« Il faut rire de la mort ! Surtout quand c’est les autres » clamait-il. Guy Bedos nous a quittés mais il rejoint Coluche, Desproges et Le Luron au panthéon des humoristes. Le pays perd l’un de ceux qui incarnait le mieux le rire français. Éternel rebelle, satiriste tendrement féroce, son humour était celui d’un humaniste engagé.
Son enfance fut illuminée par le soleil d’Alger mais assombrie par la violence de son foyer. A 16 ans, lorsqu’il arriva à Paris, il était en quête d’un antidote à ses tourments et c’est au théâtre qu’il alla le chercher, en s’inscrivant au cours de la rue blanche. Combattre la tristesse des jours par la gaité de jouer, l’amertume par la fantaisie, la réalité par le rêve, c’était presque le dernier espoir de ce désespéré. Il sera exaucé, et plus encore qu’escompté lorsqu’il rencontra de joyeux lurons comme Jean-Paul Belmondo et Jean-Pierre Marielle. C’est avec le premier qu’il monta d’abord sur le chariot de Thespis, en se lançant dans une tournée de bric et de broc où ils jouèrent sur des tréteaux de fortune et dans des costumes de misère. Il en était cette fois certain : cette vie de scène et de bohème était faite pour lui.
Mais c’est dans des sketches que son talent allait bientôt éclater. Après avoir brûlé les planches des cabarets, il triomphait à Bobino en première partie de Barbara et chauffait les salles de la tournée de Jacques Brel. Peu à peu, l’aspirant comédien de la rue blanche se transformait en premier clown de France.
Dans les années 60 et 70, il jouait en duo avec Sophie Daumier, sa compagne pendant près de quinze ans, des sketches qui sont devenus des classiques du répertoire du rire (Vacances à Marrakech, La Drague, Toutes des salopes).
L’humour de Guy Bedos prit progressivement un tour plus politique et des accents plus polémiques. Il inaugura dans ses spectacles ses fameuses « revues de presse » où, fiches en main, l’actualité lui servait de tremplin à blagues et à boutades. Guy Bedos devint alors l’un des grands maîtres du one-man-show français.
Humoriste engagé, il prêtait sa voix à toutes les grandes causes de la gauche, de l’antiracisme au droit des migrants, du droit au logement au droit de mourir dans la dignité. On se souvient aussi de son soutien fervent aux grèves de Solidarnosc aux côtés de Michel Foucault, Simone Signoret et Yves Montand. Son humour n’était pas étranger à ses engagements : il refusait de décocher ses flèches sur les faibles, choisissant ses cibles parmi ceux qui pouvaient se défendre, sinon se venger. Il raillait les religions et brocardait les personnalités politiques, surtout celles de droite il est vrai, et s’était institué procureur comique de tous les présidents, jusques et y compris de François Mitterrand qu’il connaissait et admirait. Il transformait ses colères en éclats de rire, les absurdités en traits d’esprit, et les platitudes du quotidien en saillies intemporelles.
Il ne quitta plus le haut de l’affiche, mais troqua parfois son costume d’humoriste pour revenir au théâtre ou faire des incursions au cinéma, dans des films de Marcel Carné, (Les Tricheurs), Claude Berri (Le Pistonné) ou Yves Robert, très mémorablement dans le diptyque Un Eléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au Paradis, où il interprétait l’inoubliable Simon Messina, médecin hypocondriaque étouffé par une mère infernale.
Son humour plein d’esprit et de verve, ses yeux d’une tendre espièglerie et ses intonations devenues familières manqueront à la scène française, aux Français, à la France. Le Président de la République et son épouse saluent le brio de l’artiste et les engagements de l’homme. Ils adressent à sa famille et à tous ceux qu’il faisait rire aux éclats ou aux larmes leurs sincères condoléances.
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