olympisme et des jeux paralympiques dans quelques jours, nous nous souvenons de nos aînés.
Nous nous souvenons de ce cri de « Tous aux barricades ». Écho réveillé des révolutions de 1789, de 1830, de 1848, les grands brasiers de la liberté républicaine, auxquels Paris toujours prêta l’oreille et le cœur.
Nous nous souvenons de ce moment suspendu où, dans la soirée du 24 août 1944, le bourdon de la cathédrale se mit à sonner à toute volée, pour la première fois depuis quatre ans de silence. Le grand bourdon de Notre-Dame, le premier à avoir sonné, en décembre 1939, le tocsin de la guerre, entonnait un carillon d’allégresse. D’abord une, puis deux, puis mille cloches, toutes les églises bâillonnées de Paris, de chaque quartier, de chaque paroisse, annonçaient à la France que les 15000 soldats de la 2e DB entraient dans la ville.
Nous nous souvenons de cette première Jeep de la 2e DB à franchir les portes de Paris, celle du capitaine Dronne et de sa compagnie, Français libérant des Français. Et sur le capot de la jeep, cette inscription, en lettres blanche, « Mort aux cons ». Crânerie potache et courage vrai.
Nous nous souvenons de ce jeune marin qui s’avança seul et désarmé au milieu des canons, pour négocier la reddition des Nazis qui tenaient le Palais Bourbon. Il avait nom Philippe de Gaulle.
Nous nous souvenons de Leclerc, avec Rol-Tanguy, signant la convention de reddition de Von Choltitz sous les yeux de Chaban-Delmas, le 25 août 1944 à 17 heures, gare Montparnasse.
Nous nous souvenons de l’aide des alliés, et de la manière dont ont combattu côte à côte les débarqués américains et français, 2e DB du général Leclerc et 4e DI américaine, ceux qui avaient la France pour patrie, et ceux qui, nés ailleurs, avaient la liberté pour idéal.
Nous nous souvenons du Général, défilant sur les Champs-Élysées, marchant vers le grand carrefour des victoires de France, suivi de toutes les forces de la France résistante, rassemblées sous la même bannière FFI, de toutes les forces de la France combattante, et du peuple de Paris.
Nous nous souvenons de cette foule immense, libérée et heureuse, qui affluait comme une mer sur les traces de De Gaulle, sur la place de l’hôtel de Ville, sur le parvis de Notre Dame, sur les Champs-Élysées, alors que l’on se battait encore, ici et là, et que les balles toujours sifflaient.
Ainsi Paris fut il-libéré. Par les Parisiens, oui. Mais aussi par des résistants gaullistes, des communistes, des radicaux, des démocrates-chrétiens, des syndicalistes, des FTP-MOI, camarades de Manouchian. Par des contes et des ébénistes communistes. Tous unis au sein du CNR fondé par Jean Moulin. Par-delà leurs milieux et leurs sensibilités.
Ainsi Paris fut-il libéré. Par des fils de paysans bretons et fils de pieds noirs d’Algérie. Des Français évadés par l’Espagne et débarqués par milliers à Casablanca. Des rescapés du STO comme vous, Serge FINOT, qui êtes parmi nous aujourd’hui, qui refusiez de jamais servir Hitler, et avez rejoint Leclerc. Des Républicains espagnols de la Nueve, volontaires Yougoslaves, Levantins, Libanais, Syriens, Arméniens. Des soldats maghrébins, tirailleurs professionnels ou engagés volontaires. À votre exemple, cher Robert BENSAID, né au Maroc d’une famille originaire d’Algérie, débarqué à Utah Beach dans le soleil levant. Des jeunes juifs séfarades d’Afrique du Nord, 400 hommes qui avaient pris les armes aux côtés de chrétiens d’Orient et de musulmans, juchés sur ces chars qui portaient des noms de femmes et de provinces françaises.
Tous ensemble, inarrêtables. Et sous les calots rouges de spahis, les casques à croix de lorraine, les bérets noirs des tankistes ou les bachis de marins se mêlaient de futurs ministres, comme Robert Schumann ou Jacques Chaban-Delmas, des Gabin et des Marais, des Jacob, des Jean Daniel. Des Instituteurs et des ouvriers, des mécaniciens et des bergers. Et venant de la France entière, des villes qui aux côtés de Paris, en effet, ont ce statut si singulier et précieux de Compagnon, et dont je salue la présence des maires.
Ainsi Paris fut-il libéré, par tous ceux qui partageaient une certaine idée de la France. Tous différents parce que venus de cent horizons, porteurs de mille contradictions, mais rassemblés au sein d’une grande coalition, unis par un seul credo, clamé par des millions et des millions de voix, en deçà comme au-delà de nos frontières : la grandeur de la France, pour la liberté du monde.
Et c’est ce credo que nous rappelle notre capitale, Paris, que nous rappelle cette place, que nous rappelle ce jour.
La Libération de Paris relève la promesse révolutionnaire de la Fête de la fédération : par-delà toutes les divisions, toutes les contradictions, être Français, c’est être ensemble. Libres. Fidèles aux grandes choses faites et déterminés à continuer d’en faire ensemble.
Vive Paris libéré,
Vive la République,
Vie la France.
Lors de cette cérémonie, le relais de la flamme paralympique est arrivé depuis la rue Daguerre, portée par des représentants des communes Compagnon de la Libération, sur la musique « La valse de Paris » jouée par l’orchestre de la Garde Républicaine.
La flamme des Jeux paralympiques brille à Paris, portée par des représentants des cinq communes Compagnon de la Libération : Grenoble, Vassieux-en-Vercors, l'Île de Sein, Nantes et Paris ! pic.twitter.com/qDpR19ouDF
— Élysée (@Elysee) August 25, 2024
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