Chez ses confrères du barreau, il avait pris les plus grands pour modèle, s’évertuait à former les meilleurs : il était devenu l’ami et la référence de tous. Hervé Temime n’était pas un avocat comme les autres, et pourtant, par son intégrité, son brio et son dévouement à la profession, il avait fini par incarner le métier même. Sa disparition soudaine laisse un vide à proportion de son talent, considérable.

Hervé Temime était né le 26 juin 1957 à Alger dans une famille aux racines séfarades. Rapatrié à Sceaux, après l’indépendance de l’Algérie, grandissant à Versailles, Hervé Temime perdit son père médecin lorsqu’il avait dix ans. Il fut alors élevé par sa mère et sa grand-mère, dans « l’amour et l’humour ». De là, sans doute, lui venait une inaltérable confiance dans ses capacités, encore prolongées par une force unique de travail. Ecoutant les plaidoiries d’Emile Pollak et de Robert Badinter, il se décida à embrasser la carrière d’avocat, et d’avocat de la défense en particulier. Sa conception du métier, faite pour se tenir aux côtés des inculpés, le faisait ainsi préférer le box des prévenus et soutenir l’innocence « face au vent ». 

C’est qu’Hervé Temime voyait des principes derrière des numéros de dossier : ceux, humanistes, portés avec fougue par les ténors de sa jeunesse qu’il rejoignit bientôt aux marches des palais. Cette vision de son office s’éprouva très vite : inscrit à 21 ans au barreau de Versailles, commis d’office, plaidant aux assises, il grandit professionnellement aux côtés des grands avocats de l’époque. Ses héros s’appelaient Georges Kiejman, Thierry Lévy, Jean-Louis Pelletier, Henri Leclerc ; ses compagnons de procès avaient pour nom Pierre Haïk, Jacqueline Laffont ou Jean-Yves Liénard. Avec une intransigeance absolue, Hervé Temime s’éleva peu à peu à leur considération. Ses analyses, presque mathématiques, des méandres d’une procédure, sa gourmandise face aux cas les plus inextricables et les plus âpres, une intelligence vite reconnue comme sans pareille, lui assurèrent une carrière brillante et même fulgurante. Avec ses confrères, il donna ses lettres de noblesse à la figure de l’avocat pénaliste, fondant et présidant leur association, et passant d’affaires retentissantes en dossiers pro bono. Il plaidait et il plaisait, convaincant par sa logique, séduisant par son charisme. Associé pendant six ans d’un confrère et ami, Thierry Herzog, Hervé Temime ouvrit en 2008 un cabinet à son nom, devenu l’un des plus prestigieux de Paris. Y passèrent et y collaborent encore une génération d’avocats qui y ont appris le goût du défi et l’intolérance à l’imperfection.

Paradoxal, Hervé Temime était un travailleur épicurien, un esprit libre qui aimait avancer en bande. Il était aussi un homme épris du courage de la nuance, adversaire de tout manichéisme et tenant de la protection de nos droits fondamentaux. Il œuvra ainsi, aux côtés du garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, pour renforcer la protection du secret professionnel des avocats, qu’il chérissait, dans le cadre de la loi pour la confiance de l’institution judiciaire du 22 décembre 2021.

Le Président de la République et son épouse saluent la figure d’un grand avocat, qui avait « la défense dans la peau », selon le titre de son premier livre, et nos libertés publiques au cœur. Ils adressent leurs condoléances émues à sa mère, à sa femme Sophie, à son fils, à ses proches, à son équipe, à ses consœurs et confrères et tous ceux qui l’estimaient.

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