Journaliste, écrivain, Claude Villers fut, avec sa gouaille et sa bonhommie, l’artisan, pendant des décennies, de millions d’éclats de rire. Si, selon l’expression de son « procureur » Pierre Desproges, Luis Rego était « l’avocat le plus bas d’Inter », Claude Villers incarnait, avec le « Tribunal des Flagrants délires », l’expression la plus haute de la radio publique populaire. Sa disparition, le 17 décembre, est celle d’un amoureux des mots, dans leur capacité d’évasion, d’émerveillement, d’affranchissement.
Son parcours méritocratique se noua par le travail et l’amour de notre langue. Fils d’un ouvrier massicotier et d’une mère dactylo, né le 22 juillet 1944, Claude Villers fit tous les métiers, des plus humbles aux plus inattendus. Catcheur à l’occasion, il devint videur à l’ORTF, avant de trouver sa voie : le journalisme. D’abord affecté aux « chiens écrasés » selon ses propres mots, à « Paris Jour » ou « Paris-Presse », il en garda comme un souvenir ses reportages dans les salles d’audience où étaient jugés les flagrants délits, souvenir dont il ferait profit plus tard. Après un passage par Europe n°1, Claude Villers intégra France Inter en 1964, embauché comme assistant de José Arthur, pour préparer le légendaire « Pop-Club », le remplaçant parfois à l’antenne, doublure occasionnelle, aussi, de Jacques Chancel. Puis, celui qui se rêvait journaliste voyageur comme Joseph Kessel, vit ses vœux exaucés, comme correspondant à New-York : ce fut au son de la voix de Claude Villers que les auditeurs de France Inter écoutèrent le festival de Woodstock ou les premiers pas de l’homme sur la Lune.
Désormais animateur, il créa « Pas de Panique » en 1972, « Marche ou rêve » en 1976, et en 1980, « Le Tribunal des Flagrants Délires », dont l’audience chantait en chœur le générique, « Nous sommes le tribunal/ dont on parle dans le journal / qui juge et qui condamne / les messieurs comme les dames / avec nous, pas d’innocents / tout le monde il est coupable / nous en faisons le serment / avant que vous ne passiez à table ». Chaque jour avant le « Jeu des Mille Francs », dans un studio de la Maison Ronde, reproduisant le décor d’une cour de justice, Claude Villers, en hermine, l’œil malicieux et la réplique sarcastique, ouvrait l’audience. Puis, il accompagnait de ses rires les réquisitoires de Pierre Desproges, les plaidoiries de Luis Rego, et les auditions des accusés. Avec sa faconde de « massif central » selon le mot de Desproges, Claude Villers accueillit les personnalités artistiques, politiques ou sportives les plus marquantes de l’époque. Festival d’esprit et d’irrévérence élégante, d’humour français, surtout, entre absurde, bons mots et noirceur, l’émission passa rapidement dans la légende de la radio.
Claude Villers poursuivit, après ce triomphe, une riche carrière, avec des détours par la télévision, revenant finalement à la radio, et à France Inter en particulier. Là, il déploya encore son goût des aventures et des lointains, dans « Les routes du rêve » (1995) et « Je vous écris du plus lointain de mes rêves » qu’il anima de 1997 à 2004. Arpenteur du monde, voyageur aux semelles de vent, jusqu’à fonder « Pacific FM », Claude Villers se consacra à l’écriture d’une trentaine d’ouvrages, dont deux dédiés à Francis Blanche, son modèle en radio, en humour, en appétit de vivre.
Le Président de la République et son épouse saluent la mémoire d’un maître de l’humour français, entre joie et intelligence, dont la voix, les rires, les mots sont passés dans nos mémoires et nos cœurs. Ils adressent à sa famille, ses proches, et ceux qui l’aimaient leurs condoléances émues.