Le Président Emmanuel Macron s'est rendu à Hambourg les 9 et 10 octobre 2023 pour prendre part au premier séminaire gouvernemental franco-allemand.
Le Président de la République et le Chancelier ont d'abord visité le site Airbus de Hambourg-Finkenwerder, qui constitue le principal site de production d’A320, employant 12.500 personnes. L'occasion de souligner l'excellence de ce projet européen qui nous permet d'être leader dans ce secteur ainsi qu'au rendez-vous de la transition écologique.
À cette occasion, le chef de l'État a également exprimé sa solidarité pleine et entière avec Israël.
Revoir la déclaration conjointe :
9 octobre 2023 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration conjointe du Président de la République et du Chancelier Olaf Scholz à l’occasion du séminaire franco-allemand à Hambourg.
Monsieur le Chancelier, cher Olaf, Madame. Merci infiniment de nous accueillir avec mon épouse ainsi que plusieurs membres du Gouvernement français aujourd'hui à Hambourg pour cette retraite stratégique.
Nous sommes ici chez toi, cher Olaf, dans cette ville qui a accompagné une grande partie de ta vie, de ta vie politique aussi et dont tu as été le maire. C'est pour nous un plaisir de te retrouver, de vous retrouver pour ces deux jours de travail.
Je tiens tout d'abord, comme vient de le faire Monsieur le Chancelier, à exprimer une nouvelle fois ma solidarité, pleine et entière, avec Israël. J'ai eu l'occasion, après l'échange que nous avions eu samedi, de m'entretenir à nouveau avec le Premier ministre M. Benyamin NETANYAHOU ce matin. L'Allemagne et la France se tiennent, en effet, ensemble aux côtés du peuple israélien dans ce moment tragique. La lutte contre le terrorisme est une cause commune que nous continuerons de porter avec Israël et tous nos alliés et partenaires internationaux. Rien ne la justifie, rien ne l'explique. Nous aurons l'occasion, en effet, plus tard aujourd'hui, de nous entretenir avec, entre autres, le président des États-Unis d'Amérique, le Premier ministre du Royaume-Uni, et le président du Conseil des ministres d’Italie pour continuer d'avancer de concert sur cette situation dramatique et les prochains jours.
Nous n'aurions pu trouver plus beau symbole de travail commun pour ce séminaire que cette base d'Airbus. Je veux vraiment remercier monsieur le directeur général, cher Guillaume FAURY, monsieur le président du Conseil d'administration, cher René OBERMANN, ainsi que toutes les équipes présentes aujourd'hui pour leur accueil et la visite de ce site stratégique que nous venons d'effectuer. C’est en effet un projet éminemment européen qui repose sur une audace commune des savoir-faire partagés, de l’investissement dans le temps long, des compétences technologiques et humaines, et qui nous permet aujourd’hui non seulement d’être leaders dans ce secteur mais de regarder avec confiance l’avenir, celui de la transition écologique et des défis qui sont devant nous. Je veux ici féliciter tout particulièrement les équipes qui ne cessent de se battre avec beaucoup d’engagement pour continuer de conquérir des positions. Elles sont aussi la preuve vivante de cet engagement franco-allemand. Nous allons ouvrir notre premier séminaire intergouvernemental franco-allemand dans quelques minutes, avec un format nouveau, celui d’une retraite informelle, une Klausur que ton gouvernement, cher Olaf, connaît bien pour la pratiquer d’habitude plutôt à Meseberg qu’ici. Je suis heureux que nous puissions ainsi bâtir de l’intimité dans un moment de grands bouleversements.
Après la pandémie, le dérèglement climatique qui a cours et qui s’accélère, la guerre en Ukraine bien sûr et les troubles géopolitiques que nous venons d’évoquer uniquement pour partie, nous voyons bien la nécessité pour nos deux nations d’agir de concert. Je dirais même que nous devons peut-être plus encore que naguère être ensemble forces de proposition, moteurs de décision pour nos deux pays et notre Europe. C’est dans cet esprit de concorde, de pragmatisme et d’efficacité que nous allons travailler ensemble sur la question de l'intelligence artificielle et de ses conséquences sur nos sociétés, nos modes de production, notre cohésion sociale, sur la transition écologique et numérique, la réindustrialisation, notre production énergétique, nos grands défis industriels, spatiaux ou autres, mais également notre capacité à faire de nos deux pays et de notre Europe puissance géopolitique, militaire, technologique et économique, pleine et entière, dans un monde de plus en plus déréglé.
