Il fut un des grands architectes du paysage audiovisuel français. Hervé Bourges, journaliste engagé, grand patron de radio et de télévision, s’est éteint dimanche. Toute sa vie, il aura ouvert à tous des fenêtres sur le monde et jeté des ponts entre la France et l’Afrique.
Pour s’imposer, Hervé Bourges dut toujours batailler en prenant la plume ou en donnant de la voix. Enfant, pour trouver sa place au sein de sa nombreuse fratrie. Adolescent, pour tourner le dos aux métiers de la robe ou des armes, vers lesquels l’inclinait la tradition familiale, et répondre à l’appel de la presse qui naissait en lui. Jeune journaliste, pour faire entendre ses positions en faveur de l’indépendance d’Algérie. Alors qu’il était sorti premier de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille et que les plus grands titres lui ouvraient leurs portes, il préféra diriger la rédaction d’un hebdomadaire plus modeste mais fermement engagé pour l’indépendance de l’Algérie, Témoignage chrétien. Ses liens de cœur avec ce pays se renforcèrent durant son service militaire en Algérie, puis lorsqu’il fut chargé du dossier des prisonniers algériens dans le cabinet du ministre de la justice Edmond Michelet, et qu’il devint l’ami de quelques dirigeants du FLN emprisonnés en France.
Parmi eux figurait Ahmed Ben Bella, qui devint en 1962 le premier président de la République algérienne et qui fit d’Hervé Bourges l’un de ses conseillers, chargé de missions de réconciliation intérieure dont il s’acquitta avec talent, avant que la houle politique ne l’oblige à quitter l’Algérie.
Désireux de faire lever en tous points du globe une nouvelle garde de journalistes qualifiés et exigeants, Hervé Bourges prit en 1970 la direction de l’école de journalisme de Yaoundé, puis celle de l’École supérieure de journalisme de Lille en 1976. Son chemin bifurqua ensuite vers l’audiovisuel, le menant successivement à la tête de Radio France Internationale, de TF1 et de Radio Monte Carlo. Ce fut sous sa présidence que les chaînes Antenne 2 et FR3 devinrent France 2 et France 3, formant le groupe France Télévisions. Lorsque François Mitterrand lui confia le rôle délicat de directeur du CSA en 1995, il eut à veiller à l’équilibre difficile entre instauration d’une éthique et imposition d’une censure.
Ce Français amoureux de l’Algérie au point d’en prendre la nationalité, de lui consacrer plusieurs années de sa vie et plusieurs ouvrages, n’en défendit pas moins la francophonie avec passion, en tant que président de l'Union internationale de la presse francophone tout comme dans son essai Pardon my french, apologie pleine d’humour d’une langue dont le destin est d’unir par-delà les frontières.
Cette sensibilité profonde à l’altérité et aux cultures dans leur pluralité faisait de lui un fin diplomate, capacités qu’il mobilisa plus que jamais lorsqu’il fut ambassadeur de France auprès de l’Unesco.
Sa vie toute entière fut ainsi donnée au dialogue et aux échanges, d’une rive à l’autre de la Méditerranée, d’un bord à l’autre des fractures sociales et des factions politiques. Car un homme des médias, à ses yeux, devait œuvrer comme médiateur, être à la fois un penseur et un passeur.
Le président de la République salue un journaliste engagé et une grande figure de l’audiovisuel français dont la haute idée de sa vocation a honoré les médias qu’il a servis. Il adresse à sa famille ainsi qu’à tous ses confrères et amis ses condoléances les plus sincères.
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