Son parcours, de la conquête à l’exercice du pouvoir, fut toujours guidé par le sens du service public et de l’Etat. Henri Nallet était l’un des visages de la grande histoire de la gauche française et fut un ministre marquant de notre République. Elu local et expert, conseiller et ministre, cet homme d’Etat s’est éteint le 29 mai.
Né le 6 janvier 1939 à Bergerac, fils d’un pharmacien ancien communiste et d’une mère militante des droits de l’Homme, Henri Nallet racontait avoir fait le choix de l’action publique, quand, à treize ans, il rentra dans les rangs de la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC). Si son allure courtoise et son élégance invariable pouvaient le faire passer pour un homme de modération, Henri Nallet démontra très tôt sa force de caractère. Devenu secrétaire général des JEC, il démissionna en 1964 à la suite d’un désaccord de doctrine avec sa hiérarchie. De même, alors qu’après ses études en droit public, conclues par un mémoire sur « l’agriculture de groupe », il investit le champ de la recherche, il fut repéré par Michel Debatisse, secrétaire général de la FNSEA, dont il devint chargé de mission pour les affaires économiques, mais qu’il quitta, cinq ans plus tard, en raison de divergence idéologique.
Car, à la lucidité du chercheur, se mêlait toujours chez Henri Nallet la flamme de l’engagement. Déjà, dans l’agitation idéologique des années précédant Mai 68, le protestant Henri Nallet fut l’un des fondateurs du Centre de recherche et d’intervention révolutionnaire, l’un des points d’ancrage des militants chrétiens de gauche. Devenu chercheur à l’INRA, comme assistant de recherche en 1970, ses travaux, portant sur le syndicalisme ou la politique agricole, étaient toujours guidés par le souci de changer l’action publique et de faire croître le progrès matériel et humain.
En 1974, lors de la campagne présidentielle de François Mitterrand, ce fut Pierre Joxe, connaissance des cercles protestants de gauche, qui l’amena sur la route du Parti Socialiste. Henri Nallet, travailleur acharné et esprit libre, ne prit certes pas sa carte de militant, mais se fit vite remarquer par ses capacités d’analyse et sa passion des dossiers. En 1981, François Mitterrand le choisit comme conseiller en charge de l’agriculture. Puis, cinq ans plus tard, à la faveur de la démission de Michel Rocard, Henri Nallet fut désigné comme ministre de l’agriculture. Il n’eut qu’un an pour pacifier, avec succès, les relations sociales entre l’Etat et les organisations professionnelles.
Proche du Président Mitterrand au point de se voir nommé trésorier de la campagne présidentielle de 1988, élu député de l’Yonne en 1988, Henri Nallet retrouva après l’élection le ministère de l’agriculture. Il fut un ministre marquant, dans un contexte d’approfondissement du marché commun et de transformation de la PAC, à l’origine de plusieurs lois dont celle créant les appellations d’origine contrôlée et attentif à la filière de l’enseignement agricole. Son poids politique s’affermit au point qu’en 1990 François Mitterrand le nomma Garde des sceaux. Avec la même liberté de parole et d’esprit, il fut encore un ministre réformateur, porteur d’une loi majeure visant à élargir et faciliter l’accès à l’aide juridictionnelle.
Henri Nallet, maire de Tonnerre dans l’Yonne depuis 1989 et jusqu’en 1998, se consacra après 1993 à ses mandats locaux et à son engagement européen. Expert sollicité dans le domaine, auteur de rapports sur l’agriculture pour la BERD ou la Commission européenne, député président de la délégation pour l’Union européenne de 1997 à 1999, membre du comité préparatoire à l’euro, secrétaire national du PS chargé des questions européennes, il conseilla aussi Lionel Jospin, Premier ministre puis candidat à la présidentielle et ne quitta jamais la vie du Parti socialiste.
Homme d’engagement, mêlant le savant et le politique, Henri Nallet concevait l’action publique comme la mise en œuvre d’un idéal, d’une réflexion, d’une analyse. Aussi présida-t-il de 2013 à 2022 la Fondation Jean-Jaurès, toujours soucieux d’ouvrir des nouveaux chemins de connaissance et de progrès.
Le Président de la République et son épouse saluent la mémoire d’un serviteur de la République, dont l’élégance de pensée se mêlait à la force de caractère, à la flamme de l’engagement pour la justice. Ils adressent à son épouse, à ses proches, à ses anciens administrés de Tonnerre, à tous ceux qui l’aimaient, leurs condoléances sincères.
À consulter également
Voir tous les articles et dossiers-
5 décembre 2024 Le Premier ministre a remis ce jour la démission de son Gouvernement au Président de la République qui en a pris acte.
-
6 novembre 2024 Proposition de renouvellement de Laurent Hénart en qualité de président du conseil d’administration de Voies navigables de France.
-
8 octobre 2024 Proposition de reconduction de Didier Leschi en qualité de directeur général de l’OFII.
-
2 octobre 2024 Proposition de renouvellement de Philippe Mauguin, en qualité de président-directeur général de l’INRAE.