Je sais qu'ensemble, par à la fois nos liens d'amitié et le travail commun, nous saurons bâtir des propositions audacieuses. Cette retraite stratégique va permettre aussi de lancer des processus maintenant de travail commun dans les semaines et les mois qui viennent pour pouvoir aboutir ensuite à des réponses concrètes. Merci beaucoup, cher Olaf, pour l'opportunité qui nous est ainsi offerte de pouvoir échanger, partager de manière un peu détachée de la pression du quotidien sur beaucoup de ces sujets essentiels.
Merci Olaf et merci à toutes et tous.
À la suite des sessions de travail, le Président de la République et le Chancelier se sont exprimés lors d'une conférence de presse conjointe.
Le Président Emmanuel Macron est revenu sur les travaux qui étaient à l'ordre du jour de ce séminaire : l’innovation numérique et technologique, dont l’intelligence artificielle, ainsi que les grandes transformations touchant nos sociétés.
Il est également revenu sur l'importance de la relation franco allemande pour bâtir une Europe plus forte et plus souveraine.
Allemagne et France, ensemble.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) October 10, 2023
Pour bâtir une Europe plus forte et plus souveraine, nous avons une responsabilité. Notre « couple », notre tandem, est celui qui permet de faire avancer les choses.
C’était le sens de ces deux jours à Hambourg. Merci cher Olaf pour ton accueil. pic.twitter.com/h2iExdU0Uq
Revoir la conférence de presse conjointe :
10 octobre 2023 - Seul le prononcé fait foi
CONFÉRENCE DE PRESSE CONJOINTE DU PRÉSIDENT DE LA REPUBLIQUE ET DU CHANCELIER ALLEMAND A L’OCCASION DU SEMINAIRE FRANCO-ALLEMAND.
Merci beaucoup, cher Olaf, Monsieur le Chancelier,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs.
Il me revient maintenant de vous remercier, Monsieur le chancelier, pour l'organisation de ce séminaire gouvernemental franco-allemand et votre accueil à Hambourg, sur vos terres si je puis dire, avec cette méthode de travail que nous avons initiée ensemble pour avoir des échanges de fond, vous l'avez rappelé, sur les sujets de l'évolution de nos sociétés, de cohésion sociale et d'intelligence artificielle, mais aussi de nombreux débats informels qui ont permis de faire avancer notre agenda.
Je crois que c'est aussi l'esprit européen qui prévaut ici, sur ces rivages, celui d'une capacité à discuter, à converger sur de nombreux sujets et dessiner ensemble un avenir commun pour nos deux pays et pour l'Europe. Notre couple, notre tandem, ce moteur de l'Europe dont on parle souvent, c'est celui qui permet en effet de faire avancer les choses et beaucoup de sujets structurants. Et je crois que c’est la responsabilité qui est la nôtre et dont nous avons pleinement conscience, et qui nous a animés durant ces deux journées de travail avec nos ministres et nos équipes.
Avant toute chose, et comme l’a fait Monsieur le chancelier, je veux ici dire et réitérer notre solidarité à Israël, notre condamnation sans équivoque des effroyables actes terroristes qui touchent le pays depuis samedi. Nous avons hier pu nous entretenir, le chancelier et moi-même, avec le président BIDEN, le Premier ministre SUNAK et la présidente du Conseil MELONI ; et nous sommes tous mus par cette volonté commune : ne laisser aucune place au terrorisme et créer ensemble les conditions d’une paix durable au Moyen-Orient.
