En cette journée qui marque l’anniversaire des 40 ans de la disparition de Pierre Mendès France, le Président de la République salue la mémoire d’une figure majeure de notre histoire.  

Homme de devoir, Pierre Mendès France ne manqua pas, en 1939, à l’appel du drapeau. Si Vichy le fit arrêter et condamner, ce n’était pas pour sa prétendue désertion face à l’ennemi, mais parce qu’il était Juif et Franc-maçon. Parce qu’il était profondément républicain. Parce qu’il était incorruptible. Lors d’un procès inique, Mendès défendit courageusement son honneur et son bon droit. Et après son évasion, il repartit au combat. Mendès avait la France dans son nom et la République dans la peau. 

Homme de vérité, ce fut sa boussole pour gouverner la France. Le 17 juin 1954, à la tribune de l’Assemblée, enfin Président du Conseil, il proposa un contrat à la représentation nationale : la paix en Indochine, en un mois, ou sa démission. Il parvint, dans ce délai, à un accord mettant fin à la guerre, par son sens du dialogue entre les blocs. Il débarqua ensuite avec audace en Tunisie pour frayer une voie vers l’autonomie. Puis, il demanda des pouvoirs spéciaux pour opérer le redressement économique de notre pays, contre la rente et les corporatismes. Mais, le combattant de la France libre qui plaidait pour la réconciliation avec l’Allemagne échoua à porter le projet d’une communauté européenne de défense. Chaque fois, il exposa aux Français ses choix à la radio, avec franchise et détermination. Si, selon ses mots, « gouverner, c’est choisir », il savait aussi que gouverner, c’est dire. 

Homme de confiance, Mendès enjoignait chacun, lors de son procès, de ne « pas désespérer de la France ». Cet homme en apparence pressé – plus jeune avocat, plus jeune député, plus jeune ministre – travaillait pour le temps long et les prochaines générations. Engagé à vingt ans au Parti radical et au Grand Orient, devenu ministre de Blum en 1936, il croyait au progrès, fondé sur le travail et l’expansion. Celui qu’on a décrit comme un Cassandre était plutôt un lucide résolu, qui ne se payait jamais de mots.

Devoir, vérité, confiance, nul moment ne résuma mieux ce triptyque que l’attitude de Mendès France face à la guerre d’Algérie. Il refusa d’appeler à la désertion les soldats qui combattaient là-bas. Il reconnut la vérité sur la torture et démissionna du gouvernement Mollet. Il garda cependant confiance dans le dialogue et la raison. A chaque fois, Mendès agit en conscience.

C’est l’autorité de cette conscience qui lui valut très vite l’admiration de toute une génération d’intellectuels et de hauts-fonctionnaires. C’est le poids de cette conscience qui, en mai 1958, l’incita à dire « non » à de Gaulle, et, en mai 1968, le poussa à accompagner le mouvement d’une jeunesse en quête de renouveau. Il chemina ensuite avec la gauche socialiste et démocratique en reconstruction, passant de Louviers à Grenoble, jusqu’à la victoire de François Mitterrand en 1981. A la fin de sa vie, cette conscience l’exhortait à œuvrer pour dessiner un chemin de paix au Moyen-Orient. Le cadet brillant de la troisième République, le conquérant rigoureux de la quatrième, était devenu le sage admiré de la cinquième. 

Mendès France n’a passé que sept mois à la tête du gouvernement, mais il n’a pas quitté depuis quarante ans la mémoire de notre nation. « Redonner chaque jour à chacun le courage de se battre et le gout du bonheur » : sa vérité n’a rien perdu de sa force. 

Les leçons de Mendès France sont toujours vivantes. Face à la haine, à l’antisémitisme et au racisme, ne rien céder des valeurs forgées en 1789. Face à l’adversité, demeurer une nation unie par un contrat de vérité. Face à un monde tenaillé par les conflits, dresser une France indépendante, puissance d’équilibre dans une Europe souveraine, et qui a toujours un idéal universel à formuler pour le monde. 

Cette conscience, qui le conduisait à se juger sans faiblesse, à agir avec courage, à convaincre sans jamais se lasser, est un legs qui nous accompagne encore. 
 

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