Le Président de la République a présidé le vendredi 31 mars la cérémonie d’Hommage national rendu au Maréchal des logis-chef Arnaud Blanc.

Sur la base GIGN de Versailles-Satory, le Chef de l'État a salué la mémoire du sous-officier de gendarmerie de l’antenne GIGN de Cayenne, décédé le 25 mars lors d’une mission conjointe avec nos forces armées à Maripasoula.

Il a ensuite remis au major Arnaud Blanc, les insignes de chevalier de la Légion d'Honneur :


Le Président Emmanuel Macron a également eu une pensée pour les soldats, les forces de l'ordre et les sapeurs-pompiers tombés en mission au service de la paix, de la liberté et de la sécurité. 

Revoir la cérémonie d’Hommage national : 

31 mars 2023 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président de la République.

Monsieur le président du Sénat,
Madame la présidente de l’Assemblée nationale,
Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires, 
Madame la présidente du Conseil régional, 
Monsieur le grand chancelier, 
Monsieur le chef d’État-Major des Armées, 
Monsieur le directeur général de la gendarmerie nationale, 
Monsieur le préfet, 
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités,
Chère famille, chère Delphine, cher Ryan, chère Eva, vous, les frères d’arme du Maréchal des logis-chef Arnaud BLANC. 
Vous, sa famille, sa compagne, ses enfants, 

Les derniers jours que nous venons de vivre sont de ceux qu’on ne peut pas oublier, de ceux qui gravent leurs dates dans nos cœurs en lettres définitives. 

La mission contre l'orpaillage illégal du 22 mars 2023, pourtant, ressemblait à toutes les autres, avec les risques et les difficultés qui sont le quotidien depuis quinze ans de la soixantaine de gendarmes et des centaines de militaires des forces armées de l'opération Harpie. 

Il y a neuf jours, mercredi, dix d'entre eux furent déposés par hélicoptère au milieu de la jungle guyanaise. Leur but : démanteler un de ces camps d'orpaillage illégal où l'on ne trafique pas seulement l'or, mais la drogue, les médicaments, les armes et même les humains. 
Des femmes prostituées, des enfants asservis, des migrants clandestins dont on exploite le malheur par la menace et le chantage, du mercure déversé dans nos fleuves pillés et souillés, une forêt saccagée et des populations contaminées.

Pour y parvenir, il faut approcher les garimpeiros par surprise et franchir des kilomètres dans la moiteur de la jungle, chargés, armés à l'écart des sentiers. Après deux jours de marche, le vendredi soir, nos hommes établissent leur dernier campement à un kilomètre du village visé. Ils ont prévu de se relever à une heure du matin et de franchir en silence le dernier kilomètre, aux jumelles de vision nocturne, pour que l'effet de surprise soit total.

À l'aube, ils abordent les habitations. Arnaud BLANC est en tête, lui qui vient d'être promu chef de groupe trois semaines plus tôt. Deux par deux, ils sécurisent sans encombre le premier baraquement. Dans le deuxième, il ne semble y avoir qu'une femme endormie dans un hamac. 

Mais soudain, les détonations éclatent. Deux orpailleurs dissimulés viennent d'ouvrir le feu. Arnaud BLANC riposte jusqu'à la dernière balle de son chargeur. Et dans l'échange de tirs, il est frappé par deux fois et s'écroule. Ses camarades accourent, l'évacuent, le secourent. C'est déjà trop tard. Il est 5h20. 

Et c'est avec le deuil au cœur que la nation s'incline devant cette vie magnifique qui s'est interrompue sur la glaise au bout de 35 années, alors que l’aube pâlissait à peine le ciel de Guyane. 

Ses camarades sont là pour le porter et le raconter, décrire ses qualités de gendarme et d’âme, son perfectionnisme, sa profondeur, sa gaieté, cet alliage unique de sérieux et d'humour. Cette manière de braver le danger : la pudeur du courage. Cette irrévérence taquine : la modestie du respect profond et de la loyauté absolue.

Celui qu'on surnommait Blanca avait bien l'âme d'un soldat de la France, souriant et libre, comme sur son dernier cliché, comme toujours. Un sourire comme choix, un étendard, un refus de la plainte, un sourire comme legs. Oui, en l'accompagnant en ce jour, c'est ce viatique que nous reconnaissons. Il nous lègue son amour pour la France, pour la Guyane, région hors normes qu'il avait appris à découvrir, à aimer, et qu'il avait choisie à son tour en demandant à y rester une cinquième année. 

De la Charente à la Provence, des Dombes à la Dordogne, il avait servi à Istres, puis à Trévoux en brigade de proximité. Il avait quadrillé une partie de la Savoie en peloton de surveillance et d'intervention. Il avait formé ses camarades à Rochefort et à Saint-Astier, puis il avait réussi l'éprouvante sélection du GIGN et était nommé à Cayenne pour se dépasser encore. 
Tireur d'élite devenu conducteur de véhicules blindés, secouriste confirmé, expert en pirogue, il nous lègue aussi son engagement pour la nation, sa volonté de la défendre. 

Il avait compris que la noblesse de son uniforme était de pouvoir protéger chacun, en rempart du droit, en soldat de la loi, jusqu'au bout.

Oui, nous avons désormais une dette d'engagement envers lui, pour reprendre ce à quoi il avait dédié sa vie : servir et protéger. Cet engagement que nous devrons poursuivre à sa place, c'est aussi celui de soutenir sa compagne Delphine, tant aimée, et ses enfants, si jeunes, puisqu'il n'est plus là pour le faire. Ryan et Eva seront pupilles de la nation, enfants de la République. 

Car la République n’oublie pas. En cette heure, nous pensons aux morts de l’opération Harpie, qui depuis quinze ans sécurisent sans trêve la Guyane. 
Nous pensons au sapeur Brice CARON, de la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris, mort avant-hier à Kourou dans l’embardée de son véhicule. Mes pensées vont à sa famille, à ses proches et à ses frères d’armes blessés, à son unité.

Nous pensons à nos membres des forces de l’ordre, à nos soldats tombés en service, en mission de cohésion, de protection, de défense. Le prix incommensurable de l’existence qu’ils ont offert nous rappelle la valeur de ce à quoi ils l’ont donné et l’attachement que nous devons avoir à faire vivre, à leur suite, la promesse républicaine partout sur notre sol. 

Major Arnaud Blanc, en partant vers la mission qui allait vous être fatale, vous avez écrit un message à vos camarades restés à Cayenne. Vous aviez gardé en tête que la section 1, votre section, était rentrée les mains vides de son expédition précédente, sans avoir saisi quelque matériel. Aussi, aviez-vous lancé dans l'hélicoptère qui décollait “Je pars sauver l'honneur de la section 1.” 

Mais ce samedi-là, 25 mars 2023, Blanca, vous êtes tombé en défendant l'honneur de la France.
Et c'est en son nom, en ce jour, que je vous remets les insignes de chevalier de la Légion d'Honneur. 

Vive la République, vive la France ! 

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