Ce séminaire, je le disais, nous a aussi permis de réitérer avec beaucoup de clarté notre soutien à l'Ukraine, qui est plus nécessaire et plus évident que jamais, et notre engagement à une Europe qui se protège toujours davantage et qui protège ses propres frontières et son voisinage. C'est le sens de notre engagement depuis le début ensemble aux côtés du peuple ukrainien et face à l'agression russe. C'est le sens de nos engagements européens et des programmes communs que nous menons aussi pour renforcer notre intimité en matière de défense.
Nous avons, comme l'a dit Monsieur le chancelier également, pu évoquer les questions de migration ensemble, et je crois que l'accord qui a été obtenu par nos ministres de l'Intérieur il y a quelques jours est un élément déterminant de notre action commune. Nous l'avions poussé sous notre présidence. Il correspond, je le crois, à notre volonté d'efficacité et c’est un élément de clarté quand nous parlons justement des migrations, en donnant à l'Europe plus d'efficacité pour protéger ses frontières communes et avoir une approche tout à la fois plus rigoureuse et efficace pour lutter contre les trafiquants, et plus efficace également quand il s'agit de protéger les combattants de la liberté. Cette même volonté nous anime aussi - vous l'avez rappelé Monsieur le chancelier, cher Olaf - en matière de simplification de nos structures, pour une Europe plus rapide mais aussi plus efficace. Nos ministres y reviendront, mais c'est le travail commun que nous souhaitons conduire.
Au-delà de ces quelques sujets de convergence, nos discussions ont permis d'avancer sur plusieurs sujets, parfois techniques, mais qui sont au cœur du quotidien et de l'avenir de notre Europe. Avec pour moi un fil directeur, celui que nous avons l'un et l'autre, qui est de, par une convergence franco-allemande, bâtir une Europe qui soit plus forte, plus souveraine et qui - dans un monde de plus en plus déréglé, face à des transitions qui sont souvent inquiétantes pour nos populations, face à une compétition internationale qui devient de plus en plus féroce, en particulier en matière technologique et économique - d'être sûrs que notre Europe avance au bon rythme et à la bonne échelle pour décider des bons investissements, pour rester compétitive et être un continent pleinement souverain - c'est-à-dire autonome quand il s'agit de ses matières premières, de ses productions technologiques ou de sa défense - pleinement compétitif et qui peut regarder son avenir en face - parce que c'est la condition même pour financer les modèles sociaux qui sont les nôtres. À cet égard, je me réjouis de la volonté clairement affichée ensemble, et que nos ministres vont porter, de relancer et de donner véritablement un coup d'accélération à l'Union bancaire et l'Union de marché de capitaux. C'est une condition préalable à beaucoup d'investissements ; c’est surtout ce qui nous permettra d'avoir une Europe plus efficace en termes de financement privé.
Deuxièmement, vous l'avez dit, nous avons longuement, ainsi que nos ministres et nos équipes, parlé de la question de l'énergie. Nous avons un défi de court terme qui est notre compétitivité énergétique et nous avons aussi à bâtir un modèle qui nous permettra d'aller vers la neutralité carbone en 2050, en partant de modèles nationaux qui sont extrêmement différents. C'est le sens même de la construction européenne et de notre histoire. À cet égard, nous avons eu des discussions approfondies, très encourageantes, et nous avons acté de pouvoir travailler ensemble dans les semaines à venir pour chercher à conclure d'ici la fin du mois un accord nécessaire. C'est la même volonté qui nous anime sur les questions d'accès à l'espace, où la compétitivité de nos acteurs est un élément déterminant. L'Europe a beaucoup avancé sur ce sujet et c'est une de nos forces historiques. Nous souhaitons ici la renforcer et continuer aussi les discussions qui nous permettront de trouver les indispensables accords pour pouvoir préserver la capacité autonome d'accès européen à l'espace. Et nous aimons coopérer avec des partenaires qu'on choisit ; mais le fil directeur sur le sujet de l'espace sera pour nous de préserver là aussi notre autonomie stratégique et de ne pas dépendre d'acteurs non européens.
