Suite à la tragique explosion qui a frappé Beyrouth au cœur, le 4 août, le Président de la République s’est rendu le jeudi 6 août au Liban à la rencontre du peuple libanais, de la société civile, des autorités et forces politiques libanaises. Dans ces moments, il n'y a qu'une évidence : être présent et aider. C’est ce que nous avons fait dès les premières heures. La Fraternité, la Solidarité, sont au cœur de notre Nation.

Retrouvez la conférence de presse du Président Emmanuel Macron depuis Beyrouth :

6 août 2020 - Seul le prononcé fait foi

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CONFÉRENCE DE PRESSE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DEPUIS BEYROUTH

Bien, monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs les parlementaires, Monsieur l'ambassadeur, Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs, Amiral, Mesdames, Messieurs, voilà, je souhaitais, cette fin de journée avant de repartir, peut-être récapituler ce déplacement aujourd'hui à Beyrouth avec vous et à vos côtés après avoir vu et entendu, écouté, aujourd'hui les regards et les voix de nos frères libanais en ce jour d'après le 4 août 2020.

Vous dire combien je ressens une infinie tristesse, une profonde solidarité et partage la saine colère que nous avons vue s'exprimer aujourd'hui. 

L'objet de ce déplacement, que nous avons effectué ce jour était d'abord et avant tout celui d'un soutien au peuple libanais, à un Liban libre, fier et souverain. Et dire que dans ces moments-là, il n'y a qu'une évidence être présent et aider. C’est que nous avons fait dès les premières heures et je vais y revenir et c'est ce pourquoi nous devions être là aujourd'hui. Cette solidarité, cette fraternité, c'est celle de tout le peuple français, à l'endroit du peuple libanais. Nous vous accompagnerons sur ce chemin. Aujourd'hui demain, nous serons là et la France ne lâchera jamais le Liban. Elle n'abandonnera jamais les Libanaises et les Libanais, jamais. 

Nos destins sont noués indéfectiblement par les liens du temps, de l'esprit, de l'âme, de la culture, des rêves. Et en ce jour de deuil à Beyrouth, 1 000 fois morte, 1 000 fois revécue, la France entière dit aujourd'hui qu'elle est à ses côtés et que lorsque le Liban est frappé au cœur comme il l'est aujourd'hui, c'est aussi le cœur de la France qui est frappé. Et je veux adresser ici toutes mes condoléances aux familles qui ont été touchées. Il y a une cinquantaine de Françaises et de Français qui ont été touchés au moins. Il est trop tôt pour donner des chiffres ou des précisions. Il y a des milliers et dizaines de milliers de Libanais et de Libanais qui ont été touchés, qui ont des victimes dans leurs familles, des disparus, des blessés. Et je veux leur adresser à toutes et tous la solidarité de la France et mes condoléances. 

L'urgence, c'est d'abord et avant tout, l'aide. Face à l'urgence absolue, tous les moyens de la France sont d'ores et déjà entrés en action : 3 avions, 2 avions militaires et 1 avion grâce au soutien du groupe CMA-CGM et je l'en remercie, ont pu arriver hier après-midi avec à leur bord un détachement de la Sécurité civile, des personnels urgentistes qui ont été ainsi acheminés, un poste sanitaire mobile permettant la prise en charge de 500 blessés. Toutes ces personnes sont à pied d'œuvre. Nous les avons vus ce matin sur le site du Port. Et au-delà, je veux vous dire que les soutiens affluent de la part de la population française qui se mobilise dans son ensemble, des collectivités territoriales, beaucoup de villes, de départements, de régions se sont aussi mobilisées et un élan fraternel est là et toutes les binationaux, comme la communauté sont pleinement mobilisés pour aider à cette aide. Dans quelques heures, un nouveau avions ravitailleurs MRTT atterrira sur le sol libanais avec des équipes de soutien, de secours et des enquêteurs pour aider à avancer justement, dans les investigations, les recherches, recherches à la fois de corps et d'investigation pour tirer au clair cette enquête et j'y reviendrai. Jeudi prochain, le BPC Le tonnerre arrivera au Liban. En effet, ce porte hélicoptères amphibies partira de France pour retrouver le Liban et y apporter des médicaments, des équipes d'urgence, des soignants, des capacités aussi de soins pour répondre à l'urgence des blessés. 