Sur la question de l'intelligence artificielle, enfin, nos discussions ont été ce matin extrêmement fécondes et nous ont permis d'abord d'essayer de poursuivre des projets de financement communs et d'avancer sur des initiatives communes pour financer davantage d'accès au marché d'initiatives et de recherche fondamentale, qui viennent de nos laboratoires et nos universités. Ensuite, de nous coordonner en matière de régulation. Très clairement, nous voulons un cadre européen de régulation qui correspond à nos valeurs, mais nous considérons qu'il ne faut prendre aucune régulation qui viendrait brider de manière trop précoce les innovations dont nous avons besoin. À cet égard, nos positions convergent pour éviter des régulations inutiles et nous permettre d'avancer, justement, en termes de compétitivité et d'innovation sur les modèles de fondation et d'autres approches et permettre de bâtir, en se donnant le temps, une régulation intelligente. Nous allons le faire aussi sur les systèmes d'IA génériques, par exemple, avec des obligations minimales proportionnées. Mais cette approche commune est, je crois, celle que nous avons bâtie. Et puis, avec une volonté aussi de développer des projets communs pour nous doter de capacités de calcul en franco-allemand et - si possible en européen - réduire nos dépendances en termes de processeurs et, au maximum, nous permettre de mutualiser nos données et d'avoir des espaces de données au moins franco-allemands - si c'est possible pan-européens, d'en faire la revue complète, d'y travailler ensemble et de pouvoir lancer des projets structurants à cet égard - comme un cadre commun pour les modèles de fondation.
Donc, sur tous ces sujets extrêmement innovants, je crois que notre approche est indispensable en commun. Nous avons pu aussi, dans la discussion, nourrir une volonté commune d'avancer sur la question de la cybersécurité et de la réduction de nos vulnérabilités en la matière, ce qui est à nos yeux une priorité complète. Sur enfin les questions de culture comme d'éducation, la convergence franco-allemande avance. Nous avons une vraie volonté d'avancer en commun. Nous avons plusieurs programmes qui existent déjà, mais notre volonté est véritablement d'aller plus loin. La KulturPass et le Pass’culture exposés ensemble ce matin en était une illustration avec nos jeunes. Mais au-delà de cela, c'est notre volonté aussi de faire face aux défis de la formation et de l'éducation pour les jeunes générations qui sont celles pour lesquelles nous continuons d'avancer et de bâtir. Voilà les quelques mots que je souhaitais avoir et les perspectives que je souhaitais donner en complément de vos propos, Monsieur le Chancelier.
Mais cher Olaf, au-delà de cela, sur tous ces dossiers, c'est l'esprit de Hambourg qui a régné. C'est-à-dire celui d'une volonté amicale de mieux se comprendre et, de manière informelle au fond, de pouvoir avancer et bâtir des solutions d'avenir. Et à ce titre, nous verrons les fruits de Hambourg, quel que soit le temps, grâce aux graines que nous avons semées durant ces deux journées. Et dès les semaines à venir, je suis confiant sur le fait que sur beaucoup de ces sujets, nos discussions d'aujourd'hui et d'hier nous auront permis d'avancer. Merci beaucoup Olaf.
Journaliste
Bonjour Monsieur le Chancelier, bonjour Monsieur le Président. En accord avec mes collègues, j'ai trois thématiques à aborder avec vous sur la question d'Israël, que vous avez chacun évoquée.
Première question qui concerne évidemment la question des otages. Combien d'otages français et allemands sont précisément détenus à Gaza à l'heure où nous nous parlons ? Que comptez-vous faire l'un et l'autre pour obtenir leur libération ? Jusqu'où très clairement chacun de vos pays est prêt à aller alors que le Hamas menace de les exécuter ?
Une question également sur la défense israélienne. On le voit, la réplique israélienne monte en puissance. Quelle est votre position précise sur la future défense massive d'Israël à Gaza ? Il y a un blocus actuellement que subissent les civils de la bande de Gaza : plus d'électricité, plus de nourriture, plus d'eau. Est-ce que ça vous inquiète ? Est-ce que vous appelez oui ou non à la retenue ?
Puis enfin à une question spécifique sur l'Iran. L'ombre de l'Iran semble planer, selon différentes sources, derrière les actions terroristes du Hamas. Quel est le rôle concret de l'Iran, selon vous, dans cette crise ? Pourquoi ne pas avoir décidé de mentionner spécifiquement l'Iran dans votre communiqué commun hier soir ? Je vous remercie.
Emmanuel MACRON
Sur votre première question. Je me garderai de donner des chiffres et des identités trop précises parce que nous continuons le travail en lien avec l'ambassade de nos services, nos partenaires sur le terrain, les autorités israéliennes et avec le centre de crise du Quai d'Orsay. Et je remercie tous les diplomates personnels qui sont engagés dans ce travail avec tous les Ministères partenaires et évidemment nos partenaires israéliens. Nous avons, comme vous le savez, malheureusement, des ressortissants qui ont perdu la vie et une dizaine de Français qui ont disparu. Et donc, nous sommes en train de clarifier leur situation. Ça se fait au cas par cas, les familles y sont évidemment avant tout informées et la ministre et le Quai d'Orsay auront l'occasion dans les prochaines heures, dès que nous aurons un bilan stabilisé, de donner toutes les informations sur ce sujet. Évidemment, le chantage qui est fait par le Hamas est un insupportable chantage que nous ne pouvons que condamner et nous condamnons avec fermeté. Et sur la question à la fois de nos disparus ou des potentiels otages, je reste prudent à ce stade.
Nous avons une coordination très étroite avec les autorités israéliennes et nous serons amenés, en lien avec les autorités israéliennes, et avec l'ensemble des pays qui sont dans notre situation, à coordonner une position commune. Mais nous faisons confiance là aussi à l’information et à cette bonne coopération avec Israël. Mais je veux redire ici combien le chantage qui a été ici revendiqué par le Hamas, après ces actes terroristes, est odieux et inacceptable. Aujourd'hui, Israël assure sa défense au moment même où Israël est encore touché par des frappes. Et donc, comme nous l'avons dit, nous soutenons ces opérations de défense et nous condamnons avec la plus grande fermeté tous les actes terroristes qui se sont produits et continuent de se produire. Les prochains jours, je l'espère, permettront de mettre fin à toute attaque contre le territoire d'Israël, à la libération des otages et la clarification de la situation. Il ne m'appartient pas aujourd'hui de commenter ou de faire de la politique fiction. Le droit d'Israël à se défendre est un droit, compte tenu en particulier de ce qu'ils ont subi. Notre souhait est ensuite que nous puissions tous ensemble œuvrer à une paix durable dans la région, laquelle supposera aussi des éléments politiques de la réponse et une approche plus complète et d'ensemble. Mais les choses viendront dans leur temps.
Enfin, pour ce qui est de l'Iran, nous condamnons d'abord avec beaucoup de clarté tous les pays qui se sont félicités des horreurs perpétrées par le Hamas, ce qui est le cas de l'Iran et nous sommes en train de consolider avec nos partenaires les informations. Je n'ai pas de commentaires à faire sur l'implication directe de l'Iran, dont nous n'avons pas la trace de manière formelle, mais il est clair qu'à la fois les propos publics tenus par les autorités iraniennes sont inacceptables et ne correspondent ni à nos valeurs ni à nos intérêts, et qu'ensuite, il est vraisemblable qu'il y ait eu des aides apportées au Hamas et des coopérations, mais je resterai prudent sur ce point tant que nous n'avons pas stabilisé des éléments de renseignements totalement sûrs.
Journaliste
Monsieur le Chancelier, après les élections en Bavière et en Hesse, est-ce qu’il y a donc un clivage vers la droite en Allemagne. Et est-ce que cela peut être expliqué par la politique en matière d'immigration ? Allez-vous changer de cap en la matière qui va au-delà d'une réforme du système européen en matière d’asile ?
Et Monsieur le Président, lorsque vous regardez vers l’Allemagne, craignez-vous donc cette tendance vers la droite, en Allemagne, en Europe aussi, par rapport à votre pays ? Pensez-vous que c'est une conséquence de la politique migratoire ? Et attendez-vous que l'Europe fasse davantage pour endiguer la migration ?