Cette solidarité, nous allons la poursuivre afin d'aider toutes celles et ceux qui, sur le terrain, agissent comme nous l'avons vu ce matin, au port comme dans les différents quartiers. C'est un besoin de soignants, de médicaments, de nourriture, de matériaux aussi pour reconstruire le plus rapidement possible les habitations des 300 000 au moins Libanaises et Libanais qui aujourd'hui, n'ont plus de toit ou de maison en état. Et là aussi, nous sommes pleinement mobilisés. Je veux remercier les entreprises françaises qui ont déjà fait savoir qu'elles étaient prêtes à offrir qui du blé, qui des verres de construction, remercier celles qui ont d'ores et déjà dit qu'elles aideraient à acheminer. Cette mobilisation va se poursuivre et nous allons l'organiser. Nous serons là dans la durée, aux côtés de toutes celles et ceux qui sauvent, aident, guérissent, reconstruisent. 

La France sera aussi là pour organiser l'aide internationale aux côtés de l'Union européenne, des Nations unies et avec le soutien de la Banque mondiale. Dans les tout prochains jours, nous organiserons, et le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères a commencé à prendre les premiers contacts et à mobiliser ses équipes, nous organiserons une conférence internationale de soutien et d'appui à Beyrouth et à la population libanaise avec pour objectif de mobiliser les financements internationaux des Européens, des Américains, de tous les pays de la région et au-delà afin de fournir des médicaments et des soins, la nourriture, le nécessaire pour les logements. Nous mettrons aussi en place une gouvernance claire et transparente pour que l'ensemble de cette aide, qu'il s'agisse de l'aide française comme de l'aide internationale, soit directement acheminée aux populations, aux organisations non-gouvernementales, aux équipes sur le terrain qui en ont besoin sans que aucune opacité, aucun détournement ne soit possible. Les Nations unies et la Banque mondiale joueront un rôle essentiel en la matière pour définir clairement les besoins et permettre à la communauté internationale comme au peuple libanais, d'avoir la pleine transparence sur l'acheminement de l'ensemble de cette aide. 

Il y aura un avant et un après 04 août 2020 parce que cette effroyable détonation a sonné comme un coup de tonnerre sur la pente du désespoir. Et si le Liban se réveille aujourd'hui meurtri et épuisé, je sais qu'il se relèvera avec tout ce qui fait sa force et a fait sa force dans son histoire et qu'il a les capacités d'un rebond. Il y a dans la détonation du 4 août, quelque chose comme la métaphore de la crise contemporaine du Liban, comme le résultat de ce à quoi peut conduire quelque chose dont on ne s'occupe pas, un endroit dont on ne s'occupe plus. Et il y avait ce matin, dans la colère de la jeunesse et de la rue, pour moi aussi, les ingrédients d'un formidable espoir. Je veux ici dire à toutes les Libanaises et tous les Libanais, et en particulier aux plus jeunes, que nous serons à leurs côtés au-delà de cette aide d'urgence que je viens d'évoquer et de ce soutien. Nous serons à leurs côtés, d'abord pour éduquer. Le ministre était là il y a quelques semaines et a évoqué d'abord les 15 millions d'euros mobilisés pour les écoles francophones et la mise en place de ce fonds pour les écoles d'Orient, fonds de 2 millions qui permettra d'aller plus loin grâce aux collectivités territoriales et aux partenaires privés. D'ici au 1er septembre, nous irons plus loin pour soutenir les écoles ici, les universités et permettre d'apporter la réponse financière pour la jeunesse libanaise. Je souhaite aussi qu'on puisse, en partenariat avec l'ensemble des donateurs privés, aider les jeunes qui ont besoin d'aller faire leurs études à l'étranger à pouvoir les faire par des systèmes de bourses. Certaines existent déjà, nous devons aller beaucoup plus loin. On ne doit pas, dans cette période, oublier, et en rien, la force de l'éducation du savoir. Et donc, nous serons aux côtés des écoles, des universités et de la jeunesse pour qu'elles puissent continuer à apprendre, à apprendre pour aimer la liberté et l'exigence de la liberté qui va avec. Ensuite, c'est la culture et la liberté d'expression. 

Quand le monde s'assombrit, la tentation est grande d'oublier ce pour quoi on mène tous les combats. Savoir qu'il y a autre chose de possible, savoir qu'il y a quelque chose de plus grand que le quotidien est un absolu, le savoir, la vérité, l'expression de chacun. Il est important dans cette période que la liberté d’expression, la liberté du journalisme, la capacité à créer se poursuive au Liban. 