Emmanuel MACRON
Par rapport à votre question, d'abord, je me garderai bien de commenter la vie politique y compris de voisins et d'amis. C'est une discipline. Ensuite, partout où les nationalismes montent, c'est une réponse inefficace au problème migratoire qui est apportée car ce que notre Europe est encore en train de vivre le montre, le seul moyen d'apporter une réponse efficace au problème des migrations illégales, qui est ce sur quoi nous voulons travailler, c'est une coopération européenne renforcée, c'est-à-dire une Europe qui, de manière coordonnée, ensemble, prévient les arrivées sur son sol en travaillant avec les pays d'origine et les pays de transit, une Europe qui protège ensemble ses frontières communes et une Europe, en effet, qui accroît le système de responsabilité et de solidarité en son sein pour les demandeurs d'asile et qui gagne en efficacité pour le retour vers le pays d'origine. La bonne réponse est européenne. Ce que nous avons vécu ces dernières semaines à Lampedusa l'a encore montré. Je crois que ce à quoi aspirent partout en Europe nos compatriotes n'est pas de lutter contre les migrations, je dirais, tous azimuts parce que beaucoup d'entre eux sont issus de migrations, parce que nous voulons continuer à avoir des étudiants, des chercheurs, des artistes, des entrepreneurs, c'est-à-dire une migration que nous avons choisie qui suit des mouvements légaux. Mais nous voulons lutter beaucoup plus efficacement contre les groupes qui organisent ces migrations illégales, qui utilisent aujourd'hui les faiblesses de nos propres organisations ou les lenteurs de nos propres systèmes. C'est exactement cela, ce à quoi nous devons nous attaquer. Cela suppose une très grande coordination européenne. A cet égard le texte passé il y a quelques jours est une avancée notable au niveau européen entre nos ministres et il nous faut renforcer notre action commune à l'égard des pays tiers d'origine et de transit.
Journaliste
Le Goethe-Institut a annoncé une vaste restructuration de son réseau il y a quelques jours. La France va en payer le prix cher avec la fermeture de trois des cinq instituts Goethe qui sont présents sur le territoire français. Monsieur le chancelier, le réseau des 240 associations franco-allemandes ainsi que plusieurs grands intellectuels et artistes vous demandent d’intervenir pour empêcher ces fermetures qui paraissent incompréhensibles à l’heure où la France et l’Allemagne veulent promouvoir l’apprentissage de la langue de l’autre, comme c’est écrit notamment dans le traité d’Aix-la-Chapelle. Que leur répondez-vous ? Et Monsieur le président, regrettez-vous ou non cette décision, et n’est-elle pas le symptôme supplémentaire d’une relation franco-allemande qui, au-delà des belles images et des belles paroles, comme celles qu’on voit aujourd’hui, est en train peu à peu de se distendre, voire de ressembler de plus en plus à une forme de mésentente cordiale ?
Emmanuel MACRON
Je souhaite que nos ministres et notre structure puissent inventer les voies et moyens de compenser les effets, s'ils étaient confirmés, d'une telle mesure. Mais je ne crois pas que je parlerais de mésentente cordiale pour ce qui est de notre relation, au contraire. Par contre, le défi qui est celui de notre génération, c'est qu'il nous faut réinventer la relation, c'est-à-dire qu’elle ne doit jamais être considérée comme donnée statique. Les générations qui nous ont précédés ont toutes connu des crises. Si nous faisions la revue de la relation franco-allemande, je peux à peu près reprendre les mêmes formules que vous avez aujourd'hui sur absolument tous les tandems qu'il y a pu avoir, tous. Cela veut dire que ça n'est jamais naturel parce que nous ne sommes pas les mêmes, et c'est tant mieux. C'est ce qui fait notre force, c'est le cœur même de la vitalité européenne. Mais nous ne devons jamais rester assis et nous habituer à ce qui a déjà été fait.