Il y a aussi la réponse économique. Nous avons, il y a plus de 2 ans, conduit les conférences à Paris pour que la réponse économique soit apportée. Les réformes d’un côté, dans le secteur de l’énergie, de l’électricité, de la commande publique, des douanes, de la lutte contre la corruption, les financements de l’autre. Nous nous sommes mobilisés. Les financements sont là. Ils attendent les réformes. L’agenda de Paris, les conférences CÈDRE, les réformes économiques et le soutien de la communauté internationale n’attendent que ce sursaut. Aussi, face à la colère et la défiance, l'espoir que je nourris et l'appel que j'ai pu faire ce matin au Président AOUN, au président du Parlement Nabih BERRI, au Premier ministre Hassan DIAB et à l'ensemble des représentants des forces politiques. 

C'est le temps des responsabilités pour le Liban aujourd'hui et ses dirigeants. Il faut rebâtir la confiance et l'espoir. Elle ne se décrète pas. Elle ne se reconquiert pas du jour au lendemain mais elle suppose une refondation d'un ordre politique nouveau où chacun, au-delà des divisions dans lesquelles il s'est réfugié, d'un confessionnalisme qui a été parfois capturé, d'un système qui a été lui aussi capturé par une corruption organisée, d'avoir la force de rebâtir une union nationale pour mener les réformes indispensables dont les Libanaises, les Libanais, ont besoin, de procéder aux opérations de transparence indispensables sur le système bancaire, la Banque centrale, de le faire dans un cadre international, de coopérer avec le Fonds monétaire international. Je me battrai pour que la solidarité internationale soit là, celle du FMI, de tous les grands pays mais je ne peux me substituer aux responsabilités d'un gouvernement souverainement élu, d'un Président souverainement élu. Leur responsabilité est immense. C'est celle d'une refondation, d'un nouveau pacte avec le peuple libanais dans les prochaines semaines. 

Ce changement profond, c'est celui qui est attendu. Les dirigeants, les forces politiques libanaises ont aujourd'hui une démonstration à faire, celle de leur capacité à y répondre. Je le dis avec à la fois beaucoup d'humilité et beaucoup d'exigence. L'humilité d'un président français qui n'a pas à dicter à des dirigeants libanais ce qu'ils doivent faire, l'exigence d'un ami qui se précipite quand les temps sont durs mais pas pour donner des chèques en blanc à des systèmes qui n'ont plus la confiance de leur peuple. Et donc cette humilité, cette exigence, c'est celle que je veux pour nous tous dans les prochaines semaines. Je serai là en soutien avec l'ensemble des dirigeants. J'ai été franc, direct, sincère aujourd'hui avec chacun d'entre eux et j'attends des autorités libanaises des réponses claires sur leur engagement, l'État de droit, la transparence, la liberté, la démocratie, les réformes indispensables. Je les crois capables. Je reviendrai le 1er septembre prochain, je reviendrai pour ne pas simplement consacrer l'histoire et le fait que ici même, dans cet endroit, dans cette résidence des Pins, il y a 100 ans jour pour jour, alors le 1er septembre, le Grand Liban naissait. Non ! Je reviendrai pour faire un point d'étape ensemble de cet indispensable sursaut parce que je pense qu'il n'y a pas d'autre voie pour le Liban contemporain. 

La France sait le poids de cette amitié, elle en a parfois payé le prix du sang. Dans quelques instants, je célébrera la mémoire des 58 militaires français tués lors des attentats du Drakkar. Nous savons le prix, le prix du sang, du terrorisme, la morsure mais nous savons aussi que nous pouvons relever tous les défis ensemble. Je sais que le peuple libanais est capable de relever ce défi. 

Voilà ce que j'étais venu aujourd'hui vous dire. Vous dire que n'oubliez jamais, quelles que soient les difficultés du quotidien, qu'il y a un peuple d'Europe, le peuple français, dont le cœur bat toujours un peu à la pulsation de Beyrouth parce qu'il sait qu'ici, il y a un peuple qui aime la liberté, l'unité et le respect de l'autre. Il y a un peuple qui dans une région où le pire est parfois devenu, où tout a cédé au terrorisme, à l'obscurantisme, nous savons qu'il y a un peuple qui aime la liberté, la culture, la civilisation, le respect de l'autre. Alors, à chaque fois que vous douterez, dites-vous que nous serons là. À chaque fois que je voudrais mener le combat, nous le mènerons à vos côtés et quand vous vous demanderez ce qu'on pense à Paris, retenez juste ces mots « behebbak ya Lubnan » (“Je t’aime Ô Liban”). Je vais répondre à vos questions.
 

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