Il nous faut réinventer toujours des voies de coopération, des manières de mieux nous comprendre, de mieux nous connaître et de faire avancer les choses. Il y a une chose dont je suis sûr, c'est que notre moteur doit être l'Europe en même temps que nous sommes le moteur de celle-ci. C'est-à-dire que l'Allemagne et la France, et avec elles leurs sociétés civiles, leurs responsables politiques et économiques, ne doivent jamais oublier que nous sommes toujours dépositaires aussi de quelque chose de plus grand que nous. Si la France et l'Allemagne ne savent pas s'entendre, l'Europe est bloquée. Ça ne veut pas dire que quand nous savons nous entendre, tout est réglé, mais un pas énorme a été franchi. D'ailleurs, regardez, dès qu'on n'est pas d'accord sur quelque chose, tous nos voisins se réveillent en disant : « on aimerait bien avancer, mais l'Allemagne et la France ne sont pas d'accord sur tel ou tel sujet ». Donc, nous avons le devoir, je dirais moral, politique, historique, de bâtir des voies communes pour avancer pour nos deux pays et pour notre Europe.
Ensuite, je pense que ce que nous sommes en train de réinventer, ce sont aussi des formes de coopération nouvelles. Vous parliez de notre jeunesse, il y a évidemment l'apprentissage de la langue de part et d'autre, mais il y a aussi une capacité à réinventer des chemins par lesquels nous entretenons la fascination réciproque. Et en effet, on ne réussirait pas cette aventure si on avait des jeunesses de part et d'autre du Rhin qui, toutes ensemble, regardaient soit vers le Grand Est et l'Asie avec ses promesses, soit de l'autre côté de l'océan et vers un rêve américain, en se disant finalement, l'autre côté du Rhin, soit c'est trop classique ou trop naturel, soit ça n'a plus d'attraction pour moi. Il faut donc qu'on réapprenne à nos jeunesses à se faire rêver mutuellement. C'est un défi qui ne passe pas que par les sommets, les décrets, les textes, mais par l'intimité de nos sociétés civiles, par nos artistes, nos intellectuels, nos académiques, nos coopérations aussi très concrètes comme celles que nous menons. Mais croyez bien qu'en tout cas, à mes yeux, il est au sommet des priorités parce que je pense que dans ce monde en désordre par lequel je commençais mes propos, une Europe plus forte et plus unie est indispensable et pour cela, une Allemagne et une France plus proches sont une condition nécessaire.
Journaliste
J'ai une question que j'aimerais vous poser, à tous les deux. Justement, le sujet dont vous venez de parler, il faut que la France et l’Allemagne coopèrent, sinon l'Europe ne va pas avancer. Donc, vous avez parlé de l'énergie, mais là, il y a des contradictions. Il s'agit de l'utilisation de l'énergie nucléaire, il s'agit aussi d'un prix pour l'électricité de l'industrie. Il ne s'agit pas tout simplement de la compétitivité par rapport à la Chine, par rapport aux États-Unis. Il s'agit aussi de la compétitivité entre vos deux pays. Est-ce que c'est dangereux dans la relation européenne, dans la relation bilatérale ? Et quel est l'état des lieux ?
Et en concertation avec mes collègues, encore une question par rapport à Israël. Est-ce que vous êtes tous les deux en faveur pour que l'Union européenne continue ses aides pour le territoire palestinien ? Apparemment, il y a différentes approches dans vos deux pays. Et est-ce que vous pensez qu’il faut que la justice intervienne aussi contre le Hamas et d'autres organisations de palestiniens ? Merci.
Emmanuel MACRON
Pour ce qui est de votre première question, notre défi, c'est de réussir à décarboner nos économies tout en restant compétitif et en créant suffisamment d'emplois industriels pour notre population. L’objectif est simple. La priorité, c'est d'avoir dans ce contexte-là une Europe qui a une stratégie cohérente et compétitive pour les années qui viennent face à des États-Unis d'Amérique qui sont moins dépendants d'un point de vue énergétique que nous et ont des prix qui sont plus faibles que les nôtres, en tout cas pour les 5-10 ans qui viennent à coup sûr, ce qui est un problème de compétitivité.
Donc, la stratégie européenne et la stratégie franco-allemande, à mes yeux, doit être concentrée sur des choses très simples : continuer la décarbonation de notre production d'électricité. 1) sortir du charbon. 2) sortir du gaz. On sait ensuite qu'on a trois façons de faire à horizon 2050 : économie d'énergie et efficacité, énergies renouvelables et nucléaire. Tous les scientifiques, quelle que soit leur nationalité, le disent, si vous enlevez une de ces trois options, ça ne marche pas, c'est trop coûteux ou impossible. A cet égard, la complémentarité franco-allemande est complète, même si nos modèles nationaux sont très différents. Je pense que ce serait une erreur historique que de nous perdre dans des divisions picrocholines à court terme parce qu'on préférerait ou le renouvelable ou le nucléaire.
Ce que nous avons discuté avec le Chancelier va bien dans ce sens : priorité à la production la moins chère possible d’électricité décarbonée. Et à mes yeux, ensuite, ce que nous devons bâtir, c'est au fond un marché de la libre circulation des électrons bas-carbone. On doit produire au maximum des électrons bas-carbone sur notre continent et leur permettre de circuler librement pour consommer, produire, etc., c'est ça notre stratégie. Ensuite, on a des modèles différents, c'est une chance parce qu'ils peuvent être complémentaires. Nous devons finaliser les discussions pour clarifier le cadre et lever tous les doutes qu'il peut y avoir parce que nous avons la même volonté ; hors électro-intensifs, on ne veut pas de modèle qui soit un modèle subventionné. On veut un modèle qui correspond aux coûts de production.
Ensuite, on va pouvoir avancer pour renforcer aussi les interconnexions européennes. Donc, je pense que sur ce sujet, il faut toujours se remettre dans le bon cadre et les priorités. Les priorités, c'est surtout de garder notre compétitivité, et notre capacité à décarboner nos économies face au reste du monde. Et à ce titre, l'accord franco-allemand me semble tout à fait à portée de main compte tenu des discussions que nous avons eues ensemble et qu’ont eues nos équipes. Pour moi, les tout prochains jours et prochaines semaines nous permettront de finaliser un accord solide pour nous-mêmes et pour notre Europe.
Pour ce qui est de l'aide apportée à la population palestinienne., nous ne sommes pas en faveur de la suspension de l'aide qui bénéficie directement aux populations palestiniennes. Nous-mêmes avons mis en place des procédures pour nous assurer que cette aide ne permet pas de financer le Hamas. La France apporte une aide aux Palestiniens qui s'élevait en 2022 à 95 millions d'euros. Cette aide est concentrée sur le soutien aux populations dans les domaines de l'eau, de la santé, de la sécurité alimentaire et de l'éducation. Elle est versée notamment par le biais des Nations unies. Elle bénéficie directement à la population palestinienne à Jérusalem-est, en Cisjordanie, à Gaza, dans les camps situés dans les pays voisins et elle est pleinement conforme aux engagements de la France. Je suis tout à fait en faveur par ailleurs, pour qu'il y ait une procédure de revue de toutes les aides européennes qui soient apportées, mais je ne suis pas en faveur pour qu'il y ait une suspension, surtout quand cette revue et les procédures de vérification ont été effectuées, ce qui fut le cas pour notre aide. Je pense que c'est important car nous devons lutter de manière intraitable contre le terrorisme et le terrorisme du Hamas, mais nous ne devons pas confondre la lutte contre le terrorisme avec le droit humanitaire le plus élémentaire, le soutien aux populations civiles, le risque étant sinon qu'un soutien populaire, en quelque sorte aux actions terroristes et aux plus extrêmes, ne s'installe dans la région.
À consulter également
Voir tous les articles et dossiers-
27 août 2024 Entretien avec Simon Harris, Premier ministre d’Irlande.
-
6 septembre 2024 Entretien avec Olaf Scholz, Chancelier de la République fédérale d’Allemagne.
-
6 septembre 2024 Rencontres Franco-Allemandes d’Evian.
-
2 octobre 2024 Entretien avec Olaf Scholz, Chancelier de la République fédérale d’Allemagne.